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22/02/2023 | FRANCE | N°19/11570

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 22 février 2023, 19/11570


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 22 FÉVRIER 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11570 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA76T



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09410



APPELANTE



SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]>
Représentée par Me Pascale ARTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0450



INTIME



Monsieur [K] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane KADRI, avoca...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 22 FÉVRIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11570 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA76T

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 18/09410

APPELANTE

SAS DISTRIBUTION CASINO FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Pascale ARTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0450

INTIME

Monsieur [K] [S]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

M. [K] [S], né le 16 mai 1975, a été engagé par la société Distribution Casino France, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 août 2010 en qualité d'employé commercial confirmé.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216).

M. [S] est parti en congé le 21 septembre 2018

Par courrier du 24 septembre 2018 il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 10 octobre 2018, en vue de son éventuel licenciement. Il lui était en même temps notifié sa mise à pied conservatoire.

Par lettre du 15 octobre 2018, l'employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

"Le jeudi 20 septembre lors de vos horaires de travail, nous avons eu à déplorer de votre part une attitude violente et irrespectueuse à l'égard de M. [L] [W]. En effet, vous avez eu une altercation soutenue avec ce dernier, au cours de laquelle vous l'avez notamment pris au cou.

Une tierce personne du magasin a dû intervenir pour vous séparer de M. [L] [W].

Après cet incident, il a été constaté sur le cou de M. [L] [W] des marques de strangulation.

Votre conduite violente est inacceptable et constitue de graves manquements à vos obligations contractuelles et aux dispositions du règlement intérieur.

Un tel comportement, constitutif d'un acte d'insubordination caractérisé, est de nature à générer un trouble manifeste au bon fonctionnement du magasin. (...)

En agissant de la sorte, vous vous êtes soustrait à vos obligations contractuelles, votre attitude constituant un manquement grave aux dispositions à la fois du règlement intérieur et du Code du travail.

Votre comportement est incompatible avec la poursuite de votre contrat de travail même pendant la durée limitée de votre préavis. C'est pourquoi nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave".

A la date du licenciement, M. [S] avait une ancienneté de 8 ans et 1 mois et la société Distribution Casino France occupait à titre habituel au moins onze salariés.

Contestant son licenciement, M. [S] a saisi le 12 décembre 2018 le conseil de prud'hommes de Paris aux fins d'obtenir la condamnation de la société à lui verser les sommes suivantes :

- 756,38 euros de rappel de salaires sur mise à pied conservatoire ;

-75,63 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 4 144 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 414,40 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur le préavis ;

- 4 144 euros d'indemnité de licenciement légale ;

- 20.720,00 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 689,95 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

- 68,90 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 1 800 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- avec mise des dépens à la charge de la défenderesse.

La Société Distribution Casino France s'est opposée à ces prétentions et a sollicité l'allocation de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de la demanderesse aux dépens.

Par jugement du 12 juin 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le licenciement a été déclaré fondé sur une cause réelle et sérieuse et la société a été condamnée à verser au demandeur les sommes suivantes :

* 3.905,72 euros d'indemnité de licenciement,

* 756,38 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 75,63 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

* 4.144 euros d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 414,40 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

* 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les parties ont été déboutées de leurs autres demandes et condamné la partie défenderesse au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 19 novembre 2019, la société Distribution Casino France a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe reçue par celle-ci le 4 novembre 2019.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le Réseau privé virtuel des avocats le 7 avril 2020, l'appelante demande d'infirmer le jugement en ce qu'il a requalifié le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, prie la cour de débouter M. [S] de toutes ses demandes et d'ordonner le remboursement par le salarié de la somme de 7.427,12 euros versée au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement. Il réitère ses demandes reconventionnelles formulées en première instance relativement aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses uniques conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 11 février 2020, l'intimé demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a écarté la faute grave et condamné la société Distribution Casino France à payer à M. [S] diverses sommes, y compris l'indemnité légale de licenciement dont il demande la confirmation de la condamnation à hauteur de 4.144 euros, alors que le conseil de prud'hommes n'a condamné la société à son versement qu'à hauteur de 3.905,72 euros. Il réitére devant la cour "statuant à nouveau" ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents. Il prie la cour de lui allouer en sus la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'appelant aux dépens y compris "les frais d'exécution de la décision à intervenir".

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

M. [K] [S] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui verser un rappel d'heures supplémentaires au motif qu'alors qu'il devait contractuellement fournir un travail de 36 heures par semaine, il a travaillé 39 heures par semaine du 1er janvier au 1er mai 2018. Il souligne que l'employeur ne fournit pas l'accord de modulation du temps de travail sur lequel il se fonde pour s'opposer au paiement des heures supplémentaires.

La société Distribution Casino France objecte que les plannings produits par le salarié ne sont pas clairs et ne tiennent pas compte de l'article 2 de l'accord dit "Ombrelle" sur la modulation du temps de travail du 17 juin 1999.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 3121-41 du Code du travail, lorsque est mis en place un dispositif d'aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à l'issue de cette période de référence.

Cette période de référence ne peut dépasser trois ans en cas d'accord collectif et neuf semaines en cas de décision unilatérale de l'employeur.

Si la période de référence est annuelle, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà de 1 607 heures.

Si la période de référence est inférieure ou supérieure à un an, constituent des heures supplémentaires les heures effectuées au-delà d'une durée hebdomadaire moyenne de trente-cinq heures calculée sur la période de référence.

Aux termes de l'article L 3171-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, il appartient cependant au salarié de présenter des éléments précis à l'appui de sa demande.

Le salarié fournit un tableau par mois, avec l'indication du mois apposée de manière manuscrite, aboutissant à un travail effectif de 39 heures par semaine, au lieu des 36 stipulées au contrat.

Contrairement à ce que prétend l'employeur le tableau du mois d'avril est aussi clair que les autres.

Ni le contrat de travail de M. [K] [S], ni l'accord "Ombrelle" du 17 juin 1999 sur l'aménagement du temps de travail pour la société Casino France, ni les feuilles de paie, ni les explications bien floues à ce sujet de la société Distribution Casino France ne permettent de comprendre en quoi les heures supplémentaires dégagées par le tableau précité ne seraient pas dues à raison de l'application d'un horaire modulé.

Par suite, il sera fait droit à la demande de l'intéressé.

Sur le licenciement

La société Distribution Casino France soutient que les actes de violence justifient le licenciement pour faute grave d'autant plus que l'intéressé avait déjà fait l'objet de sanctions auparavant notamment pour des faits du même ordre.

M. [K] [S] soutient avoir été pris à partie par M. [L] [W] et qu'ils se sont tous deux empoignés par le col.

Sur ce

Il importe peu que la convocation à l'entretien préalable et l'entretien préalable aient pour dates des jours où l'intéressé était en congé, aucune contrainte pesant à cet égard sur l'employeur.

Il ressort des attestations précises de Mme [C], manager et de M. [P], équipier de nuit, qui ont assisté aux faits, qu'à l'occasion de propos tenus par M. [L] [W] relatifs à la quantité de colis que M. [K] [S] avait sur sa palette de livraison, celui-ci en désaccord avec son collègue, s'est dirigé directement vers lui pour le prendre à partie et "sans attendre", comme l'indique l'un des témoins, l'a pris par le cou dans un geste d'étranglement.

Une photographie du cou de M. [L] [W] révèle des traces rouges très nettes témoignant de la brutalité du geste.

Les attestations produites par le salarié ne se rapportent pas aux faits, et se bornent à vanter les mérites de M. [K] [S] et dénoncer les défauts de M. [L] [W]. Ces témoignages sont donc inopérants.

Aucun motif sérieux ne pouvait, ne fût-ce qu'expliquer, une telle attitude.

La dangerosité du salarié était d'autant plus à redouter qu'il avait déjà fait l'objet d'une mise à pied d'une journée notifiée par lettre du 7 mars 2016 pour s'être emporté le 11 janvier 2016 en ayant, dans le même trait de temps, crié contre un collègue, avoir renversé une table, jeté des objets se trouvant sur un réfrigérateur, envoyé une assiette en direction d'une personne, puis dans un second temps, peu après, pour avoir jeté des médicaments au sol et donné des coups de pied dans ceux-ci, puis projeté un chariot dans une allée.

Les violences faites aux salariés ne peuvent être admises socialement et en ce qu'elles révèlent un danger présenté par leur auteur à l'égard des personnes de son environnement de travail. Son maintien dans l'entreprise s'avérait impossible, compte tenu des risques de réitération sauf à priver l'employeur de tout moyen de respecter son obligation de sécurité. De plus, il était inenvisageable qu'il continuât à travailler en risquant de rencontrer la victime.

Il s'ensuit que le licenciement pour faute grave est fondé et que seront rejetées les demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire pour mise à pied conservatoire, d'indemnité de congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et d'indemnité de congés payés y afférents.

Sur le remboursement des sommes payées au titre de l'exécution provisoire, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement est sans objet, dès lors que le présent arrêt infirmatif a force exécutoire de plein droit à cet égard.

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de confirmer le jugement au titre des frais irrépétibles de première instance et de rejeter sa demande formée de ce chef en appel. La société qui succombe partiellement sera déboutée quant à l'application de ce texte.

Chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens de première instance et le salarié supportera les dépens d'appel, puisqu'il succombe en appel sur l'essentiel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré sauf sur les demandes en paiement de rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire, de l'indemnité de congés payés y afférents, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de congés payés y afférents ;

Statuant à nouveau ;

Rejette ces demandes ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes des parties au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Déclare sans objet la demande de remboursement des sommes versées en trop au titre de l'exécution provisoire du jugement déféré, le présent arrêt infirmatif valant titre exécutoire de ce chef ;

Condamne M. [K] [S] aux dépens d'appel ;

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/11570
Date de la décision : 22/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-22;19.11570 ?
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