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16/02/2023 | FRANCE | N°22/13884

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 février 2023, 22/13884


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 16 FEVRIER 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13884 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHDO



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juillet 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AUXERRE - RG n° 22/00026





APPELANTE



S.A.S. LEPAGE, RCS d'Auxerre sous le n°832 239

305, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]



Représentée par Me Vincent RIBA...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 16 FEVRIER 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13884 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHDO

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Juillet 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP d'AUXERRE - RG n° 22/00026

APPELANTE

S.A.S. LEPAGE, RCS d'Auxerre sous le n°832 239 305, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

INTIMEE

S.C.I. NATURE, RCS d'Auxerre sous le n°442 937 074, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Maryline LUGOSI de la SELARL Selarl MOREAU GERVAIS GUILLOU VERNADE SIMON LUGOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : P0073

Assistée à l'audience par Me Tony LOCCI, avocat au barreau de DIJON, toque 81

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon acte sous seing privé du 23 décembre 2018, la société Nature, propriétaire des parcelles cadastrées B[Cadastre 1], B[Cadastre 2] et B[Cadastre 5] sur la commune de [Localité 7], au [Adresse 3], a donné à bail à la société Lepage, qui exerce une activité de scierie, certains bâtiments situés sur lesdites parcelles, pour un loyer annuel de 18.000 euros HT fractionné en douze mensualités de 1.500 euros HT payables d'avance le cinq de chaque mois. Le bail a commencé à courir le 1er janvier 2019 pour se terminer le 31 décembre 2017. Le bail s'est poursuivi par tacite reconduction.

Les bâtiments présents sur les parcelles sont les suivants :

Bâtiment n°1 : maison d'habitation composée au rez-de-chaussée de trois pièces et au 1er étage de quatre pièces, d'une surface totale de 160 m²,

Bâtiment n°2 : atelier, lieu de stockage, d'une surface totale de 530 m²,

Bâtiment n°3 : bâtiment d'exploitation, d'une surface totale de 900 m²,

Bâtiment n°4 : bureau, d'une surface totale de 112 m²,

Bâtiment n°5 : lieu de stockage, d'une surface totale de 223 m²,

Bâtiment n°6 : bâtiment à remettre en état, d'une surface totale de 510 m²,

Bâtiment n°7 : bâtiment à remettre en état, d'une surface totale de 168 m²,

Bâtiment n°13 : lieu de captage d'eau.

A été précisé dans le bail :

« Qu'il est exclu du présent bail dans le bâtiment n°5 qui est laissé à l'usage personnel du bailleur,

Qu'il est exclu du présent bail dans les bâtiments n°6 et 7 qui sont mis à disposition du preneur à titre gratuit,

En outre, les parties conviennent que le bailleur aura libre accès à une parcelle de noyers située au bout de l'ensemble immobilier derrière le bâtiment n°3 et le bâtiment n°5 ».

Le contrat de bail prévoit également la prise en charge par le preneur de la taxe foncière, aux termes d'un article 8 rédigé comme suit :

« Le preneur paiera les contributions personnelles, mobilières, taxes professionnelles, taxes locatives et autres de toute nature, le concernant personnellement ou relativcs à son activité, auxquelles les locations sont ou pourront être assujetis, la taxe foncière sera à la charge du preneur refacturée TTC chaque année par le bailleur. Il devra satisfaire à toutes les charges de ville et règlements sanitaires, de voirie, d'hygiène, de salubrité ou de police, ainsi qu'à celles qui pourraient être imposées par tous plans d'urbanisme ou d'aménagement, de manière que le bailleur ne puisse jamais être inquiété ou recherché à ce sujet. L'entretien des cours et espaces verts seront à la charge du preneur.»

En 2021, la société Lepage a indiqué constater des infiltrations d'eau en toiture sur certains des bâtiments loués.

Elle a fait établir un devis par la société Roy pour un montant de 43.552,62 euros.

Par courrier en recommandé avec accusé de réception du 10 mai 2021, la société Lepage a mis en demeure la société Nature relevant les difficultés suivantes dans l'exécution du bail :

absence de justification du calcul de répartition de la taxe foncière,

absence d'avoir en 2019,

absence de travaux relatifs aux toitures comportant des infiltrations d'eau,

interdiction au bailleur de se promener dans les locaux de la société locataire.

Le 19 janvier 2022, la société Nature a fait délivrer un commandement de payer pour un montant de 8.592,95 euros (non-règlement des taxes foncières 2020 et 2021) et une sommation d'avoir à se conformer aux prescriptions du bail (laisser au bailleur la possibilité d'accéder aux bâtiments 6 et 7, libérer le chemin d'accès au bâtiment 5, remettre en état les lieux concernant le bâtiment n°3 en l'état et supprimer toutes les ouvertures créées par le locataire, justifier de l'entretien des espaces verts, effectuer les travaux de remise en état du portail), visant la clause résolutoire.

Par acte d'huissier en date du 15 février 2022, la société Lepage assigné la société Nature devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Auxerre, au visa des articles 834 et 145 du code de procédure civile, aux fins de voir :

suspendre le jeu de la clause résolutoire à la suite du commandement de payer délivré le 19 janvier 2022, en raison de la mauvaise foi du bailleur,

dire et juger que la société Lepage ne s'oppose pas à régler les taxes foncières comme calculées dans l'assignation à la société Nature,

ordonner une expertise judiciaire sur les bâtiments occupés par la société Lepage,

dire et juger que la provision sera réglée par la société demanderesse,

condamner la société Nature à payer à la société Lepage la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En réplique, la société SCI Nature a sollicité le rejet des demandes et reconventionnellement la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire avec mesure d'expulsion et toutes conséquences de droit, outre 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation aux dépens.

Par ordonnance contradictoire du 08 juillet 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Auxerre a :

- requalifié la demande de suspension de la clause résolutoire pour mauvaise foi du bailleur en demande tendant à voir écarter le jeu de la clause résolutoire en raison de la mauvaise foi du bailleur dans la délivrance du commandement ;

- rejeté les moyens tirés de la mauvaise foi de la bailleresse dans la mise en oeuvre de la clause résolutoire et du manquement du bailleur à son obligation de délivrance des locaux loués ;

- débouté la société Lepage de sa demande d'expertise ;

en conséquence,

- constaté la résolution de plein droit du bail liant la société Nature et la société Lepage depuis le 23 décembre 2018, à compter du 19 février 2022 ;

- ordonné en conséquence, l'expulsion de la société Lepage et de tous occupants de son chef, du local situé [Adresse 3] à [Localité 7] ;

- dit que la société Nature pourra poursuivre l'expulsion par l'intermédiaire de l'huissier de son choix, qui pourra le cas échéant se faire assister de la force publique et d'un serrurier ;

- autorisé le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles du choix de l'huissier de justice aux frais et aux risques du locataire conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné la société Lepage à payer à la société Nature la somme de 6.198,18 euros TTC à titre de provision à valoir sur les taxes foncières 2020 et 2021 ;

- condamné la société Lepage à payer à la société Nature la somme de 4.500 euros TTC par mois, à titre de provision à valoir sur le montant de l'indemnité d'occupation due à compter du 1er mars 2022 et jusqu'à la libération effective des lieux ;

- déclaré irrecevable devant le juge des référés la demande de la société Nature tendant à voir condamner la société Lepage à remettre le bâtiment 3 dans l'état dans lequel il lui a été loué ;

- condamné la société Lepage à changer la serrure du portail ;

- condamné la société Lepage à payer à la société Nature la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Lepage aux entiers dépens de la procédure, en ce compris le coût du commandement de payer ;

- débouté les parties de leurs plus amples demandes ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Par déclaration du 20 juillet 2022, la société Lepage a relevé appel de la décision.

Dans ses conclusions remises le 15 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Lepage demande à la cour, au visa de l'article L. 145-41 du code de commerce, de l'article 1225 du code civil, des articles 834, 835 et 145 du code de procédure civile, de l'article L. 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- déclarer la société Lepage recevable et bien fondée en son appel ;

à titre principal,

- infirmer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire d'Auxerre du 08 juillet 2022 en ce qu'elle n'a pas déclaré nulle et de nul effet la clause résolutoire ni retenu la mauvaise foi du bailleur et rejeter la demande d'expertise judiciaire ;

statuant à nouveau,

- dire la clause résolutoire visée dans le commandement du 19 janvier 2022 nulle et de nul effet ainsi que le commandement visant la clause résolutoire ;

- dire la société Nature bailleresse de mauvaise foi ;

- annuler le commandement ;

- ordonner une expertise judiciaire des toitures des bâtiments occupés par la société Lepage dont les travaux non pas été faits ;

- désigner tel expert qu'il plaira à la cour de désigner ;

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir relativement au changement de serrure ;

- confirmer le surplus de l'ordonnance ;

- débouter la société Nature de ses demandes au titre des règlements des taxes foncières ;

à titre subsidiaire,

- octroyer à la société Lepage un délai pour quitter les lieux d'une année ;

en tout état de cause,

- condamner la société Nature à payer à la société Lepage la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens de l'instance y compris aux dépens de la première instance.

La société Lepage soutient en substance :

- que la clause résolutoire ne peut être mise en oeuvre que si le fait reproché au locataire est expressément visé par celle-ci ;

- que le bailleur a délivré le commandement de mauvaise foi, s'agissant du paiement non justifié de la taxe foncière, d'un commandement délivré pour ne pas réaliser les travaux en toiture fuyarde et de motifs peu graves ;

- qu'elle justifie d'un motif légitime pour voir ordonner une mesure d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;

- qu'il existe une contestation sérieuse sur le changement de serrure ;

- qu'elle sollicite subsidiairement des délais pour quitter les lieux.

Dans ses conclusions remises le 17 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Nature demande à la cour au visa des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, des articles 1103 et 1231-1 du code civil, des articles 834 et 835 du code de procédure civile, des dispositions du décret n°53-960 du 30 septembre 1953, des articles 1719 et suivants du code civil, de l'article 145 du code de procédure civile, de :

- infirmer l'ordonnance rendue par M. le président du tribunal judiciaire d'Auxerre dans son ordonnance du 08 juillet 2022 (RG n°22/00026) en ce qu'il a condamné la société Lepage à payer à la société Nature la somme de 6.198,18 euros TTC à titre de provision à valoir sur les taxes foncières 2020 et 2021 ;

- confirmer l'ordonnance rendue par M. le président du tribunal judiciaire d'Auxerre dans son ordonnance du 08 juillet 2022 (RG n°22/00026) dans toutes ses dispositions pour le surplus ;

statuant à nouveau,

- condamner la société Lepage à verser à la société Nature une somme de 8.592,95 euros TTC au titre des taxes foncières 2020 et 2021, à titre de provision ;

y ajoutant,

- condamner la société Lepage à verser à la société Nature une somme de 4.128,44 euros TTC au titre de la taxe foncière impayée pour l'année 2022, à titre de provision.

La société Nature soutient en substance :

- qu'elle n'a pas délivré de mauvaise foi le commandement, ayant fait précéder celui-ci de trois mises en demeure ;

- que la taxe foncière est bien ici à la charge du preneur ;

- qu'elle a constaté l'existence de manquements graves au bail, rappelés au preneur ;

- qu'elle conteste en outre l'existence des infiltrations relevées par l'appelante, exposant avoir toujours parfaitement respecté son obligation de délivrance ;

- que la demande d'expertise ne saurait être accueillie, l'impossibilité d'exploiter ou même la réalité des désordres n'étant pas établies ;

- que le défaut de paiement et le non-respect des clauses du contrat justifient parfaitement l'application de la clause résolutoire, claire sur ces points ;

- qu'aucun justificatif d'assurance n'a été produit ;

- qu'elle justifie du décompte des sommes dues.

SUR CE LA COUR

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Il sera rappelé à cet égard :

- qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due ;

- qu'il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; que le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

En outre, aux termes des dispositions de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, allouer une provision au créancier.

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

En l'espèce, la SCI Nature, qui à hauteur d'appel ne sollicite notamment plus la remise en état du bâtiment 3, a fait délivrer un commandement de payer et sommation visant la clause résolutoire, le 19 janvier 2022 (sa pièce 5).

Le commandement visait au principal le paiement de la somme de 4.870,80 euros au titre de la taxe foncière 2020 et celle de 4.181,76 euros au titre de la taxe foncière 2021, avec un avoir sur taxe foncière 2020 de 627,60 euros.

Etaient joints au commandement les justificatifs des sommes en cause.

Par ailleurs, le même commandement faisait également sommation à la SAS Lepage de justifier d'une assurance conforme à l'article 9 du contrat de location et de respecter diverses autres stipulations, à savoir l'accès du bailleur aux bâtiments 6 et 7, le respect du chemin d'accès au bâtiment 5, la nécessité de ne pas faire des travaux sans autorisation concernant le bâtiment 3, l'entretien des espaces verts et la remise en état du portail.

Il sera rappelé qu'aux termes du contrat signé entre les parties, il était stipulé (article 13) que le défaut de paiement des sommes dues ou l'inobservation d'une clause du contrat pouvaient permettre de constater l'acquisition de la clause résolutoire.

La clause est ainsi rédigée :

« Article 13 ' CLAUSE RESOLUTOIRE :

« A défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyer, y compris de l'indexation d'indemnité d'occupation, ou d'une manière générale toute somme d'argent due au titre du présent bail ou en cas d'inobservation de l'une quelconque des clauses du présent contrat, et un mois après un simple commandement de payer ou une mise en demeure adressée par acte extrajudiciaire restée sans effet, et exprimant la volonté du bailleur de se prévaloir de la présente clause, le bail sera résilié immédiatement et de plein droit, sans qu'il soit besoin de remplir une formalité judiciaire et nonobstant toutes offres ou consignations ultérieures.

Si au mépris de cette clause, le preneur refuserait de quitter immédiatement les lieux, il serait contraint en exécution d'une ordonnance rendue par M. le Président du tribunal de grande instance, statuant en matière de référé qui, après avoir constaté la résolution du bail, prononcerait l'expulsion du preneur sans délai. En outre, une indemnité d'occupation mensuelle et indivisible égale à la valeur d'un quart d'une annuité de loyer alors en vigueur sera due au bailleur. »

Contrairement à ce qu'indique la société preneuse, la clause en question permet bien de saisir la juridiction des référés en cas de défaut de paiement de 'toute somme d'argent due au titre du présent bail', ce qui inclut le règlement des taxes foncières, sans qu'il n'y ait besoin pour cela de procéder à une interprétation du texte qui excéderait les pouvoirs du juge des référés.

De même, le rappel dans cette clause que celle-ci pourra être actionnée 'en cas d'inobservation de l'une quelconque des clauses du contrat' permettait bien à la bailleresse de faire état de divers manquements contractuels dans le commandement délivré, étant observé qu'une clause résolutoire n'a pas à lister l'intégralité des manquements poursuivables.

La société preneuse met en cause la bonne foi de la bailleresse.

Celle-ci réplique cependant à juste titre qu'elle a fait délivrer, antérieurement au commandement, trois mises en demeure les 2 juillet, 30 novembre 2021 et 5 janvier 2022, rappelant ainsi à la SAS Lepage les obligations issues du bail.

Il n'est pas non plus sérieusement contestable que l'article 8 du bail met à la charge du preneur le paiement de la taxe foncière.

La SAS Lepage fait certes valoir que le calcul de répartition de la taxe foncière ne lui a pas été communiqué ce alors qu'elle n'occupe pas l'ensemble des bâtiments.

Reste que, comme l'a d'ailleurs déjà relevé le premier juge, la société appelante n'a réglé aucun montant au titre des taxes foncières, même en limitant son paiement à certains bâtiments, ce dans le délai d'un mois prévu par le commandement de payer.

La SAS Lepage ne conteste ainsi pas qu'elle était tenue au paiement, au moins partiellement, des taxes foncières réclamées dans le commandement de payer, un commandement pouvant justifier l'acquisition de la clause résolutoire même à hauteur de sommes partiellement dues.

Enfin, l'existence d'un litige sur le montant des sommes dues au titre de la taxe foncière, ou encore sur les travaux à opérer en toiture, ne permettent pas de retenir la mauvaise foi du bailleur dans la délivrance du commandement, ce alors que le commandement comportait à tout le moins des sommes partiellement dues par la SAS Lepage et qu'il comportait diverses sommations excédant la seule question des toitures.

S'agissant des sommations rappelées dans le commandement, la cour constatera notamment qu'à tout le moins, la SAS Lepage, ainsi qu'il résulte du constat d'huissier de justice du 19 janvier 2022, a réalisé des ouvertures dans le bâtiment 3 donné à bail, sans justifier d'une autorisation du bailleur, ce qui contrevient aux stipulations de l'article 4.3 du bail prohibant toute démolition, toute transformation, tout percement de mur ou de cloison sans autorisation expresse et par écrit du bailleur.

Aucune autorisation même implicite n'a été donnée par la société intimée, ce d'autant que le bail prévoyait une autorisation par écrit du bailleur, peu important que la SCI Nature avait pu prendre connaissance des ouvertures pratiquées dans la mesure où elle se rend quotidiennement sur les lieux.

Compte tenu de ces éléments et de ceux également rappelés par le premier juge, il apparaît ainsi constant que la société preneuse n'a pas réglé les sommes dues dans le délai d'un mois, ni ne justifie avoir exécuté les obligations mentionnées dans la sommation.

C'est donc à juste titre que le premier juge a constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire était réunies, étant également observé :

- que la SAS Lepage se prévaut en vain d'un manquement à l'obligation de délivrance de la SCI Nature de nature à empêcher de constater l'acquisition de la clause résolutoire ;

- que les infiltrations d'eau et le risque d'écroulement allégués ne sont en effet corroborés par aucune des pièces versées aux débats par la SAS Lepage, l'existence d'un litige sur les travaux n'établissant pas non plus lesdits désordres ;

- qu'en toute hypothèse, la société preneuse n'établit pas l'impossibilité d'exploiter les locaux qui pourrait justifier l'absence de tout paiement des sommes dues au propriétaire, d'autant que la société preneuse n'a pas, jusque là, contesté son obligation de paiement des loyers courants.

L'acquisition de la clause résolutoire, confirmée à hauteur d'appel, commande aussi de confirmer la décision sur les conséquences de celle-ci, s'agissant de la mesure d'expulsion avec toutes conséquences de droit ainsi que sur la fixation d'une indemnité d'occupation provisionnelle.

Ces mêmes éléments commandent de rejeter la demande d'expertise formée par l'appelante au visa de l'article 145 du code de procédure civile, alors que, d'une part, la société Lepage n'établit pas la réalité des désordres alléguées et que, d'autre part, elle ne justifie pas d'un motif légitime à voir ordonner une expertise judiciaire, faute d'établir une quelconque impossibilité d'exploiter les lieux et de justifier ainsi d'une action à venir au fond qui ne serait pas manifestement vouée à l'échec, la nécessité de faire 'prendre conscience au bailleur [...] de ses obligations' (page 16 des écritures appelante) ne caractérisant pas un tel motif, ce d'autant que les travaux ont été finalement réalisés comme il résulte des conclusions des parties concordantes sur ce point.

S'agissant du montant de l'indemnité d'occupation provisionnelle, le contrat stipule que celle-ci sera d'un montant mensuel égal au quart d'une annuité de loyer, soit un montant de 4.500 euros, alors que le loyer contractuel est de 1.500 euros hors taxes par mois, de sorte que le premier juge a pu faire application de cette stipulation, non contestée à hauteur d'appel par l'appelante.

Concernant le montant de la condamnation provisionnelle, c'est en vain que la SCI Nature estime que celle-ci devrait être portée à la somme de 8.592,95 euros TTC, alors que le premier juge a à juste titre limité ce montant au titre de l'obligation non sérieusement contestable de l'appelante à la somme de 6.198,18 euros TTC.

En effet, comme rappelé par le premier juge, subsiste une contestation sérieuse sur la répartition de la taxe foncière pour les bâtiments 6 et 7, nonobstant les justificatifs fournis par la SCI Nature.

C'est donc à juste titre que la décision entreprise a limité le montant de la condamnation provisionnelle à la hauteur non contestable.

L'intimée sollicite aussi, à hauteur d'appel, la condamnation de l'appelante à lui verser les taxes foncières 2022, la SAS Lepage répliquant que, ainsi qu'en atteste un courrier officiel du 14 novembre 2022, elle a réglé la somme de 4.128,44 euros par chèque.

L'obligation de paiement concernant l'année 2022 n'est donc pas établie à ce jour avec l'évidence requise en référé, ce qui commande de ne pas faire droit à cette demande.

Concernant le changement de serrure, ordonné par le premier juge, il sera observé que la SAS Lepage relève à juste titre qu'il n'a jamais été établi l'origine de cette dégradation, alors que les deux parties fréquentent les lieux.

Si une telle réparation peut relever des petites réparations d'entretien, au sens de l'article 605 du code civil et de l'article 4.2 du bail, il n'en demeure pas moins qu'une telle réparation ne saurait être mise à la charge de la SAS Lepage si la SCI Nature en est à l'orgine, de sorte qu'est soulevée une contestation sérieuse à cet égard, la particularité de l'espèce étant que l'appelante comme l'intimée utilisent les lieux en cause.

Sur ce seul point, la décision doit être infirmée, l'obligation mise à la charge de la SAS Lepage étant sérieusement contestable ou ne constituant pas un trouble manifestement illicite.

S'agissant enfin des délais, la SAS Lepage indique que l'exploitation d'une scierie suppose le déménagement de lourdes machines, soit des circonstances exceptionnelles.

Elle n'en justifie toutefois pas, étant aussi à relever que, de fait, elle a bénéficié de longs délais pour trouver de nouveaux locaux, l'assignation devant le premier juge ayant été délivrée il y a désormais plus d'un an.

La demande de délais sera rejetée.

Aussi, il y a lieu de confirmer la décision entreprise, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge, à l'exception de la remise en état de la serrure du portail, et de rejeter les autres demandes formées.

A hauteur d'appel, ce qui est jugé par la cour commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAS Lepage sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a condamné la SAS Lepage à changer la serrure du portail ;

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé sur le changement de la serrure du portail ;

Y ajoutant,

Rejette toutes les autres demandes des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la SAS Lepage aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/13884
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;22.13884 ?
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