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22/02/2023 | FRANCE | N°20/03647

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 22 février 2023, 20/03647


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 22 FEVRIER 2023



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03647 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5DN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/06739



APPELANTE



Madame [D] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le 25 Mai 1963 à Vall de Usco (Esp

agne)

Représentée par Me Pierre BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0215



INTIMEE



SA GECINA Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés e...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 22 FEVRIER 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03647 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5DN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/06739

APPELANTE

Madame [D] [L]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le 25 Mai 1963 à Vall de Usco (Espagne)

Représentée par Me Pierre BOUAZIZ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0215

INTIMEE

SA GECINA Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, Conseillère

Mme Florence MARQUES, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne-Gaël BLANC dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER , Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée indéterminée à effets au 16 juin 2008, Mme [D] [L], qui est née le 25 mai 1963, a été engagée par la SA Gecina en qualité de responsable juriste immobilier, statut cadre, niveau C3.

Dans le dernier état de la relation de travail, Mme [L] percevait un salaire de base sur 13 mois de 8.143,14 euros brut, une prime mensuelle d'ancienneté de 123 euros brut, outre un bonus en fonction de l'atteinte d'objectifs annuels.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale de l'immobilier. La société Gecina emploie habituellement plus de 500 salariés.

Le 11 septembre 2018, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat et le paiement de divers sommes indemnitaires et salariales.

Le 21 novembre 2018, la salariée a été déclarée inapte à son poste de travail sans possibilité de reclassement au sein de l'entreprise. Par lettre du 26 suivant, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 décembre. Le 11 décembre, elle a été licenciée pour inaptitude sans possibilité de reclassement.

A la suite de cette rupture, Mme [L] a maintenu, à titre principal, sa demande de résiliation et formé, subsidiairement, une demande d'annulation de son licenciement pour harcèlement moral.

Par jugement du 28 octobre 2019, le conseil a rejeté l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.

Le 18 juin 2020, Mme [L] a fait appel de cette décision notifiée le 27 mai précédent.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 15 septembre 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- condamner la société Gecina à lui payer 70.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- prononcer principalement la résiliation de son contrat avec les effets d'un licenciement nul ou, à défaut, sans cause réelle et sérieuse au 11 décembre 2018 et, subsidiairement, juger son licenciement nul ou, à défaut, sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Gecina à lui payer 180.000 euros net de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse, après avoir écarté le montant maximal d'indemnisation prévu à l'article L.1235-3 du code du travail ;

- condamner la SA Gecina à lui payer 27.798,42 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2.479,84 euros de congés payés afférents ;

- condamner la société Gecina à lui payer 120.000 euros ou, subsidiairement, 71.009,75 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l'impossibilité d'acquérir des actions de performance ;

- condamner la société Gecina au paiement des intérêts légaux échus entre la date de saisine du conseil de prud'hommes et la date de règlement effectif du bonus de 18.333 euros dû au titre de l'année 2017 ;

- condamner la société Gecina à lui payer 5.000 euros et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile respectivement pour la première et la deuxième instance ;

- assortir les condamnations des intérêts légaux à compter du jour de l'introduction de l'instance avec capitalisation ;

- condamner la société Gecina aux dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er septembre 2022, la société Gecina demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes et, y ajoutant, de la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 décembre 2022.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites comme l'y autorisent les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 : Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs en application de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de cet article, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En outre, il est constant que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Il en résulte, d'une part, que la mise en 'uvre d'une politique de gestion n'est pas une cause de justification légitime au sens de l'article L.1154-1 susmentionné et, d'autre part, que le harcèlement moral peut être retenu même si tout ou partie des salariés sont concernés par les pratiques concernées sans qu'il soit nécessaire de caractériser que le salarié soit l'objet d'un traitement différent de celui appliqué à ses collègues.

En l'espèce, la salariée soutient que, alors que, pendant plus de neuf années, sa carrière au sein de la société Gecina s'était déroulée sans la moindre difficulté et que ses compétences avaient toujours été reconnues tant par les responsabilités qui lui étaient confiées, que par l'autonomie dont elle disposait et par les gratifications financières qui lui étaient versées, à compter de l'arrivée d'un nouveau responsable hiérarchique en juillet 2017, dans un contexte de nomination d'une nouvelle directrice générale et de réorganisation de l'entreprise suite au rachat d'une société concurrente, ses conditions de travail et, simultanément, son état de santé se sont rapidement dégradés aboutissant à son licenciement pour inaptitude.

Plus précisément, au soutien de ses allégations de harcèlement moral, elle fait état d'une atteinte à ses responsabilités contractuelles et à son autonomie, d'une mise à l'écart du pôle dont elle avait la charge, d'un isolement au sein de l'entreprise, puis d'une véritable rétrogradation, trois mois après son départ en arrêt maladie, avec le transfert unilatéral de ses responsabilités à une autre salariée. Elle souligne également que son bonus 2017 ne lui a pas été payé et que le nombre d'actions qui lui a été alloué sur cette période était nettement inférieur à celui des années précédentes, passant d'une moyenne de 620 actions entre 2012 et 2016 à seulement 350 actions en 2017. Elle ajoute que sa situation est révélatrice d'un mal être généralisé au sein de l'entreprise et plus particulièrement des difficultés des cadres dirigeants dont les départs ont augmenté de façon significative en 2018.

Ces éléments de faits sont suffisamment établis puisqu'il ressort des dires des parties comme des pièces et notamment du contenu et du volume des échanges de courriels et d'une attestation d'une ancienne collaboratrice que la salariée, qui répartissait seule les dossiers entre ses collaborateurs sans intervention de sa responsable, à qui elle rendait compte directement, qui était en lien direct et fréquent avec des membres du CODIR et du COMEX, qui notifiait à ses collaborateurs le nombre d'actions de performance attribuées a vu, de fait, ses prérogatives récupérées par son nouveau N+2, qui intervenait systématiquement comme intermédiaire même s'il l'associait généralement aux prises de décision.

Il n'est par ailleurs pas contesté que le nombre d'actions attribuées à la salariée a diminué dans les proportions qu'elle indique et que son bonus 2017 ne lui a été pas été payé spontanément mais uniquement après la saisine du conseil.

En outre, il ressort des organigrammes et fiches de poste communiqués que, environ trois mois après le début son arrêt maladie, Mme [L] a vu ses missions reprises par une autre salariée qui, certes remplaçait sa N+1, mais était en réalité positionnée sur les mêmes missions que l'appelante, à qui ses collaborateurs rendaient désormais compte directement et qui se voyait rattacher les services de l'assistante de cette dernière.

Le contexte général en termes de risque psychosociaux liés à la réorganisation de l'entreprise ainsi que le nombre important de départs de cadres sur la période est également suffisamment démontré tant par la production du procès-verbal de la réunion du CHSCT du 14 novembre 2017 soulignant la dégradation des conditions de travail et votant le principe du recours à un expert, de la restitution de la première phase d'expertise le 15 février suivant mentionnant la perception unanime d'un malaise ainsi qu'une pression accrue et continue par le mode de management (hiérarchie forte et contrôlante, perte d'autonomie, peu de communication et de reconnaissance), du rapport de la réunion extraordinaire du CHSCT du même jour comme du bilan social 2017 et 2019.

La dégradation de la santé de la salariée est par ailleurs constatée notamment par le médecin du travail qui rapporte les propos de l'appelante sur ses conditions de travail.

Pris ensemble, les éléments de fait ainsi établis laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

En réponse, l'employeur souligne que la salariée n'a été que peu présente pendant la période sur laquelle elle se plaint de harcèlement, que la réorganisation intervenue relève de son pouvoir de direction, le nouveau responsable étant légitime à se montrer plus interventionniste, qu'il ne ciblait pas particulièrement la salariée, ce mode de management étant commun à l'ensemble de ses collaborateurs, que le niveau hiérarchique de Mme [L] n'a pas été modifié par le nouvel organigramme, que les fiches de poste reflètent la nécessité de palier les conséquences de son absence pour maladie, que le paiement du bonus a été régularisé et que le nombre moyen d'actions attribuées aux salariés a diminué en 2017, une autre salariée étant citée à titre d'exemple. Il fait valoir également que la dégradation de l'état de santé de la salariée et son premier arrêt pour maladie sont concomitants au décès de son père.

Ce faisant, alors que le harcèlement moral peut intervenir sur un bref laps de temps, que le pouvoir de direction de l'employeur ne saurait l'autoriser à restreindre sans en justifier autrement le périmètre d'action et le niveau de responsabilité d'un cadre alors que la mise en 'uvre d'une politique de gestion n'est pas une cause de justification légitime au sens de l'article L.1154-1, que le harcèlement moral peut être retenu sans qu'il soit nécessaire de caractériser que la salariée concernée a été l'objet d'un traitement différent de celui appliqué à ses collègues, que la situation ponctuelle d'arrêt maladie de la salariée n'avait pas vocation à impliquer une modification des organigrammes et fiches de postes qui sont des documents pérennes, que le versement tardif d'un bonus ne constitue pas une justification objective d'un retard de paiement, que la diminution du nombre d'actions allouées à la salariée est significativement plus important (moins importantes ') que celui alloué en moyenne aux autres salariés et que la comparaison avec une autre salariée n'est pas pertinente, celle-ci étant dans une situation différente, la société Gecina n'établit pas que les éléments de fait susmentionnés ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

Le harcèlement moral est donc avéré.

Au regard du préjudice subi par la salariée, sa demande de dommages et intérêts sera accueillie à hauteur de 10.000 euros, le jugement étant infirmé en ce qu'il rejette la demande en ce sens.

2 : Sur la demande de résiliation

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

Par ailleurs, lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis et d'une gravité suffisante et s'ils ont été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie, avec effet à la date du licenciement intervenu postérieurement.

En outre, l'existence d'un harcèlement moral, qui présente nécessairement un caractère de gravité et rend impossible la poursuite de la relation de travail, peu important son éventuelle ancienneté, suffit à fonder la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur qui produit alors les effets d'un licenciement nul.

En l'espèce, il ressort de ce qui précède que le harcèlement moral est établi.

En conséquence, il convient de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, avec les effets d'un licenciement nul au 11 décembre 2018.

Le jugement du conseil de prud'hommes sera donc infirmé en ce qu'il déboute la salariée de sa demande en ce sens

3 : Sur les conséquences financières du licenciement

3.1 : Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

En application de l'article L.1235-3-1 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité pour harcèlement moral et que le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l'espèce, la salariée, qui ne sollicite pas sa réintégration, est fondée à prétendre au paiement d'une indemnité d'au moins six mois de salaire. Compte tenu de l'effectif de l'entreprise, de l'âge de Mme [L], du montant de sa rémunération, de son employabilité, de son ancienneté et des conditions de son retour à l'emploi, cette indemnité sera fixée à 80.000 euros. La société Gecina sera condamnée au paiement de cette somme.

Le jugement sera complété en ce sens.

3.2 : Sur l'indemnité de préavis

Il est constant que, dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée aux torts de l'employeur, l'indemnité de préavis est due, peu important que le salarié n'ait pas été en mesure d'exécuter son préavis en raison de son inaptitude.

Au regard du préavis conventionnel de trois mois applicable en l'espèce et du salaire que Mme [L] aurait perçu si elle avait continué de travailler, il y a lieu de condamner la société Gecina à lui payer 24.798,42 euros ((8.143,14 +123) x 3) à ce titre, outre 2.479,84 euros de congés payés afférents.

Le jugement sera complété en ce sens.

3.3 : Sur les dommages et intérêts au titre de la perte de chance d'acquérir définitivement les actions de performance

Il est constant que le salarié qui n'a pu, du fait de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ou nul, acquérir définitivement ses actions, peut obtenir réparation du préjudice qu'il démontre, notamment sur le fondement de la perte d'une chance. Cependant, la perte de chance ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Au cas présent, en 2016 et 2017, la société a attribué 950 actions de performance à Mme [L]. L'acquisition définitive de ces actions était conditionnée à la présence effective de la salariée au sein de l'entreprise. Les 600 actions attribuées en 2016 devaient être acquises au 23 avril 2019 et les 350 actions attribuées en 2017 devaient être acquises au 20 juillet 2020. Ainsi, du fait de son licenciement nul avant ces deux dates, Mme [L] a été privée d'une perte de chance d'acquérir ses actions, perte de chance qu'il convient d'évaluer à 80% de l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Au regard des éléments produits sur la valorisation de ces actions, le gain réel escompté après imposition peut être évalué à 47.208 euros pour les 600 premières et à 23 801,75 euros pour les secondes.

Compte tenu du taux susmentionné, il convient dès lors d'attribuer à Mme [L] la somme de 56.807,80 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'acquérir définitivement ses actions de performance.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande de ce chef.

3 : Sur les intérêts

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, l'employeur qui a tardé à payer à la salariée son bonus 2017 devra régler les intérêts au taux légal échus sur cette somme entre la date de signature par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil jusqu'à son paiement.

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du même code, les intérêts au taux légal courent sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt.

La capitalisation des intérêts dus pour une année entière, qui est de droit lorsqu'elle est demandée, sera ordonnée.

4 : Sur les demandes accessoires

Le jugement sera infirmé en ce qu'il condamne la salariée aux dépens. Ainsi, l'employeur, partie perdante, supportera les dépens de la première instance comme ceux de l'appel.

La société Gecina sera également condamnée à payer à Mme [L] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour :

- Infirme le jugement du 28 octobre 2019 du conseil de prud'hommes de Paris ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Condamne la SA Gecina à payer à Mme [D] [L] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- Ordonne la résiliation du contrat de travail aux torts de la SA Gecina avec les effets d'un licenciement nul pour harcèlement moral au 11 décembre 2018 ;

- Condamne la SA Gecina à payer à Mme [D] [L] la somme de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- Condamne la SA Gecina à payer à Mme [D] [L] la somme de 24.798,42 euros d'indemnité de préavis, outre 2.479,84 euros de congés payés afférents ;

- Condamne la SA Gecina à payer à Mme [D] [L] 56.807,80 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance d'acquérir définitivement les actions de performance attribuées ;

- Condamne la SA Gecina à payer à Mme [D] [L] les intérêts au taux légal sur le bonus 2017 de 18.333 euros échus entre la date de signature par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil jusqu'à la date de paiement de cette somme ;

- Rappelle que les condamnations de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

- Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

- Condamne la SA Gecina à payer à Mme [D] [L] la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la SA Gecina aux dépens de la première instance et de l'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03647
Date de la décision : 22/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-22;20.03647 ?
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