La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2023 | FRANCE | N°20/08238

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 16 février 2023, 20/08238


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 16 FEVRIER 2023



(n° 2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08238 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYLD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06079





APPELANTE



Association ORGANISME DE GESTION DES ECO

LES CATHOLIQUES ECOLE [7]

[Adresse 1]

[Localité 3]



Assistée de Me Benoît SEVILLIA, avocat au barreau de PARIS, toque : W06



INTIMEE



Madame [Y] [W]

[Adresse 2]

[Local...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 16 FEVRIER 2023

(n° 2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08238 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYLD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06079

APPELANTE

Association ORGANISME DE GESTION DES ECOLES CATHOLIQUES ECOLE [7]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Assistée de Me Benoît SEVILLIA, avocat au barreau de PARIS, toque : W06

INTIMEE

Madame [Y] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Assistée de Me Véronique LESNE BERNAT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0528

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Y] [W] a été engagée par l'association Organisme de Gestion des Ecoles Catholiques (OGEC) - Ecole [7] par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 8 juillet 2008 en qualité de cheffe d'établissement de l'Ecole [7]. Mme [W] conservait par ailleurs un poste d'enseignante à mi-temps, rémunéré par le Ministère de l'Education Nationale.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises au Statut de l'Enseignement catholique, au Statut du Chef d'établissement du premier degré, à l'accord régional du 21 juin 2006 et aux textes applicables aux établissements catholiques d'enseignement sous contrat. L'association OGEC - Ecole [7] occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Le 28 mai 2018, le président de l'OGEC a reçu une lettre anonyme dénonçant le comportement de Mme [W]. Au début du mois de juin, Mme [C], qui assistait administrativement Mme [W], a été hospitalisée à la suite d'une tentative de suicide.

A compter du 10 juin 2018, Mme [W] a été placée en arrêt maladie, jusqu'au 21 septembre 2018.

Par lettre du 27 juin 2018 lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 9 juillet 2018 puis s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier envoyé sous la même forme le 13 juillet 2018, l'employeur lui reprochant en substance son comportement envers ses collaboratrices, ses absences en classe et l'utilisation à des fins personnelles d'un logement vacant au sein de l'établissement.

Contestant son licenciement, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 6 novembre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a :

- condamné l'association OGEC - Ecole [7] à verser à Mme [W] les sommes suivantes :

* 2 395,24 euros à titre de rappel de salaire de la mise à pied,

* 239,52 euros au titre des congés payés afférents,

* 32 335,74 euros au titre du préavis (statutaire),

* 3 233,57 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

* 13 172,50 euros au titre de l'indemnité statutaire de licenciement ;

Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation, le 16/07/2019,

* 8 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'article 1240 du code civil, * 25 150 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;

* 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ;

- au-delà de l'exécution provisoire de droit, prononcé l'exécution provisoire par consignation auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations ;

- débouté l'association OGEC - Ecole [7] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens.

L'association OGEC a régulièrement relevé appel de ce jugement le 3 décembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 septembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'association OGEC-Ecole [7] prie la cour de :

- infirmer le jugement des chefs de condamnation prononcées à son encontre et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

- juger que le licenciement pour faute grave de Mme [W] est bien fondé ;

- débouter Mme [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner Mme [W] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 juin 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du Code de procédure civile, Mme [W] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure de licenciement brutale et vexatoire ;

Statuant à nouveau,

- condamner l'association OGEC - Ecole [7] à lui régler les sommes de :

* 5 000 euros de dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire,

* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'association OGEC - Ecole [7] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 novembre 2022.

MOTIVATION :

Sur le bien fondé du licenciement :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

" ['] Après un examen complet des faits qui vous sont reprochés, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Pour mémoire, vous avez été engagée par notre établissement en qualité de chef d'établissement.

A ce titre, vous avez la responsabilité des projets éducatifs et pédagogiques de l'établissement, de leur cohérence et de leur mise en 'uvre dans le respect de la mission ecclésiale confiée par la direction diocésaine, notre autorité de tutelle. Votre action s'exerce au service de l'ensemble des collaborateurs placés sous votre responsabilité, des élèves et de leur famille.

Une telle mission implique de notre part ainsi que de la direction diocésaine que l'on vous accorde une grande confiance dans l'exercice de votre mission, dont nous venons de découvrir ces dernières semaines qu'elle avait été gravement trahie.

1 - En premier lieu, nous avons découvert très récemment que vous aviez adopté un comportement inacceptable vis-à-vis de votre secrétaire, Madame [L] [C].

Nous avons en effet été informés le lundi 4 juin 2018 au matin que Madame [C], avait fait une tentative de suicide le vendredi 1° juin 2018, en vous mettant personnellement en cause après avoir été hospitalisée à l'hôpital [6] où elle a fait part des agissements particulièrement nocifs dont elle avait été victime de votre part depuis plusieurs mois. caractérisant à l'évidence un harcèlement moral des plus insidieux.

A la suite de cet incident extrêmement grave, le directeur diocésain, M. [S] [P], vous a reçu en entretien le vendredi 8 juin 2018 au cours duquel il vous a fait part des événements qui venaient de se dérouler et des faits très préoccupants qui avaient été portés à la connaissance de l'établissement.

Concomitamment, nous avons missionné la société REHALTO afin qu'elle mène une enquête au sein de l'établissement pour faire la lumière notamment sur les accusations dont vous faisiez l'objet.

A la suite de cet entretien, vous avez adressé à notre établissement un arrêt maladie à compter du 11 juin 2018, prolongé le 23 juin 2018 jusqu'au 21 juillet 2018.

Nous avons reçu une lettre datée du 29 juin 2018 de Mme [L] [C] qui a dénoncé auprès de notre établissement les conditions dans lesquelles elle avait dû exercer ses fonctions à votre service et décrivant le caractère totalement inadapté du lien de subordination que vous lui avez imposé, illustré par :

- un management très autoritaire, laissant aucune marge de man'uvre, et très intrusif dans sa vie privée ;

- des agissements et des propos particulièrement véhéments et vexatoires pendant sa période de grossesse puis à son retour dans l'entreprise ;

- une pression permanente visant à en faire à la fois votre confidente et votre obligée à titres personnel et professionnel ;

- une confusion totale volontairement entretenue entre vie personnelle et vie professionnelle, à tel point que vous lui avez confié dans des termes parfois très crus et pour le moins peu adaptés dans le cadre salarial des détails sur votre vie intime, en allant jusqu'à lui dévoiler une relation extra-conjugale que vous avez nouée avec l'architecte, M. [U] [G], qui suivait un chantier de réhabilitation d'un appartement de fonction au sein de l'école ;

- une manipulation psychologique de votre collaboratrice au point de lui faire porter la responsabilité de la fin de votre relation avec M. [G].

Concomitamment, une autre de vos collaboratrices, Mme [B] [J], a exprimé des plaintes équivalentes à votre endroit en adressant une lettre RAR le 5 juillet 2018 à l'établissement aux termes de laquelle elle vous accuse également :

- de l'avoir délibérément isolé, ainsi que Mme [C], des maitresses de l'établissement en l'intimant selon votre propre expression de " choisir son camp ", sauf à avoir des ennuis ;

- d'avoir pendant plusieurs années exercé une autorité totalement inadaptée à l'égard de Mme [C] en adoptant un management agressif, en lui faisant constamment des remarques déplacées et vexatoires, à tel point que cette dernière était prise régulièrement de crises de larmes ;

- d'avoir eu un comportement irresponsable au c'ur de l'établissement en vous étant à plusieurs reprises mise en petite tenue devant elle et devant votre secrétaire dans votre bureau ;

- d'avoir entretenu au sein des locaux professionnels des relations intimes avec Monsieur [D] , directeur de l'école [5], de septembre 2016 à février 2017, au cours de rendez-vous pouvant se prolonger toute l'après-midi pendant lesquels vous lui proposiez des massages de relaxation ;

- d'avoir utilisé un local professionnel (appartement de fonction non occupé) situé dans l'établissement - également pendant votre temps de travail - où vous avez développé une relation amoureuse avec notre architecte, M. [G], de février 2017 à mars 2018 ;

- de lui avoir ainsi qu'à Mme [C] infligé quotidiennement le récit de votre vie privée et notamment de la relation intime entretenue avec l'architecte de l'établissement, M. [G], se matérialisant notamment par l'envoi de dizaines de SMS jusque tard le soir et de photos de vous dans des tenues intimes, par la participation - presque - obligatoire à des déjeuners (dont une partie d'entre eux auraient été payés par l'établissement) tous les mercredis midi, ou encore par la tenue de réunions avec elles pendant vos heures de travail notamment le matin pour évoquer votre vie sentimentale, aux cours desquelles vous prétendiez être en réunion de direction ;

- d'avoir organisé une classe verte du 28 mai au 2 juin 2018 pour selon vos dire échapper de la surveillance de [votre] mari et faire venir votre amant, n'hésitant pas à lui indiquer " on fait dormir les gamins et ensuite on va danser en boite de nuit et boire un verre " ;

- de lui avoir demandé de se rendre après votre rupture avec M. [G] à plusieurs reprises à partir du mois de mars 2018 au domicile de ce dernier pour le surveiller ;

- d'avoir accentué votre agressivité à l'encontre de Mme [C] lorsqu'elle a refusé définitivement de couvrir vos actes et de subir les conséquences du mélange permanent que vous lui imposiez entre votre vie professionnelle et votre vie privée.

Placée en arrêt maladie depuis le 20 juin 2018, Mme [B] [J] semble aussi traverser une profonde dépression, comme Mme [C].

M. [G] nous a confirmé le 10 juillet 2018 avoir découvert à partir de janvier 2018 que vous partagiez avec vos collaboratrices la " relation cachée " que vous entreteniez avec lui.

Il nous a par ailleurs communiqué la teneur de plusieurs SMS et messages téléphoniques reçus de mars à avril 2018 de Mme [C], manifestement envoyés à votre demande, laquelle était à l'évidence totalement bouleversée par le rôle que vous lui demandiez de jouer et faisait état d'une grande détresse morale, conséquence manifeste de la manipulation psychologique dont elle a été victime de votre part.

Ce premier motif, d'une gravité majeure, justifierait à lui seul votre licenciement pour faute grave.

2 - Concomitamment, nous avons été informés d'autres faits particulièrement graves relatifs à votre mission exercée auprès des enfants de l'établissement et de leurs parents.

En ce qui concerne les enfants, nous avons appris que vous n'assuriez plus depuis plusieurs semaines certains de vos cours, ne cessant de quitter l'établissement au cours de la journée, et sans prévenir vos collaborateurs la majeure partie du temps, sauf lorsqu'il s'agissait de vous faire remplacer.

Ces faits ont été confirmés notamment par Mme [J] qui rapporte que pendant vos jours de classe les mardi et vendredi vous démarriez la classe à 10h30 au lieu de 8h20 et vous lui demandiez régulièrement de tenir la classe à votre place, et ce depuis deux ans !

En outre, nous avons découvert que vous aviez des pratiques extrêmement déplacés avec vos élèves, les invitant d'après le témoignage d'une ASEM, à vous faire des massages corporels pour les récompenser de la qualité de leur travail. En outre, deux mères d'élève se sont plaintes par mail récemment que vous ayez directement mis la pression sur leurs enfants afin qu'ils influent eux même sur le choix de leurs parents de les inscrire à une classe verte, n'hésitant pas à évoquer devant une petite fille le prétendu " égoïsme " (!) de sa maman qui refusait de l'inscrire.

En ce qui concerne les parents d'élèves, nous avons reçu plusieurs témoignages de parents se plaignant du fait que vous leur fixiez des RDV que vous n'honoriez pas, adoptant souvent une attitude moqueuse à ces occasions, ne prenant manifestement pas conscience de l'image que vous donniez et de votre attitude. En outre, plusieurs nous ont fait part de leur doute sur le sérieux de votre suivi pédagogique, les témoignages se concordant tous pour souligner votre inconséquence dans la gestion des élèves, la multiplication de vos absences et votre tenue parfois très inappropriée.

3 - Enfin, l'adjoint au directeur diocésain, M. [F] [X], et moi-même avons découvert lorsque nous avons fait l'état des lieux du chantier de rénovation de l'appartement de fonction le 7 juin 2018, destiné à vous être affecté contractuellement à partir de la rentrée 2018/2019, que vous y aviez installé de nombreux effets personnels et que vous l'utilisiez à titre personnel.

Dès le lendemain, M. [X] vous a adressé un mail afin de vous rappeler que vous ne pouviez en aucun cas occuper ce logement, dès lors qu'il n'avait pas été contractuellement prévu qu'il vous soit attribué à titre de logement de fonction, ce qui représentait un avantage en nature, sachant au surplus qu'il n'était pas assuré par vos soins.

La réception des courriers de Mesdames [C] et [J] nous ont permis de comprendre l'usage totalement inadapté que vous faisiez de cet appartement pendant votre temps de travail !

Nous nous permettons de vous préciser à ce titre que les révélations de votre collaboratrice sur votre relation avec l'un des membres du cabinet d'architecte qui suivait ce chantier, M. [G], avec lequel nous travaillons depuis vingt ans, nous permettent de mieux comprendre sa soudaine décision annoncée par mail le 20 avril dernier de rompre toute relation professionnelle avec notre établissement.

Cette décision qui nous est très préjudiciable, que vous faisiez mine de découvrir et de ne pas comprendre alors que vous n'y êtes certainement pas étrangère, nous a valu plusieurs échanges écrits avec le gérant du cabinet aux termes desquels nous avons été contraints de demander des explications.

Au total, il apparaît ainsi que vous n'avez cessé ces derniers mois de violer vos obligations contractuelles dans des proportions extrêmement graves, mettant en péril l'établissement qui vous a été confié.

Vous n'êtes pas sans imaginer que de graves rumeurs ont nécessairement couru à la suite du très grave incident survenu avec Mme [C], à l'issue duquel a été mis à jour les multiples violations édifiantes de votre contrat de travail depuis de nombreux mois, lesquelles ont lourdement ébranlé toute la communauté éducative et les parents d'élèves.

Dans les conclusions de l'enquête menée au sein de l'établissement par la société REHALTO, dévoilées le 5 juillet 2018, ont été pointées notamment un changement de comportement relationnel de votre part depuis deux ans et l'encadrement très déficient qui en a résulté, source de difficultés:

- Perte d'efficacité dans le travail ;

- Prises de décisions qui se font dans l'urgence au détriment de la qualité des activités proposées aux élèves ;

- Altération de la relation de confiance ;

- Accentuation des rumeurs et des bruits de couloirs.

Il a été constaté pendant l'enquête que notre personnel était très fragilisé, montrant des signes de culpabilité sur la situation, de la fatigue et de l'anxiété, et était marqué par de vives tensions entre collègues.

La déstabilisation du corps enseignant a fortement inquiété les parents d'élèves auxquels l'APEL (association des parents d'élèves) a adressé un message le 21 juin 2018 pour les rassurer face aux rumeurs qui couraient et leur garantir que la continuité de l'enseignement et que l'encadrement de leurs enfants étaient parfaitement assurés.

Ces faits, qui caractérisent une série de violations majeures de votre contrat de travail et une atteinte très grave à la mission qui vous a été confiée par la direction diocésaine nuisent lourdement à notre établissement et anéantissent toute confiance en vous à la fois de la part de l'OGEC qui vous emploie et de l'autorité de tutelle qui a procédé à votre nomination.

Compte-tenu de votre absence à l'entretien préalable, nous n'avons pas pu obtenir d'explication de votre part qui permette de relativiser leur gravité. M. [S] [P], Directeur diocésain, qui vous a reçu le 8 juin 2018, nous a indiqué que vous aviez reconnu les faits reprochés dont il vous a informés et que l'enquête menée par REHALTO confirmait la nécessité d'agir pour préserver les personnes et le fonctionnement de l'école. En conséquence, il nous a confirmé le 11 juillet 2018 qu'il validait notre décision de rompre votre contrat de travail pour des fautes qui sont d'une telle gravité qu'elles rendent impossible votre maintien au sein des effectifs de l'établissement.

Nous vous notifions votre licenciement pour faute grave,['] ".

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

L'association OGEC-Ecole [7] soutient que les faits reprochés à Mme [W] sont établis et caractérisent des agissements de harcèlement moral et un comportement totalement inapproprié envers sa secrétaire Mme [C] ayant conduit cette dernière à une tentative de suicide, un comportement également inapproprié envers Mme [J], une ASEM, ou les enfants ( pratiques de massage corporels sur sa personne à titre de récompense) et un comportement inadapté à la fois comme enseignante (absence répétées pendant ses heures d'enseignement, pressions sur les élèves et leurs parents pour obtenir leur participation à une classe verte, et comme chef d'établissement (occupation d'un logement en travaux qui certes lui était destiné mais était en travaux et ce pour abriter sa liaison avec l'architecte chargé des travaux ).

De son côté, Mme [W] conteste les faits qui lui sont reprochés, invoque l'amitié qui l' attachait tant à Mme [C] qu'à Mme [J], critique la similarité de leurs courriers dont le contenu est repris dans la lettre de licenciement, interroge la réalité de la tentative de suicide de Mme [C], met en avant la volonté affichée de son mari dont elle se séparait, de vouloir la détruire et soutient que les faits allégués ne sont que des ragots sans fondement.

S'agissant en premier lieu des griefs relatifs au comportement de Mme [W] envers ses deux collaboratrices Mme [C] et Mme [J] :

L'employeur verse aux débats le courrier adressé par Mme [C] en date du 29 juin 2018 par lequel celle-ci, secrétaire de direction au sein de l'école [7], dépendant directement de la chef d'établissement retrace l'historique de la relation de travail avec Mme [W], dénonçant le comportement changeant de celle-ci à son égard notamment à partir du moment où elle lui a annoncé sa seconde grossesse, puis son retour difficile de congé maternité avant un revirement de l'attitude de sa supérieure hiérarchique et expliquant préférer " jouer à être son amie plutôt que d'être dans la confrontation directe avec elle au quotidien. " Elle explique qu'à partir de 2017 Mme [W] s'est montrée moins autoritaire avec elle, se confiant de plus en plus sur sa vie privée à tel point qu'avec Mme [B] [J] surnommée [B], elles allaient prendre un verre tous les vendredis soirs dans un café près de l'école au cours duquel Mme [W] leur parlait de sa vie privée, de sa vie sexuelle et de sa liaison avec l'architecte du diocèse. Ces confidences se déroulaient également plusieurs heures par jour dans le secrétariat dont les portes étaient alors fermées avec mise en place d'un panneau " en réunion de direction " sur une période de temps ayant couru jusqu'en mars 2018, date de la rupture. Elle ajoute que Mme [W] lui envoyait des messages régulièrement en soirée et pendant les week-ends et les vacances pour lui parler de cette liaison. Mme [C] explique qu'elle a ensuite été utilisée par Mme [W], celle-ci cherchant à la contraindre de contacter la compagne de l'architecte, lui demandant d'appeler celui-ci en numéro masqué et l'accusant même d'être responsable de la rupture lorsqu'elle tentait de la raisonner pour lui faire accepter la fin de cette liaison. Elle ajoute enfin que lorsque l'architecte a voulu rompre toute collaboration avec le diocèse, Mme [W] lui a demandé d'écrire à ce dernier pour lui faire comprendre que cette demande risquait d'engendrer des soupçons au sein du diocèse sur la vraie raison de la rupture de ce contrat est donc de compromettre sa position de chef d'établissement qu'elle a refusé de le faire et s'est confiée à son mari sur cette situation qui la dépassait.

La cour observe que ce courrier communiqué par l'employeur même s'il n'est pas accompagné de la pièce d'identité de Mme [C] est précis et circonstancié et est confirmé par différents éléments constitués par :

- le procès-verbal des déclarations qu'elle a effectuées devant les services de police le 27 septembre 2019,

- le courrier de M. [G], architecte du diocèse, en date du 10 juillet 2018, par lequel il confirme avoir découvert que les deux collaboratrices de Mme [W] étaient au courant de sa liaison avec cette dernière et avoir reçu différents SMS de Mme [C] censés lui faire part de ses inquiétudes quant à l'état de santé de Mme [W] à la suite de sa décision de rupture dont un qu'il date précisément, l'avisant de ce qu'elle agissait à la demande de celle-ci, lui précisant qu'elle se sentait mal car elle considérait qu'elle trahissait Mme [W] et faisant part de son désarroi,

- le courrier adressé par Mme [J], dite [B], qui travaillait comme surveillante et hôtesse d'accueil au sein de l'école et dépendait elle aussi directement de Mme [W] qui s'il reprend un premier et un dernier paragraphe rédigés dans des termes quasi identiques à ceux de Mme [C], décrit de façon précise et circonstanciée ses relations avec la cheffe d'établissement et confirme que Mme [C] dès 2014 était affectée par les changements d'humeur de Mme [W] à son égard, qu'elle pleurait, et que dès la rentrée 2015/ 2016 toutes deux avaient " décidé de ne plus nous opposer à la directrice et de faire semblant d'être son amie pour nous protéger d'elle ". Elle confirme les confidences dont elles été abreuvées " dans les moindres détails " tous les matins, pendant deux heures parfois pendant toute une matinée, au secrétariat qu'elle leur demandait de fermer avec un écriteau portant la mention " Réunion de direction " précisant qu'elle-même pouvait recevoir jusqu'à 100 textos par jour jusqu'à une heure avancée de la nuit et pendant le week-end à ce sujet et confirme qu'elle prenait un verre le vendredi soir avec leur supérieure hiérarchique et précise qu'elle déjeunait avec elle le mercredi à midi. Elle ajoute que lorsque Mme [C] refusait d'aller déjeuner avec elles parce qu'elle avait trop de travail et qu'elle ne voulait plus entendre les histoires avec l'architecte, Mme [W] lui parlait méchamment et lui donnait du travail supplémentaire ou lui disait " puisque c'est comme ça tu feras l'ouverture des portes à 13h20 ".

- la répercussion de ce comportement sur Mme [C] la poussant à une tentative de suicide, contestée par Mme [W] qui précise dans ses écritures (page 24) que celle-ci " n'est pas matériellement vérifiable au contraire d'une ingestion de produits toxiques, par exemple " mais qui est cependant confirmée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris rendue le 13 juin 2018 qui a ordonné la poursuite de l'hospitalisation complète dont fait l'objet Mme [C] et fait état d'une décision d'admission en date du 2 juin 2018 d'une mesure de soins psychiatriques de ce qu'elle a été hospitalisée pour une tentative de suicide par défenestration et qu'il résulte de l'avis médical rendu par le psychiatre de l'établissement en date du 12 juin 2018 que son état s'est amélioré mais reste fragile,

- le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 11 juin 2018 fait état de ce que le 7 juin 2018 il avait été constaté que Mme [W] s'était déjà installée dans l'appartement.

C'est vainement que Mme [W] invoque une machination ou un complot de Mmes [C] et [J], à son encontre en invoquant un SMS censé émaner de cette dernière et faisant état de la manipulation dont elle aurait été victime puisqu'en dehors de la mention " [B] " aucun élément n'établit qui est l'auteur des messages, que ceux-ci ne sont pas datés, et surtout qu'ils ne sont pas confirmés par une attestation de Mme [J] venant contredire ou éclairer le courrier de plusieurs pages qu'elle a adressé à l'employeur.

La cour considère en conséquence que cette première série de faits est établie et qu'elle est suffisamment grave s'agissant d'une manipulation psychologique sur des collaboratrices ayant entraîné pour l'une d'entre elle une grave perturbation de sa santé mentale pour rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise. La faute grave est donc caractérisée sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs allégués par l'employeur.

Sur les conséquences du licenciement :

La cour ayant retenu que le licenciement de Mme [W] était fondé sur une faute grave la déboute de l'ensemble des demandes qu'elles présentait en conséquence du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ces chefs.

Sur la demande de dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire :

Mme [W] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 5 000 euros de dommages-intérêts en faisant valoir qu'elle a été mise à pied sur la base de témoignages dont la fausseté était aisément décelable et sur la base d'un rapport d'audit instruit uniquement à charge, que de jour au lendemain, elle a été priée de quitter l'établissement sans même la possibilité de dire au revoir au corps enseignant et aux élèves et leurs parents et même de récupérer ses affaires personnelles entreposées dans son futur logement de fonction dont les serrures ont été immédiatement changées et que les rumeurs les plus folles ont circulé sur son compte, le corps enseignant étant prié de ne plus rentrer en contact avec elle et de témoigner en sa faveur.

La cour a retenu que les faits matériellement établis à l'encontre de la salariée étaient suffisants pour caractériser la faute grave et reposaient sur des éléments précis concordants ayant valeur probatoire certaine dont il est fait état dans la présente décision. Par ailleurs, compte tenu de la nature des faits et de la position de chef d'établissement de Mme [W], des rumeurs dont bruissait l'établissement, la mise à pied à titre conservatoire entraînant sa mise à l'écart de la communauté éducative de l'établissement ne présente pas le caractère vexatoire allégué. Enfin, il est établi au dossier que Mme [W] a utilisé pour son profit personnel le logement qui certes lui était destiné mais était encore en travaux sans autorisation et sans assurance de sorte qu'ayant pu récupérer ses affaires elle ne peut invoquer un quelconque préjudice au titre du changement de serrure allégué.

Le caractère brutal et vexatoire de la rupture n'étant pas établi, la demande de dommages-intérêts présentée est rejetée. Mme [W] est déboutée de cette demande et le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Mme [W], partie perdante est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant infirmé du chef de la condamnation prononcée à l'encontre de l'association OGEC -Ecole [7] sur ce fondement. Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du même code au profit de l'employeur dont la demande est rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DÉBOUTE Mme [Y] [W] de l'ensemble de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 en faveur de l'une ou l'autre des parties,

CONDAMNE Mme [Y] [W] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/08238
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;20.08238 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award