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15/02/2023 | FRANCE | N°19/07895

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 15 février 2023, 19/07895


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 15 FEVRIER 2023



(n° 2023/69 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07895 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKYS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/06562



APPELANTE



Madame [M] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Repr

ésentée par Me Aminata NIANGHANE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0063

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/032096 du 02/11/2022 accordée par le bureau ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 15 FEVRIER 2023

(n° 2023/69 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07895 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKYS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/06562

APPELANTE

Madame [M] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Aminata NIANGHANE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0063

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/032096 du 02/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEES

SELAS ETUDE JP en la personne de Maître [B] [J], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société BATOFAR

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Valerie DUTREUILH, avocat au barreau de PARIS, toque : C0479

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST représentée par sa Directrice, Madame [W] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne-france DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R186

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président de chambre

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par contrat de travail à durée déterminée, Mme [M] [Z], née en 1964, a été engagée à temps partiel par la société Bateau Feu en qualité de technicienne de surface du 1er décembre 2009 au 28 février 2010. Le 1er janvier 2010, son contrat a été transféré à la SARL Batofar. Le 26 février suivant, le contrat a été renouvelé jusqu'au 31 mai suivant. Il s'est ensuite de fait poursuivi à durée indéterminée.

La moyenne des trois derniers mois de salaire est de 289, 95 euros brut.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (IDCC 1979).

Le 31 juillet 2013, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire avec mise à pied conservatoire.

Par ordonnance de référé du 5 mars 2014, la société Batofar a été condamnée à payer à Mme [Z] des rappels de salaire pour la période allant d'août 2013 à janvier 2014.

Le 4 août 2017, sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat et la condamnation de son employeur au paiement de sommes salariales et indemnitaires, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris statuant au fond.

Le 1er février 2018, la société Batofar a été placée en liquidation judiciaire, Maître [B] [J] étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par jugement du 14 mars 2019, le conseil a rejeté l'ensemble des demandes de Mme [Z].

Le 10 juillet 2019, la salariée a fait appel de cette décision notifiée le 13 juin précédent.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 octobre 2019, Mme [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de la société Batofar ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Batofar la somme de 12 177, 90 euros, au titre des salaires pour la période d'août 2014 à février 2018 et 1 217, 85 euros de congés afférents ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Batofar la somme de 579, 90 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 57, 99 euros de congés payés sur préavis ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Batofar la somme de 579, 90 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Batofar la somme de 3 500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- ordonner à Me [B] [J], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Batofar, de lui remettre les bulletins de salaire pour la période d'août 2014 à février 2018, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail ;

- déclarer le jugement à intervenir opposable à l'AGS Unedic Ile de France, qui devra faire l'avance des créances ;

- fixer, au passif de la liquidation judiciaire de la société Batofar, une créance de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'une créance au titre des entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 30 décembre 2019, l'AGS demande à la cour :

- principalement, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et débouter Mme [Z] de l'ensemble de ses demandes ;

- subsidiairement, de fixer la date de la résiliation judiciaire au 31 juillet 2013, juger irrecevable car prescrite l'action en paiement de salaire de Mme [Z] sur l'ensemble de la période, ou, à tout le moins, pour la période antérieure au 4 août 2014, débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes de rappels de salaire et de dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire ou, à tout le moins, réduire le montant alloué à de plus justes proportions ;

- en tout état de cause, de juger que, s'il y a lieu à fixation, celle-ci ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale, juger inopposables les créances de rupture résultant de la résiliation judiciaire du contrat de travail, juger qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens dudit article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en oeuvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie, juger que sa garantie ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage mentionnés à ces articles et statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

Bien qu'ayant constitué avocat le 23 août 2019, le liquidateur judiciaire de la société Batofar n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 décembre 2022, 13h30.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 : Sur la résiliation judiciaire

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée aux torts de l'employeur en cas de manquements de celui-ci d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Par ailleurs, l'employeur a l'obligation de fournir du travail au salarié et de lui verser la rémunération prévue. Même si l'employeur ne fournit pas de travail, le salarié qui reste à la disposition de l'employeur est donc en droit d'exiger le paiement de son salaire.

L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail, qui ne constitue pas une prise d'acte de la rupture, ne met pas fin au contrat de travail et implique la poursuite des relations contractuelles dans l'attente de la décision du juge du fond. La résiliation judiciaire produit ainsi effet au jour où le juge la prononce, à la double condition que le contrat de travail n'ait pas été rompu entre-temps et que le salarié soit toujours au service de son employeur.

La rupture du contrat de travail par résiliation judiciaire aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au cas présent, après la mise à pied conservatoire du 31 juillet 2013, la société n'a plus fourni de travail à sa salariée sans engager de procédure de licenciement et ce, malgré le courrier de relance de cette dernière du 10 octobre 2013. La société n'a pas davantage réglé ses salaires.

Au regard de la gravité des manquements constatés, ces faits rendent impossible la poursuite de la relation de travail peu important leur ancienneté.

Dans la mesure où il n'est démontré ni que le contrat de travail a été rompu en amont ni que la salariée n'était plus au service de son employeur, il n'y a pas lieu, contrairement à ce que soutiennent les AGS, de fixer la prise d'effet de cette résiliation dès le 31 juillet 2013.

Conformément à la demande de la salariée, il convient donc d'ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effets au jour de la cessation d'activité de l'entreprise le 1er mars 2018.

Le jugement du conseil qui a rejeté cette demande sera infirmé sur ce point.

2 : Sur les conséquences financières de la rupture

2.1 : Sur les rappels de salaire

2.1.1 : Sur la prescription

En application de l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat

Le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible et, pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle de paiement des salaires.

Dès lors, au cas présent, la salariée qui a saisi le conseil le 4 août 2017 était recevable à agir. Elle peut réclamer l'ensemble des salaires exigibles postérieurement au 4 août 2014. Dès lors, sa demande qui porte sur des salaires d'août 2014 à février 2018 ne saurait être déclarée irrecevable comme prescrite.

Le jugement devant être infirmé de ce chef.

2.1.2 : Sur le fond

L'employeur qui en a la charge ne démontre pas que la salariée ne se tenait pas à sa disposition. Il n'établit pas davantage avoir réglé les salaires de celle-ci qui étaient dus malgré l'absence de fourniture de travail. Il convient dès lors de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Batofar la somme de 12 177, 90 euros, au titre des salaires pour la période d'août 2014 à février 2018, outre 1 217, 85 euros de congés afférents.

Le jugement sera complété de ce chef.

2.2 : Sur l'indemnité compensatrice de préavis les congés payés afférents

Le préavis étant de deux mois, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Batofar la somme de 579, 90 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 57, 99 euros de congés payés sur préavis.

Le jugement sera complété de ce chef.

2.3 : Sur l'indemnité de licenciement

Il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Batofar la somme de 579, 90 euros d'indemnité légale de licenciement.

Le jugement sera complété de ce chef

2.4 : Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au jour de la prise d'effet de la résiliation judiciaire, en l'absence de preuve par Mme [Z] d'un préjudice justifiant l'allocation d'un montant supérieur, il convient de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Batofar la somme de 870 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera complété de ce chef.

3 : Sur la garantie de l'AGS

Le présent arrêt est opposable à l'AGS dans les limites de sa garantie. Celle-ci ne saurait exclure les sommes allouées en raison de la résiliation judiciaire du contrat, ce mode de rupture produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse peu important que l'employeur ne soit pas directement à l'origine de la rupture en ayant pris l'initiative de licencier le salarié.

4 : Sur les demandes accessoires

Les condamnations de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la signature par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil pour les sommes échues avant cette date et jusqu'au 1er février 2018, date d'ouverture de la procédure de liquidation qui arrête le cours des intérêts. Pour les salaires échus postérieurement, ils porteront intérêts à compter de leur date d'exigibilité et jusqu'au 1er février 2018.

Il convient d'ordonner à Me [B] [J], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Batofar, de remettre à Mme [Z] les bulletins de salaire pour la période d'août 2014 à février 2018, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail et ce sous quinzaine de la signification de la présente décision.

Il y a lieu d'infirmer le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles. Maître [J] ès qualité sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande en revanche de rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 14 mars 2019 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Ordonne la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [M] [Z] aux torts de l'employeur avec effets au 1er février 2018 ;

- Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de rappels de salaire;

- Fixe au passif de la SARL Batofar la somme de 12 177, 90 euros, au titre des salaires pour la période d'août 2014 à février 2018, outre 1 217, 85 euros de congés afférents ;

- Fixe au passif de la SARL Batofar la somme de 579, 90 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 57, 99 euros de congés payés sur préavis ;

- Fixe au passif de la SARL Batofar la somme de 579, 90 euros d'indemnité légale de licenciement ;

- Fixe au passif de la SARL Batofar la somme de 870 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit que le présent arrêt est opposable à l'AGS dans les limites de sa garantie qui ne saurait exclure les sommes allouées en raison de la résiliation judiciaire du contrat ;

- Rappelle que les sommes de nature salariale échues avant la signature par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil porteront intérêt au taux légal à compter de cette date jusqu'au 1er février 2018 ;

- Rappelle que les sommes de nature salariale échues après la signature par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil porteront intérêt au taux légal à compter de leur date d'exigibilité jusqu'au 1er février 2018 ;

- Ordonne à Maître [B] [J], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Batofar, de remettre à Mme [M] [Z] ses bulletins de salaire pour la période d'août 2014 à février 2018, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail sous quinzaine de la signification de la décision ;

- Rejette la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne Maître [B] [J], ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Batofar aux dépens de première instance et d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/07895
Date de la décision : 15/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-15;19.07895 ?
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