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22/02/2023 | FRANCE | N°18/11922

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 22 février 2023, 18/11922


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 22 FEVRIER 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/11922 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TXK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/04200





APPELANTE



CBRE CONSEIL ET TRANSACTION anciennement SASU CBRE AGENCY>
[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Mehdi LEFEVRE-MAALEM, avocat au barreau de PARIS



INTIME



Monsieur [X] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté pa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 22 FEVRIER 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/11922 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6TXK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/04200

APPELANTE

CBRE CONSEIL ET TRANSACTION anciennement SASU CBRE AGENCY

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Mehdi LEFEVRE-MAALEM, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur [X] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Sylvie BUCHALET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0410

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Anne MENARD, présidente

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK, stagiaire en préaffectation sur poste

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière stagiaire en préaffectation sur poste, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [X] [T] a été engagé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, le 28 septembre 1998, par la Société Richard Ellis en qualité de Représentant-Négociateur V.R.P.

En janvier 2005, son contrat de travail a été repris par la société CBRE Agency spécialisée dans l'immobilier d'entreprise.

Le 6 septembre 2012, il a été nommé Directeur de centre de profit « Senior Advisors ».

En mai 2016 il lui est proposé d'être promu au poste de directeur de la ligne de produit bureaux Ile de France et tenant représentation, de porter la partie fixe de sa rémunération mensuelle à 11.000€ bruts et de modifier sa rémunération variable , proposition qu'il a refusé le 27 mai 2016.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 mars 2017, la société CBRE Agency a notifié à monsieur [T] son licenciement pour les motifs suivants :

« Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 février 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable, fixé le 23 février 2017, à une éventuelle mesure de licenciement.

Nous avons ensuite été dans l'obligation de vous notifier, par courrier en date du 16 février 2017, une mise à pied à titre conservatoire dans l'attente de la décision définitive.

Les explications que vous nous avez données lors de l'entretien du 23 février, au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [P] [I], n'ont pas permis de modifier notre appréciation des différents manquements à vos obligations contractuelles et professionnelles que nous vous imputons.

Nous avons donc décidé de procéder à votre licenciement pour faute.

Nous vous reprochons, d'abord, d'avoir fait prendre en charge par l'entreprise des dépenses personnelles en les présentant, de façon trompeuse, comme professionnelles, c'est-à-dire engagées dans l'intérêt de la société.

Vous avez ainsi transmis une facture en date du 2 février 2017 relative à l'achat de 36 bouteilles de champagne de marque « Taittinger » pour un montant total TTC de 986.69€ dont nous avons découvert que vous aviez demandé, sur le bon de commande correspondant, que l'adresse de livraison ne soit pas mentionnée.

Lors de l'entretien préalable, vous nous avez indiqué qu'il s'agissait de cadeaux de fin d'année destinés à des clients et que vous aviez demandé que ces bouteilles vous soient livrées à votre adresse personnelle afin de pouvoir les offrir dans le cadre de dîners organisés à votre domicile.

Nous avons sollicité que vous nous transmettiez la liste précise de ces clients, ce que vous vous étiez engagé à faire avant pour le 1 er mars 2017, tout en nous précisant que l'ensemble de ces bouteilles n'avaient pas été distribuées.

Le simple fait qu'à la date du 23 février 2017, soit pratiquement 2 mois après la fin de l'année, les cadeaux prétendument prévus pour être remis à cette occasion, n'aient pas tous été distribués décrédibilise vos explications. De la même façon, il est incompréhensible que vous ayez fait stipuler sur le bon de commande « merci de ne pas faire figurer l'adresse de livraison ».

En tout état de cause, nous constatons, qu'à ce jour, la liste des clients auxquels étaient, selon vous, destinées ces bouteilles ne nous est toujours pas parvenue.

Faute d'avoir pu nous rapporter la preuve que cette dépense avait été engagée dans l'intérêt de la société, nous considérons que ces bouteilles, livrées à votre domicile, n'auraient jamais dû être présentées comme une dépense professionnelle, ni facturées à la Société.

S'agissant de la facture « Fédération Française de Tennis » du 20 septembre 2016 relative à l'événement « BNP Paribas Master 2016 » pour un montant TTC de 49.146,55€, nous avons constaté que vous aviez réservé à votre nom l'ensemble des places disponibles pour le dimanche 6 novembre 2016, qui correspondait à la finale, sans communiquer la liste de vos clients invités, conformément à la demande du service Communication & Marketing.

Nous avons sollicité, dans le cadre de votre entretien préalable, que vous nous fournissiez cette liste pour le 1 er mars 2017.

Vous avez accepté de répondre favorablement à cette demande, tout en précisant que vous aviez réservé ces places pour des clients « amis », notamment Madame [Y] [A] et Monsieur [H] [F] qui sont, pour la première, une ancienne collaboratrice de CBRE et, pour le second, votre beau-père.

En tout état de cause, nous ne pouvons aujourd'hui que constater que vous ne nous avez toujours pas transmis la liste des clients que vous avez prétendument invités à la finale de cet événement sportif.

Faute d'avoir pu justifier que ces places ont effectivement été attribuées à des clients de la société, nous sommes dans l'obligation de considérer que vous en avez fait un usage personnel, au préjudice de la société.

Enfin, nous relevons que la facture « Liberty & Co » fait état de 50 coffrets cadeaux. Or, les

effectifs au 31 décembre 2016 de l'équipe IDF + 5000 (vous y compris) et de l'équipe Tenant Rep étaient de 40 personnes. En conséquence, 10 coffrets cadeaux ont été commandés en plus de ceux distribués aux membres de votre équipe.

Vous n'avez pas été en mesure de nous fournir des éléments de preuve établissant que ces 10 coffrets avaient été attribués à des collaborateurs de la société. Nous ne pouvons donc que considérer que vous les avez conservés à des fins personnelles.

L'ensemble de ces faits, qui sont susceptibles de revêtir une qualification pénale, constituent des manquements caractérisés à votre obligation contractuelle de loyauté. Vous avez manifestement abusé de la confiance que nous vous accordions compte tenu de vos fonctions de direction.

Nous vous reprochons également de ne pas avoir participé à la présentation « Trinity » le 26 janvier 2017, dont vous connaissiez l'importance pour l'entreprise et pour laquelle votre présence était requise.

Non seulement, vous avez annoncé de manière tardive votre absence mais, au surplus, pour l'expliquer, vous avez initialement, de façon extrêmement laconique, invoqué un empêchement personnel, sans pour autant fournir le moindre justificatif médical ou déposer une 1/2 journée de congé, pour arguer ensuite d'un motif professionnel que vous n'avez pas voulu préciser.

Il s'agit d'un manquement caractérisé à vos obligations professionnelles. Compte tenu de vos fonctions et de votre niveau de responsabilité, votre comportement à cette occasion est inacceptable. Nous constatons, par ailleurs, le non-respect de vos obligations en matière de formation professionnelle, qu'il s'agisse des formations en anglais, langue indispensable à l'exercice de vos missions, que de celles mises en place pour vous permettre d'assurer correctement vos fonctions managériales.

Vous ne suiviez ainsi pas les cours individuels d'anglais qui ont été prévus pour vous. Vous

avez également refusé de participer au cycle de formation managériale organisée pour l'ensemble des directeurs.

S'agissant de vos missions d'encadrement, nous vous rappelons que la gestion administrative des congés de vos collaborateurs, que vous assurez de manière irrégulière et incomplète, en fait partie intégrante, ce que vous auriez pu intégrer si vous aviez participé au parcours de formation managériale.

Enfin nous avons pu constater que vous ne posiez pas de congés ou de RTT pour l'ensemble de vos absences, notamment vos journées entières indiquées « en absent du bureau » avec pour objet « BRAS », qui est le lieu de votre résidence secondaire.

Vos agissements manifestent une absence total de prise en compte de vos responsabilités professionnelles à un poste d'encadrement. Ils caractérisent des violations réitérées de votre obligation contractuelle de loyauté et des manquements graves à l'honnêteté qui doit normalement présider à nos rapports.

Nous sommes donc dans l'obligation de vous licencier, étant souligné que nous avons décidé, au regard de l'ancienneté de notre collaboration, de ne pas retenir la qualification de faute grave, qui aurait été privative de vos indemnités de préavis et de licenciement. »

Par jugement du 17 septembre 2018, le Conseil de Prud'hommes de Paris a :

- Dit les demandes de Monsieur [T] recevables ;

- Dit le licenciement de Monsieur [T] sans cause réelle et sérieuse ;

- Fixé le salaire moyen mensuel de Monsieur [T] à la somme de 38.086,64€ brut ;

- Condamné la Société CBRE à verser à Monsieur [T] les sommes suivantes :

- 723.646€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 72.172,09€ à titre de dommages et intérêts pour le droit de suite ;

- 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Débouté Monsieur [T] du surplus de ses demandes.

La Société CBRE Agency a fait appel de ce jugement le 23 octobre 2018.

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA en date du 19 décembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société CBRE Agency devenue CBRE Conseil &Transaction demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré monsieur [T] recevable en ses demandes additionnelles formulées par voie de conclusions le 31 janvier 2018 ;

d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement de monsieur

[T] sans cause réelle et sérieuse et a condamné la Société CBRE Agency devenue CBRE Conseil &Transaction à lui verser 723.646€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , en ce qu'il a condamné la société à lui payer la somme de 72.172,09€ à titre de dommages et intérêts pour le droit de suite et la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Statuant à nouveau, elle demande de

Déclarer irrecevables, sur le fondement des dispositions des articles 4 et 70 du Code

de Procédure Civile, les demandes additionnelles de monsieur [T], formulées

par voie de conclusions le 31 janvier 2018 ;

Dire et juger que le licenciement de monsieur [T] en date du 3 mars 2017 repose

sur une cause réelle et sérieuse ;

Débouter monsieur [T] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse , de sa demande au titre du droit de suite ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [T] de ses autres demandes;

Condamner Monsieur [T] à payer à la Société CBRE Agency devenue CBRE Conseil &Transaction une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens

Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA le 8 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [T] demande à la cour de

' Déclarer la société CBRE Agency devenue CBRE Conseil &Transaction , mal fondée en son appel et l'en débouter

' Confirmer le jugement en ce qu'il a dit les demandes de monsieur [T] recevables en ce qu'il a considéré le licenciement de monsieur [T] sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société CBRE Agency devenue CBRE Conseil &Transaction à lui payer la somme de 723 646,16 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 72 172,09 € bruts au titre de droit de suite

' L'infirmer pour le surplus, statuant à nouveau :

' Fixer la moyenne des rémunérations de monsieur [T] à la somme de 102.978,04 euros bruts ;

' Condamner la Société CBRE Agency devenue CBRE Conseil &Transaction à verser à Monsieur [T] les sommes suivantes

-222 878,31 euros brut au titre d'un rappel des salaires, congés payés et 13 ème mois inclus

entre 2014 et 2017 en vertu de l'avenant en date du 19 mars 2014 ;

- 288 799,13 euros au titre du rappel de l'indemnité légale de licenciement ;

- 20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ; avec intérêts au tau légal et anatocisme

' Condamner la Société CBRE Agency devenue CBRE Conseil &Transaction à remettre à Monsieur [T] les documents sociaux rectifiés selon l'arrêt à intervenir;

' Ordonner la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux spécialisés en

matière immobilière dont les journaux IMMO WEEK et BUSINESS IMMO ;

En tout état de cause :

' Condamner la Société CBRE Agency devenue CBRE Conseil &Transaction au paiement de la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes du 31 janvier 2018.

Selon l'article 65 du Code de Procédure Civile, constitue une demande additionnelle « la demande par laquelle une partie modifie ses prétentions antérieures ».

Le premier alinéa de l'article 70 du Code de Procédure Civile prévoit que les demandes nouvelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant .

La société CBRE soutient que à compter du 1 er août 2016, le droit commun des règles

de recevabilité des demandes additionnelles est devenu applicable et rappelle que monsieur [T] a saisi le conseil de Prud'hommes le 1er juin 2017 .

Monsieur [T] expose que peuvent être considérées comme des demandes additionnelles :

ses demandes en rappel de salaires de l'année 2014 , relative au droit de suite qui se rattache à la demande de rappel de salaire ( 72 172,09 € ) et le rappel d'indemnité légale de licenciement : 288 799,13 € enfin la demande de rappel de salaires à compter du 1 er janvier 2015, était mentionnée mais non chiffrée dans la requête .

Il sera observé que la demande de rappel de salaire qui est étendue à l'année 2014 constitue une demande additionnelle à celle relative à l'année 2015.

Cette demande est donc recevable.

Le droit de suite est en rapport avec les commissions des affaires réalisées à la suite et en conséquence du travail effectué, il est donc en lien avec la partie variable de la rémunération et se rattache à la demande initiale de rappel de salaires.

Cette demande est également recevable.

Le rappel de l'indemnité légale de licenciement est liée à la contestation du licenciement.

Ces demandes se rattachant par un lien suffisant aux demandes initiales sont recevables.

À titre liminaire il sera exposé que par avenant n°3 en date du 2 mai 2016 il était proposé à monsieur [T] d'être rétroactivement au 1er janvier 2016 promu directeur de la ligne de produit bureaux Ile de France et Tenant Representation , exécutive director niveau C3 de la convention collective nationale de l'immobilier, cet avenant modifiant sa rémunération fixant la partie fixe à 11000€ mensuel et la partie variable comme suit :

- Une prime annuelle discrétionnaire de 50.000€ bruts ;

- Un commissionnement variable liée à la performance de la ligne produit Bureaux Ile

de France et Tenant Représentation et donc calculé sur le chiffre d'affaires facturé et

encaissé par CBRE sur ces deux lignes de produit avec un taux de commission de 0,40% sur le chiffre d'affaires net hors taxe facturé et encaissé jusqu'à concurrence de l'objectif annuel de chiffre d'affaires net hors taxe et un taux de 2% au delà ( ce chiffre étant fixé pour 2016 à 36700 000€) ;

- Une prime de marge annuelle d'un montant de 50.000€ bruts, doublé d'un

commissionnement supplémentaire en cas de dépassement de l'objectif de marge

annuelle ;

- Une prime sur EBITDA d'un montant de 50.000€ bruts.

Monsieur [T] a refusé cette modification de son contrat de travail et malgré des échanges avec son employeur , aucun accord n'a été trouvé .

Sur le licenciement

Selon l'article L.1232-1 du code du travail, un licenciement pour motif personnel doit être motivé par une cause réelle et sérieuse ; en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement fixe le cadre du litige.

En vertu de l'article L. 1332-4 du Code du travail :

« Aucun fait fautif ne peut donner lieu lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénale ».

Monsieur [T] soulève la prescription relative à 3 faits fautifs qui lui sont reprochés :

Les griefs ayant trait à la facture du 20 septembre 2016 pour la réservation d'une loge pour l'événement ' BNP Paribas Master 2016" le 6 novembre 2016, à la note de restaurant [J] [S] pour un montant total de 627€ du 9 novembre 2016 et à la facture du 6 décembre 2016 relative à l'achat de 50 « carte Liberty Excellence » pour un montant total de 17.766€ TTC sont prescrits :

Il sera observé que bien que ces faits soient prescrit monsieur [T] verse aux débats des attestations justifiant du caractère professionnel de ces dépenses , ainsi monsieur [W] et monsieur [K] attestent avoir été présents à la remise des coffrets « carte Liberty Excellence » aux collaborateurs les plus méritants de l'équipe de monsieur [T] qui est composée de 160 personnes selon les attestations et non de 40 personnes comme le soutient sans le démontrer l'entreprise..

Les dépenses reprochées à Monsieur [T] non prescrites sont les suivantes :

- 36 bouteilles de champagne,

- des notes de frais récurrentes pour des déjeuners le mercredi sur le mois de janvier 2017, d'un montant total de 278,30€

- une note de frais du 31 janvier 2017 pour un repas au restaurant, d'un montant de 116€

Il est démontré que le bon de commande des caisses de champagne comporte la mention 'ne pas mentionner l'adresse de livraison'. Il résulte cependant de la facture que ces bouteilles ont été livrés chez monsieur [T] qui a indiqué les avoir fait livrer chez lui pour les remettre à ses clients lors de dîner qu'il organiserait à son domicile .

Il lui est reproché d'avoir indiqué lors de l'entretien préalable ne pas les avoir toutes remises à ses clients , il sera observé que la livraison est intervenue le 2 février, et que l'entretien préalable s'est déroulé le 23 février , ainsi la non distribution de toutes les bouteilles s'explique par le cours laps de temps écoulé entre ces deux dates.

Il verse aux débats les attestations de monsieur [N] (directeur asset management bureaux au sein AEW ) qui atteste avoir reçu une caisse de champagne et avoir été invité au master de tennis, de monsieur [U] ( gérant de société ) qui atteste avoir reçu une caisse de champagne et avoir été invité au master de tennis , de monsieur [L] ( directeur de la société Emerige lauréat du projet de la [Adresse 4] ) qui atteste avoir reçu une caisse de champagne et déjeuner régulièrement le mercredi avec monsieur [T], déjeuner aux cours desquels les enfants de ce dernier qu'il connaissait , passaient les embrasser , de monsieur [E] travaillant pour le groupe Natteko (immeubles tertiaires à énergie positive ) qi atteste avoir participé aux repas du 9 novembre 2016 et 31 janvier 2017 , avoir reçu une caisse de champagne et avoir assisté à des déjeuners en janvier pendant lesquels les enfants de monsieur [T] qu'il connaissait passaient les voir, de monsieur [Z]( président du groupe B&C France ) ( investissement immobilier promoteur...) Qui atteste avoir reçu une caisse de champagne, avoir été invité au master de tennis .

Monsieur [F], beau père du salarié (directeur du directoire d'heracles investissement) président d'Icade promotion atteste avoir été invité au master de tennis .

Il résulte de ces attestations établies par des professionnels de l'immobilier qui soulignent tous avoir travaillé avec la société CBRE en raison du professionnalisme et de l' intégrité de monsieur [T].

Les cadeaux ou invitations faits à ces professionnels qui ont travaillés avec le société CBRE doivent en conséquence être considérés comme des frais professionnels.

Dès lors les griefs ne sont pas démontrés.

Il sera observé que si la livraison à son domicile de caisse de champagne parait surprenante, ainsi que le passage de ses enfants lors de déjeuner d'affaires, il appartenait à l'entreprise d'interroger le salarié sur ces pratiques , de le mettre en demeure d'y remédier , avant d'entamer une procédure de licenciement à l'encontre de ce salarié ayant une ancienneté de près de 20 ans qui s'est constitué un réseau de partenaires importants dont les témoignages ne peuvent être mis en cause. Il sera également observé que ces reproches interviennent, alors qu'un litige existe entre l'employeur et le salarié sur les nouvelles modalités de sa rémunération .

L'employeur a ajouté à ces motifs, trois autres griefs :

- l'absence de Monsieur [T] à une réunion du 26 janvier 2017,

- le non-respect de ses obligations en matière de formation,

- l'absence de prise de congés et de RTT pour l'ensemble de ses absences.

Ces motifs quand bien même ils seraient avérés ne sont pas sérieux , monsieur [T] exerçant à tout le moins de fait et malgré la non signature de l'avenant proposé des fonctions de cadre dirigeant.

Dès lors le jugement du conseil de Prud'hommes qui a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse sera confirmé ainsi que le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse qui a été fixé à 723646,16€.

Sur le rappel de salaire

Le 19 mars 2014, Monsieur [T] a signé un avenant à son contrat de travail qui lui fixait un objectif annuel personnel et un objectif pour son centre de profit et définissait les éléments constitutifs de sa rémunération pour l'année 2014.

Cet avenant est le contrat de travail applicable à la relation salariée au jour du licenciement

Il prévoit que la rémunération est fixé comme suit :

-une rémunération fixe mensuelle brut de 8 750 euros.

-une rémunération variable décomposée ainsi :

Sur votre centre de profit, dit « CDP1 »

1,20% sur le chiffre d'affaires de 0 à 100 % de la MTA (moyenne des 3 dernières années), dit « taux 1 »,

3% sur le chiffre d'affaires entre 100% et 140% de la MTA, dit « taux 2 »,

6% sur le chiffre d'affaires au-delà de 140% de la MTA, dit « taux 3 ».

Pour 2014, la MTA applicable telle que calculée dans la définition de l'avenant n°3 du

Cadre s'établit à 10 000 000 € nets hors taxes. »

- Une rémunération sur le chiffre d'affaires personnel :

Dans le cas où vous réaliseriez du chiffre d'affaires personnel en dehors de votre centre de profit et de ligne produit ' bureaux Ile de France ' vous serez rémunéré à un taux linéaire de 10%.

- Une prime sur marge annuelle :

« Une prime sur marge d'un montant de 8 000 € bruts vous sera versée si la marge

annuelle réelle du centre de profit est égale ou supérieure à la marge annuelle budgétée.

Elle vous sera payée au plus tard après approbation des comptes annuels par

l'Assemblée Générale, soit dans les 6 mois suivants la clôture de l'exercice.

Le paiement de cette prime est subordonné à votre présence effective à votre poste de

travail au cours des 12 mois de l'année civile considérée.

Pour 2014, le montant de la marge annuelle budgétée n'est pas encore connu. Il sera

communiqué ultérieurement au Cadre, par note.

- Une commission sur le centre de profit 2, dit « CDP2 » :

« Par CDP2, il faut entendre le chiffre d'affaires net de la ligne de produit Bureaux Ile

de France auquel est soustrait le chiffre d'affaires de votre centre de profit.

Vous percevrez un taux de commission égal à 0,30% sur le chiffre d'affaires net hors

taxes facturé et encaissé par la Société à l'issue des transactions qui auront été réalisées

sur CDP 2. »

-Une prime sur la ligne de produit, dit LDP :

« A la réalisation de 104% de l'objectif annuel de chiffre d'affaires net de la ligne de

produit « Bureaux Ile de France » (soit la somme en 2014 de 33 384 000 €) : vous

percevrez une prime de 12 000 € bruts.

Au-delà de l'atteinte des 104% de l'objectif annuel de la ligne de produit « Bureaux Ile

de France » : vous percevrez une prime supplémentaire égale à 1% du différentiel entre

le chiffre d'affaires net réalisé et 104% de l'objectif. »

Monsieur [T] indique malgré l' ordonnance rendue par le Bureau de Conciliation et d'Orientation du 12 septembre 2017, la Société CBRE AGENCY qui s'est vu ordonner de produire au plus tard le 30 décembre 2017 tout document certifié par le commissaire aux comptes ou l'expert-comptable de la Société CBRE AGENCY et tout document utile à l'établissement de la rémunération variable pour la période du 3 juin 2014 au 3 juin 2017 n'y a .pas entièrement satisfait .

Monsieur [T] sollicite donc les sommes de

- CDP1 2015 à 2017 = 51 121,81 euros

- Prime ou marge 2015 = 8 000 euros

- Prime ou ligne de produit 2014 = 13 400 euros

- Prime ou ligne de produit 2015 = 14 454 euros

- Prime ou ligne de produit 2016 = 63 941,80 euros

- Prime ou ligne de produit 2017 = 71 960,70 euros

La société CBRE rappelle qu'il sollicite un reliquat de commissions d'un montant de 24.061,19€ bruts, intégrant les congés payés et le 13éme mois, étant précisé qu'il reconnait avoir déjà perçu une commission CDP 1 de 145.382€ cette année-là dont il n'avait jamais contesté le montant auparavant. Elle souligne qu'il en est de même pour l'année 2017, donc pour la période du 1 er janvier au 3 juin 2017 (date de sa sortie des effectifs), il sollicite un reliquat de commission CDP 1 de 27.060,36€ intégrant les congés payés et le 13éme mois, étant précisé qu'il reconnait avoir déjà perçu à ce titre une somme de 35.354€ bruts.

Eu égard aux paiements reconnus par le salarié et en l'absence de calcul précis sur les demandes formées à ce titre , le salarié sera débouté de cette demande de CDPI.

Sur la prime de marge

Il n'est pas contesté que cette prime de 8000€ a été versée en 2015 pour l'année 2014 , en 2016 pour l'année 2015 mais que cette prime n'a pas été versée pour 2016 , alors que celui-ci a refusé de signer l'avenant . Cette somme de 8000€ lui est due pour l'année 2016.

Sur la ligne de produit

Monsieur [T] sollicite à ce titre la somme totale de 163 756,50€ , il verse aux débats les tableaux mentionnant des CA non contestés par la société, celle-ci ne démontrant pas que les seuils de déclenchement ont été augmentés pour les années postérieures et ne contestant pas les calculs effectués par le salarié , il sera fait droit à cette demande étant observé que pour l'année 2017 , le montant dû est de 12560€ prorata temporis de janvier à mai 2017 date effective de la fin de contrat et étant souligné que celui-ci a soustrait de sa demande les versements mentionnés par la société dans ses écritures .

La société CBRE sera condamné au paiement de la somme totale de 112 356,10€ au titre de l'ensemble de son salaire variable.

Sur le salaire moyen

Au vu de ces rappels de salaires, le salaire moyen de monsieur [T] sera fixé à la somme de 45515€ .

L'indemnité de licencement se calcuant à hauteur de 1/5 pour les premières années et à hauteur de 1/3 après , le montant total de l'indemnite de licenciement s'élève à 222512€ moins l'indemnité versée telle qu'indiquée dans le buletin de salaire de juin 2017 la société est redevable d'un rappel de 144 056€

Sur le droit de suite

La société soutient que monsieur [T] ne peut bénéficier de ce droit de suite dès lors que l'article 10 de l'avenant du 15 juin 2006 en limite expressément l'application aux commissions liées à des affaires réalisées à la « suite » et en « conséquence » « du travail effectué » par un négociateur immobilier, alors qu'il n'exerce plus cette fonction et que l'avenant du 19 mars 2014 le seul applicable en l'espèce prévoit un commissionnement lié uniquement au chiffre d'affaire personnel de monsieur [T].

Monsieur [T] se fonde sur l'article 10 de l 'avenant du 15 juin 2006 pour demander la somme de 72 172,09€€ correspondant aux affaires qu'il gérait directement soit sur le chiffre d'affaires global de son centre de profit , sur une période de 6 mois à compter de la rupture de son contrat de travail .

L'article 10 de l'avenant n°31 du 15 juin 2006, attaché à la Convention collective nationale de l'Immobilier prévoit un droit de suite :

« Le négociateur immobilier, VRP ou non, bénéficie d'un droit de suite concernant les commissions qu'il aurait perçues dans le cas où le contrat de travail n'aurait pas expiré, sous les 2 conditions cumulatives suivantes :

- ces affaires devront être la suite et la conséquence du travail effectué par lui pendant l'exécution de son contrat de travail ;

- ces affaires devront avoir été réalisées dans la durée du droit de suite étant entendu que celui-ci ne saurait porter sur des affaires pour lesquelles l'employeur lui-même n'aurait pas effectivement perçu les honoraires correspondants.

Le montant des commissions dues au titre du droit de suite sera calculé en fonction des honoraires définitivement perçus par l'employeur.

Le droit de suite court à compter de l'expiration du contrat. Sa durée est déterminée au contrat et ne peut en tout état de cause être inférieure à 6 mois.

L'employeur remet un état détaillé des comptes au négociateur immobilier à la date de fin du contrat de travail. Cet état détaillé des comptes donne la liste des affaires en cours pour lesquelles le négociateur immobilier pourrait prétendre à commission en cas de réalisation. Le solde de tout compte se rapportant à la période travaillée est établi à l'expiration de ce droit de suite. »

L'avenant au contrat de travail en date du 19 mars 2014 dernier avenant signé par le salarié prévoit que celui-ci percevra un taux de commissionnement qui évoluera en foncton du montant du chiffre d'affaires nets hors taxes facturé et encaissé par la société à l'issue des transactions qui auront été réalisés par votre centre de profit , ce contrat prévoit également une rémunération en cas de réalisation d'un chiffre d'affaires personnel .

L'article ne précise pas qu'il doit s'agir du chiffre d'affaire réalisé personnellement par le salarié puisqu'il mentionne que le droit de suite concerne 'les commissions qu'il aurait perçues si le contrat de travail s'était poursuivi' . L'avenant prévoit qu'il doit percevoir des commissions sur le chiffre d'affaire réalisé par son centre de profit étant souligné que ce chiffre d'affaires provient de son travail personnel effectué avec son centre de profit .

Dès lors le jugement qui a fait droit à cette demande sera confirmé.

Sur la publication

Monsieur s'estimant atteint dans sa probité demande la publication de l'arrêt dans 5 revues immobilières.

Il sera fait droit à cette demande qui est de nature à rétablir la réputation du salarié et la société sera condamnée à faire publier cet arrêt dans la version virtuelle des journaux IMMO WEEK et BUSINESS IMMO

Sur le préjudice moral

Le motif du licenciement est fondé sur des' indélicatesses ', celui-ci ayant été déclaré sans cause réelle et sérieuse , le salarié a subi un préjudice moral qui sera évalué à 1000€, la publication précédemment ordonnée étant plus à même de réparer son préjudice.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, sauf sur le salaire moyen

Y ajoutant,

FIXE le salaire moyen à 45 515€.

CONDAMNE la société CBRE Conseil et Transaction à payer à monsieur [T] les sommes de :

-144 056 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement

-112 356,10 euros à titre de rappel de salaire

-1000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

- Dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

- Autorise la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil;

- Ordonne la remise par la société CBRE Conseil et Transaction à monsieur [T] de bulletins de paye, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes au présent arrêt.

DIT n'y avoir lieu à prononcer une astreinte

Vu l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE la société CBRE Conseil et Transaction à payer à monsieur [T] en cause d'appel la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE la publication de cet arrêt dans la version virtuelle des journaux IMMO WEEK et BUSINESS IMMO

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

LAISSE les dépens à la charge de la société CBRE Conseil et Transaction .

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 18/11922
Date de la décision : 22/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-22;18.11922 ?
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