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16/02/2023 | FRANCE | N°21/20856

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 7, 16 février 2023, 21/20856


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7



ARRET DU 16 Février 2023

(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20856 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXZL



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Octobre 2021 par le Tribunal Judiciaire de CRETEIL - RG n° 21/00032





APPELANTE

S.C.I. LUGO-CHOISY

prise en la personne de son mandataire ad'hoc, Me Michèle LEBOSSE, par ordonnance du Préside

nt du Tribunal Judiciaire de Paris du 28 janvier 2021

[Adresse 9]

[Adresse 9]

représentée par Me Stéphane DUMAINE-MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0062...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 7

ARRET DU 16 Février 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/20856 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEXZL

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Octobre 2021 par le Tribunal Judiciaire de CRETEIL - RG n° 21/00032

APPELANTE

S.C.I. LUGO-CHOISY

prise en la personne de son mandataire ad'hoc, Me Michèle LEBOSSE, par ordonnance du Président du Tribunal Judiciaire de Paris du 28 janvier 2021

[Adresse 9]

[Adresse 9]

représentée par Me Stéphane DUMAINE-MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0062 substitué par Me Jean-Pierre WEISS, avocat au barreau de PARIS, toque : C0382

INTIMÉS

ETABLISSEMENT PUBLIC ILE-DE-FRANCE MOBILITES (IDFM)

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représenté par Me Barbara RIVOIRE de la SCP LONQUEUE - SAGALOVITSCH - EGLIE - RICHTERS & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0482

DIRECTION DEPARTEMENTALE DES FINANCES PUBLIQUES DU VAL DE MARNE - COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Madame [F] [I], en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Hervé LOCU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Hervé LOCU, Président

Madame Catherine LEFORT, Conseillère

Monsieur Raphaël TRARIEUX, Conseiller

Greffier : Madame Dorothée RABITA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Hervé LOCU, Président et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Dans le cadre de l'aménagement d'une voie de bus en site propre « T Zen 5 » dans les villes de [Localité 16] et de [Localité 12] dont Ile-de-France Mobilités (IDFM) est le maître d'ouvrage, une enquête parcellaire a été menée du 2 au 19 décembre 2019.

Par arrêté inter-préfectoral du 16 décembre 2016, prorogé le 5 octobre 2021, le projet « T Zen 5 » a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique au profit du Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF), désormais dénommé Ile-de-France Mobilités (IDFM), en vue de la réalisation d'une voie de bus.

Au terme d'un arrêté préfectoral du 22 novembre 2021, les parcelles et droits réels nécessaires à la réalisation du projet « T Zen 5 » et situés sur la ville de [Localité 12] ont été déclarés cessibles au profit de IDFM, parmi lesquelles la parcelle cadastrée [Cadastre 13] d'une superficie de 149 m².

L'ordonnance d'expropriation a été rendue le 23 décembre 2021 (Pièce 1I).

La parcelle cadastrée [Cadastre 13] est située en zone UE, zone affectée à l'accueil d'activités économiques excluant l'habitat nouveau. Il s'agit d'une parcelle issue d'une division intervenue le 20 juillet 2020 de la parcelle originale [Cadastre 14] d'une surface totale de 152 m². Cette parcelle est en nature de voirie.

Est notamment concernée par l'opération la SCI Lugo-Choisy, prise en la personne de son mandataire ad hoc, Me [P] [Y] (SCI Lugo-Choisy), en tant que propriétaire du terrain situé [Adresse 11] (94), sur la parcelle cadastrée [Cadastre 13].

Faute d'accord sur l'indemnisation, IDFM a saisi le juge de l'expropriation de Créteil par un mémoire visé au greffe le 7 mai 2021.

Par un jugement réputé contradictoire, la SCI Lugo-Choisy étant non-comparante ni représentée, du 19 octobre 2021, après transport sur les lieux le 15 juin 2021, le juge de l'expropriation de Créteil a :

Annexé à la décision le procès-verbal de transport du 15 juin 2021 ;

Fixé la date de référence au 25 février 2020 ;

Retenu une valeur unitaire de 50 euros/m² ;

Retenu la méthode d'évaluation globale par comparaison ;

Fixé l'indemnité due par IDFM à la SCI Lugo-Choisy, au titre de la dépossession de la parcelle cadastrée section [Cadastre 13], sise [Adresse 11] (94) à la somme de 8.818 euros ;

Dit que cette indemnité de dépossession foncière se décompose de la façon suivante :

7.450 euros au titre de l'indemnité principale,

1.368 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

Condamné IDFM aux dépens ;

Rejeté toutes les autres demandes des parties.

La SCI Lugo-Choisy a interjeté appel du jugement le 29 novembre 2021 sur la totalité des dispositions du jugement, sauf en ce qu'il a condamné IDFM aux dépens.

Pour l'exposé complets des faits, de la procédure, des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux écritures :

1/ déposées au greffe le 28 février 2022 par la SCI Lugo-Choisy, notifiées le 1er mars 2022 (AR intimé le 2 mars 2022 et AR CG le 2 mars 2022), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Déclarer Maître [P] [Y] ès qualités recevable et bien fondée en ses demandes ;

En conséquence,

Réformer en toutes ses dispositions ' sauf en ce qu'il a condamné l'autorité expropriante aux dépens ' le jugement dont appel, rendu le 19 octobre 2021 ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Donner acte à IDFM de sa proposition d'évaluation à hauteur de 250 euros/m², pour la parcelle expropriée, dont la contenance sera fixée à 149 m² ;

Fixer, en l'état, et sauf à parfaire, à la somme de 41.975 euros l'indemnité globale de dépossession due à la SCI Lugo-Choisy, se décomposant comme suit :

Indemnité principale de dépossession 37.250 euros,

Indemnité de remploi 4.725 euros,

Condamner en conséquence IDFM à verser au bénéfice de la SCI Lugo-Choisy ladite somme de 41.975 euros sauf à parfaire ;

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes prétentions ;

A titre subsidiaire,

Donner acte à IDFM de sa proposition d'évaluation à hauteur de 70 euros/m², pour la parcelle expropriée, dont la contenance sera fixée à 149 m² ;

Fixer, en l'état, et sauf à parfaire, à la somme de 12.244,50 euros l'indemnité globale de dépossession due à la SCI Lugo-Choisy, se décomposant comme suit :

Indemnité principale de dépossession 10.430 euros,

Indemnité de remploi 1.814,50 euros,

Condamner en conséquence IDFM à verser au bénéfice de la SCI Lugo-Choisy ladite somme de 12.244,50 euros sauf à parfaire ;

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes prétentions ;

En tout état de cause,

Condamner IDFM à verser au bénéfice de la SCI Lugo-Choisy la somme de 5.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner IDFM aux entiers dépens.

2/ adressées au greffe par IDFM, intimé, le 24 mai 2022, notifiées le 25 mai 2022 (AR appelant le 27 mai 2022 et AR CG vierge), aux termes desquelles il est demandé à la cour de :

Confirmer le jugement du juge de l'expropriation du tribunal judiciaire de Créteil en date du 19 octobre 2021 (RG 21/00032) dans toutes ses dispositions et notamment en tant qu'il a fixé à 8.818 euros, l'indemnité d'expropriation due à la SCI Lugo-Choisy, pour la dépossession du bien cadastré section [Cadastre 13] sis [Adresse 11] ;

Débouter la SCI Lugo-Choisy de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions d'appel ;

Condamner la SCI Lugo-Choisy à verser à IDFM une somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la SCI Lugo-Choisy aux entiers dépens de l'instance d'appel.

3/ adressées au greffe le 7 avril 2022 par le commissaire du gouvernement, intimé, notifiées le 8 avril 2022 (AR appelant le 11 avril 2022 et AR intimé le 11 avril 2022), aux termes desquelles il forme appel incident et demande à la cour de :

Fixer à la somme de 12 244,50 euros l'indemnité d'éviction due à la SCI Lugo-Choisy pour la dépossession du terrain nu situé [Adresse 11] (94), sur la parcelle cadastrée [Cadastre 13], décomposée comme suit :

10.430 euros au titre de l'indemnité principale (149 m² x 70 euros/m²),

1.814,50 euros au titre de l'indemnité de remploi.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES :

La SCI Lugo-Choisy fait valoir que :

Concernant la détermination de l'indemnité principale, le premier juge a retenu le prix unitaire proposé par l'autorité expropriante, alors que le commissaire du gouvernement, qui est une partie à l'instance (04-70.143) avait proposé un prix unitaire différent qui aurait dû être pris en compte.

A titre principal, l'autorité expropriante applique une décote de 80% au prix de 250 euros/m² qu'elle propose de retenir afin de tenir compte de l'emprise expropriée qui est intégralement de la voirie publique appartenant à une société dissoute qui ne subira donc aucun préjudice. Or, d'une part, une société dissoute conserve la personnalité juridique pour les besoins de la liquidation judiciaire de sorte qu'elle peut subir un préjudice. D'autre part, l'inclusion de la parcelle expropriée dans la voirie publique s'apparente à une voie de fait. Donc, il convient de retenir la proposition de l'autorité expropriante sans aucune décote, soit une indemnité principale de 37.250 euros (250 euros/m² x 149 m²).

A titre subsidiaire, il convient de retenir la proposition formulée par le commissaire du gouvernement en première instance, rectification faite de l'erreur matérielle concernant la surface de la parcelle expropriée, soit une indemnité principale de 10.430 euros (70 euros/m² x 149 m²).

Concernant les frais irrépétibles et les dépens, la SCI Lugo-Choisy a exposé des frais irrépétibles, non compris dans les dépens, qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge. En conséquence, au visa de l'article 700 du code de procédure civile, il sera alloué à la SCI Lugo-Choisy ès qualités la somme de 5.000 euros. Enfin, il est rappelé que les dépens de l'instance sont supportés par la partie expropriante.

IDFM rétorque que :

Concernant les caractéristiques physiques du bien exproprié, la parcelle cadastrée [Cadastre 13] expropriée est d'une superficie de 149 m². Le bien est en nature exclusive de voirie. La parcelle originelle cadastrée section [Cadastre 14] était d'une superficie de 152 m² et a fait l'objet d'une division cadastrale en parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 15].

Concernant les caractéristiques juridiques du bien exproprié, il résulte des article L.322-2 du code de l'expropriation et L.213-4 du code de l'urbanisme que la date de référence doit en l'espèce être fixée au 25 février 2020, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la dernière modification du plan local d'urbanisme de Grand Orly Seine Bièvre. Le bien est situé en zone UE. Il s'agit d'une zone d'activités économiques avec de nombreuses restrictions comme l'habitat nouveau qui est exclu. Le bien étant constitué uniquement par de la voirie publique, il doit donc être évalué en valeur libre.

Liminairement, l'article R.311-22 du code de l'expropriation interdit au juge de l'expropriation de statuer ultra petita ou infra petita sous la seule réserve d'une évaluation plus basse effectuée par le commissaire du gouvernement. Dès lors, le premier juge n'a nullement commis d'erreur de droit et n'avait pas le pouvoir de fixer l'indemnité à hauteur de ce que proposait le commissaire du gouvernement des lors que l'exproprié s'était abstenu de produire le moindre écrit.

Concernant l'indemnité principale, la moyenne des huit termes de comparaison produits s'établit à 141 euros/m². Néanmoins, afin de tenir compte de l'emprise expropriée qui est intégralement et exclusivement constituée de la voirie publique appartenant à une société dissoute qui ne subira donc aucun préjudice, il devra être retenu une valeur finale de 50 euros/m². Concernant plus précisément des emprises constituées par des trottoirs, la cour d'appel de Paris a rappelé qu'un abattement

de 50% était un minimum pour une expropriation portant sur des trottoirs sans aucune possibilité de construction (RG 20/09140). L'indemnité de dépossession peut donc se calculer comme suit : 149 m² x 50 euros/m² = 7 450 euros.

S'agissant des références produites par le commissaire du gouvernement, il convient d'en écarter deux pour une valeur unitaire rectifiée de 54 euros/m².

Concernant les indemnités accessoires, l'indemnité de remploi doit être calculée selon la jurisprudence habituelle (20% jusqu'à 5.000 euros, 15% de 5.000 euros à 15.000 euros, et 10% au-delà de 15.000 euros), soit 1.368 euros.

Concernant les frais irrépétibles et les dépens, IDFM, qui n'est manifestement n'est pas la partie perdante dans cette instance, ayant été contraint d'exposer des frais pour sa défense en cause d'appel, est bien fondé à solliciter la condamnation de l'exproprié à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que sa condamnation aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Le commissaire du gouvernement conclut que :

Concernant la description du bien exproprié, la parcelle cadastrée [Cadastre 13] expropriée sise [Adresse 11] (94) d'une superficie de 149 m² correspond à un terrain nu, résultant d'une division parcellaire de la parcelle d'origine [Cadastre 14] (152 m²) en deux parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 15]. Le bien est libre d'occupation.

Concernant la date de référence, il résulte des article L.322-2 du code de l'expropriation et L.213-4 du code de l'urbanisme que celle-ci doit en l'espèce être fixée au 25 février 2020, date à laquelle est devenue opposable aux tiers la dernière modification du plan local d'urbanisme de Grand Orly Seine Bièvre.

Concernant la situation au regard de la réglementation d'urbanisme, le bien est situé en zone UE. La zone UE couvre la partie du territoire communal actuellement affectée essentiellement à l'accueil d'activités économiques. L'habitat nouveau est exclu de cette zone.

Aux termes de l'article R.311-22 du code de l'expropriation, le juge statue dans la limite des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement s'il propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant. En conséquence, c'est à bon droit que le premier juge a fixé l'indemnité sur la base proposée par l'autorité expropriante.

Les mutations retenues par IDFM sont des terrains à bâtir alors que la parcelle [Cadastre 13] est en nature de voirie. En conséquence, les biens ne peuvent être comparés, et la demande de la SCI Lugo-Choisy visant à voir fixer la valeur de la parcelle expropriée à 250 euros/m² sera rejetée.

Concernant l'indemnité principale, la moyenne des quatre termes de comparaison produits s'établit à 73 euros/m² en valeur libre d'occupation. Compte tenu de la forme et de la surface de la parcelle expropriée, il est proposé de retenir un prix unitaire de 70 euros/m², en valeur libre d'occupation. L'indemnité principale doit donc s'élever à 10.430 euros (149 m² x 70 euros/m²).

Concernant l'indemnité de remploi, celle-ci doit être fixée à 1.814,50 euros en application de la formule suivant : 20% du montant de l'indemnité principale jusqu'à 5.000 euros, 15% entre 5.000 et 15.000 euros, et 10% au-delà de 10.000 euros.

L'indemnité total due sera fixée à 12.244,50 euros (10.430 euros + 1.814,50 euros).

Concernant les frais irrépétibles et les dépens, leur ventilation est laissée à l'appréciation du juge.

SUR CE, LA COUR :

Sur la recevabilité des conclusions,

Aux termes de l'article R.311-26 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique modifié par l'article 41 du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 en vigueur depuis le 1er septembre 2017, applicable en l'espèce l'appel étant du 29 novembre 2021, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel.

À peine d'irrecevabilité, relevée d'office, l'intimé dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et les documents qu'il entend produire dans un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant. Le cas échéant, il forme appel incident dans le même délai et sous la même sanction.

L'intimé à un appel incident ou un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification qui en est faite pour conclure.

Le commissaire du gouvernement dépose ou adresse au greffe de la cour ses conclusions et l'ensemble des pièces sur lesquelles il fonde son évaluation dans le même délai et sous la même sanction que celle prévue au deuxième alinéa.

Les conclusions et documents sont produits en autant d'exemplaires qu'il y a de parties, plus un.

Le greffe notifie à chaque intéressé et au commissaire du gouvernement, dès leur réception, une copie des pièces qui lui sont transmises.

En l'espèce, les conclusions de la SCI Lugo-Choisy du 28 février 2022, de IDFM du 24 mai 2022 et du commissaire du gouvernement du 7 avril 2022 adressées ou déposées dans les délais légaux sont recevables.

Sur le fond,

Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée qui s'impose au juge français, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; ces dispositions ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.

Aux termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, la propriété est un droit inviolable et sacré, dont nul ne peut être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la réserve d'une juste et préalable indemnité.

L'article 545 du code civil dispose que nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité.

Aux termes de l'article L.321-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les indemnités allouées couvrent l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation.

Aux termes de l'article L.321-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le jugement distingue, dans la somme allouée à chaque intéressé, l'indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.

Aux termes de l'article L.322-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété ou lorsque l'expropriant fait fixer l'indemnité avant le prononcé de l'ordonnance d'expropriation, à la date du jugement.

Conformément aux dispositions de l'article L.322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, les biens sont estimés à la date de la décision de première instance, seul étant pris en considération ' sous réserve de l'application des articles L.322-3 à L.322-6 dudit code ' leur usage effectif à la date définie par ce texte.

L'appel de la SCI Lugo-Choisy et celui du commissaire du gouvernement portent sur le montant de l'indemnité d'expropriation. IDFM sollicite la confirmation du jugement entrepris.

S'agissant de la date de référence, les parties s'accordent toutes à la situer comme le premier juge au 25 février 2020 en application de l'article L.213-6 du code de l'urbanisme, le bien exproprié étant soumis au droit de préemption urbain.

S'agissant de la date à laquelle le bien exproprié doit être estimé, il s'agit de celle du jugement de première instance conformément à l'article L.322-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, soit le 19 octobre 2021.

Sur l'indemnité principale,

Sur la surface du bien exproprié, comme en première instance, les parties s'accordent pour fixer la superficie à 149 m².

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la situation locative, aux termes de l'article L.322-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, le juge fixe le montant des indemnités d'après la consistance des biens à la date de l'ordonnance portant transfert de propriété.

L'évaluation par le premier juge en valeur libre n'est pas contestée par les parties.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la nature du bien, son usage effectif et sa consistance, la parcelle cadastrée [Cadastre 13] est située en zone UE du plan local d'urbanisme, laquelle est affectée à l'accueil d'activités économiques excluant l'habitat nouveau. Il s'agit d'un terrain nu en nature exclusive de voirie. La parcelle originelle cadastrée section [Cadastre 14] était d'une superficie de 152 m² et a fait l'objet d'une division cadastrale en parcelles [Cadastre 13] et [Cadastre 15]. Pour une plus ample description, il convient de se référer au procès-verbal de transport.

Sur la méthode d'évaluation, le juge de l'expropriation dispose du pouvoir souverain d'adapter la méthode qui lui paraît la mieux appropriée à la situation des biens expropriés.

Les parties s'accordent à retenir la méthode d'évaluation globale par comparaison.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les références retenues par le premier juge, le jugement énonce que « le juge ne pouvant statuer ultra petita en vertu de l'article 5 du code de procédure civile, c'est le prix unitaire de 50 euros proposé par l'autorité expropriante qui sera retenu ».

La SCI Lugo-Choisy indique que le premier juge devait prendre en compte les références du commissaire du gouvernement, lequel est partie à l'instance.

Cependant, la SCI Lugo-Choisy n'ayant pas déposé de mémoire, le premier juge a exactement appliqué l'article R311-22 du code de l'expropriation qui dispose que le juge statue dans les limites des prétentions des parties, telles qu'elles résultent de leurs mémoires et des conclusions du commissaire du gouvernement si celui-ci propose une évaluation inférieure à celle de l'expropriant ; si le défendeur n'a pas notifié son mémoire en réponse au demandeur dans le délai de six semaines prévu à l'article R311-11, il est réputé s'en tenir à ses offres, s'il s'agit de l'expropriant, et à sa réponse aux offres s'il s'agit de l'exproprié; si l'exproprié s'est abstenu de répondre aux offres de l'administration et de produire un mémoire en réponse, le juge fixe l'indemnité d'après les éléments dont il dispose.

En l'espèce, la SCI Lugo- Choisy n'ayant pas répondu à la proposition, le juge ne pouvait donc fixer l'indemnité à hauteur de ce que proposait le commissaire du gouvernement, celle- ci étant supérieure à l'offre de l'expropriant.

Il convient d'examiner les références des parties produites en cause d'appel.

1° Références de la SCI Lugo-Choisy

A titre principal, elle se prévaut du prix unitaire établi à partir des termes de comparaison produits par l'autorité expropriante en première instance mais sans aucune décote:

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

(en m²)

Prix

(en euros)

Prix unitaire

(en euros/m²)

Zonage

Observations

A1

26/12/2017

[Adresse 5]

2.209

565.950

256

UP2i

Terrain à bâtir

A2

22/04/2016

21/07/2016

[Adresse 10]

21.586

4.764.431

221

UP2i

Terrain à bâtir

A3

17/02/2014

[Adresse 6]

561

72.930

130

UP2i

Terrain à bâtir

A4

22/07/2013

[Adresse 10]

5.137

900.000

175

UP2i

Terrain à bâtir

A5

07/12/2011

[Adresse 8]

7.981

1.650.000

207

UP2i

Terrain à bâtir

À titre subsidiaire, elle se prévaut du prix unitaire établi à partir des termes de comparaison produits par le commissaire du gouvernement en première instance:

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

(en m²)

Prix

(en euros)

Prix unitaire

(en euros/m²)

Zonage

Observations

A6

03/05/2019

[Adresse 11]

69

6.900

100

UE

Terrain nu

A7

30/12/2019

Voie des roses

425

35.380

83

UE

Terrain nu

A8

20/06/2018

[Adresse 2]

82

4.428

54

UE

Terrain nu

A9

20/06/2018

[Adresse 3]

47

2.538

54

UE

Terrain nu

IDFM reproche qu'aucun terme de comparaison ne soit produit et qu'il soit fait abstraction du fait que le bien exproprié est un terrain nu en nature de voirie.

Le commissaire du gouvernement indique qu'il n'est produit aucun terme de comparaison.

Les termes de comparaison, s'ils ne sont pas reproduits dans le corps du mémoire d'appelant, sont intégrés dans les pièces communiquées simultanément. Dès lors, il convient d'en faire l'examen.

Les termes de comparaison produits à titre principal sont tous situés à [Localité 16] en zone « UP2i », laquelle est classée comme inondable, contrairement au bien exproprié situé à [Localité 12] en zone « UE » du plan local d'urbanisme.

De plus, les termes de comparaison correspondent à des terrains à bâtir, et non à des terrains nus en nature de voirie. Au surplus, les termes de comparaison A2, A3, A4 et A5 sont trop anciens pour être comparables au bien exproprié, étant de plus de cinq ans et les termes de comparaison A1, A2, A4 et A5 ont une surface hors de proportion avec le bien exproprié. Ces termes de comparaison seront donc écartés.

Les termes de comparaison produits à titre subsidiaire sont comparables en localisation et en consistance au bien exproprié. Ces quatre termes de comparaison seront retenus.

2° Références d'IDFM

Les termes de comparaison proposés sont listés dans le tableau ci-dessous:

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

(en m²)

Prix

(en euros)

Prix unitaire

(en euros/m²)

Zonage

Observations

I1

12/08/2016

[Adresse 4]

397

29.000

73

UFi

I2

23/08/2018

[Adresse 4]

2.253

130.000

58

UFi

I3

24/02/2017

[Adresse 4]

31.875

1.434.375

45

UFi

I4

26/12/2017

[Adresse 5]

2.209

565.950

256

UP2i

I5

21/07/2016

[Adresse 10]

1.227

227.843

185

UP2i

I6

17/02/2014

[Adresse 6]

561

72.930

130

UP2i

I7

22/07/2013

[Adresse 10]

5.137

900.000

175

UP2i

I8

07/12/2011

[Adresse 8]

7.981

1.650.000

207

UP2i

La SCI Lugo-Choisy souscrit, à titre principal, aux termes de comparaison produits par IDFM en première instance, mais critique l'application d'un abattement de 80%.

Le commissaire du gouvernement critique les termes de comparaison produits par IDFM en première instance, en ce qu'ils correspondent à des terrains à bâtir situés à [Localité 16] en zone « UP2i ».

Les termes de comparaison sont tous situés à [Localité 16] en zone « UFi » ou « UP2i », lesquelles sont classées comme inondables, contrairement au bien exproprié situé à [Localité 12] en zone « UE » du plan local d'urbanisme. Au surplus, les termes de comparaison I1, I5, I6, I7 et I8 sont trop anciens pour être comparables au bien exproprié, étant de plus de cinq ans et les termes de comparaison I2, I3, I4, I5, I7 et I8 ont une surface hors de proportion avec le bien exproprié. Ces termes de comparaison seront donc écartés.

3° Références du commissaire du gouvernement

Les termes de comparaison proposés sont listés dans le tableau ci-dessous :

N° du terme

Date de vente

Adresse

Surface

(en m²)

Prix

(en euros)

Prix unitaire

(en euros/m²)

Zonage

Observations

CG1

03/05/2019

[Adresse 11]

69

6.900

100

UE

Terrain nu

CG2

30/12/2019

Voie des roses

425

35.380

83

UE

Terrain nu

CG3

20/06/2018

[Adresse 2]

82

4.428

54

UE

Terrain nu

CG4

20/06/2018

[Adresse 3]

47

2.538

54

UE

Terrain nu

La SCI Lugo-Choisy souscrit, à titre subsidiaire, aux termes de comparaison produits par le commissaire du gouvernement en première instance, lesquels sont identiques à ceux produits en appel.

IDFM critique le terme de comparaison CG1 en ce qu'il concerne une surface de terrain à bâtir entre deux entités publiques. Pourtant, rien ne démontre que la cession ' fût-elle conclue entre deux entités publiques ' présente des conditions exorbitantes du droit commun ou ne correspond pas au prix du marché. Il n'y a donc pas lieu d'écarter ce terme de comparaison.

IDFM critique également le terme de comparaison CG2 en ce qu'il est d'une superficie plus de 2,85 fois supérieure à celle du bien exproprié. Cependant, le terme de comparaison correspond à un terrain nu sur la ville de [Localité 12]. En cela, il est comparable au bien exproprié. Il n'y a donc pas lieu d'écarter ce terme de comparaison.

Les termes de comparaison produits sont comparables en localisation et en consistance au bien exproprié et ont déjà été retenus.

La moyenne des quatre références retenues correspond à un prix unitaire de :

(100 + 83 + 54 + 54) ÷ 4 = 72,75 euros/m²

Le bien exproprié présente toutefois des éléments de moins-value, à savoir sa forme irrégulière et sa surface réduite. En conséquence, le prix unitaire sera fixé à 70 euros/m².

L'indemnité principale, en valeur libre, est donc de :

149 × 70 euros/m² = 10.430 euros

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur les indemnités accessoires,

Sur l'indemnité de remploi, elle est calculée selon la jurisprudence habituelle comme suit :

20% de l'indemnité principale jusqu'à 5.000 euros

15% de l'indemnité principale entre 5.001 et 15.000 euros

10% de l'indemnité principale sur le surplus

L'indemnité de remploi s'établit en l'espèce à 1.814,5 euros.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

L'indemnité totale de dépossession est donc de 12.244,50 euros en valeur libre.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile,

L'équité commande de débouter les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

Sur les dépens,

Le jugement sera confirmé sur les dépens de première instance qui sont à la charge de l'expropriant.

IDFM perdant le procès sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare recevables les conclusions des parties ;

Infirme partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 12.244,50 euros en valeur libre l'indemnité à revenir à la SCI Lugo-Choisy, prise en la personne de son mandataire ad hoc Me [P] [Y], pour la dépossession de la parcelle cadastrée section [Cadastre 13], sise [Adresse 11] (94), se décomposant comme suit :

10.430 euros au titre de l'indemnité principale,

1.814,50 euros au titre de l'indemnité de remploi ;

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Déboute les parties de leus demandes pus amples ou contraires ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner IDFM aux dépens d'appel ;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 21/20856
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;21.20856 ?
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