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22/02/2023 | FRANCE | N°19/00916

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 22 février 2023, 19/00916


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 22 FEVRIER 2023



(n° 2023/81 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00916 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7DMG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/02035



APPELANTE



Madame [R], [P] [B] épouse [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le 19

Octobre 1975 à [Localité 3]

Représentée par Me Marie-béatrix BEGOUEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2080



INTIMEE



SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 22 FEVRIER 2023

(n° 2023/81 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00916 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7DMG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Novembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F16/02035

APPELANTE

Madame [R], [P] [B] épouse [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le 19 Octobre 1975 à [Localité 3]

Représentée par Me Marie-béatrix BEGOUEN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2080

INTIMEE

SA AIR FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : T03

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, Conseillère

Mme Florence MARQUES, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence MARQUES dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

La société Air France est une entreprise de transport aérien qui opère des vols sur un réseau international et national.

La société Air France compte trois catégories de personnel, à savoir :

- les pilotes (ou PNT, personnel navigant technique) ;

- le personnel navigant commercial (PNC comportant les hôtesses et les stewards) ;

- le personnel sol.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 24 octobre 2000,

Mme [R] [B] épouse [H] a été engagée par la SA Air France, en qualité d'hôtesse, classement 6 échelon A1.

Les relations contractuelles entre les parties sont soumises à des accords d'entreprises, dont celui du personnel naviguant commercial (PNC) et d'une convention collective intitulée "Transport aérien Air France".

La SA Air France a connu une situation économique très difficile ainsi que plusieurs périodes de grèves ont conduit à l'adoption de nouvelles mesures concernant le personnel naviguant commercial avec l'entrée en vigueur au 1er janvier 1996 d'une nouvelle échelle de carrière, appelée "B-Scale" applicable à toutes les embauches sous contrat à durée indéterminée, qui intégrait 13 échelons d'ancienneté au lieu de 10 et de 6 classes au lieu de 4 et impactait la rémunération de cette catégorie de personnel. Il co-existait en effet deux échelles de rémunérations entre les salariés engagés avant et après le 1er janvier 1996.

Par avenant signé le 22 novembre 2001 à effet du 1er janvier 2002, l'échelle B-Scale a disparu. Les PNC embauchés depuis le 1er décembre 1995, ont vu leur ancienneté dans l'échelon recalculée sur la base de la nouvelle grille.

Mme [R] [B] épouse [H] a saisi le 12 mai 2016 le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de voir condamner la SA Air France à lui payer la somme de 20 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de la règle " à travail égal, salaire égal", outre celle de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 28 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Bobigny a déclaré la demande prescrite, débouté la SA Air France de sa demande reconventionnelle et condamné la salariée aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 7 janvier 2019, Mme [B] épouse [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 avril 2019, Mme [R] [B] épouse [H] demande à la cour de:

- La declarer recevable en son appel et bien fondée en ses demandes, pièces et prétentions;

- Infirmer le Jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en date du 28 novembre 2018,

Statuant à nouveau,

- Condamner la société Air France à régler à Madame [R] [H] la somme de 20.000€ à titre d'indemnité pour violation de la règle à travail égal, salaire égal ;

- Condamner la société Air France à régler à Madame [R] [H] la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Debouter la société Air France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

- Assortir ces condamnations de l'intérêt à taux légal à compter du prononcé de la décision à intervenir ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts ;

- Condamner la société Air France aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels de la décision à intervenir, lesquels seront recouvrés par Maître Marie-Béatrix BEGOUËN Avocat près le Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er juillet 2019, la SA Air France demande à la cour de :

-Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 28 novembre 2018,

- Dire et juger que Madame [B] est irrecevable en ses demandes en raison de la prescription,

- Débouter Madame [B] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner Madame [B] à payer à la société Air France la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 13 décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur la prescription

Mme [R] [B] épouse [H] indique que son action, fondée sur une discrimination au travail, est soumise, depuis la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, à une prescription quinquennale qui court, en application de l'article L 1134-5 alinéa 1 à compter de la révélation de la discrimination au demandeur. Elle souligne que l'article L 1134-5 du code du travail permet d'obtenir la réparation de la totalité de son préjudice si bien que dés lors que l'action n'est pas prescrite, il est possible d'obtenir réparation de faits remontant à plus de 5 ans en arrière.

Mme [R] [B] épouse [H] soutient que par un arrêt du 28 mai 2015, la cour d'appel de Paris a condamné la société Air France à verser à une de ses salariés la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation du principe d'égalité de traitement entre les salariés, que les syndicats ont diffusé cet arrêt auprès des salariés d'Air France et qu'elle a découvert, à cette occasion, qu'elle se trouvait exactement dans la même situation que cette salariée.

Mme [R] [B] épouse [H] soutient que son droit à agir lui ayant été révélé uniquement après le 28 mai 2015, son action n'est pas prescrite puisqu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 12 mai 2016, soit avant l'expiration du délai de 5 ans.

La salariée soutient, à titre subsidiaire, que s'il était retenu la prescription de l'article L 1471-1 du code du travail, ayant agi moins de deux ans après la révélation des faits, son action n'est pas prescrite.

La SA Air France soutient que les demandes sont irrecevables en raison de la prescription de l'article L 1471-1 du code du travail seul applicable aux dispositions de l'article L3221-2 du code du travail relatif à l'égalité de traitement. La société rappelle que la loi du 17 juin 2008 a rédui le délai de prescription de 30 à 5 ans si bien que tous les faits antérieurs au 19 juin 2008 sont prescrits à compter du 2013.

La SA Air France rappelle qu'aux termes de l'article L1471-1 du code du travail « Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit » .

La société soutient que la date de révélation des faits est la date d'entrée dans l'entreprise de Mme [R] [B] épouse [H] puisqu'elle a été informée à cette occasion des nouvelles règles de carrière qui pouvait agir jusqu'au 20 juin 2013. La société indique que l'échelle « B-Scale » a été appliquée de 1996 au 1er janvier 2002 et a fait l'objet de :

- de 53 jours de grève à l'initiative des syndicats ;

- de nombreuses communications syndicales diffusées dans l'entreprise et remises pour certaines à tous les PNC ;

- de lettres d'Air France adressées à tous ses PNC ;

- de communication interne de la part d'Air France dans les flashs actualité ;

- de différents accords collectifs signés par les partenaires sociaux ;

- d'articles de presse extérieure à l'entreprise, de reportages aux journaux télévisés et dans des radios à audience nationale.

La SA Air France soutient en conséquence que l'action de Mme [R] [B] épouse [H] qui a saisi le conseil de prud'hommes le 12 mai 2016 soit après le 20 juin 2013 est prescrite.

La cour constate qu'elle est saisie d'une demande de dommages et intérêts fondée sur le non respect du principe « à travail égal, salaire égal », que si cette demande est présentée sous le prisme « d'une discrimination au travail », elle ne relève pas des cas de discrimination énumérés à l'article L1132-1 du code du travail mais relève de l'article L3221-2 du code du travail.

Au cas d'espèce, la cour étant saisie d' une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, l'article L 1471-1 du code du travail s'applique.

Concernant le point de départ de la prescription, il ressort des nombreuses pièces produites par la SA Air France que durant toute la période pendant laquelle l'échelle B-Scale a existé, elle n'a cessé d'être contestée, au sein de l'entreprise par l'action syndicale (tracs syndicaux, publications syndicales), et à l'extérieur (presse). L'existence de cette double grille de salaires a également entraîné des grèves des salariés entre 1996 et 1998 et encore courant 2001.

Des négociations ont débuté en avril 2001 auxquelles, il a été donné un écho important par les syndicats et ont abouti à un accord à effet du 1er janvier 2002, mettant fin à l'échelle B-Scale.

La société a communiqué auprès des PNC après la signature de cet accord. Si la SA Air France ne rapporte pas la preuve qu'elle a effectivement envoyé à Mme [R] [B] épouse [H] le courrier dont il est fait état, rien ne permet d'en douter, s'agissant d'une lettre circulaire.

En outre,les syndicats se sont également très largement exprimés sur le sujet.

Enfin les fiches de paies ont été modifiées ( salaires et échelons) avec l'entrée en vigueur de la nouvelle grille si bien que la salariée a été informée au plus tard à la date de réception du bulletin de salaire de janvier 2002.

Il ne peut être sérieusement soutenu et encore moins retenu que Mme [R] [B] épouse [H] a eu connaissance de sa situation uniquement à compter de l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 28 mai 2015.

Au 31 janvier 2002, le délai de prescription était de 30 ans. Selon la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, les actions personnelles et mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour ou le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer. Ses dispositions qui réduisent le délai de prescription s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

En conséquence, en application de ces dispositions, Mme [R] [B] épouse [H] pouvait agir jusqu'au 19 juin 2013.

La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 a réduit à deux ans la prescription des actions portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail.

Il ressort cependant des dispositions transitoires de cette loi édictées en son article 21-V, et de l'article 2222 alinéa 2 du code civil, que ces nouvelles dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, date de promulgation de la loi précitée, sans que la durée totale de la prescription ne puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Mme [R] [B] épouse [H] a saisi la juridiction prud'homale le 12 mai 2016, si bien que son action est prescrite.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que la demande est irrecevable comme étant prescrite.

2-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, Mme [R] [B] épouse [H] sera condamnée aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie ses frais irrépétibles, en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les parties de leur demande respective fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne Mme [R] [B] épouse [H] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/00916
Date de la décision : 22/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-22;19.00916 ?
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