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16/02/2023 | FRANCE | N°21/15055

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 16 février 2023, 21/15055


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 16 FEVRIER 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15055

N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHLY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2021 -Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 12/00827



APPELANTE



Madame [B] [J]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Julie MAUPEU, avocat au b

arreau de PARIS, toque : A265

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/036389 du 22/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)



INTIMEE



Société ALLI...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 16 FEVRIER 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/15055

N° Portalis 35L7-V-B7F-CEHLY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mai 2021 -Tribunal judiciaire de PARIS - RG n° 12/00827

APPELANTE

Madame [B] [J]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Julie MAUPEU, avocat au barreau de PARIS, toque : A265

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/036389 du 22/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

Société ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée et assistée par Me Stéphane BRIZON de l'AARPI AARPI BRIZON MOUSAEI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D2066

PARTIES INTERVENANTES

CPAM DE [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 6]

n'a pas constitué avocat

CAISSE REGIONALE D'ASSURANCE MALADIE D'ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 6]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, Présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Dorothée Dibie, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre pour la présidente empêchée et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 31 mai 1992, Mme [B] [J], née le [Date naissance 4] 1953, a été victime, en qualité de piéton, d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule assuré auprès de la société Allianz IARD (la société Allianz), laquelle ne conteste pas le droit à indemnisation.

Mme [J] a été transportée au service des urgences de l'hôpital de [Localité 7] où le certificat médical initial a retenu une fracture des deux os de la jambe droite ainsi que des douleurs au niveau de la cheville gauche et de la colonne vertébrale dorsale.

Mme [J] a fait l'objet d'une expertise amiable confiée aux Docteurs [O] et [E] qui ont établi leur rapport le 21 mai 1993 dans lequel ils ont notamment fixé la date de consolidation au 4 avril 1993 et le déficit fonctionnel permanent à 10 %.

Saisi par Mme [J], le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a, par ordonnance du 29 juillet 2008, missionné le Docteur [W] aux fins d'expertise médicale en aggravation.

L'expert a établi son rapport le 22 novembre 2010.

Par décision du 4 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a considéré que l'action en réparation résultant de l'accident initial était prescrite et a alloué Mme [J] la somme de 30 800 euros au titre de l'aggravation de son état à l'exception des postes de préjudice de pertes de gains professionnels actuels et futurs, d'incidence professionnelle et de déficit fonctionnel permanent pour lesquels il a sursis à statuer dans l'attente de la production de la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] (la CPAM) relative à l'aggravation et des déclarations d'impôt sur le revenu de Mme [J] pour les années 2004 à 2012.

Saisie par Mme [J], la cour d'appel de Paris a, par arrêt du 14 septembre 2015, confirmé la prescription de l'action et le sursis à statuer et a porté les indemnités allouées à Mme [J] à la somme de 32 810 euros.

Par arrêt du 14 septembre 2017, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Mme [J].

Par jugement du 4 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné la société Allianz à payer à Mme [J], en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes en réparation des préjudices subis du fait de l'aggravation de son état séquellaire :

- pertes de gains professionnels futurs : 22 335 euros pour la perte subie entre 2010 et 2014

- incidence professionnelle : 20 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 7 740 euros,

- débouté Mme [J] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels actuels et de la perte de gains professionnels futurs entre 2015 et 2019,

- réservé la liquidation de l'éventuelle perte de gains professionnels futurs subie par Mme [J] à compter de 2020,

- déclaré le jugement commun à la CPAM,

- condamné la société Allianz aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et à payer à Mme [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- dit que le conseil de Mme [J] pourra recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers des indemnités allouées et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 30 juillet 2021, Mme [J] a interjeté appel de ce jugement et conteste ses dispositions en ce qu'il a condamné la société Allianz à lui verser 22 335 euros au titre de ses pertes de gains professionnels futurs entre 2010 et 2014, 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle et 7 740 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, l'a déboutée de ses demandes au titre de ses pertes de gains professionnels actuels et de ses pertes de gains professionnels futurs de 2015 à 2019, et a réservé les pertes de gains professionnels futurs qu'elle a subies à partir de 2020.

La CPAM ainsi que la caisse régionale d'assurance maladie Ile-de-France (la CRAMIF), auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée par actes d'huissier du 13 octobre 2021, délivrés à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de Mme [J], notifiées le 16 novembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 4 mai 2021 en ce qu'il lui a alloué les sommes suivantes et l'a débouté pour le surplus :

- pertes de gains professionnels futures : 22 335 euros

- incidence professionnelle : 20 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 7 740 euros,

En conséquence, statuant à nouveau,

- condamner la société Allianz à lui verser les sommes suivantes sauf mémoire et réserves, en deniers ou quittances au titre de l'indemnisation de ses préjudices résultant des conséquences de son aggravation :

- pertes de gains professionnels actuelles : néant

- pertes de gains professionnels futures : 132 921 euros

- incidence professionnelle : 277 682,98 euros

- déficit fonctionnel permanent : 13 760 euros

- total : 424 363,98 euros,

- débouter la société Allianz de ses demandes,

- condamner la société Allianz aux entiers dépens,

- rendre l'arrêt commun et opposable à la CPAM et à la CRAMIF.

Vu les conclusions de la société Allianz, notifiées le 29 novembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, de :

- recevoir la société Allianz en ses conclusions et l'y déclarée bien fondée,

- renvoyer le dossier à la mise en état dans l'attente de la production de la créance des organismes sociaux,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Allianz à verser à Mme [J] la somme de 22 335 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs pour la perte subie entre 2010 et 2014 et fixer l'indemnisation à hauteur de la somme de 17 192,50 euros avant imputation de la créance des organismes sociaux,

- juger qu'il conviendra de déduire des sommes allouées au titre des postes de perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent le montant de la rente versée soit la somme de 33 103,81 euros,

Subsidiairement,

- juger que le montant alloué en réparation de la perte de gains professionnels actuels de Mme [J] ne saurait être supérieur à la somme de 2 875,22 euros,

- débouter Mme [J] de ses demandes, fins et conclusions,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le préjudice corporel de Mme [J]

L'expert, le Docteur [W], a indiqué dans son rapport en date du 22 novembre 2010 que Mme [J] a présenté une aggravation de son état de santé imputable à l'accident du 31 mai 1992 consistant en un enraidissement de 15° supplémentaire de la cheville droite, et une aggravation de sa souffrance psychiatrique caractérisée par une réminiscence anxieuse avec bouffées d'angoisse entraînant des sidérations émotionnelles stressantes.

Il a conclu ainsi qu'il suit :

- Consolidation au 10 août 2009

- Incapacité temporaire de travail totale du 23 mars au 15 mai 2005 puis du 11 décembre 2006 au 10 août 2009 compte-tenu de l'aggravation psychiatrique avec état anxiodépressif

- Souffrances endurées : 2,5/7

- Préjudice d'agrément : inchangé

- Incapacité permanente sur le plan orthopédique de 5% et sur le plan psychiatrique de 10% soit 14,5% au global correspondant à une aggravation de 4,5%

- Préjudice esthétique : 0,5/7 en aggravation

- Inaptitude à reprendre dans les conditions antérieures les activités autant sur le plan professionnel que dans la vie courante d'un point de vu psychiatrique.

Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 4] 1953, formatrice à la date des faits, de l'aggravation et de sa consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Mme [J] ne formule plus, dans le dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour, conformément à l'article 954 du code de procédure civile, de demande au titre de ce poste de préjudice.

Le jugement est infirmé.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Le tribunal après avoir retenu une perte de chance de 50 % de percevoir des revenus équivalents aux revenus moyens perçus avant l'accident, a alloué à Mme [J] la somme de 22 335 euros au titre de la période 2010-2014, l'a déboutée de ses demandes pour la période 2015-2019 en l'absence de perte de revenus établie et a réservé la liquidation à compter de 2020.

Mme [J] s'oppose à la perte de chance de 50 % retenue par le tribunal en soutenant que son errance professionnelle est intégralement imputable à l'aggravation de son état.

Elle précise qu'elle n'a pas pu travailler jusqu'en décembre 2014 en raison des séquelles de son accident puis qu'elle a retrouvé un emploi à temps partiel et que l'augmentation des revenus soulignée par le tribunal a correspondu au cumul de sa pension d'invalidité et de ses revenus précaires.

Elle évalue son préjudice à 166 024,81 euros et sollicite la somme de 132 921 euros après déduction de la créance des organismes sociaux.

Elle précise que si elle a été placée, le 18 janvier 2010, en invalidité catégorie 2 par la CRAMIF, elle ne perçoit plus de pension invalidité depuis 2020, la somme de 1 022 euros figurant sur son avis d'imposition pour l'année 2020 étant un simple reliquat.

La société Allianz sollicite, avant tout, le sursis à statuer dans l'attente de la production actualisée de la créance de la CPAM et de la CRAMIF au regard de la somme perçue en 2020 qui s'élève à 1 416 euros et non pas 1 022 euros. Elle sollicite ensuite la confirmation du jugement sauf sur le quantum retenu pour la période de 2010 à 2014, qu'elle souhaite voir limiter à 17 192,50 euros avant imputation de la créance des organismes sociaux.

Sur ce, il ressort de l'expertise que l'aggravation de l'état de santé de Mme [J] est survenue au cours de l'année 2005 ; les bulletins de salaire que Mme [J] a communiqués démontrent qu'elle a été employée par la société Siloe en qualité d'animatrice depuis le 19 novembre 2001 jusqu'au 31 juillet 2004 dans le cadre d'une succession de contrats de travail à durée déterminée, qu'au cours de l'année 2003 à partir du mois de septembre 2003 son salaire net a baissé de 1 400 euros en moyenne à 834,42 euros et du 1er janvier 2004 au 31 juillet 2004 inclus Mme [J] a perçu des salaires nets à hauteur de la somme totale de 7 111,36 euros.

Par ailleurs si l'expert a retenu une inaptitude d'un point de vue psychiatrique de Mme [J] à reprendre, dans les conditions antérieures, les activités professionnelles, les avis d'imposition qu'elle a communiqués démontrent qu'elle a continué, au moins par périodes, de travailler, ce que d'ailleurs elle admet.

Pour la période postérieure au 10 août 2009, date de consolidation de l'aggravation de son état, Mme [J] verse uniquement, pour justifier de ses revenus, ses avis d'imposition qui mentionnent soit des revenus salariaux et assimilés soit des pensions, retraites et rentes.

A défaut de production aux débats des relevés de créances définitives de la CPAM et de la CRAMIF, la cour n'est pas en mesure de déterminer, année par année, le montant de la perte de salaires subie par Mme [J] étant précisé que les avis d'imposition, révèlent pour certaines années une baisse des revenus déclarés, par rapport à ceux de l'année 2004.

Il convient en conséquence d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter Mme [J] à produire ses bulletins de salaire à compter du mois d'août 2009 et des relevés de débours définitifs de la CPAM et de la CRAMIF, étant rappelé que les indemnités journalières versées après la consolidation et la pension d'invalidité s'imputent sur les pertes de gains professionnels futurs qu'elles ont vocation à réparer.

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Le tribunal a alloué la somme de 20 000 euros au titre de la pénibilité et de la dévalorisation sociale en précisant que la perte de droits à la retraite n'était pas établie.

Mme [J] sollicite la somme de 277 682,98 euros - incluant la perte des droits à la retraite à hauteur de 197 682,98 euros - en faisant valoir que depuis l'aggravation de son état psychique, elle a dû se contenter d'emplois précaires, moins qualifiés et moins rémunérateurs que son activité de formatrice exercée antérieurement.

La société Allianz conclut à la confirmation du jugement.

Sur ce, Mme [J] produit uniquement à l'appui de sa demande une « Evaluation de votre retraite personnelle » établie par l'assurance retraite d'Ile-de-France, le 17 juin 2020, qui précise « au 1er juillet 2020, date à laquelle vous envisagez de partir à la retraite, le montant mensuel brut de votre retraite personnelle serait de 703,51 euros » ainsi qu'une simulation de ses droits à la retraite au 28 octobre 2021 .

Néanmoins, aucun élément du dossier ne permet d'établir le montant des droits à la retraite de Mme [J] en l'absence d'aggravation de son état ni la réalité de sa situation, en l'absence notamment d'éléments permettant de déterminer la date de son départ à la retraite et le montant de la pension servie.

En outre, en vertu de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité servie par la CRAMIF s'imputant prioritairement sur les pertes de gains professionnels futurs et en cas d'insuffisance sur l'incidence professionnelle, la cour, qui ne dispose pas des informations suffisantes pour évaluer les pertes de revenus, n'est pas en mesure de déterminer l'indemnité revenant à Mme [J] au titre de l'incidence professionnelle du dommage.

Il convient ainsi de surseoir à statuer sur ce poste de préjudice dans l'attente de la production des éléments d'information permettant d'évaluer les pertes de gains professionnels futurs de Mme [J] ainsi que des éléments précis relatifs à sa situation vis-à-vis de ses droits à la retraite.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Le tribunal a alloué la somme de 7 740 euros sur la base du taux de déficit fonctionnel permanent lié à l'aggravation fixé par l'expert à 4,5 % (méthode de Balthazard).

Mme [J] sollicite la somme de 13 760 euros sur la base d'un taux de déficit fonctionnel permanent de 8 % en invoquant l'aggravation majeure de son état psychiatrique et de ses douleurs dorsales.

La société Allianz conclut à la confirmation du jugement.

Sur ce, l'expert a retenu un taux de déficit permanent en lien avec l'aggravation de 4,5 % au regard de l'enraidissement de 15° supplémentaire de la cheville droite de Mme [J] ainsi qu'une aggravation de sa souffrance psychiatrique caractérisée par une réminiscence anxieuse avec bouffées d'angoisse entraînant des sidérations émotionnelles stressantes. Compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence, ce poste de dommage doit être évalué à la somme de 7 740 euros pour une femme âgée de 56 ans à la consolidation.

Il résulte de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale que le pension d'invalidité n'a pas pour finalité de réparer le déficit fonctionnel permanent, de sorte que cette pension ou le reliquat de celle-ci ne peut s'imputer sur l'indemnité revenant à la victime au titre de ce poste de préjudice ; il convient d'inviter les parties à s'expliquer sur ce point, et en conséquence de surseoir à statuer sur la demande de condamnation de la société Allianz formée par Mme [J] au titre du déficit fonctionnel permanent.

Sur les demandes annexes

Compte tenu de la réouverture des débats ordonnée, les dépens de première instance et d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

- Constate que Mme [B] [J] ne formule aucune demande en appel au titre de la perte de gains professionnels actuels,

- Infirme en conséquence le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] [J] de sa demande au titre d'une perte de gains professionnels actuels,

Avant dire droit sur les demandes de condamnation de Mme [B] [J] de la société Allianz IARD au titre des postes de perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent,

- Fixe le déficit fonctionnel permanent subi par Mme [B] [J] du fait de l'aggravation de son état de santé consécutif à l'accident du 31 mai 1992 à la somme de 7 740 euros,

- Ordonne la réouverture des débats, la révocation de l'ordonnance de clôture et le renvoi à la mise en état,

- Invite Mme [B] [J] à produire :

- ses bulletins de salaire à compter du mois d'août 2009

- les débours définitifs de la CPAM,

- les débours définitifs de la CRAMIF permettant de déterminer le montant de la pension d'invalidité servie, sa créance définitive et la date de cessation de son versement,

- tous justificatifs permettant de déterminer la date du départ à la retraite de Mme [J] ainsi que la pension versée et celle qu'elle aurait dûe percevoir en l'absence d'aggravation de son état de santé,

- Invite les parties à s'expliquer sur le moyen tiré de ce qu'il résulte de l'article L. 341-1 que la pension d'invalidité n'a pas pour finalité de réparer le déficit fonctionnel permanent, de sorte que cette pension ou le reliquat de celle-ci ne peut s'imputer sur l'indemnité revenant à la victime au titre de ce poste de préjudice

- Réserve les dépens de première instance et d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/15055
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;21.15055 ?
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