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23/02/2023 | FRANCE | N°20/04735

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 23 février 2023, 20/04735


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 23 FÉVRIER 2023



(n°2023/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04735 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEJP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/10223





APPELANT



Monsieur [A] [K]

[Adresse 1]

[Localité 7]

né le 17 Févrie

r 1982 à [Localité 9] ([Localité 9])



Représenté par Me Laure CAPORICCIO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1983



INTIMEES



Association AGS CGEA IDF OUEST UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF O...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 23 FÉVRIER 2023

(n°2023/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04735 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEJP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 15/10223

APPELANT

Monsieur [A] [K]

[Adresse 1]

[Localité 7]

né le 17 Février 1982 à [Localité 9] ([Localité 9])

Représenté par Me Laure CAPORICCIO, avocat au barreau de PARIS, toque : E1983

INTIMEES

Association AGS CGEA IDF OUEST UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST, représentée par sa Directrice, [L] [M]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

C.E. COMITE SOCIAL ET ECONOMIQUE D'ETABLISSEMENT CENTRA L RATP (CSEC RATP)

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Marie JANET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0249

S.C.P. BTSG ès qualités de mandataire liquidateur de la STAFF +

[Adresse 2]

[Localité 5]

Non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [A] [K] a été mis à disposition du comité d'entreprise de la RATP dans le cadre des contrats de mission suivants qu'il a conclus avec la société Staff + Interim :

- contrat du 15 au 18 octobre 2013 en qualité de chef de partie pour remplacer M. [N], malade ;

- contrat pour la journée du 12 décembre 2013 en qualité de chef de partie pour remplacer M. [S] en maladie, avec avenant de prolongation pour la journée du 13 décembre 2013 ;

- contrat pour la journée du 17 décembre 2013 en qualité de chef de partie pour remplacer M. [S] en maladie, avec avenant de prolongation du 19 au 20 décembre 2013 ;

- contrat pour la journée du 11 février 2014 en qualité de commis de cuisine, en remplacement de M. [Z] en congé ;

- contrat pour la journée du 12 février 2014 en qualité de commis de cuisine en remplacement de M. [J] en maladie ;

- contrat du 25 au 28 février 2014 en qualité de chef de partie, en remplacement de M. [B] en RTT ;

- contrat du 3 au 5 mars 2014 en qualité de cuisinier pour accroissement temporaire d'activité, glissement [Localité 10] Guerda ;

- contrat pour la journée du 6 mars 2014 en qualité de cuisinier pour accroissement temporaire d'activité, glissement [Localité 10] Guerda ;

- contrat pour la journée du 7 mars 2014 en qualité de cuisinier pour accroissement temporaire d'activité, glissement [Localité 10] Guerda ;

- contrat pour la journée du 17 mars 2014 en qualité de chef de partie pour accroissement temporaire d'activité, glissement [X] [W] ;

- contrat pour la journée du 24 mars 2014 en qualité de chef de partie pour surcroît d'activité.

M. [K] a aussi été mis à disposition du comité d'entreprise de la RATP dans le cadre du contrat de mission suivant qu'il a conclu avec la société Taurus Interim :

- contrat pour la journée du 1er septembre 2014 en qualité de commis de cuisine pour remplacer M. [C] en congé.

A l'occasion d'un contrôle effectué au sein de la société Staff + Interim, l'inspection du travail a relevé un certain nombre d'irrégularités dont elle a avisé M. [K] par lettres des 18 novembre et 3 décembre 2014.

La société Staff + a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 19 novembre 2014 qui a désigné la SCP BTSG en la personne de Maître [U] en qualité de mandataire liquidateur.

Sollicitant la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée et le paiement de diverses sommes et indemnités, M. [K] a saisi le 17 août 2015 le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre du comité d'entreprise de la RATP, de la SCP BTSG ès qualités et de l'AGS CGEA Ile-de-France. Par jugement du 18 juin 2020 auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, cette juridiction a débouté M. [K] de sa demande et débouté la SCP BTSG ès qualités de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamnant M. [K] aux dépens.

Par déclaration du 17 juillet 2020, M. [K] a relevé appel de ce jugement dont il a reçu notification le 30 juin 2020.

Par dernières conclusions remises par voie électronique le 18 octobre 2022, M. [K] demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions ;

et statuant à nouveau,

- juger que les contrats de mission temporaire sont entachés de nullité absolue ;

- juger que les contrats de mission temporaire doivent être requalifiés en un contrat de travail à durée indéterminée avec toutes les conséquences financières afférentes ;

- juger que M. [K] a fait l'objet d'un licenciement dépourvu de tout motif réel et sérieux ;

- juger que l'entreprise de travail temporaire, la société Staff + Interim, est défaillante compte tenu de la procédure de liquidation judiciaire prononcée à son encontre ;

en conséquence,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Staff + Interim les sommes suivantes :

* 14 787,82 euros, à titre du rappel de salaire pour la période du 15 octobre 2013 au 23 avril 2014 ;

* 1 478,78 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

* 2 275,05 euros au titre de l'indemnité de requalification en application des dispositions de l'article L. 1251-41 du code du travail ;

* 2 275,05 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis d'un mois en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail ;

* 227,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

* 27 282 euros, à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

* 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum l'entreprise utilisatrice, le comité d'entreprise RATP, à verser à M. [K] les sommes suivantes :

* 14 787,82 euros, à titre du rappel de salaire pour la période du 15 octobre 2013 au 23 avril 2014 ;

* 1 478,78 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

* 2 275,05 euros au titre de l'indemnité de requalification en application des dispositions de l'article L. 1251-41 du code du travail ;

* 2 275,05 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis d'un mois en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail ;

* 227,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ;

* 27 282 euros, à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

* 6 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- assortir les condamnations prononcées des intérêts légaux à compter du prononcé du jugement pour les créances à caractère indemnitaire et à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les créances à caractère salarial ;

- condamner le liquidateur de la société Staff+ Interim, Maître [U], et in solidum le comité d'entreprise de la RATP à remettre à M. [K] les documents sociaux (certificat de travail, attestation Pôle emploi et bulletins de salaires) conformes au 'jugement' en application de l'article R. 1234-9 du code du travail et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 janvier 2021, le comité social et économique central de la RATP, ci-après le CSEC, anciennement CRE RATP, demande à la cour de :

- le recevoir en ses conclusions et l'en dire bien fondé ;

à titre principal :

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions

à titre subsidiaire :

- déclarer les demandes de M. [K] irrecevables s'agissant du contrat du 1er septembre 2014 en l'absence de mise en cause de la société Taurus Intérim ;

- déclarer les demandes de M. [K] irrecevables en l'absence de mise en cause de la garantie financière de la société Taurus ;

très subsidiairement :

- juger qu'il n'y a pas lieu à requalification des missions de travail temporaire en contrat à travail à durée indéterminée

- juger n'y avoir lieu à rappel de salaire, ni indemnités de rupture du contrat de travail ;

en conséquence,

- débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre du CSEC ;

à titre infiniment subsidiaire :

- condamner Maître [U] ès qualités de liquidateur de la société Staff + Interim, à garantir le CSEC de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

en conséquence,

- fixer au passif de la société Staff + toute condamnation prononcée à l'encontre du CSEC ; - déclarer les AGS tenue de garantir pour ces sommes dans les termes des articles L 3253-8 et suivants du code du travail, en l'absence de fonds disponible ;

en tout état de cause :

- condamner M. [K] au versement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 5 janvier 2021, l'UNEDIC délégation AGS IDF ouest, ci-après l'AGS, demande à la cour de :

à titre principal :

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris ;

- débouter M. [K] de ses demandes ;

à titre subsidiaire :

- constater la défaillance de la société Staff + Interim ;

- en conséquence, juger que seule la société caution devra répondre des demandes formulées par

M. '[F]' ;

- prononcer la mise hors de cause de l'AGS ;

en tout état de cause,

- juger que la société utilisatrice est substituée à la société Staff + Interim dans ses obligations salariales ;

- en conséquence, prononcer la mise hors de cause de l'AGS 'et de la liquidation' ;

- juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale ;

- débouter M. [K] de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif ;

- à défaut la réduire à proportion du préjudice démontré ;

- juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 étant ainsi exclus de la garantie ;

- juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l'un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail ;

- statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

M. [K] a fait signifier la déclaration d'appel et ses conclusions à la SCP BTSG ès qualités par actes d'huissier remis à personne habilitée respectivement signifiés les 15 septembre et 23 octobre 2020. Celle-ci n'a pas constitué avocat. Le CSEC lui a fait signifier ses conclusions par acte d'huissier du 8 janvier 2021 délivré selon les mêmes modalités. Le présent arrêt sera réputé contradictoire.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée

Le conseil de prud'hommes a, selon les motifs du jugement, mis hors de cause la société Staff + et l'AGS au motif que la société Staff + devait être regardée comme défaillante puisqu'en liquidation judiciaire et a considéré comme non justifiés les moyens invoqués au soutien de la demande de requalification des contrats avec l'entreprise utilisatrice.

M. [K] invoque que ses contrats de mission ne comportent pas la qualification du salarié à remplacer, qu'ils contiennent des motifs de recours contradictoires alliant l'accroissement temporaire et le remplacement, l'entreprise utilisatrice ne justifiant d'ailleurs pas de la réalité des motifs invoqués, qu'ils ont été signés au delà des deux jours dans lesquels ils doivent être transmis au salarié et que la rémunération qu'ils prévoient est inférieure à celle des salariés permanents de l'entreprise utilisatrice. Il soutient qu'il occupait en réalité un emploi lié à l'activité permanente et habituelle de cette entreprise. Il s'estime ainsi fondé à solliciter la requalification des contrats de mission temporaires en un contrat à durée indéterminée à compter du début du premier contrat, le 15 octobre 2013, et à agir tant à l'égard de l'entreprise utilisatrice que vis-à-vis de l'entreprise de travail temporaire. Il fait valoir que la mise en cause et la justification de l'insuffisance de la garantie financière relevaient de la compétence du liquidateur judiciaire.

Le CSEC conclut à l'irrecevabilité des demandes faute de mise en cause de la société Taurus pour le contrat de mission du1er septembre 2014 et de la garantie financière.

Sur le fond, il soutient que le salarié est mal fondé en sa demande de requalification dirigée contre lui à raison d'irrégularités de forme (absence de mention de la qualification du salarié absent, libellé du motif du recours, non-respect du délai de deux jours pour la remise du contrat), rappelant qu'il n'est pas l'auteur des contrats, ni chargé de leur remise et arguant du défaut de preuve de l'allégation relative au non-respect du délai précité. Il prétend aussi qu'il n'est pas responsable d'un manquement à l'obligation de payer le salaire et que M. [K] ne rapporte pas la preuve d'une atteinte au principe d'égalité de rémunération. Il souligne que ce dernier n'a travaillé que quelques jours sur une période de six mois, ce qui contredit qu'il ait occupé un emploi lié à son activité normale et permanente. Il avance justifier de l'absence des salariés remplacés ainsi que de l'existence de surcroît d'activité en certaines occasions.

L'AGS estime qu'il n'y a pas lieu à requalification.

***

L'article L. 1251-49 du code du travail dispose que l'entrepreneur de travail temporaire justifie, à tout moment, d'une garantie financière assurant, en cas de défaillance de sa part, le paiement :

1° Des salaires et de leurs accessoires ;

2° Des indemnités résultant du présent chapitre ;

3° Des cotisations obligatoires dues à des organismes de sécurité sociale ou à des institutions sociales ;

4° Des remboursements qui peuvent, le cas échéant, incomber aux employeurs à l'égard des organismes de sécurité sociale et institutions sociales dans les conditions prévues à l'article L. 244-8 du code de la sécurité sociale.

Selon l'article L. 1251-50 du même code, la garantie financière ne peut résulter que d'un engagement de caution pris par une société de caution mutuelle, un organisme de garantie collective, une compagnie d'assurance, une banque ou un établissement financier habilité à donner caution.

Elle est calculée en pourcentage du chiffre d'affaires annuel de l'entreprise intéressée.

Elle ne peut être inférieure à un minimum fixé annuellement par décret, compte tenu de l'évolution moyenne des salaires.

L'article L. 1251-52 de ce code dispose qu'en cas de défaillance de l'entreprise de travail temporaire et d'insuffisance de la caution, l'entreprise utilisatrice est substituée à l'entreprise de travail temporaire pour le paiement des sommes qui restent dues aux salariés temporaires et aux organismes de sécurité sociale ou aux institutions sociales dont relèvent ces salariés, pour la durée de la mission accompli dans l'entreprise.

A supposer que les conditions de la substitution soient établies en l'espèce, cela n'a pour effet que de substituer l'entreprise utilisatrice dans le paiement des sommes restant dues au salarié et non d'empêcher une demande de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée avec l'entreprise de travail temporaire.

Par ailleurs, le défaut de mise en cause de la société Taurus Interim et de la garantie financière de cette société visé dans le dispositif des conclusions du CSEC au soutien de sa demande d'irrecevabilité est inopérant dès lors que M. [K] se prévaut exclusivement des contrats de mission conclus avec la société Staff + et d'une période d'emploi s'arrêtant en avril 2014, alors que le seul contrat conclu avec la société Taurus Interim est bien postérieur, datant du mois de septembre 2014.

Les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail n'excluent pas la possibilité, pour le salarié, d'agir contre l'entreprise de travail temporaire lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées. Les actions exercées, l'une contre l'entreprise de travail temporaire en application de l'article L. 1251-16 du code de travail, l'autre contre l'entreprise utilisatrice en application de l'article L. 1251-40 du même code, ayant des fondements différents, rien n'interdit qu'elles puissent être exercées concurremment.

- sur la requalification à l'égard de la société de travail temporaire :

L'article L. 1251-16 du code du travail dispose que le contrat de mission est établi par écrit.

Il comporte notamment :

1° La reproduction des clauses et mentions du contrat de mise à disposition énumérées à l'article L. 1251-43 ;

2° La qualification professionnelle du salarié ;

3° Les modalités de la rémunération due au salarié, y compris celles de l'indemnité de fin de mission prévue à l'article L. 1251-32 ;

4° La durée de la période d'essai éventuellement prévue ;

5° Une clause de rapatriement du salarié à la charge de l'entrepreneur de travail temporaire lorsque la mission s'effectue hors du territoire métropolitain. Cette clause devient caduque en cas de rupture du contrat à l'initiative du salarié ;

6° Le nom et l'adresse de la caisse de retraite complémentaire et de l'organisme de prévoyance dont relève l'entreprise de travail temporaire ;

7° La mention selon laquelle l'embauche du salarié par l'entreprise utilisatrice à l'issue de la mission n'est pas interdite.

L'article L. 1251-43 du même code prévoit que le contrat de mise à disposition comporte le motif pour lequel il est fait appel au salarié temporaire et, dans les cas de remplacement prévus aux 1°, 4° et 5° de l'article L. 1251-6, la qualification de la personne remplacée ou à remplacer.

Il est de principe que sous réserve d'une intention frauduleuse du salarié, le non-respect par l'entreprise de travail temporaire de l'une des prescriptions des dispositions de l'article L. 1251-16 du code du travail, lesquelles ont pour objet de garantir qu'ont été observées les conditions à défaut desquelles toute opération de prêt de main-d'oeuvre est interdite, implique la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée.

Il est aussi de principe que le contrat écrit qui doit être adressé au salarié intérimaire au plus tard dans les deux jours ouvrables suivant sa mise à disposition doit notamment comporter la qualification du salarié, ainsi que, s'il s'agit d'un contrat de mission pour remplacement, le nom et la qualification du salarié remplacé.

Au cas d'espèce, les contrats de mission conclus en raison de l'absence temporaire d'un salarié, dont le premier des contrats en date du 15 octobre 2013, ne mentionnent pas la qualification des salariés remplacés. L'absence de cette mention sur le premier des contrats conclus entre la société Staff + et M. [K] en date du 15 octobre 2013 justifie la requalification de ces contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du15 octobre 2013 sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués à l'encontre de la société Staff +.

- sur la requalification à l'égard de l'entreprise utilisatrice :

L'article L. 1251-40 du code du travail dans sa version applicable dispose que lorsqu'une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d'une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.

Selon l'article L. 1251-5 du même code, le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Aux termes de l'article L. 1251-6 de ce code dans sa version en vigueur :

Sous réserve des dispositions de l'article L. 1251-7, il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée " mission " et seulement dans les cas suivants :

1° Remplacement d'un salarié, en cas :

a) D'absence ;

b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;

c) De suspension de son contrat de travail ;

d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe ;

e) D'attente de l'entrée en service effective d'un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;

2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;

3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;

4° Remplacement d'un chef d'entreprise artisanale, industrielle ou commerciale, d'une personne exerçant une profession libérale, de son conjoint participant effectivement à l'activité de l'entreprise à titre professionnel et habituel ou d'un associé non salarié d'une société civile professionnelle, d'une société civile de moyens ou d'une société d'exercice libéral ;

5° Remplacement du chef d'une exploitation agricole ou d'une entreprise mentionnée aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime, d'un aide familial, d'un associé d'exploitation, ou de leur conjoint, mentionné à l'article L. 722-10 du même code dès lors qu'il participe effectivement à l'activité de l'exploitation agricole ou de l'entreprise.

En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il appartient à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

L'obligation de remise d'un contrat écrit de mission incombe, selon l'article L. 1251-16 du code du travail, à l'entreprise de travail temporaire et les dispositions de l'article L. 1251-39 de ce code ne permettent pas au salarié intérimaire d'invoquer la violation par l'entreprise de travail temporaire des prescriptions de l'article L. 1251-16 susvisé pour faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits afférents à un contrat à durée indéterminée. En conséquence, l'absence de mention de la qualification du salarié remplacé est inopérante à l'égard du CSEC. Il en est de même pour la mention de motifs de recours qui seraient contradictoires, à savoir accroissement temporaire d'activité et 'glissement' d'un salarié. La transmission tardive des contrats de mission, à supposer qu'elle soit établie, ne peut non plus entraîner la requalification à l'égard de l'entreprise utilisatrice.

Le non-respect du principe d'égalité de rémunération avec le titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, principe résultant des articles L. 1251-18 et L. 1251-43 du code du travail, n'est pas sanctionné par la reconnaissance d'un contrat à durée indéterminée liant le salarié à l'entreprise utilisatrice.

En ce qui concerne la preuve de la réalité des motifs énoncés, le CSEC verse aux débats :

- le bulletin de salaire d'octobre 2013 de Mme [N] faisant état de sa maladie du 12 au 18 octobre 2013 ;

- le bulletin de salaire de décembre 2013 de M. [S] faisant état de sa maladie du 12 au 20 décembre 2013 ;

- le bulletin de salaire de M. [Z] de février 2014 faisant état d'une journée de RTT le 11 février 2014 ;

- le bulletin de salaire de février 2014 de M. [J] faisant état de sa maladie les 12 et 13 février 2014 ;

- le bulletin de salaire de M. [B] de février 2014 faisant état de journées de RTT du 24 au 28 février 2014.

Il produit aussi une attestation de M. [T], son directeur des restaurants, qui indique être régulièrement amené à recourir à des CDD ou de l'intérim pour des surcroîts d'activité du fait d'une augmentation de convives ou bien avec une fermeture de restaurant, l'organisation de formation ou la programmation d'une prestation traiteur.

Le CSEC justifie ainsi de la réalité du motif invoqué au titre de tous les contrats mentionnant un remplacement de salarié, soit les contrats conclus entre les 15 octobre 2013 et 28 février 2014. En revanche, l'attestation de M. [T], non circonstanciée, ne permet pas de justifier de la réalité du motif d'accroissement temporaire mentionné dans les contrats ultérieurs. Mais compte tenu du fait que la majorité des missions est justifiée par un élément objectif, du nombre limité de jours travaillés par M. [K] sur une période de moins de six mois, des fonctions différentes exercées par ce dernier, du grand nombre de restaurants exploités par le CSEC et du nombre très important de couverts qu'il assure, les contrats de mission n'apparaissent pas avoir eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.

Il en résulte que M. [K] n'est pas fondé à faire valoir auprès du CSEC les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée dès le 15 octobre 2013 mais seulement à partir du 3 mars 2014, premier jour du contrat conclu pour accroissement temporaire de l'activité non justifié.

Ainsi, la cour requalifie la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 octobre 2013 à l'égard de la société Staff + et à compter du 3 mars 2014 à l'égard du CSEC, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur les conséquences financières de la requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée

M. [K] soutient que la société Staff + et le CSEC doivent être déclarés responsables in solidum des sommes dues au titre de la requalification des contrats de mission en un contrat de travail à durée indéterminée.

Il prétend qu'il devait percevoir un taux horaire brut de 15 euros en qualité de chef de partie, comme les salariés du CSEC qui occupaient des fonctions identiques, et que cette requalification doit porter sur un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet dès lors que les recours au travail temporaire étaient irréguliers et que l'absence de délai de prévenance le mettait dans l'impossibilité de prévoir ses périodes de travail. Il avance qu'il était de fait à la disposition permanente de l'entreprise et qu'il n'a pas occupé un autre emploi durant la période litigieuse. Il réclame, sur la base d'une rémunération mensuelle de 2 275,05 euros, un rappel de salaire de 14 787,82 euros du 15 octobre 2013 au mois d'avril 2014, outre 1 478,78 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents.

Il sollicite aussi une indemnité compensatrice de préavis de 2 275,05 euros et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents de 227,50 euros, une indemnité de requalification de 2 275,05 euros et la somme de 27 282 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, M. [K] se plaignant du non-respect de la procédure de licenciement, du préjudice financier et professionnel causé par la rupture car il n'a pas retrouvé d'emploi et du préjudice moral résultant des conditions vexatoires et injurieuses de la rupture ainsi que de l'inégalité de traitement dont il a été victime.

Le CSEC rétorque que la seule débitrice de l'obligation de versement des salaires est la société de travail temporaire de sorte qu'en cas de manquement sur ce point, elle en est seule responsable. A titre subsidiaire, il invoque que la requalification n'a pas pour effet de transformer le contrat en temps plein et que M. [K] ne prouve ni avoir travaillé à temps plein, ni être resté à la disposition de son employeur pour les périodes interstitielles. Il estime non fondée la demande de rappel de salaire basée sur un taux horaire de 15 euros en qualité de chef de partie dès lors, d'une part, que M. [K] ne prouve pas qu'il se trouvait dans une situation identique aux salariés auxquels il se compare, d'autre part, qu'il a aussi exercé des fonctions moindres. Il ajoute qu'aucun salaire n'est dû pour la période postérieure à la fin de sa dernière mission, le 24 mars 2014.

Il fait valoir que le montant réclamé au titre de l'indemnité de requalification est exorbitant et non justifié, estime que M. [K] ne peut prétendre à une indemnité pour non-respect de la procédure sur le fondement de l'ancien article L. 1235-2 du code du travail, qu'il ne peut davantage prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, n'étant pas un salarié permanent de l'entreprise de travail temporaire, et doit être débouté de sa demande d'indemnité pour rupture abusive, faute de preuve d'un préjudice.

L'AGS fait valoir que la société Staff + ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire est défaillante de sorte que sa caution est principale débitrice des sommes sollicitées et qu'aucune fixation au passif de la société Staff + ne peut intervenir. Elle observe que dans l'hypothèse d'une insuffisance de la caution pour couvrir les éventuelles créances de M. [K], le CSEC se trouve légalement substitué à la société Staff + dans ses obligations de sorte qu'il n'y a pas lieu non plus à fixation au passif. Elle ajoute que M. [K] ne prouve pas son préjudice au soutien de sa demande de dommages et intérêts.

***

- sur le rappel de salaire :

La requalification en contrat à durée indéterminée n'a pas d'effet sur la durée du travail.

En outre, le salarié a droit à un rappel de salaire pour les périodes intermédiaires entre ses différents contrats s'il prouve qu'il a dû se tenir et s'est effectivement tenu à la disposition de l'employeur pendant ces périodes.

Or, en l'espèce, M. [K] ne produit pas d'élément de nature à rapporter cette preuve. Comme le relève le CSEC, il verse d'ailleurs aux débats un contrat de mission temporaire du 21 octobre 2013 désignant comme entreprise utilisatrice le CESFO, postérieur à sa première mission au sein du CSEC, ce qui contredit qu'il est resté constamment à la disposition de ce dernier.

Par ailleurs, M. [K] n'allègue pas avoir travaillé un nombre d'heures supérieur à celui qui lui a été payé.

Enfin, il appartient au salarié qui soutient avoir été victime d'une inégalité de rémunération de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une telle inégalité et il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant l'inégalité de traitement ainsi établie.

En l'espèce, M. [K] se fonde sur la lettre de l'inspection du travail. Or, celle-ci se borne à énoncer que 'si un chef de partie perçoit 14 ou 15 euros de l'heure, l'intérimaire ne peut être rémunéré 10 ou 11 euros'. Cette lettre, qui ne fait qu'émettre une supposition, ne constitue pas un élément de fait susceptible de caractériser l'inégalité de rémunération dont se plaint M. [K], lequel fait notamment valoir que ses contrats de mission portant sur des fonctions de chef de partie prévoyaient un salaire horaire brut de 10,91 euros.

Partant, M. [K] doit être débouté de sa demande de rappel de salaire et de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement étant de ces chefs infirmé.

- sur l'indemnité de requalification :

L'article L. 1251-41 du code du travail dispose :

Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de mission en contrat de travail à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans le délai d'un mois suivant sa saisine.

Si le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'entreprise utilisatrice, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

L'indemnité de requalification est au moins égale à la dernière moyenne du salaire mensuel sans tenir compte de l'indemnité de fin de contrat, soit en l'espèce 500,07 euros. Il sera accordé ladite somme à M. [K].

- sur l'indemnité pour licenciement abusif :

Aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige :

Ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

1° Aux irrégularités de procédure, prévues à l'article L. 1235-2 ;

2° A l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l'article L. 1235-4.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Toutefois, en cas de méconnaissance des dispositions des articles L. 1232-4 et L. 1233-13, relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, les dispositions relatives aux irrégularités de procédure prévues à l'article L. 1235-2 s'appliquent même au licenciement d'un salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.

M. [K], dont l'ancienneté était inférieure à deux ans, est fondé à prétendre qu'il a été victime d'un licenciement abusif dès lors que son contrat de travail à durée indéterminée a été rompu de fait lors du dernier jour de sa dernière mission sans qu'il ait fait l'objet d'une lettre de licenciement indiquant les motifs de celui-ci. En outre, ont également été méconnues les dispositions susvisées relatives à l'assistance du salarié par un conseiller. Il sera toutefois observé que le dernier contrat de mission conclu avec la société Staff + qui est versé aux débats est celui du 24 mars 2014, M. [K] ne produisant pas le contrat dont il se prévaut du 22 au 23 avril 2014, de sorte que le licenciement abusif dont il a fait l'objet est intervenu le 24 mar 2014.

M. [K] ne justifie pas des conditions vexatoires et injurieuses de la rupture du contrat de travail qu'il allègue.

En considération de ces éléments, au regard de la très faible ancienneté du salarié, de son âge lors de la rupture (M. [K] étant né en 1982), de sa rémunération avant celle-ci et de sa situation postérieure (M. [K] justifiant notamment avoir suivi un stage du 15 décembre 2014 au 26 août 2015 et avoir perçu de très faibles revenus en 2015), il lui sera alloué une indemnité pour licenciement abusif d'un montant de 1 200 euros.

- sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents :

L'article L. 1234-1 du code du travail dispose :

Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

3° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

L'ancienneté s'apprécie à la date du prononcé du licenciement, soit en l'espèce au 24 mars 2014. A cette date, M. [K] avait une ancienneté inférieure à six mois.

L'accord national du 23 janvier 1986 relatif aux salariés permanents des entreprises de travail temporaire prévoit que ces derniers sont les salariés d'une entreprise de travail temporaire non liés par un contrat de travail temporaire tel que défini à l'article L. 124-4 du code du travail à l'exception des VRP entrant dans le champ d'application de l'accord national interprofessionnel des VRP. Il énonce en son article 7 qu'après la période d'essai, la démission ou le licenciement - sauf en cas de faute grave ou lourde - donne lieu à un préavis d'une durée d'un mois pour les employés, de deux mois pour les agents de maîtrise et de trois mois pour les cadres. Après une ancienneté de plus de deux ans, un préavis de 2 mois doit être respecté par l'employeur en cas de licenciement pour les salariés des niveaux 1 à 3 inclus.

Au cas présent, du fait de la requalification prononcée, M. [K] n'est pas lié par un contrat de travail temporaire et doit être considéré comme un salarié permanent. Il est ainsi fondé à prétendre à une indemnité compensatrice de préavis dont le montant correspond aux salaires et avantages qu'il aurait perçus s'il avait travaillé pendant cette période. Il lui sera alloué à ce titre la somme de 500,07 euros et celle de 50 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents.

L'article L. 1251-52 précité dispose qu'en cas de défaillance de l'entreprise de travail temporaire et d'insuffisance de la caution, l'entreprise utilisatrice est substituée à l'entreprise de travail temporaire pour le paiement des sommes qui restent dues aux salariés temporaires et aux organismes de sécurité sociale ou aux institutions sociales dont relèvent ces salariés, pour la durée de la mission accomplie dans l'entreprise.

En application de l'article R. 1251-20 du même code, l'entrepreneur de travail temporaire est considéré comme défaillant lorsqu'il fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Selon l'article R. 1251-26 de ce code, dans le cas prévu à l'article L. 1251-52, le salarié ou l'organisme de sécurité sociale ou l'institution sociale, ou, en cas de procédures de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire ou le liquidateur informe l'entreprise utilisatrice de l'insuffisance de la caution en lui adressant une demande de paiement des sommes restant dues par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. L'entreprise utilisatrice paie les sommes dues dans un délai de dix jours à compter de la réception de la demande.

L'article R. 1251-27 du code du travail précise que les salariés, les organismes de sécurité sociale et les institutions sociales ont une action directe contre l'entreprise utilisatrice substituée, même lorsque celle-ci s'est acquittée en tout ou en partie des sommes qu'elle devait à l'entrepreneur de travail temporaire pour la mise à disposition des salariés.

Au cas d'espèce, la défaillance de la société Staff + résulte du jugement de liquidation judiciaire dont elle a fait l'objet mais l'insuffisance de la caution n'est pas établie. Or, la substitution de l'utilisateur à l'entreprise de travail temporaire n'est que subsidiaire et ne joue qu'en cas d'insuffisance de la caution. Par suite, elle ne saurait s'appliquer en l'espèce.

Cependant, par l'effet de la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée tant à l'égard de l'entreprise utilisatrice qu'à l'égard de la société de travail temporaire, les employeurs sont tenus, in solidum, de répondre des conséquences de la rupture de ce contrat, les manquements commis par chacune des entreprises, l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice, ayant contribué à réaliser le même dommage. Mais il résulte de l'article L. 1251-41 du code du travail qu'en cas de requalification d'un contrat de mission en contrat à durée indéterminée, le juge doit accorder au salarié, à la charge de l'utilisateur, une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire de sorte que le salarié ne peut prétendre au paiement, par l'entreprise de travail temporaire, d'une indemnité de requalification.

En conséquence, il convient de fixer la créance de M. [K] au passif de la liquidation judiciaire de la société Staff + comme suit :

- 1 200 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif ;

- 500,07 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 50 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;

l'indemnité de requalification ne pouvant être mise à la charge de l'entreprise de travail temporaire.

Le CSEC sera condamné, en tant qu'entreprise utilisatrice, au paiement de l'indemnité de requalification d'un montant de 500,07 euros et tenue in solidum avec la société Staff + en liquidation judiciaire au paiement de l'indemnité pour licenciement abusif et de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents.

La condamnation du CSEC au paiement de l'indemnité pour licenciement abusif et de l'indemnité de requalification emporte intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et celle au paiement de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que des congés payés afférents produit intérêts au taux légal à compter de la convocation du CSEC devant le conseil de prud'hommes, étant rappelé pour la société Staff + que le jugement de liquidation judiciaire arrête le cours des intérêts.

Sur le recours en garantie du CSEC à l'encontre de Maître [U] en qualité de mandataire liquidateur de la société Staff +

Le CSEC doit être débouté de son recours en garantie concernant l'indemnité de requalification qui n'est due qu'à raison de son seul manquement.

En revanche, pour le surplus, le CSEC est en droit d'exercer son recours en garantie. Les manquements imputables à chacune des entreprises ne sont pas d'égale valeur, la société Staff + ayant manqué à ses obligations dès le premier contrat de mission alors que le manquement du CSEC ne s'est réalisé qu'à compter du 3 mars 2014. Partant, il convient de fixer la créance du CSEC au passif de la société Staff + à la garantie des condamnations prononcées contre le CSEC par le présent arrêt, à l'exception de celle au titre de l'indemnité de requalification, à hauteur de 80% desdites condamnations.

Sur l'AGS

L'AGS doit sa garantie dans les conditions légales.

Sur la remise des documents

Il sera ordonné à la SCP BTSG ès qualités et au CSEC de remettre à M. [K] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire conformes à la présente décision dans le délai d'un mois à compter de sa notification.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La SCP BTSG ès qualités et le CSEC seront in solidum condamnés aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [K] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, le CSEC étant débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande de rappel de salaire et de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :

REQUALIFIE la relation de travail de M. [K] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 octobre 2013 à l'égard de la société Staff + et à compter du 3 mars 2014 à l'égard du comité social et économique central RATP ;

FIXE la créance de M. [K] au passif de la liquidation judiciaire de la société Staff + aux sommes suivantes :

- 1 200 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif ;

- 500,07 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 50 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;

CONDAMNE in solidum le comité social et économique central RATP à payer à M. [K] les sommes de :

- 1 200 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- 500,07 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 50 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter de la convocation du comité social et économique RATP devant le conseil de prud'hommes ;

CONDAMNE le comité social et économique central RATP à payer à M. [K] la somme de 500,07 euros à titre d'indemnité de requalification avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

FIXE la créance du comité social économique central RATP au passif de la société Staff + à la garantie des condamnations prononcées contre le comité social économique central RATP par le présent arrêt, à l'exception de celle au titre de l'indemnité de requalification, à hauteur de 80% desdites condamnations ;

ORDONNE à la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Staff + et au comité social économique central RATP de remettre à M. [K] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et des bulletins de salaire conformes à la présente décision dans le délai d'un mois à compter de sa notification ;

CONDAMNE in solidum la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Staff + et le comité social économique central RATP à payer à M. [K] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;

CONDAMNE in solidum la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [U], en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Staff + et le comité social économique central RATP aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/04735
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;20.04735 ?
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