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16/02/2023 | FRANCE | N°19/03911

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 16 février 2023, 19/03911


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 16 FEVRIER 2023



(n° , 22 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 19/03911 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7LLL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS - 19ème chambre - RG n° 2016022312





APPELANTES



SARL DJL CROISETTE

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS

sous le numéro 429 072 838

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représentée par Me Frédéric IN...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 16 FEVRIER 2023

(n° , 22 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 19/03911 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7LLL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS - 19ème chambre - RG n° 2016022312

APPELANTES

SARL DJL CROISETTE

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 429 072 838

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée de Me Stéphane DAYAN de la SELAS ARKARA AVOCATS SDPE, avocat au barreau de PARIS, toque : P418

SARL VICTOIRE SAINT HONORE

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 488 770 744

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée de Me Stéphane DAYAN de la SELAS ARKARA AVOCATS SDPE, avocat au barreau de PARIS, toque : P418

INTIMEE

Société ZEIS EXCELSA S.P.A.

Société de droit italien

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 8]

[Localité 3] (ITALIE)

Placée en 'concordato preventivo', procédure collective de droit italien, par le tribunal de FERMO suivant jugement du 04 juin 2018

et dont l'établissement principal est sis en [Adresse 7],

Immatriculé au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 487 496 903

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée de Me Anne BOURDU de l'AARPI LEXT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0807

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5-5

Mme Nathalie RENARD, Présidente de chambre

Madame Christine SOUDRY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame [G] [J] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRET :

contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente du Pôle 5 chambre 5 et par Yulia TREFILOVA, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits et procédure :

La société Zeis Excelsa SPA (ci-après société Zeis) commercialise des articles de prêt-à-porter et des accessoires. Elle est titulaire de droits d'exploitation de la marque « Dirk Bikkembergs » et du graphisme correspondant.

La société DJL Croisette (ci-après société DJL) a pour activité le négoce d'articles de prêt-à-porter et exploite un magasin situé [Adresse 4]. Elle a pour gérant M. [D] [Z] qui est également gérant d'autres sociétés ayant pour objet le commerce d'articles de prêt-à-porter telles que les sociétés DA Uno et Victoire Saint Honoré (ci-après société VSH).

Les sociétés Zeis et DJL ont conclu un contrat de commission, entré en vigueur le 8 mai 2013, aux termes duquel la société DJL s'est engagée à commercialiser, dans un « corner » de son magasin affecté à cet effet, des articles de la marque Dirk Bikkembergs. Ce contrat a été conclu pour une durée de 16 mois et il était prévu qu'il serait renouvelable tacitement par périodes successives de douze mois.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 juin 2014, la société Zeis a mis en demeure la société DJL de respecter les obligations souscrites en vertu du contrat de commission concernant l'encaissement des ventes effectuées par son intermédiaire sur le compte bancaire dédié à cet effet.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 27 octobre 2014, la société Zeis a contesté la facture n°200328 émise le 10 juin 2015 par la société DJL à son encontre pour un montant de 9.520 euros concernant la prise en charge de la TVA pour les marchandises vendues à l'exportation et l'a mise en demeure de procéder à la régularisation des documents douaniers en indiquant son nom comme vendeur.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 22 février 2015, la société DJL a mis en demeure la société Zeis de payer les factures émises au titre de la TVA réglée pour les marchandises vendues à l'exportation et de procéder à la livraison de la collection printemps 2015.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 24 avril 2015, la société Zeis a, en visant la clause résolutoire prévue au contrat, mis en demeure la société DJL de respecter son obligation d'encaisser les ventes réalisées pour son compte sur le compte bancaire dédié.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 28 juillet 2015, la société DJL a mis en demeure la société Zeis de procéder sans délai à la livraison de la collection printemps/été 2015.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 août 2015, la société Zeis a contesté tout manquement contractuel notamment quant à la livraison de la collection printemps/été 2015 et a, sous peine de mise en 'uvre de la clause résolutoire, mis en demeure la société DJLde :

- déposer sur le compte bancaire dédié l'ensemble des sommes perçues au titre de la vente de produits de la marque Dirk Bikkembergs,

- de retourner les produits invendus de la collection automne/hiver 2014,

- de rectifier les documents douaniers relatifs aux marchandises vendues à l'exportation,

- et de s'acquitter d'une somme de 22.418,19 euros au titre de la dette contractuelle arrêtée au 31 juillet 2015.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 14 octobre 2015, la société Zeis a mis en 'uvre la clause résolutoire et a mis en demeure la société DJL de :

-cesser immédiatement tout usage des signes distinctifs de la marque Dirk Bikkembergs,

- payer une somme de 21.404,35 euros au titre de la dette contractuelle arrêtée au 31 août 2015,

- payer une somme de 12.127,90 euros correspondant aux factures pour manque de marchandises déduction faite d'un avoir,

- restituer immédiatement la totalité du mobilier mis à disposition ainsi que le stock de marchandises s'élevant à 137.453,33 euros HT.

Par acte du 17 mars 2016, la société Zeis a assigné la société DJL devant le tribunal de commerce de Paris en vue de :

-constater que le contrat a été résolu de plein droit aux torts exclusifs de la société DJL,

-ordonner la restitution de sommes détournées à concurrence de 21.404,35 euros

-condamner la société DJL à lui payer une somme de 137.453,33 euros HT à titre de remboursement du stock non restitué,

- interdire à la société DJL d'exploiter les signes distinctifs « Dirk Bikkembergs » sous astreinte,

- condamner la société DJL à lui payer la somme de 100.000 euros, à parfaire, au titre du préjudice d'image résultant de la poursuite sans autorisation de la commercialisation des produits " Dirk Bikkembergs " par l'écoulement des stocks lui appartenant,

- payer à la société Zeis la somme de 100.000 euros, à parfaire, au titre du préjudice d'image résultant de l'organisation d'un déstockage sans autorisation des marchandises lui appartenant,

- démonter l'ensemble du mobilier appartenant à la société Zeis et lui restituer,

- condamner la société DJL à payer la somme de 10.019,08 euros HT au titre des factures émises par la société Zeis en remboursement des marchandises indûment soustraites du stock en possession de la société DJL,

- Condamner la société DJL à lui payer la somme de 50.609,40 euros HT en réparation du préjudice commercial issu de la résiliation anticipée du contrat,

- condamner la société DJL à lui payer la somme de 99.100 euros HT en réparation du préjudice né des investissements matériels réalisés pour les besoins de l'exécution du contrat;

En tout état de cause :

- débouter les sociétés DJL et Victoire Saint Honoré de leurs demandes injustifiées et en tout état de cause parfaitement infondées ;

- condamner la société DJL à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des dispositions da l'article 700 du code de procédure civile;

- prononcer l'exécution provisoire du jugement;

- condamner la société DJL en tous les dépens.

La société Victoire Saint Honoré est intervenue à l'instance aux côtés de la société DJL. Toutes deux ont formulé des demandes reconventionnelles à l'encontre de la société Zeis.

Par jugement du 6 février 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

Dit recevable la communication, dans le cadre de la présente instance, du procès-verbal de constat d'huissier, réalisé le 7 mars 2018 et versé en tant que pièce 35 de la société Zeis et débouté les sociétés DJL et Victoire Saint Honoré de leur demande que cette pièce soit écartée ;

Dit la société Victoire Saint Honoré recevable en son intervention volontaire ;

Dit que la résiliation du contrat est intervenue aux torts exclusifs de la société DJL ;

Condamné la société DJL à verser à la société Zeis la somme de 21.404,35 euros, en restitution de sommes indûment encaissées par la société DJL ;

Débouté la société Zeis de sa demande de condamner la société DJL à lui payer la somme de 137.453,33 euros HT, au titre de stock non retourné ;

Condamné la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 10.019,08 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2015, au titre des factures 2015-08, 2015-19 restées impayées, déduction faite de l'avoir 2015-03 ;

Condamné la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts, au titre de sa perte de chance d'avoir pu réaliser une marge jusqu'au 7 septembre 2016, et l'a déboutée pour le surplus ;

Condamné la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, au titre du préjudice né des investissements matériels réalisés pour les besoins de l'exécution du contrat, et l'a déboutée pour le surplus ;

Dit que la demande de la société Zeis, de condamner la société DJL à cesser toute exploitation des signes distinctifs Dirk Bikkembergs, avec astreinte, est sans objet ;

Condamné la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à la société Zeis, du fait des manquements à ses obligations post-contractuelles, et débouté pour le surplus des demandes, s'élevant au total à 200.000 euros (2 fois 100.000 euros) ;

Débouté la société DJL de sa demande de condamner la société Zeis à lui payer la somme de 9.520 euros ;

Débouté la société Victoire Saint Honoré de sa demande de condamner la société Zeis à lui payer la somme de 200.000 euros, ou à titre subsidiaire, de payer à la société DJL la même somme ;

Débouté la société DJL de sa demande de 30.000 euros de dommages et intérêts, au titre de préjudice économique ;

Débouté la société DJL de sa demande de 1.500.000 euros de dommages et intérêts, au titre d'une perte de chance de réaliser une marge sur les ventes de la collection printemps-été 2015 ;

Condamné la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 10.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Condamné la société DJL aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros, dont 17,42 euros de TVA.

Par déclaration du 19 février 2019, les sociétés DJL et Victoire Saint Honoré ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

Dit recevable la communication, dans la cadre de la présente instance, du procès-verbal de constat d'huissier, réalisé le 7 mars 2018 et versé en tant que pièce 35 de la société Zeis et débouté les sociétés DJL et Victoire Saint Honoré de leur demande que cette pièce soit écartée ;

Dit que la résiliation du contrat de commission entré en vigueur le 8 mai 2013 est intervenue aux torts exclusifs de la société DJL ;

Condamné la société DJL à verser à la société Zeis la somme de 21.404,35 euros, en restitution de sommes indûment encaissées par la société DJL ;

Condamné la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 10.019,08 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2015, au titre des factures 2015-08, 2015-19 restées impayées, déduction faite de l'avoir 2015-03 ;

Condamné la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts, au titre de sa perte de chance d'avoir pu réaliser une marge jusqu'au 7 septembre 2016 ;

Condamné la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, au titre du préjudice né des investissements matériels réalisés pour les besoins de l'exécution du contrat,

Condamné la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à la société Zeis, du fait des manquements à ses obligations post-contractuelles,

Débouté la société DJL de sa demande de condamner la société Zeis à lui payer la somme de 9.520 euros ;

Débouté la société Victoire Saint Honoré de sa demande de condamner la société Zeis à lui payer la somme de 200.000 euros, ou à titre subsidiaire, de payer à la société DJL la même somme ;

Débouté la société DJL de sa demande de 30.000 euros de dommages et intérêts, au titre de préjudice économique ;

Débouté la société DJL de sa demande de 1.500.000 euros de dommages et intérêts, au titre d'une perte de chance de réaliser une marge sur les ventes de la collection printemps-été 2015 ;

Condamné la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 10.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire de la décision ;

Condamné la société DJL aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 105,84 euros, dont 17,42 euros de TVA.

Prétentions et moyens des parties

Dans leurs dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 21 septembre 2022, les sociétés DJL et VSH demandent à la cour de :

Vu l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme,

Vu les articles 9 et suivants et 143 du code de procédure civile,

Vu les articles 1134, 1154 et 1162 du code civil,

Vu les articles 122 et suivants du code de procédure civile,

Vu l'article 716-5 du code de propriété intellectuelle,

Réformer le jugement de première instance ;

Statuant de nouveau,

Sur l'incident de communication de pièces :

Rejeter la sommation de communiquer de pièce notifiée par la société Zeis le 18 août 2022 ;

Dire irrecevable et ainsi écarter des débats le constat d'huissier du 7 mars 2018 sous le numéro 35, en ce que cette preuve n'a pas été recueillie de manière loyale et qu'elle viole ainsi le principe du droit à un procès équitable ;

Sur la résiliation du contrat de commission par la société Zeis et ses demandes correspondantes :

A titre principal,

Juger que le contrat de commission n'était plus en vigueur au 14 octobre 2015, les parties ayant convenu d'un commun accord d'y mettre un terme à compter de la collection printemps/été 2015 ;

Débouter la société Zeis de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

Juger que les conditions d'application de la clause résolutoire prévue par le contrat de commission ne sont pas réunies au motif que la société DJL n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat ;

Juger que la société Zeis a mis en 'uvre la clause résolutoire de mauvaise foi ayant commis des fautes dans l'exécution du contrat ;

En tout état de cause,

Juger que la société DJL n'a commis aucune faute suffisamment grave de nature à justifier la résolution judiciaire du contrat à ses torts exclusifs ;

Débouter la société Zeis de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire,

Déclarer la société Zeis mal fondée dans ses demandes et l'en débouter ;

Sur les demandes de la société Zeis :

A titre principal,

Déclarer la société Zeis irrecevable en ses demandes d'astreinte et de condamnation de la société DJL au paiement de dommages et intérêts pour contrefaçon :

Débouter la société Zeis de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

Déclarer Zeis mal fondée dans ses demandes relatives au prétendu défaut de retrait des signes distinctifs Dirk Bikkembergs et à la condamnation de la société DJL sous astreinte ; et l'en débouter ;

A titre subsidiaire, réduire le montant de l'astreinte conventionnelle à la somme de 1 euro par jour ;

Déclarer la société Zeis mal fondée dans ses demandes relatives au prétendu préjudice causé par la poursuite des ventes des produits Dirk Bikkembergs et aux promotions effectuées par la société DJL et l'en débouter ;

Sur les demandes reconventionnelles des sociétés DJL et Victoire Saint Honoré,

Constater que la société Zeis a encaissé la somme de 200.000 euros en garantie de la livraison de la collection printemps/été 2015 et que nonobstant ce paiement elle n'a ni livré la collection ni restitué les fonds ;

Condamner la société Zeis à payer à la société Victoire Saint Honoré la somme de 200.000 euros portant intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015, date du virement, ou à titre subsidiaire, de payer à la société DJL la somme de 200.000 euros portant intérêts au taux légal à compter du 7 août 2015 ;

Condamner la société Zeis à payer à la société Victoire Saint Honoré la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice économique ;

Condamner la société Zeis à payer à la société DJL la somme de 1.500.000 euros, à parfaire, correspondant à la perte de la marge subie du fait du non-respect par la société Zeis de ses obligations contractuelles et en particulier de la non livraison de la collection printemps-été 2015 ;

Condamner la société Zeis à payer à la société DJL la somme de 9.520 euros ;

Confirmer pour le surplus ;

En tout état de cause,

Déclarer la société DJL recevable en l'ensemble de ses demandes ;

Débouter la société Zeis de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

Condamner la société Zeis au paiement à la société DJL d'une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société Zeis aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées par le RPVA le 5 septembre 2022, la société Zeis demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1154 et 1147 du code civil,

Déclarer les sociétés DJL et Victoire Saint Honoré irrecevables et mal fondées en toutes leurs demandes et les en débouter ;

Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

Dit recevable la communication du procès-verbal de constat d'huissier réalisé le 7 mars 2018 ;

Retenu que le contrat était resté en vigueur jusqu'à sa résiliation aux torts exclusifs de la société DJL ;

Condamné la société DJL au paiement de 21.404,35 euros, en restitution de sommes indûment encaissées par elle ;

Condamné la société DJL au paiement de 10.019,08 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2015, au titre de factures impayées ;

Retenu l'existence d'un préjudice de la société Zeis, au titre de la perte de chance d'avoir pu réaliser une marge jusqu'au 7 septembre 2016 ;

Retenu l'existence d'un préjudice de la société Zeis, né des investissements matériels réalisés pour les besoins de l'exécution du contrat ;

Retenu l'existence d'un préjudice de la société Zeis du fait du manquement de DJL à ses obligations post-contractuelles ;

Condamné la société DJL au paiement de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

Débouté les sociétés DJL et Victoire Saint Honoré de l'ensemble de leurs demandes ;

Déclarer la société Zeis recevable et bien fondée en son appel incident ;

Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a :

Débouté la société Zeis de sa demande de condamnation de la société DJL à verser la somme de 137.453,33 euros hors taxe, au titre de stocks non retournés ;

Débouté la société Zeis de sa demande de condamnation de la société DJL à cesser toute exploitation des signes distinctifs Dirk Bikkembergs sous astreinte;

Débouté la société Zeis de sa demande de condamnation de la société DJL à démonter l'ensemble du mobilier appartenant à la société Zeis et lui restituer ;

Débouté la société Zeis de sa demande de condamnation de la société DJL à verser à la société Zeis la somme de 50.609,40 euros, au titre de la perte de chance d'avoir pu réaliser une marge jusqu'au 7 septembre 2016 ;

Débouté la société Zeis de sa demande de condamnation de la société DJL à lui verser la somme de 100.000 euros, à parfaire, au titre du préjudice d'image résultant de la poursuite sans autorisation de la commercialisation des produits Dirk Bikkembergs ;

Débouté la société Zeis de sa demande de condamnation de la société DJL à lui verser la somme de 100.000 euros, à parfaire, au titre du préjudice d'image résultant de l'organisation d'un déstockage des produits Dirk Bikkembergs, sans autorisation ;

Condamner la société DJL à payer la somme de 137.453,33 euros HT à la société Zeis, en remboursement du stock non retourné après la résiliation du contrat ;

Condamner la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 50.609,40 euros hors taxe, en réparation du préjudice commercial issu de la résiliation anticipée du contrat ;

Condamner la société DJL à payer à la société Zeis la somme de 99,106 euros hors taxe, en réparation du préjudice né des investissements matériels réalisés pour les besoins de l'exécution du contrat ;

Condamner la société DJL à :

A titre principal, cesser toute exploitation des signes distinctifs Dirk Bikkembergs et constater l'application de la clause pénale prévue à l'article 14 du contrat en condamnant la société DJL au paiement de l'astreinte contractuelle forfaitaire et définitive de 2.000 euros par jour à compter du prononcé du jugement, jusqu'à ce que la société DJL justifie avoir cessé l'utilisation de tout signe distinctif « Dirk Bikkembergs » ;

A titre subsidiaire, si la cour considérait qu'il a été justifié de la cessation de l'exploitation des signes distinctifs « Dirk Bikkembergs » à compter du constat daté du 5 avril 2018, constater l'application de la clause pénale prévue à l'article 14 du contrat et condamner en conséquence la société DJL au paiement de la somme de 1.808.000 euros, correspondant à la somme de 2.000 euros multipliée par 904, nombre de jours pendant lesquels la société DJL a continué d'exploiter sans droit le signe distinctif « Dirk Bikkembergs » ;

Payer à la société Zeis la somme de 100.000 euros, à parfaire au titre du préjudice d'image résultant de la poursuite sans autorisation de la commercialisation des produits Dirk Bikkembergs par l'écoulement des stocks lui appartenant ;

Payer à la société Zeis la somme de 100.000 euros, à parfaire au titre du préjudice d'image résultant de l'organisation d'un déstockage sans autorisation des marchandises lui appartenant ;

En tout état de cause, condamner les sociétés DJL et Victoire Saint Honoré au paiement de 10.000 euros chacune, au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 septembre 2022.

MOTIFS

Sur la communication de pièce

Il sera relevé que la société Zeis n'ayant formulé aucune demande de communication de pièce, dans le dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la demande de rejet formée par la société DJL.

Sur la recevabilité du procès-verbal de constat du 7 mars 2018

La société DJL soutient que le constat du 7 mars 2018 a été dressé de manière déloyale en affirmant que l'huissier :

- n'a pas respecté les limites de la mission qui lui avait été confiée par la société Zeis, qui demandait que les constatations soient opérées à partir de la seule voie publique,

- n'a pas recueilli l'avis préalable du gérant, M. [Z],

- n'a pas vérifié l'identité de Mme [V], présente dans le magasin au moment du constat,

- et enfin a sciemment caché à cette dernière que ses opérations se déroulaient dans le cadre d'une procédure pendante devant le tribunal de commerce de Paris.

La société DJL estime encore que dès lors qu'une procédure judiciaire était en cours, les constatations auraient dû être ordonnées par un juge de manière contradictoire.

La société Zeis conteste les griefs allégués. Elle affirme que l'huissier peut procéder à des constatations dans un lieu privé dès lors que l'occupant l'y autorise. Elle précise que si elle avait, dans un premier temps, demandé à l'huissier d'opérer ses constatations depuis la voie publique, l'huissier n'a pas été en mesure de procéder à ces opérations en raison de l'occultation de la vitrine et a, en effectuant ses constatations à l'intérieur du magasin, exécuté sa mission qui était de procéder à la prise de clichés photographiques de tout élément mettant en avant l'usage de la marque Dirk Bikkenbergs dans la boutique exploitée par la société DJL. Elle fait encore valoir que l'huissier n'avait pas à s'assurer que Mme [V] était le représentant légal de la société DJL. Elle soutient encore que l'huissier a parfaitement informé Mme [V] de l'objet de sa mission. Elle considère que les mentions de l'acte d'huissier de justice relatives aux informations données à Mme [V] font foi jusqu'à inscription de faux. Enfin elle prétend que rien ne l'empêchait de mandater un huissier de justice pour procéder à des constatations alors même qu'une procédure judiciaire était pendante.

Selon l'article 1er de l'ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de justice, applicable au litige, les huissiers de justice peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Ces constatations font foi jusqu'à la preuve contraire.

Le constat d'huissier peut être réalisé dans un lieu privé occupé par un tiers à condition d'obtenir l'autorisation de l'occupant.

L'huissier ne peut effectuer que des constatations purement matérielles et n'a aucun pouvoir d'investigation.

Il appartient au juge d'apprécier souverainement la force probante d'un constat d'huissier.

Enfin les énonciations relatant les circonstances que l'huissier de justice a pour fonction de certifier ont valeur authentique et font foi jusqu'à inscription de faux. Ont ainsi valeur authentique les mentions intrinsèques d'un acte dressé par un huissier de justice telle que la date ou les mentions concernant les démarches et diligences accomplies par l'huissier.

En l'espèce, il est produit par la société Zeis un procès-verbal de constat daté du 7 mars 2018 dressé à sa demande afin d'actualiser un précédent constat établi le 4 novembre 2015 ayant constaté que la société DJL n'avait pas cessé l'usage des signes distinctifs de la marque Dirk Bikkembergs et n'avait pas restitué le stock de marchandises. Au terme du constat du 7 mars 2018 litigieux, l'huissier de justice indique s'être rendu au [Adresse 4], immeuble au rez-de-chaussée duquel est exploité un magasin, et avoir constaté que les vitrines au travers desquelles les précédentes constatations avaient été effectuées étaient occultées. Devant l'impossibilité de procéder aux constatations demandées, l'huissier précise que : « je me suis alors rendu à l'intérieur du magasin où j'ai rencontré Mme [V] qui m'a déclaré être la gérante de la SARL DJL Croisette. Je lui ai alors décliné mes nom, prénom, qualité et exposé l'objet de ma visite en lui rappelant le précédent constat du 4 novembre 2015. Cette dernière m'a confirmé me reconnaître et bien connaître mon associé Me [R]. Je lui ai alors demandé s'il était possible de procéder aux présentes constatations afin d'établir tout élément de vérité dans ce litige. Cette dernière ne s'est pas opposée aux présentes constatations et m'a laissé effectuer ces dernières. »

Il ressort de ces éléments que l'huissier a exécuté la mission qui lui a été confiée, par courriel du 27 février 2018, d'effectuer des clichés photographiques de tout élément mettant en avant l'usage de la marque Dirk Bikkenbergs dans la boutique exploitée par la société DJL à [Localité 6]. Il ne peut pas être reproché à l'huissier d'avoir outrepassé sa mission en pénétrant à l'intérieur du magasin alors même que les constatations qui lui étaient demandées étaient rendues impossibles par l'occultation des vitrines et qu'il a agi dans le cadre légal en sollicitant préalablement l'autorisation de l'occupant du magasin, à savoir Mme [V]. Il ne peut pas davantage être fait grief à l'huissier de ne pas avoir vérifié l'identité de Mme [V], qui s'est présentée comme étant la gérante du magasin, alors que l'huissier n'a aucun pouvoir d'investigation et qu'il n'entrait pas dans sa mission de vérifier les déclarations qui lui étaient faites par l'occupante des lieux. Enfin il ne peut pas être prétendu que l'huissier n'a pas spécifié à Mme [V] le cadre de ses opérations alors qu'il résulte des énonciations du procès-verbal, ces mentions faisant foi jusqu'à inscription de faux, que l'huissier a indiqué que les constatations opérées étaient destinées à établir tout élément de vérité dans le litige opposant la société DJL à la société Zeis. Il sera à cet égard relevé que les courriels produits aux débats par la société DJL démontrent que Mme [V], salariée de la société DJL qui gérait la boutique de [Localité 6], était parfaitement informée du litige opposant son employeur à la société Zeis. Enfin malgré l'existence de la procédure judiciaire en cours, aucune disposition légale n'imposait à la société Zeis de solliciter l'autorisation d'un juge pour faire établir un constat.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable le procès-verbal litigieux. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point étant précisé qu'il appartiendra à la cour d'apprécier la valeur probante du procès-verbal du 7 mars 2018.

Sur la nature des relations contractuelles au moment de la résiliation

La société DJL prétend qu'au moment de la résiliation du contrat de commission par la société Zeis, le 14 octobre 2015, ce contrat n'était plus en vigueur et avait été remplacé par un contrat de distribution.

La société Zeis soutient que s'il a été question, à l'été 2014, de conclure un nouveau contrat, qui aurait été un contrat de distribution, ce projet a été abandonné. Elle considère ainsi que le contrat de commission s'est poursuivi jusqu'à sa résiliation aux torts de la société DJL, le 14 octobre 2015.

A l'appui de ses allégations concernant la modification de la nature juridique du contrat la liant à la société Zeis, la société DJL produit des échanges de courriels avec la société Zeis des 5 au 8 août 2014 qui évoquent un projet de contrat de partenariat par lequel la société DJL procèderait à l'achat de vêtements pour les revendre. Toutefois le courriel du 5 août 2014 de la société Zeis précise bien que : « Les 6 points énumérés seront contenus dans le contrat que nous rédigerons à réception des coordonnées de vos sociétés. » En outre, en réponse à ce courriel, la société DJL a indiqué, dans un courriel du 6 août 2014, que : « Par la suite et lorsque la réorganisation juridique de mon groupe sera réalisée, nous pourrons conclure le contrat de partenariat que nous avons évoqué. »

Il en ressort que la société DJL et la société Zeis avait le projet d'établir un autre contrat par écrit. Or il est constant qu'aucun contrat de partenariat de contrat n'a été conclu à la suite de ces échanges de courriels et que les relations des parties ont néanmoins perduré. Il sera en outre relevé que dans un courriel du 7 mai 2015, la société Zeis a écrit à M. [Z] que : « (') je reprends ci-dessous les accords que nous avons pris, à effet immédiat, concernant les relations commerciales entre DA Uno, DJL et Zeis :

(')

DJL Croisette : pour les prochains 6 mois nous procèderons avec le contrat de commission-affiliation en vigueur. (') ».

Dans ces conditions, il sera constaté que le contrat de commission du 8 mai 2013, conclu pour une durée de 16 mois, soit jusqu'au 8 septembre 2014, s'est tacitement renouvelé à cette date pour une durée de douze mois à défaut d'avoir été expressément résilié par l'une des parties six mois avant l'échéance du terme en application de l'article 5 dudit contrat. Ainsi contrairement à ce que soutient la société DJL, le contrat de commission était toujours en vigueur à la date du 14 octobre 2015, date du courrier de résiliation adressé par la société Zeis.

Sur l'imputabilité de la rupture

Pour justifier de la résiliation du contrat aux torts de la société DJL, la société Zeis lui reproche de nombreux manquements dans le cadre de l'exécution du contrat de commission. Elle lui fait ainsi grief d'avoir manqué à son obligation d'encaisser les produits des ventes réalisées sur un compte bancaire dédié ouvert à son nom en qualité de commettant, d'avoir procédé à des compensations non autorisées pour se rémunérer en prélevant ses commissions sur les sommes encaissées au titre des ventes, d'avoir retenu indûment des sommes encaissées au titre des ventes pour un montant de 21.404,35 euros sans les reverser à son commettant, d'avoir rempli les bordereaux de détaxe des marchandises vendues à l'exportation en indiquant son nom en tant que venderesse et non le nom du commettant de telle sorte qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité de déduire la TVA remboursée au client, d'avoir refusé de restituer les stocks de marchandises en fin de saison pour les collections printemps/été et automne/hiver 2014, de ne pas avoir retiré les signes distinctifs « Dirk Bikkembergs » après la résiliation du contrat, d'avoir poursuivi la vente de produits « Dirk Bikkembergs » après la résiliation du contrat, d'avoir effectué des promotions sur la vente de produits « Dirk Bikkembergs » sans son autorisation et d'avoir refusé de restituer le mobilier après la résiliation du contrat.

Par ailleurs, elle considère qu'eu égard aux manquements contractuels de la société DJL, elle était fondée à suspendre l'exécution du contrat en ne procédant pas à la livraison de la collection printemps/été 2015.

La société DJL conteste toute faute contractuelle et affirme que la société Zeis a mis en 'uvre, de mauvaise foi, la clause résolutoire prévue au contrat.

Elle réfute ainsi avoir encaissé directement, et non sur le compte bancaire dédié au commettant, le produit des ventes réalisées dans son magasin à [Localité 6]. Elle fait valoir que le système informatique dont l'utilisation était demandée par la société Zeis présentait de nombreux dysfonctionnements, ce qui est à l'origine des écarts entre les stocks qui y étaient enregistrés et les stocks physiques.

Elle affirme par ailleurs, en ce qui concerne la vente de marchandises à des clients ayant leur résidence habituelle dans un état non membre de l'Union européenne, susceptibles de bénéficier d'une exonération de TVA, que le contrat de commission ne prévoyait aucune modalité de sorte qu'aucune faute ne peut lui être reprochée dans le renseignement des documents douaniers. Elle ajoute que le système ne lui permettait pas d'établir les bordereaux au nom de la société Zeis. Elle fait ainsi grief à la société Zeis de ne pas lui avoir proposé de solution pour traiter la question de la détaxe pour la vente de marchandises à l'exportation et de l'avoir ainsi contrainte de mentionner son nom sur les bordereaux de détaxe, la rendant redevable de cette détaxe. La société DJL dénie encore avoir conservé des marchandises invendues en fin de saison.

La société DJL reproche en outre à la société Zeis d'avoir mis en 'uvre la clause résolutoire de mauvaise foi alors qu'elle-même n'avait pas respecté ses obligations contractuelles en livrant tardivement la collection hiver 2014/2015, en ne livrant pas la collection été 2015 et en ne remédiant pas aux difficultés dénoncées concernant l'établissement des bordereaux de détaxe.

En tout état de cause, elle estime que les manquements allégués par la société Zeis ne justifiaient pas la mise en 'uvre de la clause résolutoire en l'absence de gravité.

Sur les manquements aux règles d'encaissement

L'article 7.3 du contrat de commission intitulé « Caisse dédiée » stipule que : « D'un commun accord entre les parties, le Commissionnaire procèdera exclusivement à l'encaissement des produits contractuels dans une caisse enregistreuse dédiée au Commettant et sur un compte bancaire dédié dont le commettant est titulaire. »

Pour démontrer que la société DJL n'a pas respecté cette obligation contractuelle, la société Zeis produit des extraits de son logiciel permettant le suivi des ventes effectuées par son commissionnaire ainsi que le niveau du stock, qui met en évidence des écarts entre les ventes mensuelles et les versements réalisés sur le compte dédié. Si la société DJL impute ces écarts à des dysfonctionnements du logiciel, elle n'en rapporte pas la preuve ; cette preuve ne pouvant résulter uniquement des courriels ou courriers qu'elle a elle-même établis.

En outre, la société Zeis produit sept factures de commission établies par la société DJL entre les mois de mars et août 2015 sur lesquelles figurent le montant de la commission due ainsi qu'un montant d'acompte perçu toujours supérieur au montant de la commission due. Or la société DJL, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, est dans l'incapacité de justifier de versements d'acomptes par la société Zeis correspondant aux montants figurant sur ces factures, alors même que la société Zeis dénie avoir procédé à de tels versements.

Ces éléments établissent que la société DJL a encaissé sur son propre compte le produit de ventes de marchandises, objets du contrat de commission, en violation des stipulations contractuelles et malgré les mises en demeure qui lui ont été adressées par la société Zeis le 16 juin 2014 et le 24 avril 2015. Cette faute grave et répétée justifie la mise en 'uvre de la clause résolutoire prévue au contrat.

Sur les manquements au titre de l'établissement des documents douaniers

Selon l'article 262 du code général des impôts, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens expédiés ou transportés par l'acheteur qui n'est pas établi en France, ou pour son compte, hors de la Communauté européenne.

Pour bénéficier de cette exonération, le vendeur peut remettre au client un bordereau Cerfa sur lequel celui-ci devra faire apposer un visa par un bureau des douanes et qu'il devra renvoyer au vendeur qui lui remboursera la TVA ; le vendeur étant alors habilité à déduire la TVA remboursée de la TVA encaissée.

Les parties s'opposent sur l'établissement des documents douaniers de détaxe entre le 22 mai 2013 et le 30 avril 2014 en ce que la société DJL les a remplis en indiquant son nom comme vendeur et non le nom de la société Zeis.

Il résulte des bordereaux produits aux débats datés du 22 mai 2013 au 30 avril 2014 que la société DJL a indiqué de manière manuscrite qu'elle avait la qualité de vendeur alors qu'elle n'était que commissionnaire. Il n'en demeure pas moins qu'aucune faute contractuelle ne peut être retenue à son encontre de ce chef, le contrat étant silencieux sur la question de l'application de la détaxe et de ses modalités. Ce n'est qu'après avoir interrogé son commettant sur ce point qu'il lui a été donné pour consigne, par lettre du 27 octobre 2014, d'établir les bordereaux en indiquant le nom du commettant. Ce grief, pour des bordereaux antérieurs à la consigne donnée le 27 octobre 2014, ne saurait donc justifier la résiliation du contrat aux torts de la société DJL.

Sur le défaut de restitution des stocks de marchandises invendues

L'article 3 du contrat de commission précise que : « Zeis demeure seule propriétaire des produits contractuels objets des présentes qui sont vendus pour son compte par le Commissionnaire. »

L'article 8.4 du même contrat indique que : « Le commissionnaire sera consignataire des stocks appartenant au commettant.

A ce titre, il sera responsable vis-à-vis du commettant de la conservation en bon état des marchandises qui lui seront confiées par celui-ci ainsi que des risques notamment de vol par des tiers ou par son personnel. »

L'article 8.6 prévoit que : « A la fin de la saison de vente, après les soldes, le commissionnaire devra retourner au commettant tous les articles invendus. »

A l'appui de ses allégations, la société Zeis produit un tableau listant le nom de tous les articles invendus, la quantité invendue pour chaque article et le prix unitaire pour chaque article. Elle explique avoir établi ce tableau à partir du journal des ventes de la société DJL issu du logiciel Best Store, dont l'utilisation était prévue au contrat de commission. La société Zeis verse également aux débats un tableau recensant, article par article, les produits livrés à la société DJL aux mois d'août et septembre 2014 et les produits non restitués ainsi que les documents d'expédition attestant de la livraison des marchandises à la société DJL. La société Zeis justifie encore d'une attestation de son expert-comptable certifiant que les informations figurant dans le second tableau sont conformes aux informations qu'il a pu vérifier dans le cadre des documents et données comptables et de gestion de la société Zeis.

Ces éléments établissent que la société DJL n'a pas restitué à la société Zeis 782 articles des collections printemps-été et automne-hiver 2014 pour un montant de 137.453,33 euros HT alors qu'elle avait été mise en demeure de s'acquitter de cette obligation par lettre recommandée du 7 août 2015.

Cette faute grave justifie la mise en 'uvre de la clause résolutoire prévue au contrat.

Sur les autres manquements contractuels

Il sera relevé que les autres fautes dont se prévaut la société Zeis sont postérieures à la résiliation du contrat le 14 octobre 2015 de sorte qu'elles ne peuvent pas avoir justifié la mise en 'uvre de la clause résolutoire. Il n'y a donc pas lieu de les examiner pour déterminer l'imputabilité de la rupture du contrat de commission.

Sur la mise en 'uvre de la clause résolutoire et les manquements contractuels de la société Zeis

Il ressort de ce qui précède qu'aucune mauvaise foi ne peut être reprochée à la société Zeis dans la mise en 'uvre de la clause résolutoire prévue au contrat. Par ailleurs, il convient de relever qu'eu égard aux manquements de la société DJL ayant fait l'objet de plusieurs mises en demeure préalables, la société Zeis était fondée à suspendre l'exécution de son obligation de livrer la collection printemps/été 2015. En ce qui concerne les modalités d'application de la détaxe, ainsi qu'il a été énoncé ci-dessus, le contrat ne comportait aucune disposition sur ce point et aucune faute contractuelle ne peut être reprochée de ce chef à l'une ou l'autre des cocontractantes.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que la résiliation du contrat de commission était intervenue aux torts exclusifs de la société DJL.

Sur les demandes de la société Zeis

Sur la demande de restitution des sommes encaissées directement au titre des ventes

La société Zeis revendique le paiement d'une somme de 21.404,35 euros au titre des sommes encaissées directement par la société DJL au titre des ventes effectuées dans son magasin et prélevées à titre d'acompte sur ses commissions.

La société DJL conteste devoir la somme réclamée.

A l'appui de sa demande, la société Zeis produit un extrait de compte fournisseur ainsi qu'un tableau des recettes et versements effectués par la société DJL qu'elle a elle-même établis. Toutefois les sommes inscrites ne correspondent pas aux factures émises par

la société DJL dans lesquelles celle-ci mentionne le montant des commissions qui lui sont dues entre les mois de janvier 2015 et août 2015 ainsi que les acomptes qu'elle a prélevés.

Dans ces conditions, seules ces factures seront retenues à titre de preuve des prélèvements indument effectués par la société DJL sur les ventes réalisées par son intermédiaire. Il ressort de ces factures que la société DJL a prélevé des acomptes pour un montant total de 54.051,32 euros alors qu'elle n'a facturé qu'un montant de 40.301,16 euros TTC à titre de commissions pour la même période.

Dans ces conditions, le trop-perçu s'élève à 13.750,16 euros TTC et la demande en paiement de la société Zeis sera admise à concurrence de ce seul montant. Le surplus de sa demande en paiement sera rejeté. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre des factures impayées

La société Zeis revendique le paiement d'une somme de 10.019,08 euros HT (12.022,90 euros TTC) au titre de deux factures datées du 28 avril 2015, n°2015-08 d'un montant de 10.037,08 euros HT et n°2015-09 d'un montant de 449,50 euros HT, déduction faite d'un avoir n°2015-03 daté du 29 juillet 2015 pour un montant de 467,50 euros. Elle explique qu'à l'occasion de l'inventaire réalisé le 27 avril 2015, sont apparus des stocks manquants au titre de la collection automne/hiver 2014 de sorte qu'elle a établi deux factures qui ont été rectifiées à la suite des observations émises par la société DJL par lettre du 2 juin 2015.

La société DJL conteste devoir toute somme au titre de ces factures en faisant valoir que le logiciel de gestion des stocks utilisé était défaillant.

Il sera relevé que la société DJL ne conteste pas la réalisation d'un inventaire physique le 27 avril 2015 qui a fait apparaître des écarts entre les stocks de marchandises livrées et les marchandises détenues. La société Zeis démontre avoir communiqué les résultats de cet inventaire à la société DJL le jour-même et la société DJL a répondu par lettre du 2 juin 2015 en invoquant des erreurs qui ont été prises en compte par l'émission d'un avoir.

En conséquence, il convient de faire droit à la demande en paiement de ce chef. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre des stocks non restitués

La société Zeis demande le paiement d'une somme de 137.453,33 euros HT au titre des articles des collections printemps-été et automne-hiver 2014 qui ne lui ont pas été retournés à l'issue de la saison.

A l'appui de ses allégations, la société Zeis produit un tableau listant le nom de tous les articles invendus, la quantité invendue pour chaque article et le prix unitaire pour chaque article. Elle explique avoir établi ce tableau à partir du journal des ventes de la société DJL issu du logiciel Best Store, dont l'utilisation était prévue au contrat de commission. La société Zeis verse également aux débats un tableau recensant, article par article, les produits livrés à la société DJL aux mois d'août et septembre 2014 et les produits non restitués ainsi que les documents d'expédition attestant de la livraison des marchandises à la société DJL. La société Zeis justifie encore d'une attestation de son expert-comptable certifiant que les informations figurant dans le second tableau sont conformes aux informations qu'il a pu vérifier dans le cadre des documents et données comptables et de gestion de la société Zeis.

Ces éléments établissent que la société DJL n'a pas restitué à la société Zeis 782 articles des collections printemps-été et automne-hiver 2014 pour un montant de 137.453,33 euros HT alors qu'elle avait été mise en demeure de s'acquitter de cette obligation par lettre recommandée du 7 août 2015.

En conséquence, il sera fait droit à la demande en paiement sur ce point et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du préjudice commercial résultant de la résiliation anticipée du contrat

La société Zeis demande une indemnisation d'un montant de 50.609,40 euros HT au titre de la perte de marge brute qu'elle aurait pu réaliser jusqu'au terme du contrat.

La société DJL conteste cette demande en faisant valoir que le préjudice allégué n'est pas établi.

A l'appui de sa demande, la société Zeis produit une attestation de son expert-comptable qui indique que le tableau qu'elle a établi pour chiffrer sa perte de marge est conforme aux informations qu'il a pu vérifier dans le cadre de l'établissement du bilan comptable de sa cliente.

Il sera néanmoins relevé que ledit tableau fait état de commissions de la société DJL entre les mois d'octobre 2014 et août 2015 de l'ordre de 132.354 euros qui ne correspondent pas aux factures de commissions produites par la société DJL pour les mois de janvier et août 2015.

Il convient toutefois de retenir que l'expert-comptable estime à environ 19% le taux de marge réalisé par la société Zeis sur la vente des produits par l'intermédiaire de la société DJL. Dès lors, en tenant compte des factures de commissions établies par la société DJL pour les mois de janvier et août 2015 qui s'élèvent à un total de 40.301,16 euros TTC, soit 32.240,92 euros HT, la marge réalisée par la société Zeis pour la même période peut être estimée à 12.251,51 euros (32.240,92 euros x 2 x19%), soit 1.531,44 euros par mois.

En conséquence, la perte de marge subie par la société Zeis du fait de la résiliation du contrat de commission 11 mois avant son terme doit être évaluée à 16.845,88 euros (1.531,44 euros x 11 mois). Il sera alloué une somme équivalente à la société Zeis en réparation de ce préjudice.

Sur la demande au titre des investissements réalisés

La société Zeis réclame une indemnisation d'un montant de 99.106 euros HT au titre des investissements réalisés pour aménager le point de vente à [Localité 6] dans les locaux de la société DJL.

La société DJL conteste la demande d'indemnisation de ce chef. Elle fait valoir que les travaux invoqués ont été réalisés en 2011, soit bien avant la conclusion du contrat de commission, et qu'il n'a jamais été convenu d'une indemnisation en l'absence de poursuite des relations commerciales.

Le contrat de commission indique en son article 7.6 que : « Le mobilier Bikkembergs déjà installé en 2011 par le commettant pour le corner et encore en place au jour de la signature du contrat restera en place jusqu'à nouvel ordre.

Le commissionnaire s'engage expressément à restituer au Commettant, à l'expiration du présent contrat, les matériels et mobiliers qui lui ont été éventuellement confiés après la date de signature de ce contrat, dans un état identique à celui dans lequel ils ont été installés. »

L'article 9.3 du contrat précise que : « Le mobilier, partie intégrante du Concept d'agencement des boutiques sous enseigne « Dirk Bikkembergs » et toujours en place le jour de la signature de ce contrat a été mis gratuitement par le Commettant à disposition du Commissionnaire dans le cadre de l'exploitation du corner en 2011. »

L'article 14 du contrat prévoit que la rupture du contrat entraînera de plein droit la restitution au commettant du mobilier.

Il convient en outre de relever que le contrat de commission a été conclu pour une durée initiale de 16 mois renouvelable par période de 12 mois.

Il ressort de ces dispositions que le contrat de commission n'a prévu aucune faculté pour la société Zeis de solliciter une quelconque somme de la part de sa cocontractante au titre de la mise à disposition à titre gratuit du mobilier et du coût des travaux exposés pour la réalisation du corner dédié à la vente des produits de marque Dirk Bikkembergs étant au surplus relevé que ces dépenses ont été exposées en 2011, soit avant la conclusion du contrat, au titre du concept d'agencement des boutiques sous enseigne Bikkembergs.

En conséquence, la société Zeis ne saurait arguer subir un préjudice de ce chef et sa demande d'indemnisation sera rejetée. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de l'article 14 du contrat

La société Zeis revendique la condamnation de la société DJL au titre de l'« astreinte » prévue au contrat.

La société DJL prétend que la société Zeis n'est pas recevable à agir en contrefaçon alors qu'elle n'est pas titulaire des droits sur la marque Dirk Bikkembergs. A titre subsidiaire, la société DJL fait valoir qu'elle rapporte la preuve qu'il n'existe plus aucune référence à la marque Dirk Bikkembergs dans sa boutique de [Localité 6] et que le prononcé de l' « astreinte conventionnelle » ne peut pas être rétroactif. Elle revendique en tout état de cause la réduction de la clause pénale à un euro par jour.

L'article 8.2 du contrat de commission précise que : « Le commissionnaire s'engage à respecter l'image de marque du commettant.

Le commissionnaire reconnaît notamment que « Dirk Bikkembergs » est une marque régulièrement déposée, notamment en France et en Italie, et dont le Commettant bénéficie des droits d'exploitation.

Le présent contrat n'a pas pour objet et ne saurait avoir pour effet de conférer au commissionnaire un droit d'usage ou d'exploitation de la marque excédant les dispositions expresses des présentes.

A défaut d'autorisation préalable et écrite du commettant, le commissionnaire s'interdit notamment d'utiliser la marque « Dirk Bikkembergs », ou toute marque ou appellation ressemblante, à titre de nom commercial, raison ou dénomination sociale, ou plus généralement signe distinctif dans le point de vente, sur papier en-tête, cartes de visite ou autres supports similaires.

Par dérogation à ce qui précède, le commissionnaire est seulement autorisé :

-à utiliser la marque « Dirk Bikkembergs » en tant qu'enseigne apposée sur son point de vente, selon les modalités techniques communiquées en annexe 3 aux présentes,

-à utiliser la marque « Dirk Bikkembergs » pour la signalisation de son point de vente dans les pages jaunes de l'annuaire français de la société France Telecom, selon les modalités techniques communiquées en annexe 3 aux présentes. »

L'article 14 du contrat de commission prévoit encore que : « La rupture du présent contrat, ce quelle qu'en soit la cause, entraînera de plein droit les conséquences suivantes :

(')

Retrait immédiat et sous astreinte forfaitaire et définitive de 2.000 euros par jour de l'enseigne et du droit d'utiliser tout signe distinctif « Dirk Bikkembergs » y compris dans les pages jaunes de l'annuaire France Télécom. »

Contrairement à ce que soutient la société DJL, la demande de condamnation formulée par la société Zeis au titre des signes distinctifs de la marque « Dirk Bikkembergs » l'est non pas sur le fondement de la contrefaçon mais sur le fondement de la violation de la stipulation contractuelle susvisée. La société Zeis est donc parfaitement recevable à solliciter l'application d'une clause d'un contrat auquel elle est partie.

De même, à l'inverse de ce que prétend la société DJL, la clause susvisée vise à fixer, par avance et de manière forfaitaire, la réparation du préjudice résultant de la violation du retrait de l'autorisation d'utiliser, postérieurement à la rupture du contrat de commission, les signes distinctifs de la marque Dirk Bikkembergs, dont la société Zeis détenait les droits d'exploitation. Il importe donc peu que l'usage de ces signes ait ou non cessé au moment de la mise en 'uvre de cette clause.

Enfin la résiliation du contrat de commission n'affecte pas les clauses destinées à produire effet en cas de rupture du contrat et notamment les clauses régissant les effets de la rupture.

Il ressort des procès-verbaux de constat en date des 4 novembre 2015 et 7 mars 2018 que la société DJL a continué à faire usage des signes distinctifs de la marque « Dirk Bikkembergs » dans sa boutique de [Localité 6] postérieurement au 14 octobre 2015, date de résiliation du contrat.

Le manquement contractuel de la société DJL est donc caractérisé et la société Zeis est bien fondée à solliciter l'application de la clause susvisée.

En revanche, la société DJL établit, par un procès-verbal de constat dressé à sa demande le 5 avril 2018, qu'elle avait cessé, à cette date, toute utilisation des signes distinctifs de la marque « Dirk Bikkembergs » dans sa boutique de [Localité 6].

Dès lors, la demande de la société Zeis tendant à voir condamner la société DJL à cesser toute exploitation des signes distinctifs de la marque « Dirk Bikkembergs » et faire application de la clause pénale jusqu'à ce qu'elle justifie avoir cessé l'utilisation de tout signe distinctif est sans objet, la preuve étant rapportée de la cessation de l'utilisation de ces signes au jour où la cour statue.

Il convient en conséquence d'examiner la demande formée à titre subsidiaire par la société Zeis sur le fondement de l'article 14 du contrat.

Cet article, fixant par avance l'indemnisation due par le commissionnaire en cas d'inexécution de son obligation de cesser immédiatement de faire usage des signes distinctifs de la marque Dirk Bikkembergs postérieurement à la rupture du contrat, s'analyse en une clause pénale.

Or l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que :

« Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. »

Il sera rappelé que la disproportion manifeste s'apprécie en comparant le montant de la peine conventionnellement fixé et celui du préjudice effectivement subi et qu'il ne peut être alloué une somme inférieure au montant du dommage.

Il ressort de ce qui précède que le manquement contractuel de la société DJL a duré 904 jours de sorte que l'application de la clause pénale équivaudrait à sa condamnation à une somme de 1.808.000 euros. La société DJL invoque le caractère excessif de ce montant et en demande la réduction à une somme de 904 euros.

Aux termes de ce qui est indiqué dans le contrat de commission et qui n'est pas discuté par la société DJL, la société Zeis est titulaire des droits d'exploitation de la marque Dirk Bikkembergs et du graphisme correspondant. Ainsi l'absence de retrait, par la société DJL, des signes distinctifs de la marque dans la boutique de [Localité 6] plus de deux ans et demi après la rupture du contrat de commission caractérise une inexécution contractuelle.

Eu égard à la notoriété de la marque et de son image ainsi que de la nécessité pour le titulaire des droits d'exploitation de celle-ci d'en contrôler les modalités de vente, la peine de 2.000 euros par jour pendant 904 jours, qui correspond à une somme totale de 1.808.000 euros, est manifestement disproportionnée. La clause pénale sera réduite à la somme de 111 euros par jour pendant 904 jours, soit au total 100.344 euros.

Sur les demandes au titre de préjudices d'image

La société Zeis revendique la condamnation de la société DJL à lui payer une somme de 100.000 euros au titre du préjudice d'image résultant de la poursuite sans autorisation de la commercialisation des produits de la marque Dirk Bikkembergs par l'écoulement des stocks de saisons passées ainsi qu'à lui payer une somme de 100.000 euros au titre du préjudice d'image résultant de l'organisation de promotions sans autorisation sur les marchandises lui appartenant.

La société DJL conteste les faits et les préjudices allégués. Elle prétend que la marque Dirk Bikkembergs était en déconfiture. Elle fait encore valoir que le licencié d'une marque ne peut solliciter le paiement de dommages et intérêts qu'à la condition de rapporter la preuve d'un préjudice distinct de celui du propriétaire.

Il sera relevé que la société Zeis précise agir sur le fondement contractuel. Il ne peut donc lui être reproché de ne pas justifier des conditions requises pour agir sur le fondement de la contrefaçon.

Le premier préjudice d'image dont la société Zeis réclame l'indemnisation résulterait de la poursuite de la commercialisation par la société DJL de produits de marque Dirk Bikkembergs postérieurement à la rupture du contrat de commission, et donc sans droit, étant ajouté que les produits ainsi écoulés provenaient de collections passées, ce qui dévaluerait l'image de la marque Dirk Bikkembergs ; cette dévaluation étant aggravée par la confusion existant dans l'esprit des clients de la marque, susceptibles de croire à l'existence de lien ténus entre cette marque et la boutique exploitée par la société DJL. La société Zeis invoque également un préjudice d'image résultant de la violation de l'article 8 du contrat de commission qui précise que tout rabais, remises ou ristournes devront faire l'objet de l'accord préalable et écrit du commettant. Elle prétend que la société DJL a vendu à prix réduits les produits de la marque et qu'il en est résulté un préjudice d'image en termes de banalisation et de vulgarisation des produits.

Il ressort des constats d'huissier produits aux débats ainsi que de l'attestation précise et circonstanciée de Mme [K] [N], dont la valeur probante sera retenue malgré le lien de préposition qui l'unit à la société Zeis, que la société DJL a poursuivi la commercialisation de produits de marque Dirk Bikkembergs postérieurement à la rupture du contrat de commission et a effectué des remises de l'ordre de 30 à 70% sur ces produits sans y avoir été autorisée par le commettant.

En ne restituant pas le stock résiduel à l'occasion de la rupture du contrat en violation de l'article 14 du contrat, afin de poursuivre la commercialisation des produits de la marque alors que le droit d'usage et d'exploitation de ladite marque avait cessé et en procédant à des remises sans l'autorisation du commettant en violation de l'article 8.1 du contrat, la société DJL a manqué à ses obligations contractuelles et sa responsabilité doit être retenue de ces chefs.

La société Zeis produit aux débats des articles de presse relatant des défilés de mode ou montrant des personnalités portant des vêtements de la marque Dirk Bikkembergs qui démontrent la poursuite de la notoriété de la marque au moment des faits reprochés malgré les difficultés financières rencontrées par le groupe

Eu égard à la notoriété de la marque et de son image ainsi que de la nécessité pour le titulaire des droits d'exploitation de celle-ci d'en contrôler les modalités de vente, le préjudice d'image résultant de ces manquements sera réparé par l'allocation d'une somme de 30.000 euros.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Sur la demande de démontage de l'ensemble du mobilier et de restitution

Il sera relevé que la société Zeis ne reprend pas ce chef de demande dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie la cour selon l'article 954 du code de procédure civile. Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Victoire Saint Honoré

Sur la demande de restitution d'une somme de 200.000 euros

La société VSH prétend avoir versé à la société Zeis une somme de 200.000 euros par virement bancaire du 8 août 2014. Elle soutient que ce versement est intervenu à la fois à titre de garantie pour lancer la fabrication des marchandises commandées par les sociétés DJL et Da Uno et d'acompte pour la collection été 2015. Or elle affirme que cette collection n'a pas été livrée de sorte que le paiement effectué est indu.

La société Zeis soutient que la société VSH ne qualifie pas juridiquement la nature de la somme de 200.000 euros, ni le fondement juridique de sa demande. Elle ajoute qu'elle ne précise pas l'affectation de ladite somme. Elle considère qu'il n'est aucunement démontré que le virement correspondrait à un acompte sur le paiement de la collection été 2015. Elle fait ainsi valoir que tout au plus ce virement pourrait être considéré comme une garantie autonome donnée par la société VSH du respect par les sociétés DJL et Da Uno de leurs obligations. Or ces obligations n'ayant pas été respectées, elle serait en droit de conserver ladite somme.

Selon l'article 1376 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

En l'espèce, la société VSH justifie, par la production d'un ordre de virement, d'un avis d'exécution de l'ordre par sa banque et d'un relevé de compte bancaire, avoir payé une somme de 200.000 euros le 8 août 2014 à la société Zeis. S'il a été question au mois de juillet 2014, ainsi qu'il ressort d'échanges de courriels des 9, 11, 12 et 29 juillet 2014, de la fourniture par M. [Z] ou l'une de ses sociétés d'une garantie bancaire pour permettre la mise en production de la collection printemps/été 2015 à la suite d'une commande d'un montant de 672.763 euros passée par les sociétés DA Uno et DJL à la société Zeis à Milan, il résulte d'échanges de courriels des 5, 6, 7 et 8 août 2014 que la société Zeis a donné son accord pour le remplacement d'une telle garantie par un virement bancaire de 200.000 euros qui a été effectué à son profit le 8 août 2014 par la société VSH. Ainsi qu'il ressort de ces échanges de courriels, ce virement était destiné à lancer la mise en production de la collection été 2015 à la suite des commandes effectuées au mois de juillet 2014 par les sociétés DJL et DA Uno à la société Zeis.

Or il ressort des pièces versées aux débats que la collection été 2015 n'a pas été livrée à la société DJL et à la société DA Uno.

Dans ces conditions, le paiement réalisé par la société VSH n'était pas dû et doit lui être remboursé. La demande sur ce point sera accueillie et le jugement entrepris réformé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts

La société VSH prétend avoir subi un préjudice financier du fait de la conservation par la société Zeis de la somme de 200.000 euros et réclame à ce titre une indemnisation de 30.000 euros.

Il sera rappelé qu'en vertu de l'article 1153 du code civil ancien, la réparation du préjudice résultant du retard à exécuter une obligation de paiement d'une somme d'argent ne consiste jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal.

Par ailleurs, en vertu de la combinaison des articles 1153 et 1378 du code civil dans leur version applicable au litige, celui qui est condamné à restituer une somme indûment perçue doit les intérêts du jour de la demande s'il est de bonne foi et du jour du paiement s'il ne l'était pas.

En l'espèce, il ressort de ce qui précède qu'aucune mauvaise foi ne peut être reprochée à la société Zeis. Dès lors, la société VSH ne peut prétendre qu'à la condamnation de la société Zeis à lui payer les intérêts au taux légal sur la somme de 200.000 euros à compter de sa demande de restitution faite par conclusions du 4 décembre 2018. Le surplus de sa demande de dommages et intérêts sera rejeté.

Sur les demandes reconventionnelles de la société DJL

Sur la réparation du préjudice résultant de l'absence de livraison de la collection été 2015

La société DJL prétend avoir subi un préjudice financier du fait du non-respect par la société Zeis de son obligation de livrer la collection été 2015 puisqu'elle n'a pas pu la commercialiser.

Toutefois, ainsi qu'il ressort de ce qui précède, aucune faute ne peut être reprochée à la société Zeis d'avoir suspendu l'exécution de son obligation de livraison dans l'attente du respect par la société DJL de ses obligations contractuelles.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de ce chef

Sur la demande en paiement de la facture émise le 10 juin 2014

La société DJL revendique le paiement d'une facture n°200328 du 10 juin 2014 d'un montant de 9.520 euros émise au titre de « la coopération commerciale du 22 mai 2013 au 30 avril 2014 dont pièces jointes ». A l'appui de cette demande, elle produit les bordereaux de détaxe au titre des marchandises vendues à des clients résidant hors de l'Union européenne. Elle affirme également que la société Zeis s'était engagée à lui rembourser cette TVA au moment de la remise desdits bordereaux.

La société Zeis s'oppose à cette demande. Elle dément tout engagement de sa part et souligne que la société DJL ne justifie aucunement de réclamations de clients l'ayant conduite à leur rembourser la TVA sur les marchandises exportées.

Il ne résulte pas des pièces versées aux débats que la société Zeis a pris l'engagement de payer à la société DJL la TVA résultant de la vente par cette dernière de marchandises à l'export.

Ainsi qu'il a été énoncé ci-dessus, le client susceptible de bénéficier d'une détaxe doit en faire la demande au vendeur figurant sur le bordereau qui lui a été remis au moment de l'achat.

Or, la société DJL n'établit aucunement avoir reçu de telles demandes de clients et avoir dû rembourser la TVA.

En conséquence, sa demande de remboursement sera écartée et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Zeis et DJL succombent chacune partiellement au litige. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées. Les dépens de l'instance d'appel seront répartis par moitié entre les sociétés Zeis et DJL. Les demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné la société DJL Croisette à verser à la société Zeis Excelsa la somme de 21.404,35 euros, en restitution de sommes indûment encaissées par la société DJL Croisette, en ce qu'il a débouté la société Zeis Excelsa de sa demande de condamner la société DJL Croisette à lui payer la somme de 137.453,33 euros HT, au titre de stock non retourné, en ce qu'il a condamné la société DJL Croisette à payer à la société Zeis Excelsa la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts, au titre de sa perte de chance d'avoir pu réaliser une marge jusqu'au 7 septembre 2016, en ce qu'il a condamné la société DJL Croisette à payer à la société Zeis Excelsa la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, au titre du préjudice né des investissements matériels réalisés pour les besoins de l'exécution du contrat, en ce qu'il a condamné la société DJL Croisette à payer à la société Zeis Excelsa la somme de 50.000 euros de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à la société Zeis Excelsa, du fait des manquements à ses obligations post-contractuelles, en ce qu'il a débouté la société Victoire Saint Honoré de sa demande de condamner la société Zeis Excelsa à lui payer la somme de 200.000 euros ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société DJL Croisette à payer à la société Zeis Excelsa une somme de 13.750,16 euros TTC en restitution des sommes indûment encaissées sur son compte personnel ;

CONDAMNE la société DJL Croisette à payer à la société Zeis Excelsa la somme de 137.453,33 euros HT, au titre des stocks non retournés de la collection automne/hiver 2014 ;

CONDAMNE la société DJL Croisette à payer à la société Zeis Excelsa la somme de 16.845,88 euros au titre de la perte de marge subie par la société Zeis du fait de la résiliation du contrat de commission 11 mois avant son terme ;

REJETTE la demande de la société Zeis Excelsa au titre du préjudice né des investissements matériels réalisés ;

DÉCLARE recevable la demande de la société Zeis Excelsa d'indemnisation au titre du défaut de retrait immédiat des signes distinctifs de la marque « Dirk Bikkembergs » ;

CONDAMNE la société DJL Croisette à payer à la société Zeis Excelsa la somme de 100.344 euros au titre de la clause pénale prévue à l'article 14 du contrat ;

CONDAMNE la société DJL Croisette à payer à la société Zeis Excelsa la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts, en réparation du préjudice d'image ;

CONDAMNE la société Zeis Excelsa à restituer à la société VSH une somme de 200.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2018 ;

REJETTE les demandes des sociétés Zeis Excelsa et DJL Croisette au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les sociétés Zeis Excelsa et DJL Croisette aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par la société SCP Grappotte Bentreau selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/03911
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;19.03911 ?
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