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16/02/2023 | FRANCE | N°22/14159

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 février 2023, 22/14159


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 16 FEVRIER 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14159 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHYP



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juillet 2022 -Président du TC de PARIS - RG n° 2022014534





APPELANTS



M. [T] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



S.A

.S. NOREVA PHARMA, RCS de Paris sous le n°442 339 917, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 16 FEVRIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/14159 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHYP

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juillet 2022 -Président du TC de PARIS - RG n° 2022014534

APPELANTS

M. [T] [I]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

S.A.S. NOREVA PHARMA, RCS de Paris sous le n°442 339 917, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentés par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistés à l'audience par Me Sophie DE CHELETTE-ROY, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

S.A. DOMES PHARMA, RCS de Clermont-Ferrand sous le n°382 946 879, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée à l'audience par Me Edouard de MELLON, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Domes Pharma et M. [T] [I] ont créé en 2002 une société Noreva Pharma, pour distribuer des produits pharmaceutiques essentiellement de santé animale et développer des gammes spécifiques de produits.

Par actes des 13 et 15 octobre 2021, la société Domes Pharma a assigné M. [I] et la société Noreva Pharma devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :

- déclarer recevable la demande d'expertise de gestion formulée par la société Domes Pharma sur le fondement de l'article L. 225-231 du code de commerce, subsidiairement sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

- désigner tel expert qui lui plaira avec pour mission de présenter un rapport sur la ou les conventions de trésorerie conclues entre la société Noreva Pharma et ses filiales et entre la société Noreva Pharma et la société Sabaviam et ses filiales et les flux financiers générés par ces conventions ;

- dire que l'expert, ainsi désigné, devra notamment répondre aux questions suivantes :

décrire la ou les conventions de trésorerie susvisées,

dire si la ou les conventions de trésorerie susvisées ont été conclues et exécutées à des conditions normales de marché,

dire si la ou les conventions de trésorerie susvisées sont conformes à l'intérêt social de la société Noreva Pharma, tant au regard des conditions prévues au contrat qu'au regard de leur exécution et des flux de trésorerie générés,

décrire, plus généralement, tous les flux de trésorerie ou flux financiers entre les sociétés Noreva Pharma et ses filiales et entre la société Noreva Pharma et la société Sabaviam et ses filiales,

décrire la composition des « autres créances » comptabilisées à l'actif du bilan de la société Noreva pharma ( y compris de son bilan consolidé) et dire, notamment, si ces « Autres créances » sont en lien avec les conventions et flux de trésorerie susvisées,

donner toute explication sur l'origine du niveau de trésorerie actuel de la société Noreva, en particulier au regard du niveau des « autres réserves » comptabilisées au passif du bilan de la société,

dire si l'assèchement de la trésorerie de la société Noreva pharma présente un lien de causalité avec les flux de trésoreries entre les sociétés Noreva pharma et ses filiales et entre la société Noreva pharma et la société Sobaviam et ses filiales,

dire si la société Sabaviam et ses filiales ont distribué des dividendes depuis leur création et en déterminer le montant,

- dire que l'expert devra, pour l'exécution de sa mission, se faire remettre tous documents qu'il jugerait utiles de se voir communiquer ;

- dire que l'expert pourra réunir les parties autant de fois que nécessaires, recueillir toutes les observations des parties et de tous sachants ;

- dire que l'expert devra remettre aux parties un pré-rapport et recueillir leurs observations ;

- dire que l'expert devra remettre son rapport dans un délai de six mois aux parties, au ministère public, aux administrateurs de la société Noreva pharma et, le cas échéant, au comité d'entreprise ;

- dire que les frais de l'expertise seront supportés par la société Noreva pharma ;

- débouter M. [I] et la société Noreva pharma de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner M. [I] à payer à la société Domes pharma une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [I] aux entiers dépens de l'instance.

En défense, M. [I] et la société Noreva Pharma ont demandé au magistrat saisi de déclarer irrecevable la demande d'expertise de gestion, de la rejeter, de modifier la mission, outre la condamnation de la demanderesse à leur verser 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 08 juillet 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- ordonné une expertise de gestion sur la société Noreva Pharma ;

- désigné en qualité d'expert Mme [M] [K] ;

avec pour mission de présenter un rapport sur la ou les conventions de trésorerie conclues entre la société Noreva Pharma et ses filiales et entre la société Noreva Pharma et la société Sabaviam et ses filiales et les flux financiers générés par ces conventions en répondant notamment aux questions suivantes :

décrire la ou les conventions de trésorerie susvisées,

dire si la ou les conventions de trésorerie susvisées ont été conclues et exécutées à des conditions normales de marché,

dire si la ou les conventions de trésorerie susvisées sont conformes à l'intérêt social de la société Noreva Pharma, tant au regard des conditions prévues au contrat qu'au regard de leur exécution et des flux de trésorerie générés,

décrire, plus généralement, tous les flux de trésorerie ou flux financiers entre les sociétés Noreva Pharma et ses filiales et entre la société Noreva Pharma et la société Sabaviam et ses filiales,

décrire la compositions des « autres créances » comptabilisées à l'actif du bilan de la société Noreva Pharma (y compris de son bilan consolidé) et dire, notamment, si ces « Autres créances » sont en lien avec les conventions et flux de trésorerie susvisées ;

donner toute explication sur l'origine du niveau de trésorerie actuel de la société Noreva Pharma, en particulier au regard du niveau des « autres réserves » comptabilisées au passif du bilan de la société,

dire si l'assèchement de la trésorerie de la société Noreva Pharma présente un lien de causalité avec les flux de trésoreries entre les sociétés Noreva Pharma et ses filiales et entre la société Noreva Pharma et la société Sabaviam et ses filiales ;

- dit que les honoraires de l'expert seront à la charge de la société Noreva Pharma lesquels seront directement versés à l'expert ;

- dit que le rapport de l'expert sera déposé au greffe de ce tribunal et communiqué à la société Domes Pharma, au ministère public et au comité d'entreprise le cas échéant, dans un délai de six mois ;

- rejeté toute demande autre, plus ample ou contraire, notamment au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit qu'en cas de difficulté, il conviendra de saisir par voie de requête le juge chargé des mesures d'instruction auprès de la présente juridiction ;

- condamné en outre la société Noreva Pharma et M. [I] à supporter les dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 58,92 euros TTC dont 9,61 euros de TVA.

Par déclaration du 25 juillet 2022, M. [I] et la société Noreva Pharma ont relevé appel de la décision.

Dans leurs conclusions remises le 25 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société Noreva Pharma et M. [I] demandent à la cour, au visa de l'article L. 225-231 du code de commerce, de :

- rejeter l'appel incident de l'intimée et accueillir l'appel des appelants ;

y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance rendue le 08 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a déclaré recevable la demande d'expertise de gestion formulée par la société Domes Pharma ;

en tout état de cause,

- infirmer l'ordonnance rendue le 08 juillet 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a ordonné une expertise de gestion à l'encontre de la société Noreva Pharma ;

- condamner la société Domes Pharma au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires de la société Domes Pharma ;

- débouter la société Domes Pharma de l'intégralité de ses demandes et de tout appel incident ;

- condamner la société Domes Pharma aux entiers dépens.

La société Noreva Pharma et M. [I] soutiennent en substance :

- que les comptes de Noreva Pharma sont approuvés par deux commissaires aux comptes depuis 20 ans, sans qu'aucune réserve n'ait jamais été émise ;

- que la corrélation avancée entre réserves et trésorerie disponible n'existe pas car la trésorerie est utilisée pour financer les investissements, le besoin en fonds de roulement et tous les autres postes d'actif devant être financés ; qu'une société peut avoir des réserves importantes et une trésorerie proche de 0, ce qui n'a rien d'anormal ;

- que l'ensemble des flux de trésorerie intervenus au départ de la société Noreva Pharma sont parfaitement justifiés ;

- que l'expertise de gestion ne peut porter que sur des actes de gestion de la société, et non sur des décisions résultant d'une délibération de l'assemblée générales des actionnaires, de sorte que la décision de ne pas distribuer de dividendes ne peut faire l'objet d'une expertise de gestion ;

- que les chefs de la mission ne correspondent pas aux questions posées dans la mise en demeure du 7 juin 2021 ;

- qu'elle n'a jamais caché une quelconque information sur l'existence d'une convention de trésorerie centralisatrice au sein du groupe Sabaviam ;

- qu'il n'y a eu aucun assèchement de la trésorerie mais bien une utilisation des réserves pour développer le sous-groupe Noreva Pharma par des investissements financés avec les réserves accumulées ;

- que l'intimée dispose le cas échéant de tous les éléments lui permettant de saisir un juge du fond sur les griefs formulés, sans qu'elle ne puisse non plus se fonder sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ;

- que la mission ne saurait concerner la distribution de dividendes de la société Sabaviam, ne s'agissant pas d'une opération de gestion, la société Sabaviam étant en outre une société tierce.

Dans ses conclusions remises et notifiées le 26 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la société Domes Pharma demande à la cour, au visa de l'article L. 225-231 du code de commerce et de l'article 145 du code de procédure civile, de :

- réformer l'ordonnance seulement en ce qu'elle a rejeté la demande de la société Domes Pharma de voir confier à l'expert le chef de mission de dire si la société Sabaviam et ses filiales ont distribué des dividendes depuis leur création et en déterminer le montant ;

- ajouter à la mission de l'expert le chef de mission suivant :

dire si la société Sabaviam et ses filiales ont distribué des dividendes depuis leur création et en déterminer le montant ;

- confirmer l'ordonnance pour le surplus ;

- débouter M. [I] et la société Noreva Pharma de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner M. [I] à lui payer une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [I] aux entiers dépens de l'instance.

La société Domes Pharma soutient en substance :

- que la demande d'expertise de gestion porte bien sur la gestion de la trésorerie par M. [I], en particulier au regard des conventions de trésorerie intragroupe mises en place et dont sa société Sabaviam est centralisatrice ;

- que cette question était parfaitement exprimée dans l'interrogation préalable adressée au dirigeant le 7 juin 2021 ;

- que la société Noreva Pharma réalise des bénéfices importants chaque année depuis plus de dix ans et que M. [I] propose systématiquement, comme le démontre l'ensemble des rapports de gestion remis avant chaque assemblée générale annuelle d'approbation des comptes pour les quatre derniers exercices, d'affecter ces bénéfices en réserve, ne proposant jamais la moindre distribution de dividendes ni même de réinvestissement au sein de la société ou de ses filiales ;

- qu'il semble que la société Noreva Pharma soit le « banquier » des sociétés personnelles de son dirigeant, sa trésorerie se trouvant dès lors asséchée, ce qui est bien évidemment contraire à son intérêt social ;

- que les explications de M. [I] ne permettent pas de savoir s'il existe une ou plusieurs conventions de trésorerie, quelles en sont les conditions et quels sont les flux générés et au profit de quelle société ;

- que l'utilisation de la trésorerie de la société Noreva Pharma par son dirigeant demeure inexpliquée et fait apparaître une forte présomption d'irrégularité ;

- que la jurisprudence admet tout à fait que les investigations de l'expert puissent s'étendre à des questions qui ne concernent pas directement une opération de gestion au sein de la société visée, mais par exemple concernant une société tierce ; que l'étude du versement de dividendes par la société Sabaviam et ses filiales est nécessaire et que l'expert nommé doit être saisi de ce chef de mission.

SUR CE LA COUR

Selon l'article L. 225-231 du code de commerce, une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 22-10-44, ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société, ainsi que, le cas échéant, des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3. Dans ce dernier cas, la demande doit être appréciée au regard de l'intérêt du groupe. La réponse doit être communiquée aux commissaires aux comptes, s'il en existe.

A défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

En application de ce texte, l'expertise de gestion doit porter sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées. Elle doit être utile en ce sens qu'elle doit tendre à apporter des éléments d'information supplémentaires par rapport aux informations dont dispose déjà le demandeur. La demande qui en est faite doit présenter un caractère sérieux en permettant de caractériser des présomptions d'irrégularités affectant l'opération de gestion critiquée.

Il y a lieu de rappeler :

- que la juridiction saisie d'une demande d'expertise de gestion est tenue de l'ordonner, dès lors qu'elle relève des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées ou un risque d'atteinte à l'intérêt social ;

- qu'elle doit être utile, en ce sens qu'elle doit tendre à apporter des éléments d'information supplémentaires par rapport aux informations dont dispose déjà le demandeur.

En outre, aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

En l'espèce, les appelants font d'abord valoir que la procédure de l'article L. 225-231 n'aurait pas été respectée, dans la mesure où la demande d'expertise porterait sur une opération de gestion qui n'était pas visée dans le courrier préalable et où, en toute hypothèse, l'absence de distribution de dividendes est une décision de l'assemblée générale, et non une opération de gestion.

Or, si le courrier préalable du 7 juin 2021 s'étonne de l'absence de distribution de dividendes, il met aussi en cause explicitement une opération de gestion, indiquant en effet que 'l'usage des conventions de trésorerie n'apparaît plus seulement comme une simple pratique courante de gestion des flux intra-groupe mais comme un moyen détourné de bénéficier des résultats de la société en évitant d'en faire profiter un actionnaire minoritaire qui détient tout de même 40 % du capital'.

Il s'en déduit aussi que l'expertise en cause porte bien sur une opération de gestion, à savoir la gestion de la trésorerie par des conventions de trésorerie intragroupe, nonobstant le lien de cause à effet qu'en tire la SA Domes Pharma sur l'absence de distribution de dividendes qui est en effet de la seule compétence de l'assemblée générale.

Il sera au demeurant relevé que l'expertise ordonnée par le premier juge a bien pour objet la question des flux de trésorerie, ne portant pas sur les décisions de l'assemblée générale des actionnaires.

Par ailleurs, il faut aussi rappeler que la SA Domes Pharma n'a pas à établir l'existence des irrégularités alléguées, mais uniquement des présomptions d'irrégularités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées.

Or, sur ce point, la SA Domes Pharma établit à tout le moins :

- que la SAS Noreva Pharma ne distribue pas de dividendes mais affecte les bénéfices en réserve ;

- qu'existent une ou plusieurs conventions de trésorerie, liant la société Noreva Pharma à ses filiales et à la société Sabaviam et ses filiales (sociétés personnelles de M. [I]), des flux de trésorerie passant de la société Noreva Pharma aux autres sociétés ;

- que la SA Domes Pharma peut ainsi faire état de ce qu'elle craint que les bénéfices de la SAS Noreva Pharma servent à financer les besoins en trésorerie de la société Sabaviam et de ses filiales ;

- que, sur ce point, comme l'indique l'intimée, M. [I] a exposé (courriers des 30 juin et 16 octobre 2020) que les conventions de trésorerie sont des conventions normales et courantes, avec rémunération au taux légal, nécessaires au bon fonctionnement du groupe, sans toutefois s'expliquer sur leur teneur et sur les flux générés ;

- que les conditions pour ordonner une expertise de gestion sont donc également remplies à cet égard, compte tenu de l'absence de réponse précise de M. [I] ;

- que la convention de trésorerie intergroupe, versée en cause d'appel par les appelants, n'apporte pas de précision sur ce point, étant observé que Noreva Pharma est désormais présentée comme débiteur de la société Sabaviam et qu'en toute hypothèse l'analyse de la convention de trésorerie fait partie de la mission confiée par l'expert ;

- qu'il n'est pas non plus établi que la trésorerie de Noreva Pharma aurait été réinvestie dans la croissance externe et interne du groupe, dans la mesure où il est aussi fait état de financement de cette croissance par l'endettement ;

- que si les appelants indiquent que la politique de croissance repose à la fois sur le recours à l'endettement bancaire et sur le recours à l'autofinancement et a donc imposé la mobilisation de ses disponibilités, il n'en demeure pas moins que la trésorerie de Noreva Pharma a été considérablement affectée par les opérations de gestion en cause ;

- que l'intimée a d'ailleurs finalement confié une revue de l'évolution du poste de trésorerie à un cabinet d'expert-comptable (rapports Ecomex, pièces 20 et 23), qui indique notamment que le détail comptable des 'autres créances' permettrait une meilleure information financière au regard des tiers concernant l'évolution des apports en compte courant du groupe Noreva Pharma à la société holding Sabaviam, et par voie de conséquence, quant à l'utilisation de la trésorerie du groupe Noreva par l'actionnaire majoritaire, et qu'il existerait aussi de l'analyse pratiquée un écart entre la position théorique de la trésorerie et le solde comptable effectif constaté de 1.542.328 euros ;

- que les appelants mettent en cause la probité de ce rapport et sa partialité s'agissant d'un expert-comptable en lien avec l'intimée, pointant aussi de nombreuses erreurs, erreurs auxquelles Ecomex a répondu dans son rapport complémentaire ;

- que, nonobstant les évidentes divergences des parties, il n'en demeure pas moins que l'intimée établit suffisamment la nécessité d'une expertise de gestion sur les flux de trésorerie, eu égard à des présomptions d'irrégularités, peu important dans ces conditions que les comptes aient pu être approuvés par les commissaires aux comptes, étant à rappeler qu'une expertise de gestion n'a pas pour objet d'apprécier la conformité aux normes comptables mais d'examiner les éventuelles irrégularités ou la contrariété à l'intérêt social, ce dans les décisions de gestion prises par le ou les dirigeants d'une société ;

- qu'il n'appartient pas d'ailleurs à cet égard à la cour de procéder à l'analyse détaillée de la situation comptable de Noreva Pharma, ni de se substituer à l'expertise de gestion, ce malgré les développements des parties sur ces points ;

- qu'enfin, l'actionnaire minoritaire verra sa situation probatoire améliorée par l'expertise de gestion en cause, dans la mesure où celle-ci vise notamment à examiner la ou les conventions de trésorerie, à décrire les flux de trésorerie et à établir l'éventuel lien entre le niveau de trésorerie de Noreva Pharma et les flux de trésorerie vers d'autres sociétés, autant d'éléments qui font l'objet d'appréciations très divergentes en l'état, l'intimée ayant pu à juste titre relever l'absence d'éléments précis dans les réponses apportées par les appelants, même si les appelants contestent ce fait ;

- qu'en revanche, c'est en vain que l'intimée sollicite une extension de la mission confiée à l'expert, sur le fait de savoir si la société Sabaviam et ses filiales ont distribué des dividendes depuis leur création ;

- qu'en effet, l'expertise de gestion, si elle peut valablement porter sur les flux de trésorerie entre Noreva Pharma et des sociétés tierces (dans le cadre de l'analyse des opérations de gestion de Noreva Pharma), ne saurait concerner une décision relevant des prérogatives des associés de la société Sabaviam, le premier juge ayant donc écarté à juste titre ce chef de mission sollicité.

Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, et pour les motifs également invoqués dans la décision entreprise, il y a lieu de confirmer l'ordonnance, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.

A hauteur d'appel, M. [I] devra indemniser la SAS Domes Pharma pour les frais non répétibles exposés. M. [I] et la SAS Domes Pharma seront in solidum condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Rejette toute autre demande ;

Condamne M. [T] [I] à verser à la SA Domes Pharma la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne in solidum la SAS Noreva Pharma et M. [T] [I] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/14159
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;22.14159 ?
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