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15/02/2023 | FRANCE | N°20/06954

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 15 février 2023, 20/06954


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 15 FEVRIER 2023



(n° 2023/75 , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06954 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQWM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/01560



APPELANT



Monsieur [L] [C]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0532



INTIMEES



Me [U] [O] (SELAFA MJA) - Mandataire liquidateur de S.A.R.L. FLORO

[Adresse 1]

[Localit...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 15 FEVRIER 2023

(n° 2023/75 , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/06954 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCQWM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/01560

APPELANT

Monsieur [L] [C]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0532

INTIMEES

Me [U] [O] (SELAFA MJA) - Mandataire liquidateur de S.A.R.L. FLORO

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Cédric LIGER de l'AARPI ITER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1065

Association L'UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société FLORO exerçait une activité de restauration exploitant le restaurant LE GRAY PARIS situé [Adresse 3].

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps plein du 5 mars 2018, M. [L] [C] a été engagé par la SARL Floro en qualité de chef junior de cuisine, statut agent de maîtrise, niveau 4 échelon 1, moyennant un salaire mensuel de 2691,83 euro . La durée de travail hebdomadaire était fixée à 39 heures.

La convention collective applicable est celle des hôtels cafés et restaurants.

M. [L] [C] a adressé une lettre de démission à son employeur par courrier du 11 janvier 2019, avec effet au 11 février 2019.

M. [L] [C] a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris en sa formation des référés le 24 janvier 2019 afin de solliciter le paiement de ses salaires pour les mois d'octobre, novembre et décembre 2018. Il a été partiellement fait droit à sa demande par ordonnance du 27 février 2019, le Conseil de prud'hommes condamnant la société Floro à payer au salarié son salaire du mois de décembre 2018, à hauteur de 2 609,73 € bruts, outre une indemnité compensatrice de congés payés de 807,55 € .

M. [L] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 22 février 2019 aux fins de voir requalifier sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir condamner la SARL Floro à lui payer diverses sommes dont un rappel de salaire pour des heures supplémentaires.

Par jugement en date du 13 mars 2019, le tribunal de commerce de Paris a placé la société Floro en redressement judiciaire, la SCP Abitbol & [Z], prise en la personne de Me [E] [Z], étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [O] [U], en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement en date du 16 juillet 2020, le tribunal de commerce de Paris a arrêté un plan de redressement pour une durée de dix ans, désigné Monsieur [B] [R] comme tenu d'exécuter le plan de redressement et a nommé la SCP ABITBOL & [Z] en la personne de Maître [E] [Z] en qualité de commissaire à l'exécution du plan, mettant fin par la même occasion à ses missions d'administrateur.

Par jugement en date du 31 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Paris, statuant en formation de jugement a :

- Débouté M. [L] [C] de l'ensemble de ses demandes.

- Débouté la SARL Floro de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamné M. [L] [C] aux entiers dépens.

Le jugement a été notifié par lettre du greffe adressée aux parties le 6 octobre 2020.

Par déclaration au greffe en date du 16 octobre 2020 M. [C] a régulièrement interjeté appel de la décision.

Par jugement du 25 octobre 2022, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL Floro et désigné la SELAFA MJA, prise ne la personne de Me [O] [U] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 28 novembre 2022, M. [L] [C] demande à la cour :

-d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et,

statuant à nouveau, de

-prononcer la requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-fixer au passif de la SARL Floro les créances suivantes :

* 16 150,98 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 2 692,64 euros à titre d'indemnité de licenciement légale ;

* 5 383,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 538,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

* 3 230,19 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

* 8 075,50 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail;

* 16 150,98 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour dissimulation d'emploi salarié ;

* 6 632,28 euros à titre d'indemnité pour heures supplémentaires impayées ;

* 663,22 euros à titre de congés payés sur heures supplémentaires ;

* 451,20 euros au titre d'indemnité de déplacement (frais de transport) ;

* 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale et mise en danger d'autrui ;

* 2 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de remise des documents sociaux dans les délais prescrits par la loi.

-ordonner la remise d'une attestation de salaire destinée à la CPAM, d'une attestation pôle emploi, d'un certificat de travail et de fiches de paies pour la période du 5 mars 2018 au 11 février 2019 conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50,00 euros par document et par jour de retard,

-déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA IDF,

-condamner Me [U], liquidateur judiciaire de la SARL Floro, au paiement de la somme de 2 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 25 novembre 2022, la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [O] [U], agissant es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau, de

-débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes;

-condamner M. [C] à payer à la société Floro à la somme de 2 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens

Par conclusions remises via le réseau virtuel des avocats le 8 décembre 2022, l'association UNÉDIC Délégation AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et,

statuant à nouveau,

-débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes,

subsidiairement,

-réduire à de plus justes proportions les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse tout en déboutant M. [C] de ses demandes indemnitaires injustifiées.

Elle formulait également les demandes suivantes :

" Sur la garantie de l'AGS :

Dire et juger que s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale.

Vu l'adoption du plan de redressement,

Dire et juger que l'adoption d'un plan de redressement par continuation fait présumer que la société, redevenue in bonis, sera en mesure d'assumer seule les sommes qui pourraient être mises à sa charge lors de la présente audience.

Dire et juger que la décision à intervenir ne sera opposable à l'AGS, en vertu de l'article L. 3253-20 du code du travail, qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur,

Dire et juger la garantie de l'AGS subsidiaire.

Dans l'hypothèse où le Conseil requalifierait la démission en prise d'acte,

Déclarer inopposables à l'AGS les indemnités de rupture qui pourraient être fixées au passif de la procédure collective de la société FLORO ;

En tout état de cause,

Dire et juger que la garantie ne pourra intervenir qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par l'employeur et sur présentation d'un relevé de créances salariales ;

Dire et juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du Code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du Code du travail, les astreintes, l'indemnité pour travail dissimulé ou article 700 du Code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie.

Dire et juger qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié, le plafond des cotisations maximum au régime d'assurance chômage, en vertu des dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du Code du travail ;

Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance (dont les dépens) sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'UNÉDIC AGS."

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2022.

A l'audience du 12 décembre 2022, il a été procédé au rabat de la clôture par simple mention au dossier compte tenu des conclusions déposées postérieurement. La nouvelle clôture est intervenue le 12 décembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1-Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.

Par ailleurs, même en l'absence d'accord exprès, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, le salarié produit ses plannings et un tableau établi par ses soins récapitulant ses horaires de travail sur la période concernée, un calcul des heures supplémentaires sollicitées sur la base de ce tableau et ses bulletins de paie de mars à novembre 2018.

Ce faisant, il produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse cependant, le liquidateur se contente de critiquer les éléments de preuve ainsi communiqués sans produire les propres élements de contrôle de la société en sorte qu'il convient de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont bien été effectuées.

Si le liquidateur souligne que les bulletins de paie mentionnent le versement de 17,33 heures supplémentaires, la cour constate que le salarié ne réclame pas le paiement des heures effectuées entre la 36 et la 39 ème heure, correspondant au paiement de ces heures.

Au regard des éléments produits de part et d'autre, il n'y a pas lieu de remettre en cause le décompte du salarié.

Il convient dès lors de fixer au passif de la société Floro la somme de 6632,28 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 663,22 euros au titre de congés payés afférents.

Le jugement est infirmé sur ce point.

2-Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au cas d'espèce, il n'est pas établi d'élément intentionnel de la SARL Floro.

Le salarié est débouté de ce chef et le jugement confirmé.

3-Sur la demandes au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Les bulletins de paie démontrent que le salarié a pris un certain nombre de congés, lui même indiquant dans son décompte des heures supplémentaires qu'il a pris des congés du 25 juin au 8 juillet 2018 à l'occasion de son mariage. Par ailleurs, l'AGS verse aux débats le décompte des sommes déja versées au salarié, dont une somme de 2450,19 euros à titre d'indemnité de congés payés pour la période allant du 1 er juin 2018 au 11 février 2019.

Dès lors, le salarié ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé.

4-Sur la demande d'indemnité de déplacement

Le salarié ne justifie en rien sa demande de ce chef dont il n'est d'ailleurs même pas fait mention dans les motifs des conclusions.

Dès lors, le salarié ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé.

5- Sur la demande de requalification de la démission de M. [L] [C] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par courrier en date du 11 janvier 2019, M. [L] [C] a démissionné de ses fonctions, sans réserves.

L'employeur indique que le salarié a très clairement exprimé son souhait de démissionner et que sa saisine du CPH, postérieurement à la lettre de démisssion ne caractérise pas l'existene d'un différend, d'autant qu'il avait déja exprimé sa volonté de démissionner par courrier du 14 septembre 2018, sur lequel il est revenu en accord avec la direction.

Il est de droit que la démission du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de sa démission qu'à la date à laquelle elle a été décidé, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

Le fait que le salarié ait, de manière comtemporaine à sa démission, saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de salaires, ce dont il résulte l'existence d'un différend, rend la démission équivoque et peut être requalifier, le cas échéant, en prise d'acte de la rupture du contrat de travail .

Il appartient au salarié de rapporter la preuve d'un manquement suffisamment grave de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Au cas d'espèce, le salarié invoque l'absence de versemement de son salaire d'octobre 2018 à février 2019, le versement d'une partie de son salaire en espèce, la dissimulation d'emploi salarié, le non paiement de ses heures supplémentaires, le manquement de son employeur à son obligation de sécurité et de protection de sa santé, celui-ci ayant organisé sa visite médicale d'embauche le 15 févrir 2019, soit à une date postérieure à la fin de ses obligations contractuelles.

Le liquidateur indique qu'en ce qui concerne le paiement des salaires, la situation est rentrée dans l'ordre, l'AGS ayant réglé au salarié ses salaires de décembre 2018 à février 2019. Il est indiqué que le défaut de paiement est uniquement dû à la situation financière critique de la société. Le liquidateur ne répond pas pour le surplus.

L'absence de paiement à bonne date des salaires, finalement reconnue par le liquidateur, constitue un manquement grave des obligations contractuelles de l'employeur justifiant à lui seul que la démission soit requalifiée en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

6-1-Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée peut prétendre à un mois de préavis. Il lui est dû de ce chef la somme de 2691,83 euros, outre la somme de 269,18 euros pour les congés payés afférents. Ces sommes seront fixées au passif de la société.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-2-Sur l'indemnité légale de licenciement

Le salarié peut prétendre, compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise (embauche en date du 5 mars 2018) et en application de l'article R 1234-2 du code du travail à la somme de 543,69 euros. Cette somme sera fixée au passif de la société.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-3-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article L 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Le montant de cette indemnité, à la charge de l'employeur, est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par avance au dit article.

Au cas d'espèce, l'indemnité est au maximum d'un mois de salaire.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [L] [C] de son âge au jour de son licenciement ( 27 ans), de son ancienneté à cette même date ( 10 mois), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 2691,83 euros (1 mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette somme sera fixée au passif de la société.

Le jugement est infirmé de ce chef.

7- Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Compte tenu des difficultés réelles connues par la société, il ne peut être retenue de volonté déloyale de la part de la société.

Le salarié est débouté de ce chef.

Le jugement est confirmé.

8- Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche

Le salarié ne démontre aucun préjudice en lien avec l'absence de visite médicale. Dès lors, il ne peut qu'être débouté de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé de ce chef.

9- Sur la demande de dommages et intérêt pour défaut de remise des documents sociaux

Ces documents sont quérables et non portables. Par ailleurs, il est justifié que la société a, par LRAR, en date du 26 février 2019, invité le salarié à venir chercher ces documents.

M. [L] [C] est débouté de cette demande et le jugement confrmé.

10-Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner la remise des bulletins de paie, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit.

11-Sur la garantie de l' AGS

L'AGS doit sa garantie dans les conditions et limites prévues aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail, notamment dans la limite des plafonds visés à l'article L.3253-17

12- Sur les demandes accessoires

Le jugement est infirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile sauf en ce qu'il a débouté la société Floro de sa demande au titre des frais irrépétibles. Il est alloué une somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au salarié, en première instance.

Partie perdante, la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [O] [U], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit du salarié à hauteur de 1000 euros, en cause d'appel.

La SELAFA MJA prise en la personne de Maître [O] [U], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [L] [C] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat, défaut de visite médicale et mise en danger d'autrui, défaut de remise des documents sociaux, de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés, d'indemnité pour travail dissimulé et de frais de déplacement et en ce qu'il a rejeté la demande de la SARL Floro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Requalifie en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse l'acte de démission de M. [L] [C] en date du 11 janvier 2019,

Fixe comme suit les créances de M. [L] [C] au passif de la SARL Floro :

- 2691,83 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 269,18 euros pour les congés payés afférents,

-2691,83 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 543,69 au titre de l'indemnité légale de licenciement,

-6632,28 au titre des heures supplémentaires, outre celle de 663,22 au titre des congés payés afférents,

Ordonne à la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [O] [U], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro de remettre à M. [L] [C] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans astreinte,

Dit que la garantie de l'UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

Dit que la garantie de l'AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l'article D. 3253-5 du Code du travail,

Condamne la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [O] [U], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro à payer à M. [L] [C] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance et en cause d'appel,

Déboute la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [O] [U], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la SELAFA MJA prise en la personne de Maître [O] [U], es qualité de mandataire liquidateur de la SARL Floro aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/06954
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;20.06954 ?
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