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10/02/2023 | FRANCE | N°18/13552

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 10 février 2023, 18/13552


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 10 Février 2023



(n° , 8 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13552 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6264



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 17-01486





APPELANTS

Association MADAME [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]
>représentée par Me Jean-Luc MATHON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0458



INTIMEE

URSSAF - ILE-DE-FRANCE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Mme [R] [E] en vertu d'un pouvoir général
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 10 Février 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13552 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6264

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'EVRY RG n° 17-01486

APPELANTS

Association MADAME [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Jean-Luc MATHON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0458

INTIMEE

URSSAF - ILE-DE-FRANCE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

représentée par Mme [R] [E] en vertu d'un pouvoir général

PARTIES INTERVENANTES

Madame [B] [G]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparante en personne

Monsieur [J] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparant en personne

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre,

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre,

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller,

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par l'Association Madame [Y] d'un jugement rendu le 8 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry dans un litige l'opposant à l'URSSAF Île de France.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Sur réquisition du procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Evry, un contrôle inopiné conjoint entre la gendarmerie et l'URSSAF Île de France dans le cadre du comité départemental opérationnel Antifraude a été effectué le 26 avril 2016 au centre équestre situé [Adresse 3]. Ce centre était exploité par l'Association Madame [Y]. Il était constaté la présence d'une personne en situation de travail, Mme [B] [G]. Les enquêteurs établissaient qu'aucune déclaration préalable à l'embauche n'avait été souscrite. Un procès-verbal était établi par la gendarmerie constatant l'infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié. Une lettre d'observations était notifiée à l'employeur le 6 octobre 2016 portant rappel de cotisations pour 30 662 euros et de majorations de retard pour 7 672 euros portant sur deux points : le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et le travail dissimulé par minoration d'assiette s'agissant de versements au profit du président de l'association. A la suite des observations de l'association, une nouvelle lettre notifiant le redressement a été adressée le 23 novembre 2016, la somme appelée étant réduite à 23 759 euros de cotisations et 5 947 euros de majorations pour travail dissimulé qui a fait l'objet de nouvelles observations. Une seconde lettre d'observations a été adressée le 11 avril 2017 pour la somme de 23 759 euros de cotisations et 5 946 euros de majorations pour travail dissimulé. Une mise en demeure a été adressée le 14 août 2017 et l'Association Madame [Y] a formé un recours devant la commission de recours amiable puis a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une contestation de la décision implicite de rejet. Le 12 mars 2018, la commission de recours amiable notifiait la décision de rejet de la contestation.

Par jugement en date du 8 novembre 2018, le tribunal a déclaré le recours recevable et mal fondé et a confirmé la décision de la commission de recours amiable du 12 mars 2018. Il a condamné l'Association Madame [Y] au paiement de la somme de 32 338 euros dont 29 705 euros au titre des cotisations et 2 633 euros au titre des majorations de retard.

Le tribunal a relevé que la procédure de contrôle sur réquisitions du procureur était conforme aux dispositions la régissant, peu important les éléments à l'origine de celui-ci. Il a retenu que l'article L8273-6-1 du code du travail permet de recueillir les déclarations des personnes présumées être rémunérées par l'employeur sur le site afin de connaître ses activités. En outre, les Officiers de Police Judicaire sont intervenus conformément aux dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale. Les déclarations de Mme [B] [G] ont été conformes au premier de ces textes et celles de M. [J] [S], directeur de l'Association Madame [Y] conformes au second. Le tribunal a rejeté l'explication tirée de l'entraide familiale et du bénévolat en raison des contreparties de monte de chevaux n'appartenant pas à Mme [B] [G], des contreparties financière et des horaires. S'agissant du travail du directeur, le tribunal a relevé des flux financiers à son profit à partir des comptes de l'association outre des frais kilométriques pris en charge directement par l'association, sans aucune justification.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 13 novembre 2018 à l'Association Madame [Y] qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 30 novembre 2018.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, l'Association Madame [Y] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- annuler le contrôle concernant Mme [B] [G] ;

- subsidiairement, déclarer infondé le redressement la concernant ;

- déclarer infondé le redressement concernant M. [J] [S] ;

- déclarer nulle et de nul effet la mise en demeure de l'URSSAF Île de France du '14 août 2014" ;

- en tout état de cause, dire que le redressement de la somme de 11 967,50 euros - remboursée à M. [J] [S] au titre de son compte courant - est injustifié ;

- condamner l'URSSAF Île de France à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF Île de France demande à la cour de :

- déclarer recevable mais non fondé l'appel de l'Association Madame [Y] ;

- confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry en date du 8 novembre 2018 en toutes ses dispositions ;

- condamner l'Association Madame [Y] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [B] [G] et M. [J] [S], régulièrement convoqués, ont comparu et ont maintenu qu'il n'existait aucune relation de travail pour Mme [B] [G] et aucune rémunération pour M. [J] [S].

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 8 décembre 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE :

- sur la nullité du contrôle concernant Mme [B] [G] :

L'Association Madame [Y] expose qu'aux termes de la lettre initiale d'observations de l'URSSAF du 6 octobre 2016 et de sa lettre d'observations du 11 avril 2017, les faits dénoncés de travail clandestin sont corroborés par les auditions de deux autres victimes auprès des services de gendarmerie de [Localité 7] au cours du mois de mars 2016, témoins non cités, mais en fait deux anciens clients, M. et Mme [X] [F] ; que le contrôle a donc pour genèse une dénonciation et pour motifs initiaux des procès-verbaux de gendarmerie non produits, antérieurs à celui-ci ; que la procédure de redressement est donc entachée d'irrégularité pour atteinte au principe du contradictoire ; qu'en outre, l'audition de Mme [B] [G] a été réalisée sans qu'elle la signe et sous contrainte morale, au poste de gendarmerie et non sur site ; que la signature de M. [J] [S] sur le procès-verbal du 26 avril 2016 n'a pas été donnée en connaissance de cause, celui-ci n'ayant pas entendu Mme [B] [G] tenir les propos rapportés dans ce procès-verbal ; qu'il s'agit d'une violation des dispositions de l'article L 8271-6-1 du code du travail ; que les attestations de Mme [B] [G], conformes aux dispositions légales, prouvent que ses déclarations à la gendarmerie de [Localité 7] ne sont pas fiables et que le redressement corrélatif est injustifié.

L'URSSAF Île de France réplique que le contrôle opéré, dans le centre équestre exploité par l'Association Madame [Y] le 26 avril 2016 par le CODAF sur réquisitions du Parquet d'Evry par les services de la Gendarmerie et elle-même, n'est pas un contrôle comptable de l'assiette des cotisations sociales régit par les dispositions de l'article R.243-59 du code de la Sécurité Sociale mais un contrôle inopiné dont l'objet est la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé mentionnées à l'article L.8221-1 du Code du Travail ; que par conséquent les règles applicables en matière d'audition des personnes différent et les inspecteurs du recouvrement disposent dans l'hypothèse d'un contrôle inopiné de prérogatives élargies concernant le lieu de l'audition ; qu'en l'espèce, ce sont les services de gendarmerie qui font référence aux déclarations de Mme [B] [G] dans le PV 1032/2016 en date du 26 avril 2016 ; que la tentative de justification avancée par le conseil de l'Association invoquant un différend entre le Président de l'Association, M. [J] [S] et un client, M. [F], ne sont pas de nature à remettre en cause le constat de travail dissimulé concernant Mme [B] [G]; que ce conflit est en effet sans rapport avec les faits reprochés se rapportant à l'emploi d'une personne non déclarée à l'Urssaf ; que, concernant les autres victimes qui auraient été auditionnées par les services de Gendarmerie, ces auditions ne sont pas mentionnées dans le procès-verbal de la gendarmerie du 22 avril 2016 fondant le redressement.

L'article L 8271-1 du code du travail dispose que : « Les infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 sont recherchées et constatées par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 dans la limite de leurs compétences respectives en matière de travail illégal ».

L'article L 8271-1-2 du même code cite comme agents de contrôle compétents, notamment les officiers et agents de police judiciaire et les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés.

Dans ce cadre, l'article L 8271-6-1 énonce que : « Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.

Conformément à l'article 28 du code de procédure pénale, l'article 61-1 du même code est applicable lorsqu'il est procédé à l'audition d'une personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

Ces auditions peuvent faire l'objet d'un procès-verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues.

Ces agents sont en outre habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu'à toute personne dont ils recueillent les déclarations dans l'exercice de leur mission de justifier de leur identité et de leur adresse ».

En l'espèce, l'audition de Mme [B] [G] figure au procès-verbal de contrôle et ne fait pas l'objet d'un procès-verbal d'audition spécifique. Les termes du procès-verbal font état d'une audition sur le lieu du contrôle.

Si les dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale permettent la vérification de l'identité d'un témoin pour nécessité de l'enquête, elles ne peuvent être utilement invoquées en l'espèce, dès lors qu'il s'agissait de recueillir les déclarations de Mme [B] [G].

Dès lors, l'Officier de Police Judiciaire, agent habilité à constater des infractions de travail dissimulé par l'article L 8271-1-2 du code du travail, était tenu de respecter les termes de l'article L 8271-6-1 du même code. Mme [B] [G] ayant été considérée comme salariée potentielle de l'Association Madame [Y], il appartenait de mentionner dans le procès-verbal que ses déclarations avaient été recueilles avec son consentement. Tel n'est pas le cas, en violation des dispositions précitées.

La lettre d'observations fait état de cette audition au soutien de la démonstration de l'existence d'un travail dissimulé la concernant.

Or, les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d'investigation sont d'application stricte (2e Civ., 19 septembre 2019, pourvoi n° 18-19.929).

Il en résulte que la société a été privée d'une garantie de fond qui vicie le contrôle opéré et le redressement pour travail dissimulé fondé sur leurs constatations (2e Civ., 9 octobre 2014, pourvoi n° 13-19.493, Bull. 2014, II, n° 204).

Il en résulte que le redressement concernant l'emploi présumé de Mme [B] [G] doit être annulé.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point.

- sur le redressement concernant M. [J] [S] :

L'Association Madame [Y] expose que M. [J] [S] n'a perçu aucune rémunération au titre de ses activités au sein du centre équestre qu'il anime à titre bénévole ; que les sommes qu'il a perçues en espèces, en chèques ou en virement l'ont été à titre, d'une part, de remboursement de sa créance résultant de l'apport à son profit d'un camion- van qui lui appartenait et, d'autre part, d'indemnités kilométriques ; qu'elle est propriétaire d'un camion-van Peugeot pour transport des chevaux, ainsi que le mentionne le certificat d'immatriculation de ce véhicule ; que, parallèlement, M. [J] [S] et son épouse, Mme [A] [L], sont propriétaires d'un véhicule 4X4 Toyota utilisé pour les besoins du centre équestre ; que M. [J] [S] règle les dépenses de ce véhicule 4X4 Toyota (carburant, péages, entretien garage) avec son compte personnel [5] lorsqu'il l'utilise pour les besoins du club équestre ; que son dirigeant fait également des déplacements fréquents à son profit dans un élevage de Bretagne, les Ecuries Rivière qui prend en pension des chevaux lui appartenant en propre ou en propriété commune, région dans laquelle des soins leur sont dispensés par un maréchal-ferrant ; que M. [J] [S] était propriétaire d'un camion-van Peugeot reçu en héritage de son père qui a été repris par le garage [8] pour la somme de 12 500 euros suivant devis du 17 mai 2014 dans le cadre de la vente d'un camion-van neuf de marque Peugeot d'un montant de 48 685,63 euros H.T. suivant facture du 26 septembre 2014 ; que ce camion-van immatriculé [Immatriculation 4] a été cédé au garage [8] suivant déclaration à la préfecture du 3 octobre 2014 ; que le nouveau camion-van immatriculé DK 143 RE le 3 octobre 2014 a été financé en totalité par un crédit-bail de 48 685,63 euros H.T. versé au fournisseur [8] dont le montant du premier loyer de 12 500 euros lui a été remboursé à hauteur de 11 967,50 euros suivant virement du 9 octobre 2014 au titre de la reprise du van [Immatriculation 4] ; que c'est ainsi que le compte de M. [J] [S] dans ses livres a été crédité de ladite somme de 11 967,50 euros le 9 octobre 2014 ; que les justifications des dépenses de déplacement sont reprises dans le grand livre comptable, le récapitulatif des distances parcourues, l'ensemble de ses déplacements ayant été vérifié ; que les sommes perçues ne se rattachant nullement à la rémunération d'une activité mais à la seule activité de l'association, la régularisation projetée est dénuée de tout fondement sauf à dénaturer les documents clairs et précis produits.

L'URSSAF Île de France réplique que M. [J] [S], président de l'Association Madame [Y], a reconnu le 20 juillet 2016 ne tenir aucune comptabilité et ne pas avoir conservé les documents relatifs aux échanges financiers permettant de justifier du fonctionnement de l'association ; que la comptabilité a été établie postérieurement au contrôle du 26 avril 2016 à la demande des inspecteurs du recouvrement pour avoir une image comptable du fonctionnement de la structure ; que plusieurs versions de la comptabilité pour les années 2014 et 2015 ont été produites lors des entretiens des inspecteurs du recouvrement avec le président les 20 juillet 2016 et le 20 septembre 2016 ; que les inspecteurs du recouvrement ont bien rappelé que la valeur du véhicule apporté par M. [J] [S] à l'occasion de l'achat d'un van au profit des écuries a correctement été exclue des bases prises en compte dans les chiffrages ; que le justificatif concernant les frais d'ostéopathie a permis l'annulation de la quote-part du redressement s'y rapportant ; que concernant les autres sommes qualifiées de frais (frais de bouche, de téléphone, de médecine de ville, de restauration) les redressements y afférents ont été annulés par mesure de tolérance malgré l'absence d'éléments justificatifs ; que ces éléments ont donc justifié le nouveau chiffrage notifié par lettre d'observations du 11 avril 2017 ; que l'Association Madame [Y] prend directement en charge la totalité des frais de carburant et d'entretien du véhicule de M. [J] [S] et tous les frais de péage et de stationnement ; que lors de ses déplacements ce dernier ne supporte donc aucun frais ; que la valorisation d'une indemnité kilométrique a pour finalité la compensation des charges relatives au coût d'achat et d'utilisation du véhicule et de ses équipements, aux frais de carburant, aux frais d'assurance et aux frais d'entretien (pneus, révisions, contrôle technique, réparations) ; que ces indemnités kilométriques ne peuvent se cumuler avec la prise en charge directe par l'association des frais induits par les déplacements ; que M. [J] [S] n'a pas été en mesure de justifier la réalité des kilomètres parcourus ou la moindre dépense de carburant ou d'entretien concernant son véhicule personnel ; que, par conséquent, les sommes perçues par ce dernier en numéraire ne pouvant être rattachées à l'activité de l'association sont à réintégrer dans l'assiette des cotisations sociales.

La lettre d'observations du 6 octobre 2016 mentionne le fait qu'au jour du contrôle, M. [J] [S] a reconnu que l'association fonctionnait sans comptabilité, ce qui a obligé l'inspecteur du recouvrement à exercer son droit de communication auprès des organismes bancaires. Les inspecteurs du recouvrement font part pour 2014 de l'existence de flux financiers au profit de M. [J] [S] incluant notamment des indemnités kilométriques, des frais de carburant, des frais d'entretien du véhicule personnel de ce dernier. Il est notamment relevé que celui-ci n'est pas en mesure de justifier la comptabilisation des frais kilométriques à son profit alors que l'association prend en charge la totalité de ses frais de carburant, l'entretien de son véhicule et tous ses frais de péage. Concernant l'année 2015, les mêmes constatations sont opérées. S'agissant de l'année 2016, il a été constaté des retraits en espèces, non justifiés.

En réponse aux observations de l'Association Madame [Y], les inspecteurs du recouvrement ont accepté de déduire du chiffrage les frais y compris d'ostéopathie, hors indemnités kilométriques, ainsi que la valeur du véhicule apporté par M. [J] [S] dans le cadre de l'achat d'un nouveau van, de telle sorte que, sur ce dernier point, la contestation de l'Association Madame [Y] n'est pas fondée.

Les inspecteurs du recouvrement ont alors émis une seconde lettre d'observations du 11 avril 2017 maintenant le principe du redressement et mentionnant les nouveaux calculs des cotisations appelées. Ils ont répondu le 4 mai 2017 aux observations de l'Association Madame [Y].

Les questions qui restent posées sont donc celles du cumul des indemnités kilométriques avec le remboursement intégral des frais d'utilisation du véhicule de M. [J] [S] par l'Association Madame [Y] et du versement de numéraire ou de chèques sans justification ainsi que la qualification qu'il convient de leur donner, l'URSSAF Île de France considérant que M. [J] [S] est présumé salarié, le contrôle portant sur la réintégration dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.

Le redressement étant fondé par les articles L 242-1 et L 136-2 du code de la sécurité sociale et l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 ensemble, il appartient à l'URSSAF Île de France de démontrer que M. [J] [S] a la qualité de dirigeant assimilé salarié, alors qu'il se revendique bénévole.

Il appartient ensuite à l'Association Madame [Y] de démontrer que les indemnités kilométriques versées à M. [J] [S] sont justifiées par des dépenses laissées à sa charge du fait de la mise à disposition de l'association de son véhicule.

L'article L 311-3 du code de la sécurité sociale dans ses versions successives issues de la loi n° 2014-1154 du 22 décembre 2014 et de la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015, dont les termes sont identiques relativement au paragraphe 22° énonce que :

« Sont notamment compris parmi les personnes auxquelles s'impose l'obligation prévue à l'article L. 311-2, même s'ils ne sont pas occupés dans l'établissement de l'employeur ou du chef d'entreprise, même s'ils possèdent tout ou partie de l'outillage nécessaire à leur travail et même s'ils sont rétribués en totalité ou en partie à l'aide de pourboires :

22° Les dirigeants des associations remplissant les conditions prévues au deuxième alinéa du d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts ; ».

Selon l'article 261 du code général des impôts dans sa version applicable au litige, sont exonérés de TVA, les services de caractère social, éducatif, culturel ou sportif rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée. Le paragraphe « d » alinéa 2 du paragraphe 7 - 1° précise en outre que l'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation.

L'Association Madame [Y] répondant à la qualification d'association à caractère sportif, son dirigeant social est assimilé de droit à un salarié par application de l'article L 311-3 22°.

L'article L. 242-1 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme une rémunération toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, et notamment les avantages en argent et en nature. L'alinéa 3 mentionne qu'il ne peut être opéré sur la rémunération ou le gain des intéressés servant au calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, de déduction au titre de frais professionnels que dans les conditions et limites fixées par arrêté interministériel.

Selon l'arrêté du 20 décembre 2002, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du salarié que celui-ci apporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

L'article 2 dudit arrêté précise que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

- soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé : l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°) ;

- soit sur la base d'allocations forfaitaires : l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9.

En l'espèce, les pièces comptables versées par l'association confirment l'existence du remboursement des frais réels liés à l'utilisation du véhicule de son dirigeant et le paiement d'indemnités kilométriques pour le même objet. Dès lors, le paiement des indemnités kilométriques ne présentait aucun caractère indemnitaire et doivent être considérées comme des rémunérations du dirigeant.

Dès lors que les frais justifiés sur facture ont été acceptés comme frais professionnels et déduits du décompte des revenus perçus par M. [J] [S], c'est à jute titre que les inspecteurs du recouvrement ont considéré que les retraits en espèces ou par chèques non corrélés par des pièces comptables constituaient des rémunérations.

Les inspecteurs du recouvrement ont donc maintenu à bon droit ce point du redressement dans leur réponse du 4 mai 2017, entraînant les régularisations suivantes d'un montant de 19 060 euros concernant les rémunérations versées à M. [J] [S], soit 3 791 euros pour 2014, 8 694 euros pour 2015 et 6 575 euros pour 2016 incluant la CSG.CRDS, montant auquel s'est ajoutée la majoration pour travail dissimulé de 4 765 euros.

L'Association Madame [Y] ne critique pas la mise en demeure adressée le 14 août 2017 sur la forme, sa demande d'annulation de celle-ci résultant de sa demande d'annulation de la totalité du redressement.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a validé le redressement lié au rémunérations perçues par M. [J] [S] constituant le point n° 2 de la lettre d'observations du 11 avril 2017.

- sur les autres demandes :

L'annulation du chef de redressement n° 1 ne rend pas nulle la mise en demeure, qui ne fait l'objet d'aucune critique sur sa forme, s'agissant d'une question de fond.

L'Association Madame [Y] qui succombe partiellement sera condamnée aux dépens d'appel. La demande formée au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de l'Association Madame [Y] ;

CONFIRME le jugement rendu le 8 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry en ce qu'il a validé le chef de redressement n°2 « travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié : assiette réelle » ;

L'INFIRME pour le surplus ;

STATUANT à nouveau :

ANNULE le chef de redressement n° 1 « travail dissimulé avec verbalisation - dissimulation d'emploi salarié : redressement forfaitaire » ;

DÉBOUTE l'Association Madame [Y] de ses autres demandes ;

DÉBOUTE l'URSSAF Île de France de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE l'Association Madame [Y] aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/13552
Date de la décision : 10/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-10;18.13552 ?
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