REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 20 FEVRIER 2023
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/10156 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDYQ2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2021 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 19/02941
APPELANT
Monsieur [H] [Z]
Domicilié [Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Jean-jacques LIZAMBARD, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du département de Paris
Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller
Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrat honoraire
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON ROSSENTHAL Présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Christine SIMON-ROSSENTHAL, et par Sonia JHALLI, Greffière présente lors du prononcé.
Faits et procédure
Désirant bénéficier du dispositif de régularisation des avoirs non déclarés mis en place par la circulaire du 21 juin 2013 dite « circulaire Cazeneuve », Monsieur [H] [Z] a transmis, par le truchement de son conseil, une lettre de levée d'anonymat en date du 18 juillet 2014 au service de traitement des déclarations rectificatives (Stdr) de la Direction nationale des vérifications de situation fiscale (Dnvsf). Cette lettre faisait état d'un compte bancaire détenu à l'Union des Banques Suisses et domicilié en Suisse dont la détention par Monsieur [Z] résultait d'un don manuel consenti le 4 décembre 2009 par son grand-père [E] [N].
Ces avoirs ont été évalués à la somme de 1 594 223 euros reportée par Monsieur [Z] dans sa déclaration rectificative d'impôt de solidarité sur la fortune pour l'année 2014, signée le 31 décembre 2014. Les avoirs ainsi régularisés par Monsieur [Z] ont fait l'objet d'un rappel de droits d'enregistrement d'un montant de 679 117 euros mis en recouvrement le 31 octobre 2016 en application de l'article 757 du code général des impôts, dans sa version applicable aux dons manuels consentis avant le 31 juillet 2011, sur la base de la valeur des avoirs au jour où le don manuel a été révélé à l'administration fiscale, soit le 18 juillet 2014.
Cette imposition a fait l'objet d'un avis de mise en recouvrement (AMR) n°16 10 06863 en date du 31 octobre 2016.
Par lettre adressée au STDR le 2 février 2017, Monsieur [Z] a contesté les modalités de calcul des droits de mutation à titre gratuit mis à sa charge qu'il a évalués dans sa réclamation à 398 406 €, au lieu de 679 117 € mis en recouvrement.
L'administration a émis une décision de rejet le 13 septembre 2018 .
Par acte d'huissier de justice en date du 14 novembre 2018, Monsieur [Z] a fait assigner l'administration fiscale devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement rendu le 7 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :
- déboute monsieur [H] [Z] de sa demande d'annulation ;
- rejette la demande de dégrèvement et l'ensemble de ses demandes ;
- condamne monsieur [H] [Z] aux dépens ;
- juge n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rappelle l'exécution provisoire.
Par déclaration du 31 mai 2021, monsieur [H] [Z] a interjeté appel du jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 12 septembre 2022, monsieur [H] [Z] demande à la cour de le recevoir en ses conclusions et demandes et de :
- juger que doit être annulé l'avis de mise en recouvrement des droits de donation adressé à monsieur [Z] en ce qu'il excède le montant des droits déterminés en application des dispositions du code général des impôts ;
- juger nulle et de nul effet la décision de monsieur l'inspecteur principal des finances publiques de rejeter la réclamation justifiée déposée le 2 février 2017 par Monsieur [Z] ;
- infirmer le jugement du tribunal du 7 mai 2021 en totalité et dans tous ses effets, en ce qu'ils sont contraires aux prétentions énoncées dans le présent appel, outre le fait que ce jugement n'est pas motivé sur l'un des chefs de la requête ;
- juger que doit être admis le dégrèvement demandé par Monsieur [Z] en matière de droits de donation, pour un montant en principal de 280 711 euros ;
- condamner l'État à tous les dépens de l'instance ;
- condamner l'État au versement de la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 25 novembre 2021, monsieur le directeur de la direction régionale des finances publiques d'île-de-France et de Paris demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- de rejeter toutes les demandes de Monsieur [Z],
- de condamner M. [Z] en tous les dépens de première instance et d'appel et à verser à l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Monsieur [Z] expose que l'administration l'a taxé sur la valeur « acquise » en 2014 par la somme qu'il a reçue en 2009, cette augmentation ne résultant que de l'augmentation de valeur du Franc suisse par rapport à l'euro intervenant en 2011 alors qu'en cas de rappel de dons manuels lors d'une nouvelle mutation à titre gratuit en application de l'article 784 du code général des impôts, les droits sont calculés sur la valeur des biens au jour de cette nouvelle mutation ; que les dons manuels et les donations indirectes consentis par le défunt aux héritiers et légataires, qui n'ont pas été déclarés ou enregistrés par le donataire, doivent être obligatoirement évalués, pour la liquidation des droits de succession, à la valeur des biens donnés au jour du décès d'après leur état à l'époque de la donation.
Il ajoute que l'article 784 du code général des impôts a été tout spécialement adopté pour permettre à l'administration fiscale de prélever les droits de mutation sur d'innombrables cas de dons manuels non mentionnés dans les mutations ultérieures constatées par des actes, qu'il s'agisse de donations ou de successions.
L'administration invoque l'article 757 du code général des impôts qui dispose, dans sa version applicable aux dons manuels consentis avant le 31 juillet 2011, que les droits sont calculés sur la valeur vénale des biens à la date du fait générateur de l'impôt, soit, en l'espèce, en l'absence d'acte antérieur renfermant la déclaration de ce don manuel, à la date de révélation du don manuel à l'administration par le donataire, intervenue, ainsi qu'il le rappelle lui-même, le 18 juillet 2014 à l'occasion de sa démarche auprès du STDR.
Elle soutient que c'est à bon droit que le service a liquidé les droits de donation dus par Monsieur [Z] sur la base de la valeur des avoirs figurant sur le compte objet du don manuel à la date la plus proche de la date à laquelle le don manuel a été révélé, soit durant le mois de juillet 2014 (1 594 223 €), et non sur la valeur des avoirs figurant sur le compte à la date à laquelle le don a été consenti, le 4 décembre 2009 (1 200 382 € selon ses dires) et qu'il a taxé ledit don manuel en prenant pour base d'imposition l'estimation du montant nominal figurant sur le compte, contenue dans la déclaration rectificative d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) de l'année 2014 déposée par M. [Z] lui-même auprès du STDR, comme requis par la circulaire Cazeneuve.
Ceci étant exposé, L'article 784 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la cause dispose que :
« Les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s'il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires et, dans l'affirmative, le montant de ces donations ainsi que, le cas échéant, les noms, qualités et résidences des officiers ministériels qui ont reçu les actes de donation, et la date de l'enregistrement de ces actes.
La perception est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l'objet de donations antérieures, à l'exception de celles passées depuis plus de quinze ans, et, lorsqu'il y a lieu à application d'un tarif progressif, en considérant ceux de ces biens dont la transmission n'a pas encore été assujettie au droit de mutation à titre gratuit comme inclus dans les tranches les plus élevées de l'actif imposable.
Pour le calcul des abattements et réductions édictés par les articles 779,790 B, 790 D, 790 E et 790 F il est tenu compte des abattements et des réductions effectués sur les donations antérieures visées au deuxième alinéa consenties par la même personne ».
L'article 757 du code général des impôts dispose que :
« Les actes renfermant soit la déclaration par le donataire ou ses représentants, soit la reconnaissance judiciaire d'un don manuel sont sujetq aux droits de mutation à titre gratuit. Ces droits sont calculés sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou de son enregistrement ou sur sa valeur qu jour de la donation si celle-ci est supérieure. Le tarif et les abattements applicables sont ceux en vigueur au jour de la déclaration ou de l'enregistrement du don manuel. La règle s'applique lorsque le donataire révèle un don manuel à l'administration fiscale. Ces dispositions ne s'applique pas au don manuel consenti aux organismes d'intérêt général mentionnés à l'article 200. »
L'article 784 du code général des impôts, pris dans son premier alinéa, n'est applicable que si les parties ont notamment fait connaître, dans un acte de transmission entre vifs à titre gratuit, des donations consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur au donataire, ainsi que son montant.
Monsieur [Z] verse aux débats une attestation rappelant l'acte authentique de donation du 16 décembre 2010 par lequel son grand-père [E] [N] lui a transmis divers biens immobiliers situés tant à [Localité 5] que dans le département du Gard. Cette attestation ne mentionne pas le don manuel consenti par [E] [N] à Monsieur [Z] le 4 décembre 2009.
Monsieur [Z] tenait les avoirs non déclarés, dont il avait sollicité la régularisation par lettre de levée d'anonymat du 18 juillet 2014, d'un don manuel qui n'avait pas été révélé au sens de l'alinéa premier de l'article 784 susvisé. Il ne peut donc pas se prévaloir du régime de taxation des donations prévu par ce texte et c'est à bon droit que l'administration fiscale a fait application de l'article 757 du code général des impôts en taxant ces avoirs sur la valeur au jour de la déclaration.
Contrairement à ce que soutient M. [Z], c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a estimé que le fait que le don manuel du 4 décembre 2009 ait été consenti par [E] [N] et son épouse [S] [N] mariés sous la communauté universelle est sans effet au regard de 1'article 784 du code général des impôts.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté monsieur [H] [Z] de sa demande d'annulation, rejeté la demande de dégrèvement et l'ensemble de ses demandes ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [H] [Z] succombant en son appel sera condamné aux dépens de la présente procédure et débouté de sa demande d'indemnité de procédure. Il sera condamné, sur ce même fondement, à payer à l'administration fiscale la somme de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [H] [Z] aux dépens d'appel ;
Déboute Monsieur [H] [Z] de sa demande d'indemnité de procédure ;
Condamne Monsieur [H] [Z] à payer au Directeur régional des finances publiques d'Ile de France et de Paris la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière Le Président,