REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRET DU 23 FEVRIER 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05204 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7PLR
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2018 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/13491
APPELANTE
SAS CMLG
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
INTIMES
Monsieur [V] [P]
né le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 9] (93)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Anne-marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653
SARL LES BAGUETTES GOURMANDES
N° SIRET : 511 290 447
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représentée par Me Luc JEANNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0347
Madame [W] [I]
[Adresse 4]
[Localité 8]
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 804 et suivants du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant :
Madame Sophie MOLLAT, Présidente
Madame Isabelle ROHART, Conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de: Madame Sophie MOLLAT, Présidente
Madame Isabelle ROHART, Conseillère
Madame Déborah CORICON, Conseillère
GREFFIERE : Madame FOULON, lors des débats
ARRET :
- par défaut
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Sophie MOLLAT, Présidente et par Madame FOULON, Greffière.
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M. [V] [P], aujourd'hui retraité, a exercé la profession d'expert-comptable jusqu'au mois de février 2011, date a laquelle il a cédé son cabinet à la société CMLG. Mme [W] [I], qui avait été embauchée par le cabinet de M. [P] en qualité de comptable, a poursuivi ses fonctions auprès de la société CMLG en en devenant associée à hauteur de 10%.
La société Les baguettes gourmandes, qui exerce une activité de restauration depuis 2009, et la société Les gourmandises de Chine, qui exerce également l'activité de restauration depuis 2005, ont confié au cabinet [P] la mission de tenir leur comptabilité, établir les déclarations fiscales et sociales et établir les bulletins de paie du personnel.
A l'occasion d'une absence de Mme [I] étaient découverts des détournements commis au préjudice de ces deux sociétés entre 2009 et 2014.
Les deux sociétés déposaient plainte avec constitution de partie civile et Mme [I] était condamnée par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 23 juin 2017 du chef d'abus de confiance à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à payer à la société Les baguettes gourmandes la somme de 190 047, 17 euros à titre de dommages et intérêts, et 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, et à la société Les gourmandises de Chine les sommes de 249 770, 40 euros à titre de dommages et intérêts et 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
Les sociétés Les baguettes gourmandes et Les gourmandises de Chine assignaient M. [P], Mme [I] et la société CMLG devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement des dispositions de l'article 1384 du code civil.
Par jugements du 27 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a condamné la société CMLG in solidum avec Mme [I] à payer à titre de dommages et intérêts la somme de 160 357, 17 euros à la société Les baguettes gourmandes et la somme de 193 060, 59 euros à la société Les gourmandises de Chine.
Par déclarations du 7 mars 2009, la société CMLG a interjeté appel de ces jugements.
Une médiation a été ordonnée le 6 février 2020. Elle n'a pas permis aux parties de trouver un accord.
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Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022, la société CMLG demande à la cour de :
- INFIRMER le jugement rendu le 27 novembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Paris (RG n°15/13491), en ce qu'il a déclaré la société Les Baguettes Gourmandes recevable en ses demandes de condamnation in solidum des employeurs de [W] [I], et en ce qu'il a condamné la société CMLG in solidum avec [W] [I], à lui payer la somme de 160 357,17 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens ;
- INFIRMER le jugement rendu le 27 novembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Paris (N° RG 15/08205), en ce qu'il a déclaré la société Les Gourmandises de Chine recevable en ses demandes de condamnation in solidum des employeurs de [W] [I], et en ce qu'il a condamné la société CMLG in solidum avec [W] [I], à lui payer la somme de 193 060,59 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens ;
- CONDAMNER en conséquence [W] [I] à garantir la société CMLG des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et à rembourser à celle-ci toutes les sommes qu'elle a été contrainte de verser aux sociétés Les Baguettes Gourmandes et Gourmandises de Chine, en exécution du jugement intervenu ;
- CONFIRMER le jugement en ce qu'il a exclu la responsabilité de la société CMLG pour les détournements commis par [W] [I] sur les exercices 2009 et 2010, antérieurs au rachat du Cabinet [P], et en ce qu'il a donné acte à la société CMLG de son action récursoire à l'encontre de [W] [I].
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Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 19 juin 2019, les sociétés Les baguettes gourmandes et Les gourmandises de Chine demandent à la cour de :
Confirmer les deux jugements du 27 novembre 2018 en ce qu'ils ont condamné :
- M. [N] [P] in solidum avec Mme [W] [I] à payer à la SARL LES BAGUETTES GOURMANDES une somme de 29 690 euros.
- La société CMLG in solidum avec Mme [W] [I] à payer à la SARL LES BAGUETTES GOURMANDES une somme de 160 357,17 euros.
- M. [N] [P] in solidum avec Mme [W] [I] à payer à la SARL LES GOURMANDISES DE CHINE une somme de 56 709,81 euros.
- La société CMLG in solidum avec Mme [W] [I] à payer à la SARL LES GOURMANDISES DE CHINE une somme de 193 060,59 euros.
Condamner solidairement Mme [W] [I], .M [V] [P] et la société CMLG à payer à la société LES BAGUETTES GOURMANDES une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Les condamner en tous les dépens.
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Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 juin 2019, M. [V] [P] demande à la cour de :
Constater que, dans le cadre de son appel, la SAS CMLG ne formule aucune demande à son égard
Le Déclarer tant recevable que bien fonde en son appel,
Y faisant droit,
Infirmer le jugement entrepris et statuant a nouveau,
Débouter tant la société LES GOURMANDISES DE CHINE que la société LES BAGUETTES GOURMANDES de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à son égard,
Constater le caractère intentionnel des faits reproches a Mademoiselle [I] en réparation desquels la société LES GOURMANDISES DE CHINE et la société LES BAGUETTES GOURMANDES demandent la condamnation solidaire de Monsieur [V] [P] et le détachement des fonctions habituelles de la salariée,
Subsidiairement, Condamner Mademoiselle [I] à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et à rembourser à celui-ci toutes sommes qu'il serait amené à verser à la société LES GOURMANDISES DE CHINE et/ou a la société LES BAGUETTES GOURMANDES en exécution de l'arrêt à intervenir,
Condamner la société LES GOURMANDISES DE CHINE et la société LES BAGUETTES GOURMANDES a payer chacune a Monsieur [V] [P] la somme de 3000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
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Mme [W] [I], bien que régulièrement intimée, n'a pas constitué avocat.
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La société CMLG fait valoir que le salarié qui commet une faute intentionnelle étrangère aux foins de l'entreprise ne bénéficie plus de l'immunité accordée par l'ancien article 1384 alinéa 5 du code civil ; qu'en l'espèce les agissements de Mme [I] poursuivaient une finalité strictement personnelle, étrangère à celle de son employeur et en dehors de ses fonctions.
Elle demande donc l'infirmation de la condamnation in solidum avec Mme [I].
Elle ajoute ensuite qu'elle ne peut être condamnée à indemniser un dommage dont la cause est antérieure au rachat du cabinet [P] en février 2011. Elle demande la confirmation du jugement qui a écarté sa responsabilité au titre des exercices 2009 et 2010.
Elle rappelle enfin que l'employeur dispose d'une action récursoire à l'encontre de son employé en cas de faute pénale intentionnelle. Elle demande la confirmation du jugement qui lui a donné acte de sa possibilité d'exercer une telle action.
M. [P] fait valoir que les faits reprochés à Mme [I] ont un caractère intentionnel, ont été commis hors de ses fonctions, à des fins étrangères à ses attributions et sans son autorisation, de sorte que les dispositions de l'article 1384 ancien du code civil ne peuvent s'appliquer.
Il fait valoir que la société Les baguettes gourmandes a volontairement remis à Mme [I] des chèques signés non libellés, en raison de relations de confiance et d'amitié liant Mme [I] à la famille [F], propriétaire de la société victime, que celle-ci les a détournés en masquant ses actes par des manoeuvres frauduleuses, de sorte qu'il ne peut lui être reproché un quelconque manquement à son devoir de contrôle de sa préposée.
Il ajoute que la société a demandé à sa préposée un travail supplémentaire en établissant ses chèques, non prévu par la lettre de mission et non rémunéré, qu'elles s'est ainsi conduite en donneur d'ordre à son insu.
Il demande donc l'infirmation du jugement et à tout le moins que Mme [I] soit condamnée à le garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Ses demandes seront traitées dans le cadre des appels qu'il a interjetés contre ces deux jugements sous les numéros 18/28758 et 18/28760.
Les sociétés Les baguettes gourmandes et Les gourmandises de Chine confirment qu'une confiance absolue était accordée à Mme [I] par la famille [F], mais que celle-ci en tant que salariée du cabinet [P] puis de la société CMLG, a agi sur son lieu et pendant son temps de travail, avec les moyens mis à sa disposition par son employeur pour la réalisation de sa mission et pour le compte de ce dernier ; qu'il est dès lors indifférent qu'elle ait agi sans autorisation de son employeur et ait excédé les limites de sa mission (motivation du tribunal).
Aux termes des dispositions de l'article 1384 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce : 'On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde (...) Les maîtres et commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés'.
Le commettant ne s'exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions.
En l'espèce, Mme [I] tenait la comptabilité de la société Les baguettes gourmandes et de la société Les gourmandises de Chine dans le cadre de ses fonctions salariées au sein du cabinet d'expertise comptable [P] devenu CMLG à compter de février 2011, avec autorisation de son employeur.
En utilisant les moyens de paiements des sociétés Les baguettes gourmandes et Les gourmandises de Chine à des fins frauduleuses, Mme [I] a incontestablement commis une faute intentionnelle pour laquelle elle a été reconnue coupable sous la qualification d'abus de confiance par le tribunal correctionnel de Paris le 23 juin 2017.
Cependant, ces moyens de paiement lui avaient été remis dans le cadre de l'exercice normal de ses fonctions, à savoir sur son lieu et temps de travail, pour le compte de son employeur, et afin de lui permettre de réaliser la mission comptable que les sociétés Les baguettes gourmandes et Les gourmandises de Chine avaient confiée au cabinet [P]. Il en résulte que Mme [I] ne s'est pas placée hors de l'exercice de ses fonctions pour commettre les faits pour lesquels elle a été pénalement condamné.
La circonstance que les sociétés Les baguettes gourmandes et Les gourmandises de Chine aient confié des chèques signés mais non remplis à Mme [I] en raison de l'existence d'un lien d'amitié ne saurait exonérer son employeur, le cabinet CMLG à compter de février 2011, de sa responsabilité sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1384 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a condamné in solidum le cabinet CMLG avec Mme [I] à réparer le dommage ainsi causé aux sociétés Les baguettes gourmandes et Les Gourmandises de Chine à compter de février 2011, et qui a reconnu au cabinet CMLG une action récursoire à l'égard de Mme [I].
Le cabinet CMLG, qui succombe, sera condamné à payer la somme de 500 euros à la société Les baguettes gourmandes et la somme de 500 euros à la société Les gourmandises de Chine sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement attaqué,
Y ajoutant,
Condamne le cabinet CMLG à payer la somme de 500 euros à la société Les baguettes gourmandes et la somme de 500 euros à la société Les gourmandises de Chine sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne le cabinet CMLG aux dépens de l'instance.
La greffière La présidente