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16/02/2023 | FRANCE | N°22/13341

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 16 février 2023, 22/13341


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 16 FEVRIER 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13341 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGFYS



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Juin 2022 -Président du TJ de Meaux - RG n° 22/00381





APPELANTE



S.A. PACIFICA, RCS de Paris sous le n°B352 358 865, prise e

n la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 6]

[Adresse 6]



Représentée par Me François MEURIN de la SCP TOURAUT ET ASSOCIES, avoc...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 16 FEVRIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13341 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGFYS

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Juin 2022 -Président du TJ de Meaux - RG n° 22/00381

APPELANTE

S.A. PACIFICA, RCS de Paris sous le n°B352 358 865, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me François MEURIN de la SCP TOURAUT ET ASSOCIES, avocat au barreau de MEAUX

Assistée à l'audience par Me Benoît ALBERT, avocat au barreau de MEAUX, toque : 17

INTIMEES

Mme [Z] [L]

Chez Mme [C] [T]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Mme [X] [M]

[Adresse 8]

[Adresse 8] (SUISSE)

Mme [C] [T]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentées par Me Stanislas DE JORNA de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de MEAUX

Assistées à l'audience par Me Julia ROBERT, avocat au barreau de MEAUX

Mme [F] [U] veuve [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Brice AYALA de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de MELUN

Assistée à l'audience par Me Jad OURAINI, avocat au barreau de MELUN

S.A.S. ALAZARD, RCS de Créteil sous le n°342 203 528

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Compagnie d'assurance SMABTP, RCS de Paris sous le n°775 684 764

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentées par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistées à l'audience par Me Raphaëlle GIUGE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0449

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre chargée du rapport,

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Mme [U] veuve [V] est propriétaire d'un immeuble de deux étages avec sous-sol partiel au [Adresse 2].

Le 11 novembre 2017, un dégât des eaux s'est produit dans l'immeuble voisin du [Adresse 3], propriété de Mme [L], entraînant l'inondation du sous-sol de l'immeuble de Mme [U].

L'expertise diligentée par les assureurs respectifs des propriétaires a révélé l'existence de plusieurs fuites provenant des canalisations d'eau de l'immeuble du [Adresse 3].

Le 15 juillet 2019, lors des travaux de réparation entrepris par la société Alazard à la demande de l'assureur de Mme [U], une partie de la voûte en pierre du sous-sol du [Adresse 2] s'est effondrée ainsi qu'une partie inférieure du mur mitoyen des deux immeubles.

Mme [U] a sollicité une expertise en référé et par ordonnance du 18 mars 2020 M.[E] a été désigné en qualité d'expert. Par ordonnances des 14 octobre 2020 et 19 mars 2021, cette expertise a été rendue commune à la SMABTP, assureur de la société Alazard et à Mmes [T] et [M], propriétaires indivises avec Mme [L] de l'immeuble du [Adresse 3].

L'expert a rendu son rapport en juillet 2021.

Par actes des 15, 16, 22 et 24 mars 2022, Mme [U] a fait assigner Mme [L] et son assureur la société Pacifica, la société Alazard et son assureur la SMABTP devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux, à l'effet d'obtenir leur condamnation in solidum à lui payer, par provision, une somme de 180.000 euros à valoir sur la liquidation définitive de l'ensemble de ses préjudices, outre une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire du 15 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a :

- reçu Mmes [T] et [M] en leurs interventions volontaires ;

- condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs la société Pacifica et la société SMABTP à verser à Mme [U] veuve [V] une provision de 148.686 euros ;

- débouté Mmes [L], [T] et [M] et la société Alazard de leur demande de condamnation à les garantir ;

- débouté la société SMABTP de sa demande de limitation de sa garantie ;

- débouté la société Pacifica de sa demande d'être mise hors de cause,

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir sur le surplus ;

- condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs les sociétés Pacifica et SMABTP aux entiers dépens ;

- condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs Pacifica et SMABTP à payer à Mme [U] veuve [V] la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les autres demandes des parties.

Par déclaration du 12 juillet 2022, la société Pacifica a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

- condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs les sociétés Pacifica et SMABTP à verser à Mme [U] veuve [V] une provision de 148.686 euros ;

- débouté la société d'assurance Pacifica de sa demande d'être mise hors de cause,

- condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs Pacifica et SMABTP aux entiers dépens ;

- condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs Pacifica et SMABTP à payer à Mme [U] veuve [V] la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les autres demandes des parties.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 04 novembre 2022, la société Pacifica demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance de référé entreprise en ce qu'elle a :

' condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs les sociétés Pacifica et SMABTP à verser à Mme [U] veuve [V] une provision de 148.686 euros ,

' débouté la société d'assurance Pacifica de sa demande d'être mise hors de cause,

' condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs Pacifica et SMABTP aux entiers dépens,

' condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs Pacifica et SMABTP à payer à Mme [U] veuve [V] la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' rejeté toutes les autres demandes des parties.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter Mme [U] de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Pacifica ;

- mettre hors de cause la société Pacifica ;

- débouter la SMABTP et la société Alazard de l'ensemble de leurs demandes à son encontre ;

A titre subsidiaire,

- limiter les condamnations à intervenir à son encontre à hauteur de 20% du total des sommes accordées ;

En tout état de cause,

- condamner tout succombant à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 05 décembre 2022, Mme [U] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions, et y faisant droit ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en l'intégralité de ses dispositions, sauf à l'endroit du montant de l'indemnité provisionnelle allouée à Mme [U] emportant condamnation in solidum des parties défenderesses ;

- infirmer l'ordonnance sur le quantum de la provision allouée à la concluante ;

Et partant, statuant de nouveau,

- condamner in solidum, Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard, la compagnie Pacifica et la SMABTP à lui verser une provision de 200.000 euros ;

- confirmer l'ordonnance concernant le surplus de ses dispositions ;

- débouter la société Pacifica, Mmes [L], [T] et [M] ainsi que l'entreprise Alazard et la SMABTP de leur appel principal et à titre incident ;

- les débouter de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions telles que dirigées à son encontre ;

- les condamner in solidum au paiement d'une indemnité de 4.000 euros en cause d'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner in solidum aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Me Brice Ayala en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 02 décembre 2022, La société Alazard et la SMABTP demandent à la cour de :

Sur l'appel incident de Mmes [L], [T] et [M],

- juger que celles-ci sont responsables de la survenance du dommage, tant en leur qualité de propriétaires du terrain qui se trouvait en appui sur la voûte endommagée qu'en leur qualité de responsables du fait de ce sous-bassement ;

- juger que la responsabilité de la société Alazard ne peut être que subsidiaire ;

En conséquence,

- juger que les demandes de Mmes [L], [T] et [M] se heurtent à des contestations sérieuses ;

En conséquence,

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

' condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs Pacifica et SMABTP à verser à Mme [U] veuve [V] une provision de 148.686 euros,

' débouté Mmes [L], [T] et [M] et la société Alazard de leur demande de condamnation à les garantir,

' débouté la société d'assurance Pacifica de sa demande d'être mise hors de cause,

' rejeté toutes les autres demandes des parties à l'encontre de la société Alazard et de son assureur la SMABTP,

' condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M] et son assureur la compagnie d'assurance Pacifica aux entiers dépens,

' condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M] et son assureur la compagnie d'assurance Pacifica à payer à Mme [U] la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, si par impossible, la cour devait faire droit à l'appel en garantie de Mmes [L], [T] et [M],

- infirmer le décision entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes de la société Alazard et de son assureur la SMABTP ;

Statuant à nouveau,

- condamner in solidum les consorts [L] et leur assureur la compagnie d'assurance Pacifica à relever et garantir indemne à titre provisionnel la société Alazard et son assureur la SMABTP de toutes condamnations qui pourraient intervenir à son encontre, tant en principal, intérêts, frais et accessoires, sur le fondement de l'article 1240 du code civil et L.124-3 du code des assurances ;

- constater que la SMABTP ne peut être tenue à garantie que dans la limite des plafonds des polices souscrites ;

Sur l'appel incident de Mme [U],

- juger que les demandes de celle-ci se heurtent à des contestations sérieuses ;

- juger que Mme [U] a contribué à son propre dommage en ne mettant pas en oeuvre les travaux réparatoires ;

En conséquence,

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné in solidum celles-ci à verser à Mme [U] une provision de 148.686 euros,

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [U] de sa demande de condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 200.000 euros ;

A titre subsidiaire,

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs la compagnie d'assurance Pacifica et la compagnie SMABTP à verser à Mme [U] une provision de 148.686 euros,

En tout état de cause,

- débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes formulées à l'encontre de la société Alazard et la SMABTP son assureur,

- condamner in solidum tous succombants à verser à la société Alazard et à son assureur la SMABTP la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement toute partie succombante aux entiers dépens dont distraction pour ceux la concernant au profit de la société 2h avocat prise en la personne de Me Patricia Hardouin et ce en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 28 septembre 2022, Mmes [L], [T] et [M] demandent à la cour de :

- infirmer partiellement l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Meaux le 15 juin 2022 en ce qu'elle a :

' condamné in solidum celles-ci, la société Alazard et leurs assureurs la compagnie d'assurance Pacifica et la compagnie SMABTP à verser à Mme [U] une provision de 148.686 euros,

' débouté celles-ci et la société Alazard de leur demande de condamnation à les garantir,

Et statuant à nouveau,

- dire et juger que le sinistre est entièrement imputable à la société Alazard ;

- dire et juger que la demande en paiement de la somme de 180.000 euros formée par Mme [U] à leur encontre se heurte à une contestation sérieuse les concernant ;

En conséquence,

- débouter Mme [U] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à leur encontre ;

- débouter la SMABTP de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à leur encontre ;

- condamner la société Alazard et son assureur, la SMABTP, à relever et garantir celles-ci de toute condamnation qui serait prononcé à leur encontre ;

- débouter la compagnie Pacifica de sa demande de mise hors de cause ;

- condamner la société Alazard et son assureur, la SMABTP, à leur payer, à titre provisionnel, la somme de 7.946,77 euros au titre de leur préjudice locatif et, à titre subsidiaire, la somme de 6.357,41 euros ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, une condamnation provisionnelle était prononcée à leur encontre,

- dire et juger qu'elle ne saurait excéder le pourcentage de responsabilité de 20% retenu à leur encontre par l'expert judiciaire soit la somme de 36.000 euros (180.000 euros x 20% = 36.000 euros) ;

Dans tous les cas,

- condamner la compagnie Pacifica, leur assureur, à les relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à leur encontre au regard de la garantie responsabilité civile dommage aux tiers figurant au contrat ;

- condamner tout succombant à leur payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles générés par la procédure d'appel et de première instance ;

- condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

En application de l'article 835 alinéa 2 du procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En l'espèce, la cause du sinistre ayant endommagé l'immeuble de Mme [U] au [Adresse 2] a été clairement déterminée par l'expert judiciaire et elle n'est pas matériellement contestée par les parties : l'inondation du sous-sol de l'immeuble du [Adresse 2], qui s'est produite le 11 novembre 2017, provient du très mauvais état des canalisations d'eaux de pluie et d'eaux usées de l'immeuble du [Adresse 3], fuyardes depuis des années. Le terrain du [Adresse 3] étant gorgé d'eau et situé en surplomb de l'immeuble sis au n°16, lors de l'intervention de la société Alazard sur la propriété de Mme [U] à la demande de l'assureur de cette dernière, une partie de la voûte de la cave du [Adresse 2] et du mur mitoyen s'est effondrée.

L'expert a conclu que la cause initiale du sinistre réside dans le très mauvais état des canalisations d'eaux du [Adresse 3] et que l'intervention de la société Alazard a constitué une action aggravante avec l'effondrement partiel de la voûte et du mur mitoyen, la dite société n'ayant pas fait réaliser d'études de sol avant ses travaux et ayant procédé à une reprise en sous-oeuvre sans aucune précaution en creusant une tranchée longue en dessous du niveau des fondations de la cave voûtée, agissant comme si le terrain était très compact et dur alors que ses ouvriers avaient nécessairement vu qu'il était mou voire très mou.

L'expert a conclu que le sinistre est imputable aux propriétaires du [Adresse 3] pour 20% et à la société Alazard pour 80 %.

C'est par des motifs exacts et pertinents, que la cour approuve, que sur la base de ce rapport d'expertise judiciaire le premier juge a considéré que les propriétaires du [Adresse 3] et la société Alazard ont chacun concouru à la réalisation du sinistre et que leurs responsabilités respectives se trouvent engagées de manière non sérieusement contestable à l'égard de Mme [U], les premiers sur le fondement du trouble anormal de voisinage et de la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde, la seconde sur le fondement contractuel (ses travaux ayant été exécutés sous la maîtrise d'ouvrage de Mme [U]).

Sur le montant de la provision, c'est de manière tout aussi exacte et pertinente que le premier juge a écarté les contestations soulevées par la société Alazard et évalué le préjudice matériel de Mme [U] au montant des travaux de réparation et de consolidation tels qu'évalués par l'expert à 151.580 euros sur la base d'un devis de la société Eurobat, actualisé à 162.191 euros par un devis de cette société en date du 7 février 2022, cette actualisation étant justifiée par l'écoulement du temps depuis l'expertise judiciaire.

En revanche, Mme [U] critique à raison la décision du juge des référés en ce qu'il a écarté le poste, prévu au devis, de réparation des fissures causées aux façades de l'immeuble, au motif que leur lien avec l'effondrement de la voûte n'est pas expressément relevé par l'expert.

En effet, l'expert a bien implicitement conclu en page 30 de son rapport à l'existence de ce lien de cause à effet, en incluant le coût de la reprise de fissures dans les travaux nécessaires à la reprise des désordres. Par ailleurs, il est noté sur le devis de la société Eurobat que ces fissurations (qu'elle facture pour un montant de 13.800 euros) "sont directement causées par la déstabilisation du mur mitoyen". Le lien de causalité entre ce poste de travaux et l'effondrement de la voûte et du mur mitoyen n'apparaît donc pas sérieusement contestable. Il doit être inclus dans la provision allouée.

Le préjudice de jouissance est bien caractérisé, comme l'a dit le premier juge, par la perte des loyers du studio évaluée à 15.040 euros au mois de mars 2022. Il résulte en effet du rapport d'expertise (page 29) que ce studio est situé au-dessus de la voûte et que contrairement aux autres studios il a dû être évacué durablement. Mme [U] est fondée à voir actualiser ce préjudice à la somme de 18.800 euros au mois de novembre 2022 inclus (40 mois x 470 euros), dès lors qu'il n'est pas contesté que les travaux de reprise n'ont pu encore avoir lieu compte tenu du paiement partiel de la provision par les assureurs.

Pour ce qui est du préjudice moral, c'est à bon droit que le premier juge l'a écarté comme étant sérieusement contestable, Mme [U] ne produisant, tant en première instance qu'en appel, que des ordonnances médicales prescrivant des médicaments, sans fournir aucun certificat médical attestant de l'existence de troubles psychologiques en lien avec ces prescriptions.

Il sera donc alloué à Mme [U], par infirmation de l'ordonnance de ce chef, une provision de 147.446 euros au titre du préjudice matériel et une provision de 18.800 euros au titre du préjudice de jouissance, soit une provision totale de 166.246 euros.

La société Pacifica sollicite sa mise hors de cause et le débouté de Mme [U] des demandes formulées contre elle, considérant que ses garanties ne sont pas mobilisables dès lors qu'en application de l'article L 113-1 du code des assurances "Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police" ; qu'en l'espèce la police souscrite par Mme [L] contient une clause d'exclusion des dommages intentionnellement causés ou provoqués par l'assuré ou avec sa complicité ; qu'en l'occurrence Mme [L] a commis de nombreuses fautes intentionnelles : le non respect de ses obligations de séparation des eaux usées et des eaux pluviales ; le caractère fuyard de ces canalisations depuis de nombreuses années sans qu'aucun travail réparatoire n'ait été entrepris, alors que de nombreuses mises en demeure lui ont été adressées par la Communauté d'agglomération ; le défaut de déclaration de sinistres et le défaut de réalisation des travaux qui s'imposaient ; que de ce fait elle a ôté tout aléa au sinistre intervenu en privant ainsi de substance le contrat d'assurance.

Il convient cependant de rappeler que l'article L 113-1 du code des assurances pose le principe de la garantie de l'assureur lorsque le dommage est causé par cas fortuit ou par la faute de l'assuré, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ; que la garantie est donc acquise par principe en présence d'une faute de l'assuré comme en l'espèce, Mme [L] étant incontestablement fautive de n'avoir pas entretenu ni réparé ses canalisations d'eaux pluviales et usées en dépit des mises en demeure reçues ; que sans qu'il ne soit besoin d'interpréter le contrat en cause, l'exclusion de garantie suppose que soit établi le caractère intentionnel de la faute de l'assuré ; que la faute intentionnelle qui exclut la garantie supposant la volonté de causer le dommage tel qu'il s'est réalisé et pas seulement d'en créer le risque, il n'est nullement acquis en l'espèce que par sa négligence fautive, fut-elle importante, Mme [L] ait voulu le dommage tel qu'il s'est réalisé ; qu'ainsi la contestation élevée n'est pas sérieuse, n'étant en rien établi que Mme [L] ait recherché la réalisation du dommage.

L'ordonnance sera ainsi confirmée en ce qu'elle a condamné la société Pacifica au paiement de la provision.

Elle sera aussi confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en garantie réciproquement formées par les propriétaires du [Adresse 3] et la société Alazard ainsi que leurs assureurs respectifs, ces actions se heurtant à contestation sérieuse dès lors que chacune des parties conteste la proportion de responsabilité telle que retenue par l'expert judiciaire, Mmes [L], [T] et [M] considérant que la société Alazard est seule responsable alors que la société Alazard estime que sa responsabilité n'est que subsidiaire. L'examen des actions en garantie suppose ainsi d'apprécier les fautes respectives des parties, ce qui relève du pouvoir du juge du fond.

L'ordonnance sera en définitive confirmée, sauf sur le montant de la provision allouée à Mme [U], y compris en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, dont il a été fait une juste appréciation.

Perdant en son appel principal, la société Pacifica sera condamnée aux entiers dépens de cette instance et à payer à chacun des intimés une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comme il sera précisé au dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf sur le montant de la provision allouée à Mme [U] veuve [V],

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne in solidum Mmes [L], [T] et [M], la société Alazard et leurs assureurs la société Pacifica et la société SMABTP, à verser à Mme [U] veuve [V] une provision de 166.246 euros,

Y ajoutant,

Condamne la société Pacifica aux entiers dépens de l'instance d'appel,

La condamne à payer, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

à Mme [U] la somme de 4.000 euros

à Mmes [L], [T] et [M] la somme de 3.000 euros

à la société Alazard et la SMABTP la somme de 3.000 euros,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/13341
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;22.13341 ?
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