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16/02/2023 | FRANCE | N°21/00095

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 16 février 2023, 21/00095


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 16 FÉVRIER 2023



(n° 2023/ , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00095 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC33V



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINTGEORGES - RG n° F 19/00120





APPELANTE



Madame [G] [F]

[Adresse 1]

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Représentée par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895



INTIMEE



S.A.S. SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Mau...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 16 FÉVRIER 2023

(n° 2023/ , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00095 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC33V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINTGEORGES - RG n° F 19/00120

APPELANTE

Madame [G] [F]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric MOUTET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895

INTIMEE

S.A.S. SECURITAS TRANSPORT AVIATION SECURITY

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Maud BENRAIS PERSON, avocat au barreau de PARIS, toque : D2164

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G] [F] a été engagée par la société Securitas Transport Aviation Security, ci-après la société, selon un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel de 130 heures par mois du 1er décembre 2010 en qualité d'opérateur de sûreté qualifié.

Par avenant du 29 mai 2011, la relation de travail s'est poursuivie en contrat à durée indéterminée.

Les parties ont signé le 1er octobre 2011 un nouvel avenant aux termes duquel le temps de travail a été porté à 151,67 heures par mois.

Par décision du 25 juillet 2014, Mme [F] s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé.

Par avenant du 1er novembre 2015, les parties ont convenu de diminuer le temps de travail à 90,93 heures par mois, puis, par un nouvel avenant du 27 novembre 2015, à 77,94 heures par mois.

Le médecin du travail a, à l'occasion d'examens des 2 décembre 2015 et 6 juin 2016, déclaré la salariée apte à son poste mais dans les conditions suivantes : ne pas faire de palpations, horaires de 6 heures par jour avec pause à 9 heures et doit pouvoir s'asseoir pendant la vacation.

Mme [F] a par ailleurs fait l'objet de plusieurs sanctions disciplinaires : une mise à pied d'un jour notifiée par lettre du 4 avril 2013, une mise à pied de trois jours notifiée par lettre du 4 septembre 2013, un avertissement notifié par lettre du 7 août 2015, une mise à pied d'une journée notifiée par lettre du 10 février 2016 et un nouvel avertissement notifié le 3 août 2016.

Le 20 janvier 2018, Mme [F] a formé une demande de rupture conventionnelle qui n'a pas abouti, faute d'accord sur le montant de l'indemnité de rupture.

Lors d'un examen du 29 janvier 2018 au titre de l'article L. 4624-1 du code du travail, le médecin du travail a indiqué que l'état de santé de Mme [F] ne lui permettait pas d'être affectée à un poste dans l'établissement, préconisant une rapide étude de poste, puis le 8 février suivant, il l'a déclarée inapte à son poste, le médecin du travail précisant que l'état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise.

Par lettre du 19 février 2018, la société a informé la salariée de son impossibilité de procéder à son reclassement, compte tenu des indications du médecin du travail.

Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 28 février 2018.

Par lettre du 5 mars 2018, elle a été licenciée pour inaptitude d'origine non professionnelle et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement et estimant avoir été victime de harcèlement moral et de discrimination liée à son handicap, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges qui, par jugement du 18 novembre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :

- jugé que le harcèlement moral, le non-respect de l'obligation de sécurité et la discrimination liée à son handicap invoqués par Mme [F] ne sont pas établis ;

- dit n'y avoir pas lieu de prononcer la nullité du licenciement notifié le 5 mars 2018 par la société à Mme [F] ;

- dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [F], prononcé par courrier en date du 5 mars 2018 par la société, est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouté Mme [F] de ses demandes formulées au titre de l'indemnité pour licenciement nul, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité, des dommages et intérêts pour discrimination liée au handicap et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la société de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que chacune des parties conservera à sa charge les frais et éventuels dépens de l'instance.

Par déclaration transmise le 14 décembre 2020, Mme [F] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 novembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [F] demande à la cour de :

- se déclarer saisie de l'ensemble des demandes de Mme [F] ;

- réformer le jugement ;

et statuer de nouveau comme suit :

- condamner la société à payer à Mme [F] :

* une indemnité pour nullité du licenciement à hauteur de 32 610 euros ;

* 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité ;

* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination liée au handicap ;

- dire que s'appliqueront les intérêts au taux légal au jour de la saisine ;

- condamner la société à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour cause d'appel et aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

à titre principal,

- constater que la cour n'est saisie d'aucune demande faute pour la déclaration d'appel de mentionner expressément les chefs de jugement critiqués ;

- constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel n°21/00230 en date du 14 décembre 2020 et enregistrée le 6 janvier 2021 ;

à titre subsidiaire,

- constater que la cour n'est saisie d'aucune demande relative à la nullité du licenciement de Mme [F] faute pour la déclaration d'appel de mentionner expressément le chef de jugement s'y rapportant ;

en tout état de cause,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

en conséquence,

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [F] à verser à la société la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'absence d'effet dévolutif

La société fait valoir que la déclaration d'appel ne reproduit expressément aucun des chefs de la décision entreprise de telle sorte que la cour n'est saisie d'aucune demande et, à titre subsidiaire, soutient qu'elle n'est pas saisie du chef du dispositif du jugement ayant dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité du licenciement et ayant débouté Mme [F] de sa demande d'indemnité pour licenciement nul.

Mme [F] réplique que sa déclaration d'appel reprend l'ensemble des chefs du jugement dont il est demandé la réformation. Elle indique que le seul chef qui n'est pas explicitement critiqué est la demande de nullité du licenciement mais invoque que cette demande est intimement liée à la reconnaissance de la discrimination et du harcèlement subis si bien qu'elle est admissible en vertu des articles 70 et 566 du code de procédure civile.

***

En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En application de l'article 901 du même code, la déclaration d'appel est faite par acte contenant à peine de nullité les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible

En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.

Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d'appel n'aurait pas été sollicitée par l'intimé.

Les chefs de jugement critiqués ne sont ni les motifs du jugement entrepris ni les demandes en première instance du salarié. Ils correspondent aux points tranchés dans le dispositif du jugement, la décision des premiers juges étant énoncée sous forme de dispositif et l'autorité de la chose jugée n'ayant lieu qu'à l'égard de ces points conformément aux dispositions combinées des articles 455 du code de procédure civile et 1355 du code civil.

Au cas d'espèce, le dispositif du jugement est le suivant :

'- juge que le harcèlement moral, le non-respect de l'obligation de sécurité et la discrimination liée à son handicap invoqués par Mme [F] ne sont pas établis ;

- dit n'y avoir pas lieu de prononcer la nullité du licenciement notifié le 5 mars 2018 par la société à Mme [F] ;

- dit que le licenciement pour inaptitude de Mme [F], prononcé par courrier en date du 5 mars 2018 par la société, est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- déboute Mme [F] de ses demandes formulées au titre de l'indemnité pour licenciement nul, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité, des dommages et intérêts pour discrimination liée au handicap, et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déboute la société de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que chacune des parties conservera à sa charge les frais et éventuels dépens de l'instance'.

La déclaration d'appel est rédigée comme suit :

'Objet/Portée de l'appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués: Il est demandé à la Cour d'appel de Paris de réformer le jugement du Conseil de Prud'hommes de VILLENEUVE-SAINT-GEORGES (le CPH) en date du 18 novembre 2020, notifié par courrier du 25 novembre 2020, en ce que Madame [G] [F] a été déboutée de l'ensemble de ses demandes. Plus précisément, le CPH n'a pas répondu aux nombreux points et arguments

développés par Madame [F]. Le CPH a notamment jugé : ' Que Madame [F] n'apporte aucune preuve de la discrimination liée à son handicap. ' Qu'aucune preuve ou faisceau de preuve n'est apporté quant au harcèlement moral et au non-respect de l'obligation de sécurité. ' Que le licenciement pour inaptitude est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Cependant, en statuant ainsi, le CPH n'a pas tenu compte des arguments justement développés par Madame [F], notamment : ' Les mauvais traitements de certains chefs d'équipe que Madame [F] subissait, ainsi que les sanctions disproportionnées qu'elle a reçu et dénoncé. ' Le non-respect de l'obligation d'adaptation de poste au handicap de Madame [F] Il sera demandé à la Cour d'appel de : - CONDAMNER à la Société SECURITAS à payer à Madame [F] une indemnité pour nullité du licenciement à hauteur de 32.610 euros, - CONDAMNER à la Société SECURITAS à payer à Madame [F] des dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité à hauteur de 30.000 euros,- CONDAMNER à la Société SECURITAS à payer à Madame [F] des dommages et intérêts pour discrimination liée au handicap à hauteur de 20.000 euros, - DIRE que s'appliqueront les intérêts au taux légal au jour de la saisine, - CONDAMNER à la Société SECURITAS à payer à Madame [F] une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour cause d'appel, - CONDAMNER la Société SECURITAS aux entiers dépens'.

L'appel ne tend pas à l'annulation du jugement et il n'est pas établi, ni soutenu que l'objet du litige soit indivisible.

La déclaration d'appel ne reprend pas littéralement le dispositif du jugement ou certaines dispositions de la décision entreprise. Néanmoins, elle contient les chefs du jugement expressément critiqués en ce qu'elle indique que la réformation du jugement est poursuivie 'en ce que Madame [G] [F] a été déboutée de l'ensemble de ses demandes', étant rappelé que Mme [F] sollicitait en première instance la condamnation de la société à lui payer une indemnité pour licenciement nul, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et non respect de l'obligation de sécurité, des dommages et intérêts pour discrimination liée au handicap et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure et que le jugement a débouté 'Mme [F] de ses demandes formulées au titre de l'indemnité pour licenciement nul, des dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité, des dommages et intérêts pour discrimination liée au handicap, et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile'. Si la déclaration d'appel comporte également certains éléments des motifs du jugement entrepris, des moyens de la salariée et ses demandes en appel, elle énonce cependant clairement les chefs du jugement critiqués expressément par cette dernière, soit le rejet des demandes visées dans le dispositif de la décision attaquée (indemnité pour licenciement nul, dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité, dommages et intérêts pour discrimination liée au handicap et indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile).

En conséquence, c'est à tort que la société invoque l'absence d'effet dévolutif de l'appel et, à titre subsidiaire, l'absence de saisine de la cour quant à la nullité du licenciement dès lors que la déclaration d'appel cible aussi le chef du jugement ayant débouté Mme [F] de sa demande d'indemnité pour licenciement nul.

La société sera déboutée de ses demandes principale et subsidiaire.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le harcèlement moral et le non-respect de l'obligation de sécurité

Mme [F] soutient avoir été victime de harcèlement moral et du non-respect par la société de son obligation de sécurité. Elle avance avoir écrit à plusieurs reprises à son employeur afin de dénoncer des actes de harcèlement moral de la part de ses supérieurs et collègues de travail ainsi que des violations des restrictions du médecin du travail. Elle reproche à la société de n'avoir pris aucune mesure pour faire cesser ces agissements et respecter les restrictions médicales posées. Elle se prévaut de deux lettres adressées à son employeur, de plannings et des nombreuses sanctions injustifiées ou disproportionnées dont elle a fait l'objet, qui auraient augmenté au fil des années et de l'évolution de sa maladie. Elle sollicite à ce titre une indemnisation à hauteur de 30 000 euros.

La société réplique que Mme [F] se contente de produire des courriers rédigés par elle-même, sans fournir d'éléments corroborant ses dires. Elle prétend que les sanctions prononcées à son encontre sont fondées sur des manquements de la salariée, qui ont commencé avant le diagnostic de sa maladie. Elle affirme avoir respecté les recommandations du médecin du travail et adapté le poste de travail de Mme [F], admettant seulement deux dépassements ponctuels et de faible durée de la durée de ses vacations. Elle affirme aussi que le calcul de la prime de performance individuelle de Mme [F] était fondé compte tenu de ses manquements. Elle s'oppose à la demande.

***

- sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que lorsque le salarié présente des faits matériellement établis, précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'occurrence, Mme [F] se prévaut des éléments suivants :

- une lettre datée du 7 septembre 2015 que'elle a adressée à son directeur dans laquelle elle relate que le 31 juillet 2015, elle a été changée à deux reprises de salle d'affectation bien qu'elle ait expliqué que son état de santé rendait pénibles ses déplacements, que le 24 juillet 2015, il lui a été interdit de s'asseoir devant les clients et que de manière régulière, notamment les 4 et 6 septembre 2015, il ne lui a pas été permis de prendre sa pause à temps pour la prise de ses médicaments. Toutefois, cette lettre, qui ne fait que reprendre les dires de la salariée sans être étayée par d'autres éléments, ne permet pas de retenir comme établis les faits qui y sont décrits ;

- une lettre datée du 28 octobre 2015 qu'elle a adressée à son directeur dans laquelle elle relate que le 28 octobre 2015, son superviseur l'a accusée d'avoir commis une faute devant un passager, lui a dit qu'elle était une menteuse et 'tu te fous de notre gueule'. Cependant, cette lettre ne fait aussi que rapporter les déclarations de la salariée sans être corroborée par d'autres éléments. Elle est insuffisante à établir les faits qu'elle décrit ;

- le planning prévisionnel pour le mois d'octobre 2015. La cour note toutefois qu'aucun horaire n'est mentionné pour la journée du 15 octobre 2015 invoquée par l'appelante de sorte que le fait dont elle se plaint, soit un travail plus de 6 heures par jour, n'est pas établi pour ce jour-là ;

- les plannings prévisionnels des mois de janvier 2016 et mars 2017 dont il résulte que notamment les 11 et 18 janvier 2016, Mme [F] a été programmée pour travailler de 5h30 à 13h30, soit sur une durée de 8 heures, alors que cette dernière produit par ailleurs la fiche d'aptitude du 2 décembre 2015 faisant état de son invalidité de 1ère catégorie et recommandant un horaire de 6 heures par jour ;

- l'avertissement qui a été notifié à Mme [F] par lettre du 7 août 2015 en raison d'un comportement inappoprié vis-à-vis de son chef d'équipe le 28 juin 2015 ;

- la mise à pied disciplinaire d'une journée qui a été notifiée à Mme [F] par lettre du 10 février 2016 pour avoir ralenti le flux et n'avoir procédé à aucun contrôle aléatoire le 7 janvier 2016 ainsi que pour ne pas avoir informé son employeur concernant le renouvellement de sa carte professionnelle, la lettre du 7 janvier 2016 adressée par Mme [F] à son directeur, lui présentant ses excuses du fait de l'impression qu'elle a pu donner le 7 janvier 2016 (la salariée disant avoir fait son travail mais avoir pu donner l'impression de travailler moins vite en raison de la maladie de son fils durant la nuit) et sa lettre d'observations du 20 février 2016 relative à la mise à pied disciplinaire ;

- l'avertissement qui a été notifié à Mme [F] le 3 août 2016 en raison d'une pause T à 9 heures de 20 minutes au lieu de 10 minutes alors que la pause n'était pas obligatoire, s'agissant d'une vacation inférieure à 6 heures, et du fait qu'elle n'est restée qu'à l'accueil, sans participer aux missions de fouille et d'écran ;

- la lettre du 20 janvier 2017 par laquelle la société a notifié à Mme [F] une retenue sur sa prime de performance individuelle pour le 4ème trimestre de l'année 2016 à hauteur de la totalité des 20% attribués au critère 'attitude professionnelle' au motif que le 9 décembre 2016, elle n'aurait pas respecté la procédure de traitement des bagages cabines, aurait adopté une attitude irrespectueuse à l'égard d'un passager et fait preuve de négligence en s'abstenant d'utiliser le retro pax.

Il en résulte que Mme [F] présente des éléments de fait matériellement établis (plannings lui fixant à deux reprises une durée de travail de 8 heures en dépit d'une recommandation d'un horaire de 6 heures par jour par le médecin du travail, deux avertissements des 7 août 2015 et 3 août 2016, mise à pied du 10 février 2016, retenue sur prime de performance individuelle notifiée le 20 janvier 2017) qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer un harcèlement.

S'agissant des des plannings, la société admet que Mme [F] a été amenée à effectuer des vacations de plus de 6-7 heures les 11 janvier 2016 et 18 mars 2017 et ne fait valoir aucun élément pour expliquer cette programmation alors qu'elle connaissait la recommandation du médecin du travail. Si elle note que Mme [F] produit seulement des plannings prévisionnels, elle ne démontre pas que la salariée ait eu une vacation effective de durée moindre les 11 et 18 janvier 2016, jours précisément invoqués par l'appelante, faute de communication de la fiche de pointage de janvier 2016. En outre, la société ne prouve pas qu'à cette époque, la durée de la vacation incluait un temps de pause de 40 minutes, le mail de M. [B] invoqué étant daté du 16 décembre 2016.

S'agissant de l'avertissement notifié à Mme [F] le 7 août 2015 en raison d'un comportement inapproprié le 28 juin 2015 vis-à-vis de son chef d'équipe, M. [E], la société produit un courriel adressé le 28 juin 2015 par ce dernier à des membres de la société indiquant que Mme [F] a pris son temps en arrivant en salle 10, qu'elle a fait mine à plusieurs reprises de pas l'entendre l'appeler, a marqué son désaccord quand il lui a demandé de continuer son service en salle 20 puis s'est énervée en lui rétorquant qu'elle était bien vue de sa direction.

Ce courriel n'est corroboré par aucun élément comme des attestations. La circonstance que l'avertissement n'ait antérieurement pas été contesté par Mme [F] ne prouve pas la véracité du comportement de la salariée qui y est décrit, l'appelante contestant ces faits.

S'agissant de la mise à pied disciplinaire d'une journée notifiée à Mme [F] par lettre du 10 février 2016 pour avoir ralenti le flux et n'avoir procédé à aucun contrôle aléatoire le 7 janvier 2016 ainsi que pour ne pas avoir informé son employeur concernant le renouvellement de sa carte professionnelle, la société invoque en ce qui concerne les faits du 7 janvier 2016 la lettre adressée le même jour par Mme [F] à son directeur. Or, si cette lettre contient des excuses, elle constitue seulement une reconnaissance d'avoir travaillé moins vite ce jour-là et non pas du défaut de tout contrôle aléatoire.

En ce qui concerne le renouvellement de la carte professionnelle, la société justifie avoir, par lettre du 2 octobre 2015, avisé Mme [F] que la sienne arrivait à échéance le 5 janvier 2016 et qu'elle devait en solliciter le renouvellement auprès du CNAPS trois mois avant, en lui demandant de lui adresser une copie de sa nouvelle carte dès réception. Elle prouve aussi avoir, par lettres des 2 et 22 décembre 2016, réclamé à Mme [F] une copie de l'autorisation d'exercer son activité puis lui avoir annoncé, par courrier du 5 janvier 2016, qu'elle suspendait son contrat du fait de la fin de validité de sa carte. Dans sa lettre d'observations du 20 février 2016, Mme [F] a indiqué avoir formulé sa demande de renouvellement de carte dès réception du courrier du 2 octobre 2015 auprès du CNAPS, lequel l'a réceptionnée le 9 octobre 2015 et n'a délivré la carte provisoire que le 6 janvier 2016. Or, la société ne justifie pas que sa salariée aurait saisi tardivement le CNAPS, ni qu'elle aurait tardé à lui transmettre la carte une fois celle-ci obtenue. Le manquement invoqué de ce chef n'est pas établi.

Au regard de ces éléments, la cour considère que la mise à pied infligée à Mme [F] est disproportionnée.

S'agissant de l'avertissement notifié à Mme [F] le 3 août 2016 en raison d'une pause T à 9 heures de 20 minutes au lieu des 10 minutes prévues pour une pause non obligatoire, dans le cadre d'une vacation inférieure à 6 heures, et du fait qu'elle n'est restée qu'à l'accueil, sans participer aux missions de fouille et d'écran, l'appelante fait justement valoir que selon les préconisations du médecin du travail du 6 juin 2016, elle devait bénéficier d'une pause à 9 heures sans que cela soit lié à une durée de vacation supérieure ou égale à 6 heures. Ainsi, Mme [F] n'était pas soumise au temps des pauses T facultatives. De plus, le défaut de participation de la salariée aux tâches de fouille et d'écran n'est pas établi de manière certaine, ne reposant que sur un courriel du chef d'équipe non corroboré par d'autres éléments.

S'agissant de la retenue sur la prime de performance individuelle notifiée par lettre du 20 janvier 2017 et motivée par le non-respect de la procédure de traitement des bagages cabines, l'attitude irrespectueuse à l'égard d'un passager et la négligence en s'abstenant d'utiliser le retro pax, la société se borne à produire deux courriels de risque de réclamation de Mme [D] et de M. [L], supérieurs de Mme [F], mais qui ne sont pas probants, faute d'être étayés par d'autres éléments, tels le film et la lettre de réclamation du passager auxquels il est fait référence dans ces mails ou encore des attestations.

Ainsi, la cour estime que la société échoue à démontrer que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral, étant souligné que l'existence de rapports d'incidents et de sanctions antérieurs aux sanctions dont se prévaut Mme [F] ne permet pas de rapporter cette preuve. La cour en déduit que cette dernière a bien été victime de tels agissements.

- sur le non-respect de l'obligation de sécurité :

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de prévention,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des mesures existentes.

Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail, l'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

La cour rappelle que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l'occurrence, le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est avéré en ce qu'il résulte des énonciations précédentes des défauts de respect des préconisations du médecin du travail concernant la durée des vacations et des agissements de harcèlement moral procédant notamment des sanctions non justifiées par des éléments objectifs prises par l'employeur à l'encontre de Mme [F].

Au vu de ces éléments et des pièces versées aux débats, la cour condamne la société à payer à Mme [F] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison du harcèlement moral et des manquements à l'obligation de sécurité. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur la discrimination

Mme [F] soutient avoir été victime d'actes de discriminations dus à son handicap en ce que la société n'a pas honoré ses obligations d'adaptation de poste mais a préféré la sanctionner, l'appelante se prévalant des sanctions et de la retenue sur prime de performance déjà invoquées ci-dessus. Elle soutient que depuis la reconnaissance de sa sclérose en plaques et de son handicap, le harcèlement s'est matérialisé par des sanctions injustifiées et disproportionnées et que celles-ci ont augmenté avec l'évolution de sa maladie. Elle réclame à ce titre une indemnisation à hauteur de 20 000 euros.

La société conteste toute discrimination, faisant siens les motifs du jugement qui a notamment retenu l'absence de lien établi entre son handicap et les sanctions, dont une partie est antérieure à la révélation à la société de l'état de santé de la salariée, et le fait que Mme [F] n'était pas la seule à faire l'objet de sanctions.

***

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

En application de l'article L.1134-1 du code du travail, en cas de litige relatif à l'application de l'article L.1132-1 précité, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné en tant que de besoin, toutes les meures d'instruction qu'il estime utiles.

Il en résulte que lorsque le salarié présente des éléments de faits constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

Au cas présent, Mme [F] s'est vue reconnaître la qualité de travailleur handicapé pour la période du 6 juin 2014 au 31 mai 2019 par décision du 24 juillet 2014, notifiée le 25 juillet 2014.

Il résulte des énonciations précédentes qu'après celle-ci, Mme [F] a fait l'objet le 7 août 2015 d'un avertissement, le 10 février 2016 d'une mise à pied disciplinaire, le 3 août 2016 d'un autre avertissement et le 20 janvier 2017 d'une retenue sur sa prime de performance et qu'elle a été victime d'agissements de harcèlement moral. Comme indiqué ci-dessus, l'employeur ne prouve pas que ses décisions prises à l'égard de Mme [F], sanctions et retenue sur prime, étaient justifiées par des éléments objectifs. Le harcèlement moral dont celle-ci a été victime ne saurait par ailleurs être justifié par des éléments objectifs. L'existence d'incidents et de sanctions antérieurs aux sanctions dont se prévaut Mme [F] ne permet pas de rapporter la preuve incombant à l'employeur, la cour notant d'ailleurs que les sanctions antérieures à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé dont la société justifie ne sont qu'au nombre de deux, à savoir une mise à pied disciplinaire d'une journée notifiée le 4 avril 2013 et une mise à pied de trois jours notifiée le 4 septembre 2013, alors que celles postérieures sont plus nombreuses. Enfin, la circonstance que la société ait prononcé des sanctions disciplinaires à l'égard d'autres salariés que Mme [F] est inopérante, s'agissant de faits distincts de ceux imputés à cette dernière, pour l'essentiel non établis, et la cour notant au surplus que les documents produits par la société ne sont pas probants dès lors que les lettres de sanctions qui sont versées aux débats ne comportent que les initiales des salariés prétendument sanctionnés.

La cour en déduit que Mme [F] a été victime d'une discrimination en raison de son handicap qui lui a causé un préjudice distinct, lequel sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

' (...) Pour mémoire, vous étiez en situation de suspension de contrat de travail pour fongecif depuis le 22 mai 2017.

Suite à un deuxième examen médical du 8 février 2018, la médecine du travail rendait l'avis suivant :

'INAPTE (Art R 4324-42)

Un seul examen : non

Cas de dispense de l'obligation de reclassement (articles L. 1226-2.1, L. 1226-12 et L. 1226-20 du code du travail) : L'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Conclusions et indications relatives au reclassement (art. L. 4624-4).

Au vu de son état de santé, le salarié ne peut suivre de formation dans l'entreprise.'.

Il ressort de ce qui précède que le médecin du travail a exclu tout reclassement vous concernant en application des articles L. 1226-2-1, L. 1226-12 du code du travail, à ce titre nous avons suivi la procédure prévue aux articles L. 1232-2 et suivants du code du travail.

Par courrier en date du février 2018 vous avez été informée de notre impossibilité de procéder à votre reclassement compte tenu des indications du médecin du travail concluant à un état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Au cours de notre entretien qui s'est tenu le 22 février 2018, nous vous avons rappelé que compte tenu de la décision du médecin du travail nous étions dispensés de toute recherche de reclassement à un poste comparable à celui précédemment occupé et répondant à vos capacités.

Par conséquent, nous vous informons de notre décision de vous licencier en raison de votre inaptitude à occuper votre emploi constatée le 29 janvier 2018 par le médecin du travail et en raison de l'impossibilité de vous reclasser, compte tenu de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que votre état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (articles L. 1226-2-1, L; 1226-12 et L. 1226-20 du code du travail) (...)'.

Mme [F] fait valoir que son licenciement est intervenu dans un contexte de discriminations et de harcèlement moral et qu'il doit être déclaré nul. Elle sollicite une indemnité à ce titre à hauteur de 32 610 euros.

La société conclut à la confirmation du jugement ayant dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

***

Selon l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 (relatifs au harcèlement moral), toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En application de l'article L. 1132-4 du même code, toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions relatives au principe de non discrimination est nul.

En l'espèce, Mme [F] a fait l'objet d'un examen par le médecin du travail le 23 janvier 2018 qui a conclu comme suit :

'La salariée peut provisoirement occuper un poste aménagé :

- à temps partiel sans vacation de plus de 6 heures,

- avec possibilité de s'assoir chaque heure de travail,

- sans port de bagage,

- sans accroupissement,

examen complémentaire demandé.

A revoir le 29/01/2018".

Puis le 29 janvier 2018, Mme [F] a été réexaminée par le médecin du travail qui a conclu comme suit :

'Première visite dans le cadre de l'article R. 4624-42 du code du travail

L'état de santé de la salariée ne lui permet pas d'être affectée à un poste dans l'établissement. Une étude de poste et des conditions de travail est rapidement nécessaire.

Une deuxième visite est nécessaire et prévue le 8/02/2018.

A revoir le 8/02/2018".

Enfin, le 8 février suivant, Mme [F] été déclarée inapte avec mention que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Mme [F] ne verse aux débats aucun élément permettant à la cour de déterminer les raisons médicales ayant conduit à cet avis du médecin du travail, celui-ci ne contenant pas d'autre indication et l'appelante ne produisant pas d'autre document médical ou descriptif de l'évolution de son état de santé.

Dès lors, il ne résulte pas des pièces produites que l'inaptitude trouve sa cause dans les actes de harcèlement moral commis par l'employeur, la cour observant d'une part que le dernier agissement de harcèlement moral ci-dessus retenu remonte à une année avant le constat d'inaptitude, d'autre part que le contrat de travail de la salariée a été suspendu du 22 mai 2017 au 18 janvier 2018 dans le cadre d'un congé individuel de formation sollicité par elle.

De même, les agissements discriminatoires relevés supra datent pour le plus récent d'une année avant le constat d'inaptitude, cet agissement étant suivi de la période de suspension du contrat de travail de plusieurs mois. Il ne résulte pas des pièces produites que l'inaptitude trouve sa cause dans la discrimination subie par la salariée. En outre, Mme [F] ne soutient pas que son licenciement est en lui-même un acte de discrimination ou constitue l'un des éléments de la discrimination. En toute hypothèse, le licenciement est fondé sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail et l'impossibilité de reclassement dans tout emploi qu'il a relevée, éléments objectifs étrangers à toute discrimination à défaut de lien établi entre l'inaptitude et la discrimination précédemment opérée, étant encore souligné que la salariée ne reproche pas à l'employeur un manquement à son obligation de reclassement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande d'indemnité pour licenciement nul.

Sur les intérêts au taux légal

Les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société qui succombe pour partie sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et condamnée à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. La société sera pour sa part déboutée de toute demande fondée sur ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité, de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et en sa disposition relative aux dépens;

Le confirme pour le surplus ;

STATUANT à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :

CONDAMNE la société Securitas Transport Aviation Security à payer à Mme [F] les sommes de :

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et non-respect de l'obligation de sécurité ;

- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE la société Securitas Transport Aviation Security à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

CONDAMNE la société Securitas Transport Aviation Security aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/00095
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;21.00095 ?
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