Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 21 FEVRIER 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00371 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBH7L
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Novembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/04325
APPELANTE
Madame [G] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Angélique CORES, avocat au barreau de PARIS, toque : J061
INTIMEE
SELAS PHARMACIE [Adresse 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Monsieur Daniel FONTANAUD, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [G] [J], embauchée par la société APPROPHARM en qualité de rayonniste polyvalente à compter du 2 juillet 2007, dont le contrat de travail a été transféré à la société PHARMACIE [Adresse 5] à compter du 1er février 2014, a fait l'objet d'un avis d'inaptitude par la Médecine du Travail en un seul examen le 4 février 2019 dans les termes suivants : « L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Compte tenu de la dispense de l'obligation de reclassement, il n'y a pas lieu d'indiquer les capacités du salarié à bénéficier d'une formation ». Mme [J] a été licenciée pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement par lettre du 5 mars 2019.
Par jugement du 26 novembre 2019, le Conseil de prud'hommes de PARIS a débouté Mme [J] de ses demandes à titre d'indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.
Mme [J] en a relevé appel.
La Convention collective de Pharmacie d'officine est applicable au présent litige.
Par conclusions récapitulatives du 7 avril 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Mme [J] demande à la cour de fixer le salaire de référence à la somme de 1.930€, de juger son licenciement abusif, et de condamner la pharmacie [Adresse 5] à lui régler avec capitalisation des intérêts la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 3.860 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, et de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Mme [J] sollicite la condamnation de la pharmacie [Adresse 5] aux dépens.
Par conclusions récapitulatives du 23 juin 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la pharmacie [Adresse 5] demande de fixer la moyenne des salaires à 1.708,56 €, de confirmer le jugement, de débouter Mme [J] de ses demandes, et de la condamner à verser la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions développées lors de l'audience des débats.
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MOTIFS
Mme [J] soutient que son inaptitude, qui est à l'origine du licenciement, est imputable aux manquements de l'employeur qui n'a pas respecté les préconisations médicales en 2016, puis 2017 et 2018.
La pharmacie [Adresse 5] soutient qu'elle n'a pas manqué à ses obligations en matière de préservation de la santé de sa salariée et n'a commis aucun manquement à son obligation de sécurité. Elle fait valoir qu'elle a pris en compte les décisions du médecin du travail à l'issue de chacune des visites, a interrogé le médecin du travail sur la limitation du port de charges au vu des fonctions occupées par la salariée, et l'a invité à se rendre dans l'officine pour observer le poste de travail de l'intéressée. Elle rappelle que Mme [J] n'a pas dénoncé une mise en danger de son état de santé.
Sur ce
En l'espèce, il ressort des éléments versés au débat que, depuis décembre 2014, Mme [J] souffrait d'une douleur au genou droit qui a entrainé une intervention chirurgicale avec mise en place d'une prothèse en mai 2016. A l'issue de son arrêt de travail pour maladie non professionnelle, le médecin du travail a examiné l'intéressée le 10 octobre 2016 et établi une fiche d'aptitude médicale indiquant que Mme [J] était apte, en préconisant un mi-temps thérapeutique selon la répartition suivante : 2 jours travaillés, 1 jour de repos, 2 jours travaillés puis 2 jours de repos.
Parallèlement, la salariée signait un avenant prévoyant un aménagement de la semaine demi-journées de 3 heures et 30 minutes. Cet aménagement ainsi proposé et agréé par la salariée consistait à prévoir un horaire le matin de 3 heures et 30 minutes du lundi au samedi avec deux jours de repos (jeudi et dimanche), soit 17h30 par semaine.
La SELAS PHARMACIE [Adresse 5] prenait alors contact avec le médecin du travail par lettre recommandée en date du 14 octobre 2016 pour proposer cet aménagement du poste de travail formalisé par avenant approuvé et signé par la salariée le 1er octobre 2016.
Bien que cet aménagement ne corresponde pas précisément aux indications mentionnées dans l'avis d'aptitude, l'employeur a pris le soin d'informer le médecin de cet aménagement, qui, au vu des éléments versés au débat, n'a pas émis de réserve ou d'observation négative.
De plus, la salariée a validé cet aménagement de son mi-temps thérapeutique et n'a formulé aucune demande pour aménager le temps de façon différente.
Le 22 mai 2017, le médecin du travail délivrait un nouvel avis d'aptitude, toujours dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique ainsi libellé : « Temps partiel thérapeutique en travaillant 3 jours sur 5, avec au moins 2 jours de repos au poste tel qu'il est aménagé actuellement (siège à proximité du poste de travail consécutifs, éviter au maximum le port de charges lourdes de plus de 5 kg, la position accroupie et les montées et descentes itératives d'escaliers) d'ici la prochaine visite dans 2 mois ».
Un nouvel avenant au contrat de travail était alors signé par les parties le 23 mai 2017, modifiant la répartition des horaires de travail comme suit : Lundi, mardi et vendredi de 7h à 14h30 avec 45 minutes de pause par journée travaillée.
Le 20 mars 2018, le médecin traitant de Mme [J] délivrait un certificat de travail de fin de mi-temps thérapeutique, précisant que l'état de santé de l'intéressée était compatible avec une reprise à 80%.
Le 29 mars suivant, le médecin du travail confirmait l'aptitude de Mme [J] à reprendre son activité à 80% en évitant le port de charges lourdes. Ce nouvel avis préconisant une reprise à 80% après son mi-thérapeutique montre que l'état de la salariés ne s'est pas détérioré depuis sa reprise du travail et s'est, au contraire, amélioré.
La SELAS PHARMACIE [Adresse 5] réorganisait alors à nouveau l'activité de la salariée sur la base de ces préconisations du médecin du travail (sur 28h hebdomadaire), puis un avenant était signé par les parties le 18 mai 2018 modifiant les horaires afin de permettre à Mme [J] d'arriver à 8H30 le matin au lieu de 7H quatre jours dans la semaine, toujours sur une semaine de 28 heures.
Le 22 juin 2018, la médecine du travail adressait une nouvelle proposition à la pharmacie [Adresse 5] concernant Mme [J] ainsi libellée : ' Peut reprendre à temps complet, en évitant le port de charges lourdes...'.
Mme [J] s'est donc trouvée en mesure de travailler de nouveau à temps plein, ce qui démontre à nouveau une amélioration de son état de santé, et, à tout le moins, sa pleine capacité à exercer ses fonctions, la seule restriction étant d'éviter le port de charges lourdes.
Or, environ six mois plus tard, le médecin du travail rendait un avis d'inaptitude en un seul examen sans aucune précision ou explication et mentionnant une dispense de l'obligation de reclassement. Cet avis indique une visite de reprise effectuée le 19 janvier 2019.
Il n'est cependant produit par ailleurs aucun élément sur une éventuelle dégradation de l'état de santé de la salariée entre juin 2018 et l'avis d'inaptitude, ni aucune alerte, certificat médical, ou demande faisant état d'une difficulté quelconque de la salariée à assurer ses fonctions pendant cette période. Au vu des pièces versées au débat, Mme [J] ne se trouvait d'ailleurs pas en arrêt de travail pour maladie au moment de l'avis d'inaptitude.
A cet égard, la pharmacie [Adresse 5] fait valoir que le dossier d'inaptitude de Mme [J] a été monté à compter de janvier 2019 pour satisfaire une demande de la salariée qui souhaitait cesser son activité à l'approche de la retraite. En effet, au vu de l'absence de tout élément de preuve sur l'origine de cette inaptitude, il est effectivement observé que Mme [J], née le 2 juillet 1957, allait atteindre 62 ans, âge légal de départ à la retraite, à peine cinq mois après son licenciement. De plus, Mme [J] ne produit aucun élément sur le préjudice découlant de son licenciement en termes de revenus, par plus que sur la date à laquelle elle a effectivement perçu sa retraite.
S'agissant de l'aménagement du poste de travail et des conditions de travail, Mme [J] n'apporte pas d'élément probant sur des manquements de l'employeur. Les seuls éléments produits sont une attestation imprécise non signée de Mme [C] et une attestation d'une ancienne salariée licenciée pour faute grave, Mme [E], qui n'apporte pas d'éléments suffisamment circonstanciés et corroborés.
En revanche, la pharmacie [Adresse 5] produit de nombreuses attestations établissant que la situation de Mme [J] a bien été prise en compte par l'employeur, ainsi que par ses collègues, notamment :
Mme [O], responsable ressources humaines atteste avoir échangé avec le médecin du travail pour trouver les meilleures solutions adaptées à son poste de travail et indique avoir adapté le travail de mise en colis en commandant un siège pour Mme [J] et en demandant à tous ses collègues de chercher les produits pour son arrivée à 07h pour lui éviter d'aller sur la surface.
M. [Y], rayonniste et collègue de [K] [J], indique que, suite à ses problèmes de genou, il a été demandé au personnel dans l'espace diététique de ranger en priorité les produits bas et haut afin de limiter les mouvements de Mme [J]. Il a été demandé également de prendre en charge le port des caisses même dites légères. Il confirme que, suite à son aggravation de santé au niveau du genou (prothèse), Mme [J] a été placée au service Internet afin de participer à l'emballage des commandes, tâche moins physique.
Mme [H], rayonniste polyvalente, confirme qu'en 2016, Mme [J] a intégré l'équipe Internet afin de ménager son genou. Elle ajoute qu'elle lui déposait les commandes à sa hauteur afin qu'elle ne sollicite pas son genou.
Mme [D], pharmacienne, indique que le personnel s'était organisé afin que Mme [J] ne porte pas les charges lourdes et n'ait pas à se baisser. Elle ajoute qu'on avait également demandé à Mme [J] de limiter les déplacements dans la pharmacie.
Ainsi, en réalité, Mme [J] était affectée à la préparation des commandes Internet et bénéficiait d'un siège à son poste. Aucun élément ne permet d'établir que Mme [J] était amenée à manipuler des colis lourds. L'employeur a bien modifié le contenu du poste de l'intéressée dans le respect des préconisations du médecin du travail, sans se limiter à une réorganisation des horaires de travail. Mme [J] a ainsi vu son retour à l'emploi se faire progressivement et de façon satisfaisante vers un temps complet.
Mme [J] fait état par ailleurs de son trajet domicile-travail, mais les pièces produites ne font état d'aucune difficulté qui se serait révélée à cet égard pendant la relation de travail. La question n'a pas été évoquée avec l'employeur et le trajet domicile-travail ne figure pas dans les préconisations du médecin du travail. Enfin, les éléments versés au débat montrent que le trajet à pied hors transports en commun est inférieur à 500 mètres, ce qui ne démontre pas une distance excessive.
Il s'ensuit qu'il n'est pas établi que l'inaptitude physique de la salariée résulte de manquements de l'employeur, ni que celui-ci ait mis en danger la salariée ou manqué à ses obligations concernant la protection de la sécurité et de la santé de l'intéressée.
En conséquence, c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a jugé que le licenciement est justifié par l'inaptitude d'origine non professionnelle de Mme [J], sans qu'une responsabilité, même partielle, puisse être imputée à son employeur.
Le jugement est donc confirmé et Mme [J] sera déboutée de ses demandes d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'au titre du préavis qui ne pouvait être exécuté, et auquel l'intéressée ne peut prétendre.
Le jugement du Conseil de prud'hommes sera donc confirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties du surplus des demande ,
LAISSE les dépens à la charge de Mme [G] [J].
La greffière, La présidente.