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15/02/2023 | FRANCE | N°20/07994

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 15 février 2023, 20/07994


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 15 FEVRIER 2023



(n° 2023/78 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07994 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWY7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/07466



APPELANT



Monsieur [R] [M]

[Adresse 2]

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INTIMEE



S.A.S. T.N.T SERGE BLANCO

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Antoine SAPP...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 15 FEVRIER 2023

(n° 2023/78 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07994 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWY7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/07466

APPELANT

Monsieur [R] [M]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe BERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0292

INTIMEE

S.A.S. T.N.T SERGE BLANCO

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Antoine SAPPIN, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société TNT SERGE BLANCO est spécialisée dans le commerce de détail de vêtements. Elle exploite la marque SERGE BLANCO et dispose de magasins sur l'ensemble du territoire français.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein en date du 14 mai 2014, M. [R] [M] a été engagé par la société TNT Serge Blanco, en qualité de Corporate Identity Manager, statut cadre.

Le salarié avait notamment pour fonctions de garantir la qualité de l'identité visuelle et merchandising de la marque, participer à la réalisation des outils de merchandising et gérer les budgets de merchandising.

M. [R] [M] exerçait principalement son activité professionnelle au sein du showroom situé [Adresse 1], à [Localité 6].

Le 26 février 2018, la société Serge Blanco a informé M. [M] qu'en raison de la fermeture du showroom de [Localité 7], celui-ci serait contraint d'exercer dorénavant son activité professionnelle dans les locaux du siège social de [Localité 9], ce à compter du 02 juillet 2018.

M. [R] [M] a refusé sa mutation à [Localité 9], soutenant que la clause insérée dans son contrat de travail ne constituait pas une clause de mobilité et ne s'est pas rendu à [Localité 9], le 2 juillet 2018.

Le même jour, M.[M] a été mis en demeure par la société Serge Blanco de réintégrer son poste à [Localité 9] ou de justifier son absence.

Par courrier adressé le 03 juillet 2018 à la responsable des ressources humaines, M. [R] [M] a maintenu son refus de travailler définitivement à [Localité 9], ayant fait valoir notamment antérieurement l'existence d'un autre showroom de la société à [Localité 7], dans lequel il disposait déjà d'un bureau.

M. [M] a fait l'objet, après convocation en date du 05 juillet 2018 et entretien préalable fixé au 16 juillet 2018, d'un licenciement pour faute grave le 20 juillet 2018, en raison de son refus de se rendre dans les locaux de [Localité 9].

À la date de fin de contrat, M. [M] avait une ancienneté de 4 ans et 2 mois et la société Serge Blanco occupait à titre habituel au moins onze salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 04 octobre 2018, aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société TNT Serge Blanco à lui verser diverses sommes.

Par jugement en date du 09 septembre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, en formationde jugement, a :

- débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné au paiement des entiers dépens,

- débouté la société Serge Blanco de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration au greffe en date du 25 novembre 2020, M. [M] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 février 2021, M. [R] [M] demande à la Cour de :

- infirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 09 septembre 2020 en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux entiers dépens,

En conséquence,

- déclarer non applicable la clause de mobilité,

- dire le licenciement de M. [M] dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, - condamner la société Serge Blanco au paiement des sommes suivantes :

* 5.359,38 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 15.435,00 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1.543,50 euros au titre des congés payés y afférents,

* 25.725,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 2.500 euros au titre de l'article 700 Code de procédure civile,

- dire que les condamnations sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine du Conseil de Prud'hommes,

- condamner la société Serge Blanco aux entiers dépens.

Par ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 mai 2021, la société TNT Serge Blanco demande à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions,

- déclarer irrecevables ou injustifiées les demandes de M. [M],

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [M] à verser à la société Serge Blanco une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [M] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION

1-Sur l'existence d'une clause de mobilité

Le contrat de travail (article 4) du salarié comporte la clause suivante :

'Il est précisé à titre indicatif que le lieu de travail de Monsieur [R] [M] est administrativement rattaché au siège social de la Société.

Il pourra y exercer ses fonctions, ainsi qu'au showroom situé [Adresse 1] dans le [Localité 6] selon les nécessités de son activité.

En outre, pour les besoins de son activité, il pourra être amené à se déplacer en France ou à l'étranger pour une durée variable, selon la nature de la mission confiée. »

Le salarié conteste qu'il s'agisse d'une clause de mobilité, l'énoncé du lieu de travail étant indicatif et son rattachement au siège social de [Localité 9] étant purement administratif.

La société soutient que la clause en question est bien une clause de mobilité puisqu'elle prévoit les lieux possibles d'affectation du salarié.

La cour constate que le contrat de travail prévoit que le salarié pourra exercer ses fonctions au siège social de la société, ainsi qu'au showroom situé [Adresse 1] dans le [Localité 6] "selon les nécessités de son activité".

Une clause de de mobilité est une clause par laquelle l'employeur se réserve la possibilité de modifier le lieu habituel de travail du salarié.

Au cas d'espèce, la clause insérée au contrat prévoit en réalité deux lieux possibles d'exercice de l'activité habituelle du salarié : le siège social ([Localité 9]) et le showroom sis à [Localité 6], "selon les nécessités de son activité". Il s'agit bien là d'une clause de mobilité.

2-Sur la validité de la clause de mobilité

Le salarié soutient que faute de définition de zone géographique précise la clause n'est pas valable.

Il souligne que la clause n'a pas été appliquée de bonne foi par l'employeur dans la mesure, ou un an après son licenciement, le groupe LBY faisait toujours état de son showroom de [Localité 6] et qu'à la date de la mise en oeuvre de son licenciement, la société procédait à la création d'un nouveau showroom sis [Adresse 4] à [Localité 8].

Enfin , le salarié indique que l'application de la clause de mobilité porterait atteinte à sa vie personnelle et familiale , ses enfants étant scolarisés depuis toujours à [Localité 7], son épouse y ayant ses activités professionnelles lesquelles ne peuvent être déplacées en province. Ses parents vivent également à [Localité 7].

L'employeur soutient que la clause est valable dans la mesure ou elle définit de façon précise la zone géographique d'application, à savoir le showroom parisien et le siège social sis à [Localité 9], le salarié sachant pertinemment qu'il pouvait être amené à exercer ses fonctions à [Localité 7] ou à [Localité 9], ce choix relevant de son pouvoir de direction. La société précise que le terme "indicatif"est relatif au rattachement administratif au siège lequel n'est pas contractualisé.

L'employeur soutient que la mutation à [Localité 9] constitue en conséquence une simple modification des conditions de travail du salarié.

L'employeur précise que le salarié sait très bien que le showroom sis [Adresse 1] à [Localité 6] a fermé suite au congé donné par le bailleur, peu important que le site du groupe le mentionne toujours. Il indique que l'ouverture du showroom à [Localité 8] est indifférent, la société ayant un intérêt légitime à réunir l'ensemble des équipes en charge de l'identité visuelle à [Localité 9]. La société indique qu'elle a ainsi mis en oeuvre de bonne foi la clause de mobilité.

Enfin la société indique que le salarié ne rapporte pas la preuve que sa nouvelle affectation aurait gravement porté atteinte à sa vie personnelle et familiale.

2-1- Sur la zone géographique de mobilité

Le champs de mobilité est précis puisque les deux lieux possibles d'exercice de l'activité professionnelle sont désignés. Il n'y a aucun aléa géographique.

Si le salarié a exercé son activité , à titre habituel à [Localité 6], il ne s'en est pas suivi un droit acquis à y exercer de façon pérenne son activité professionnelle.

2-2- Sur les conditions de la mise en oeuvre de la clause de mobilité

La mise en oeuvre de la clause de mobilité doit être conforme à l'intérêt de la société et à la bonne foi contractuelle laquelle est présumée si bien qu'il incombe au salarié de démontrer que cette décision a été prise pour des rasions étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi.

Au cas d'espèce, la société démontre qu'elle a donné congé, le 28 novembre 2017 à effet du 31 mai 2018, du bail commercial du showroom sis à [Localité 6].

Le salarié ne démontre pas que le motif invoqué par la société de sa mutation à [Localité 9], à savoir le regroupement des équipes en charge de l'identité visuelle de la marque sur un même lieu de travail, n'est pas réel, peu important l'ouverture d'un autre showroom à [Localité 8].

Par ailleurs, le salarié a été averti 4 mois à l'avance de sa mutation, la société ayant ainsi respecté un délai de prévalence permettant au salarié de s'organiser.

Il ne peut être retenu que l'employeur a mis en oeuvre de mauvaise foi ou de manière abusive la clause de mobilité.

2-3- Sur l'atteinte grave à la vie personnelle et familiale

Le salarié ne justifie pas que sa mutation à [Localité 9] portait une atteinte grave à sa vie personnelle et familiale, le seul fait de devoir déménager à 700 kilomètres étant insuffisant à caractériser le caractère de gravité invoqué.

3-Sur la rupture du contrat de travail

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 20 juillet 2018, il est fait grief à M. [R] [M] d'avoir refusé son changement de lieu de travail à compter du 2 juillet 2018, lequel lui a été notifié par courrier en date du 28 février 2018, en dépit de la clause de mobilité insérée das son contrat de travail et en conséquence d'avoir été en absence injustifée faute d'avoir rejoint son poste à [Localité 9].

Il a été dit plus haut que la clause de mobilité insérée au contrat est valable, qu'elle a été mise en oeuvre conformément aux intérêts légitimes de la société et de bonne foi, sans porter gravement atteinte à la vie personnelle et familiale de M. [R] [M].

Le changement d'affectation du salarié ne constituait pas une modification du contrat de travail mais un simple changement de ses conditions de travail.

Dès lors, le salarié, qui a refusé de manière abusive sa mutation, a bien commis une faute grave justifiant son licenciement.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a dit fondé sur une faute grave le licenciement de M. [R] [M] et en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes financières afférentes.

4-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, M. [R] [M] est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [R] [M] et la SAS TNT Serge Blanco de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne M. [R] [M] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/07994
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;20.07994 ?
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