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16/02/2023 | FRANCE | N°20/08057

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 16 février 2023, 20/08057


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 16 FEVRIER 2023



(n° 2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08057 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXGT



Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/04810





APPELANTE



Madame [H] [I] épouse [L]

[Adre

sse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647



INTIMEE



S.A.S. ATLANTIC ENERGY

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée pa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 16 FEVRIER 2023

(n° 2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08057 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXGT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/04810

APPELANTE

Madame [H] [I] épouse [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647

INTIMEE

S.A.S. ATLANTIC ENERGY

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Karine BÉZILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0238

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] [I] épouse [L] a été engagée par la société Atlantic energy par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 16 mars 2015, en qualité de responsable de gestion commerciale back office. En dernier lieu, elle percevait une rémunération mensuelle brute de base de 2 702,88 euros pour une durée mensuelle de travail de 151,67 heures.

Après avoir convoqué Mme [I] à un entretien préalable à sanction fixé au 15 mars 2017, la société Atlantic energy, sans prononcer de sanction et faisant le constat de l'insuffisance professionnelle de la salariée a indiqué à celle-ci par courrier du 28 mars 2017 qu'elle mettait en place à son profit un accompagnement pour une durée de trois mois, du 1er avril 2017 au 30 juin 2017 et le suivi d'une formation sur la prise en main d'un logiciel.

Le 12 avril 2017, Mme [I] a contesté ce constat d'insuffisance professionnelle.

Mme [I] a été convoquée par lettre recommandée du 16 mai 2017 à un entretien préalable fixé au 29 mai 2017 et s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse avec dispense d'exécution de son préavis par courrier adressé sous la même forme le 6 juin 2017.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du négoce et de distribution de combustible solides, liquides, gazeux, produits pétroliers (IDCC 1408). La société occupait moins de onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 21 juin 2017 afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de travail. Par jugement du 24 janvier 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a :

- débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné Mme [I] au paiement des entiers dépens ;

- débouté la société Atlantic energy de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [I] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 27 novembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [I] demande à la cour de :

- la dire recevable et bien fondée en ses demandes ;

- infirmer le jugement ;

- débouter la société Atlantic energy de l'ensemble de ses demandes ;

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Atlantic energy à lui verser les sommes suivantes :

* 40 993,68 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 17 568,72 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir les sommes des intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Paris ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner la société Atlantic energy aux entiers dépens de la procédure et de son exécution.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 mai 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Atlantic energy demande à la cour de :

- déclarer Mme [I] recevable mais mal fondée en son appel, en conséquence, l'en débouter ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [I] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [I] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 novembre 2022.

MOTIVATION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral'et exécution déloyale du contrat de travail :

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [I] présente les éléments suivants :

- elle a été insultée au téléphone par M. [T] [P] ; elle ne communique toutefois aucun élément de nature à établir la matérialité de ces faits,

- elle a fait l'objet d'instructions contradictoires et devait suivre plusieurs dossiers en même temps ; elle ne présente aucun élément de nature à établir la matérialité de ces faits,

- M. [P] a dit qu'il allait la mettre dehors dans le contexte du déménagement de la société ; elle ne présente aucun élément de nature à établir la matérialité de ces faits,

- son nom et ses coordonnées professionnelles ne figuraient pas dans la plaquette de présentation de la société : elle verse aux débats une plaquette de présentation de la société Atlantic energy,

- les plans des nouveaux bureaux ne prennent pas en compte sa présence ; elle ne fournit aucun élément de nature à établir la matérialité des faits,

- elle a été placée de force, sous la menace d'être licenciée, dans les bureaux de [Localité 6] où elle était isolée dans des conditions de sécurité contestables, il n'est pas contesté qu'elle travaillait effectivement dans les bureaux de [Localité 6],

- M. [P] faisait preuve de condescendance à son égard ; elle communique un mail du 19 avril 2017 dans lequel M. [P] lui demande si elle souhaite une formation pour l'utilisation des adresses mail,

- la société Atlantic energy entendait la soumettre un programme de formation dévalorisant et injustifié : le plan de formation est développé dans le courrier adressé à Mme [I] le 28 mars 2017,

- elle a été placée en arrêt de travail du 24 avril au 15 mai, versant au débat un avis d'arrêt de travail et un certificat médical.

Les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l'employeur de prouver qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers

S'agissant de l'absence de mention du nom de Mme [I] dans la plaquette de présentation de la société, la société Atlantic energy fait valoir que la plaquette de présentation commerciale à laquelle fait allusion Mme [I] est à destination d'une seule société cliente et a fait l'objet d'une nouvelle présentation synthétique sur deux pages seulement et non plus quatre, cette réduction de format entraînant la suppression des mentions relatives à plusieurs membres du personnel tels la salariée mais aussi M. [M] le directeur administratif et M. [O], Accounting manager, de sorte que l'employeur établit ainsi que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant du fait d'être placée de force sous la menace d'être licenciée dans les bureaux de [Localité 6] où elle été isolée dans des conditions de sécurité contestables, la société Atlantic energy fait valoir que lors du déménagement du siège depuis le 10ème arrondissement, il était prévu que celui-ci soit déplacé à [Localité 6] afin d'être près du port, qu'en attendant, les salariés ont déménagé dans le 17ème , qu'il a été proposé à Mme [I] qui habitait [Localité 5] d'intégrer les locaux de [Localité 6] en raison d'une plus grande proximité avec son domicile lui faisant gagner une heure de temps de trajet quotidien ce qu'elle a accepté et que six mois plus tard l'ensemble des salariés de la société s'est installé à [Localité 6]. Elle fait valoir et justifie que dans son entretien du 24 février 2017, portant sur l'année 2016, Mme [I] a mentionné que le déménagement dans les nouveaux locaux permettait une meilleure concentration et efficacité. La cour observe qu'il n'est produit aucun élément de nature à justifier des menaces alléguées par la salariée et de l'absence de sécurité dont elle fait état. La cour considère que l'employeur établit qu'ainsi les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

S'agissant de la condescendance dont M. [P] faisait preuve à son égard, l'employeur fait valoir que le mail du 19 avril 2017 traduisait l'exaspération de M. [P] dans la mesure où Mme [I] ne respectait pas les consignes qu'il lui adressait mais dans des termes demeurés courtois et la cour observe qu'il prouve ainsi que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral.

S'agissant du programme de formation, aucun élément communiqué et n'établit le caractère inutile et dévalorisant allégué par la salariée dès lors que dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur a relevé certaines erreurs de la part de la salariée et estimé qu'une formation était nécessaire pour lui permettre de les éviter justifiant ainsi les faits par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral.

Enfin, si Mme [I] a présenté des arrêts de travail du 24 avril au 15 mai 2017, il n'est produit aucune constatation du médecin du travail de nature à établir un lien avec ses conditions de travail.

En conséquence de ce qui précède, la cour considère que les faits matériellement établis présentés par Mme [I] qui pris dans leur ensemble laissaient supposer des agissements de harcèlement moral sont en réalité justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

Aucun élément du dossier ne suffit à démontrer la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail étant observé que Mme [I] n'invoque pas de faits différents de ceux qu'elle présentait au titre du harcèlement moral et qu'elle ne développe pas de moyens nouveaux.

Aucune faute de l'employeur n'étant établie, la cour déboute Mme [I] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur le bien fondé du licenciement :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est motivée dans les termes suivants :

" [...] nous sommes en conséquence contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.[...]

Nous constatons depuis plusieurs mois des manquements dans l'accomplissement de vos fonctions. Force est malheureusement de constater que non seulement vous ne reconnaissez pas vos carences mais que celles-ci sont réitérées, et rendent nécessaires un contrôle permanent de votre activité incompatible avec vos fonctions et ce que nous attendons d'un cadre de votre niveau. Nous déplorons une absence totale de remise en question de votre part.

Nous vous avons ainsi fait part à plusieurs reprises des trop nombreuses erreurs dans la facturation. En dernier lieu, lors d'un entretien du 15 mars 2017 et courrier du 28 mars 2017, nous vous avons reproché le nombre d'avoirs anormalement élevés que vous effectuiez dans le cadre de vos fonctions et avons décidé de mettre en place une formation afin de revoir l'utilisation de nos logiciels, ce que vous avez contesté estimant ne pas en avoir besoin.

Or, il ressort des états du logiciel Logimatique pour le mois d'avril 2017 de nouveaux manquements dans la saisie comptable que vous avez opérée sans qu'aucun rectificatif n'ait été apporté. Pourtant, une simple opération de contrôle aurait dû permettre de les remarquer, et ce d'autant plus que nous venions de vous alerter sur ces carences et les conséquences engendrées.

Ces nouvelles erreurs manifestes ont comme vous le savez des conséquences importantes sur les marges de l'entreprise.

Par ailleurs, vos fonctions de responsable gestion commerciale back-office recouvrent également le suivi des factures fournisseurs. A cet effet vous devez viser et enregistrer l'ensemble des factures transmises par nos fournisseurs et, le cas échéant, solliciter auprès d'eux les factures manquantes.

Or, nous avons été informés, par email en date du 2 mai 2017, que l'un de nos fournisseurs, la société Citaix, nous réclamait le paiement de deux factures pour des commandes passées en 2015 et 2016.

L'enregistrement des factures fournisseurs (matières premières et transporteurs) relève de votre responsabilité, toute erreur de votre part a des conséquences sur la tenue de la comptabilité.

Des erreurs similaires ont déjà été constatées. Par exemple, le 15 février 2017, vous avez sollicité que les comptes soient déclôturés pour rectifier des erreurs, sans vous souciez des conséquences alors que les arrêtés 2016 avaient déjà été remis et les liasses fiscales préparées.

L'ensemble de ces éléments montre une absence d'implication et de sérieux dans l'accomplissement de vos fonctions qui ne peut être davantage toléré et nous conduit à prononcer votre licenciement [...]".

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.

La société Atlantic Energy soutient que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse en invoquant l'existence d'erreurs de facturation et un manquement dans le suivi des factures.

Elle établit la réalité des erreurs de facturation en justifiant de l'existence de nombreux avoirs pour l'année 2016 ainsi que cela ressort du tableau qu'elle communique avec la page du logiciel correspondant faisant apparaître une mise à jour du 27 septembre 2016 par Mme [L] avec un taux d'avoir d'environ 6%. Elle soutient que depuis le départ de cette dernière le taux des avoir a diminué de 6 à 1 %, ainsi que cela ressort du mail de M. [P] en date du 3 septembre 2018. L'employeur fait encore valoir que Mme [I] avait été alertée lors de l'entretien portant sur l'année 2016 de ce qu'elle manquait de rigueur et qu'elle devait bien mettre en place un contrôle régulier des stocks afin de sécuriser l'activité et travailler avec plus de rigueur sur ses dossiers pour éviter les erreurs de facturation, ce qui ressort effectivement du compte rendu d'entretien communiqué.

S'agissant des erreurs de facturation, l'employeur fait valoir que contrairement à ce que prétend Mme [I] dans ses écritures, elle ne peut valablement prétendre qu'il faisait preuve de mauvaise foi et que les factures de la société Citaix avaient été réglées comme l'a indiqué M. [M] à cette société dans un mail du 2 mai 2017.puisqu'il ressort des échanges de mails du 2 mai 2017 qu'il communique, qu'en réalité, le lettrage des factures réglées ne correspondait pas et que cette société avait omis de les adresser à la société Atlantic energy et qu'ainsi il est établi que Mme [I] ne procédait pas un contrôle des facturations.

De son côté, Mme [I] conteste son licenciement en faisant valoir que sa notation du 24 février 2017 pour l'année 2016 était favorable et faisait apparaître qu'elle était un bon élément, que l'employeur fait preuve de mauvaise foi s'agissant des factures impayées notamment avec la société Citaix. Elle verse aux débats l'attestation d'une collègue Mme [S] [R] laquelle a été amenée à la remplacer et reconnaît avoir elle-même fait des erreurs pendant les remplacements de sorte qu'il a fallu créer des avoirs notamment pour le service des essences des armées, qu'elle subissait une grosse charge de travail et bénéficiait de peu de support. Enfin, elle soutient que la société Atlantic energy avait l'intention de mettre fin à la relation de travail dés avant le licenciement puisqu' en novembre 2016 elle été évincée de la plaquette de présentation éditée par l'entreprise.

La cour relève que l'édition de la plaquette de présentation ne faisant pas mention du nom de Mme [I] est simplement la conséquence, comme il a été vu ci-dessus, d'une réduction de sa dimension et de ce que seulement quelques-uns des salariés étaient mentionnés, que Mme [I] n'était pas la seule à ne plus y figurer, le directeur administratif M. [M] n'étant pas davantage mentionné.

Par ailleurs il résulte du contrat de travail et de la fiche de poste que Mme [I] avait bien pour mission :

- le suivi administratif des commandes,

- la facturation client et la transmission des factures au client,

- la responsabilité du contrôle de la gestion du suivi et de la mise en règlement des factures fournisseurs,

- le suivi des règlements et des encours clients.

L'employeur démontre la réalité des erreurs commises en produisant le taux des avoirs comme il a été vu ci-dessus, ainsi qu'un constat d'huissier en date du 2 juin 2017, postérieur au licenciement, faisant ressortir des erreurs commises par Mme [I] dans le courant du mois d'avril 2017.

Toutefois la cour relève que dans un courrier du 28 mars 2017, l'employeur a reconnu que les carences de la salariée n'étaient pas liées à des fautes de sa part mais à son insuffisance professionnelle, notamment s'agissant de la gestion des avoirs et qu'il lui annonçait un accompagnement sur les trois prochains mois pour lui permettre de remédier aux difficultés rencontrées.

Si dans son courrier du 12 avril 2017, Mme [I] explique qu'elle ne rencontre aucune difficulté particulière dans son travail, qu'elle gère parfaitement bien l'activité pêche, qu'elle n'est pas comptable, et qu'elle ne voit pas l'utilité de suivre la formation voulue par l'employeur, il n'en demeure pas moins que :

- elle n'a pas refusé de suivre cette formation,

- l'employeur n'apporte aucune justification des raisons pour lesquelles il a décidé d'interrompre le plan d'acompagnement pour licencierla salariée non pas pour insuffisance professionnelle mais pour faute,

- Mme [I] verse aux débat une attestation d'une autre salariée qui reconnait l'avoir remplacée sur son poste pendant ses absences et avoir elle-même commis des erreurs ayant entraîné la création d'avoirs et si son attestation ne comprend pas l'ensemble des mentions exigées par l'article 202 du code de procédure civile comme le soulève l'employeur, elle n'est cependant pas dénuée de valeur probante dans la mesure où elle est signée, que la signature correspond à la pièce d'identité communiquée et que son contenu est circonstancié quant aux erreurs qu'elle-même a pu commettre de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'écarter,

- l'employeur ne justifie pas que l'ensemble des erreurs qu'il a relevées étaient imputables à Mme [I].

En définitive, la cour considère que la cause réelle et sérieuse du licenciement n'est pas établie.

Sur les conséquencs du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Employée depuis plus de deux ans dans une entreprise occupant moins de onze salariés, Mme [I] est fondée à percevoir des dommages-intérêts au titre de la rupture abusive du contrat de travail correspondant au préjudice subi en application de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa version en vigueur au jour du licenciement. Eu égard à son ancienneté dans l'entreprise

(2 ans), son âge au moment du licenciement (née en 1960), aux circonstance de la rupture, au montant de sa rémunération, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieurement à la rupture (aucun élément), la cour condamne la société Atlantic energy à verser à Mme [I] une somme de 8 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la présente décision.

La capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière est ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

La société Atlantic energy, partie perdante est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme [I] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [H] [I] épouse [L] de sa demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Atlantic energy à verser à Mme [H] [I] épouse [L] la somme de 8 000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la présente décision,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière,

DÉBOUTE Mme [H] [I] épouse [L] du surplus de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Atlantic energy,

CONDAMNE la société Atlantic energy aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/08057
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;20.08057 ?
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