La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2023 | FRANCE | N°18/13446

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 10 février 2023, 18/13446


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 10 Février 2023



(n° , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13446 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B62R2



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 14/05188



APPELANTE

SARL [22] ([22])

[Adresse 16]

[Localité 13]

représentée

par Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254



INTIMES

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 23]

[Localité 20]

représent...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 10 Février 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13446 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B62R2

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 14/05188

APPELANTE

SARL [22] ([22])

[Adresse 16]

[Localité 13]

représentée par Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

INTIMES

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 23]

[Localité 20]

représentée par Mme [TX] [I] en vertu d'un pouvoir général

PARTIES INTERVENANTES :

Monsieur [X] [O]

[Adresse 2]

[Localité 17]

comparant en personne, assisté de Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

Monsieur [B] [S]

[Adresse 15]

[Localité 19]

comparant en personne, assisté de Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

Monsieur [T] [J]

[Adresse 10]

[Localité 13]

comparant en personne, assisté de Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

Monsieur [M] [N]

[Adresse 3]

[Localité 13]

comparant en personne, assisté de Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

Monsieur [C] [FM]

[Adresse 21]

[Localité 5] PAYS-BAS

comparant en personne, assisté de Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

Madame [D] [K]

[Adresse 6]

[Localité 13]

comparante en personne, assistée de Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

Madame [Y] [L]

[Adresse 4]

[Localité 13]

non comparante et non représentée

Madame [P] [BX]

[Adresse 12]

[Localité 13]

comparante en personne, assistée de Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

Monsieur [H] [F]

[Adresse 9]

[Localité 18]

comparant en personne, assisté de Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

Monsieur [A] [V]

[Adresse 7]

[Localité 13]

comparant en personne, assisté de Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

Monsieur [U] [W]

[Adresse 1]

[E] [Z] [Z]

[Localité 13]

non comparant et non représenté

Monsieur [XM] [R]

[Adresse 8]

[Localité 13]

comparant en personne, assisté de Me Marie-Christine BEGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0254

Madame [LB] [G]

[Adresse 11]

[Localité 13]

non comparante et non représentée

Monsieur [PH] [HL]

adresse non communiquée

non comparant et non représenté

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre,

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre,

Monsieur Gilles BUFFET, Conseiller,

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la S.A.R.L. [22] d'un jugement rendu le 28 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à l'URSSAF Île-de-France.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler qu'à la suite d'un contrôle portant notamment sur l'application de la législation de la sécurité sociale pour la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2013, l'URSSAF Île-de-France a adressé à la S.A.R.L. [22] une lettre d'observations le 29 octobre 2013 portant sur la dissimulation d'emploi salarié ; que le 21 novembre 2013, les inspecteurs du recouvrement ont indiqué maintenir le redressement contesté ; que l'URSSAF Île de France a notifié une mise en demeure le 8 avril 2014 pour un montant de 114 210 euros de cotisations et de majorations de retard pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 ; que le 18 avril 2014, elle a notifié une mise en demeure d'un montant de 30 058 euros au titre des cotisations et majorations de retard pour la période du 1er janvier 2013 au 30 juin 2013 ; que le 16 avril 2014, la S.A.R.L. [22] a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté le recours le 5 septembre 2014 ; que le 16 octobre 2014, la S.A.R.L. [22] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale.

Par jugement en date du 28 septembre 2018, le tribunal a :

- accueilli partiellement la demande de la S.A.R.L. [22] tendant à l'annulation du redressement dont elle a fait l'objet ;

- accueilli partiellement la demande reconventionnelle de l'URSSAF Île de France ;

- annulé le redressement concernant les sommes réglées aux personnes morales intervenantes au sein de la S.A.R.L. [22] ;

- annulé le redressement concernant les sommes réglées aux personnes physiques intervenantes de façon occasionnelle et défrayées par des sommes modiques ;

- confirmé dans son principe le redressement concernant les sommes réglées aux personnes physiques intervenantes de façon régulière au sein de la S.A.R.L. [22] ;

- invité l'URSSAF Île-de-France à procéder à un nouveau calcul du montant des cotisations dues au titre des sommes réglées aux personnes physiques intervenantes de façon régulière au sein de la S.A.R.L. [22] ;

- débouté l'URSSAF Île de France de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté la S.A.R.L. [22] de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires.

Sur la régularité de la procédure de redressement, le tribunal a jugé que les mises en demeure étaient régulières. S'agissant de personnes morales travaillant pour la S.A.R.L. [22], il a considéré qu'il ne pouvait y avoir qualification de contrat de travail. Pour les intervenants ponctuels, il a relevé que les interventions à titre exceptionnel au sein d'un organisme de formation professionnelle dans le but de partager leurs expériences individuelles, et qui sont défrayées par des sommes modiques correspondaient d'avantage à un remboursement de frais qu'à une rémunération. Les deux parties ont été d'accord sur ce point. Relativement aux intervenants réguliers, le tribunal a relevé que leurs thèmes d'intervention leur étaient imposés avec des rémunérations significatives qui ne peuvent être considérées comme des remboursements de frais.

Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise à une date indéterminée à la S.A.R.L. [22] qui en a interjeté appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 26 novembre 2018.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.R.L. [22] demande à la cour de :

in limine litis

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit la procédure de contrôle régulière ;

- juger irrégulière la procédure de contrôle ;

- juger prescrites les cotisations calculées neuf années après le contrôle ;

- annuler le redressement et la mise en demeure ;

subsidiairement

- juger que le jugement est nul et de nul effet puisque la condamnation n'est pas chiffrée ;

- constater que le jugement ne peut en aucun cas jouir de la force exécutoire ;

à titre très subsidiaire sur le fond

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- annulé le redressement concernant les sommes réglées aux personnes morales intervenantes en son sein ;

- annulé le redressement concernant les sommes réglées aux personnes physiques intervenantes de façon occasionnelle et défrayées par des sommes modiques ;

- débouté l'URSSAF Île-de-France de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- constaté la régularité de la procédure de contrôle ;

- rejeté sa demande tendant à en voir annuler les effets ainsi que de tous les actes qui en sont la suite et la conséquence ;

- rejeté sa demande tendant à voir constater l'absence de lien de subordination entre ladite société et les intervenants « Experts » ;

  - rejeté sa demande de voir infirmer la décision de recours gracieux

- confirmé dans son principe le redressement concernant les sommes réglées aux personnes physiques intervenantes de façon régulière

- invité l'URSSAF Île-de-France à procéder à un nouveau calcul du montant des cotisations dues au titre des sommes réglées aux personnes physiques intervenantes de façon régulière en son sein

- débouté la S.A.R.L. [22] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau

- juger qu'il n'existe aucun lien de subordination entre elle et les intervenants « Experts » ;

- juger que le redressement en date du 15 octobre 2013 est sans fondement ;

en conséquence,

- annuler ses effets ainsi que de tous les actes qui en sont la suite et la conséquence ;

- infirmer la décision de recours gracieux ;

- débouter l'URSSAF Île-de-France de l'intégralité de ses demandes à son encontre ;

infiniment subsidiairement,

- juger que l'URSSAF Île-de-France ne peut transformer des montants versés au titre de prestations en salaire ;

- juger que les prestations seront, si le contrôle était justifié, calculées au SMIC en vigueur au jour des prestations ;

- débouter l'URSSAF Île-de-France de ses demandes erronées ;

- condamner l'URSSAF Île-de-France à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF Île-de-France demande à la cour de :

- confirmer que les sommes versées aux intervenants réguliers représentent des salaires soumis à cotisations sociales ;

- confirmer le redressement sur ce point ;

- condamner, en conséquence, reconventionnellement la S.A.R.L. [22] au paiement de la somme de 74 674 euros de cotisations et 13 371 euros de majorations de retard provisoires ;

- condamner la S.A.R.L. [22] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [X] [O], M. [B] [S], M. [T] [J], M. [N] [M], M. [C] [FM], Mme [D] [K], Mme [P] [BX], M. [H] [F], M. [A] [V], et M. [XM] [R], assistés de leur conseil, ont fait leurs les conclusions de la S.A.R.L. [22].

M. [U] [W] et Mme [LB] [G], non comparants, ont écrit pour contester la qualification de leur relation de travail opérée par l'URSSAF Île-de-France.

Mme [Y] [L] et M. [PH] [HL] n'ont pas comparu ni fait valoir d'observations.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 8 décembre 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE :

- sur la nullité du redressement :

La S.A.R.L. [22] expose qu'en violation de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, la lettre d'observations est irrégulière, l'omission de la mention du mode de calcul des redressements envisagés devant entraîner la nullité du contrôle et du redressement (Cass. Civ.2, 18-9-2014 n° 13-21.682 F-PB) ; qu'en l'espèce, ce document en date du 29 octobre 2013 ne mentionne pas le mode de calcul des redressements faramineux envisagés, pour un montant total de 123 896 euros ; qu'elle ne contient pas la liste des intervenants concernés, l'empêchant par là-même de se défendre utilement ; que ce n'est qu'après plusieurs années de procédure (3 années à compter de la notification) qu'elle a appris que le redressement envisagé concernait en réalité pas moins de 12 personnes et 6 sociétés, sans que les intéressés aient seulement été interrogés; qu'après un premier jeu de conclusions, l'URSSAF a divisé ses demandes par 2, sans prendre la peine de détailler son mode de calcul ; que la lettre d'observations ne mentionne pas non plus l'absence de bonne foi ni les motifs qui conduiraient à la retenir.

L'URSSAF Île-de-France réplique que la jurisprudence constante de la Cour de cassation précise que la lettre d'observations doit indiquer l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, la date de fin des opérations, les observations faites au cours du contrôle, la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés ; que doivent également être mentionnées la période vérifiée qui doit correspondre à la période de contrôle non prescrite, ainsi que la date de la fin du contrôle qui est celle de la signature de la lettre d'observations par l'inspecteur du recouvrement ; qu'outre les mentions précédentes, la lettre d'observations doit comporter les constatations faites au cours du contrôle ; que s'il s'agit des points de redressements envisagés, le document doit indiquer les différents chefs de redressements, en application des textes en vigueur au moment de la situation contrôlée, et le mode de calcul comprenant, les bases retenues pour chaque redressement, les taux de cotisations et le montant des cotisations et/ou contributions chiffrées ; qu'aussi, à l'exception de ces précisions, rien n'oblige les inspecteurs de recouvrement à donner des indications détaillées sur chacun des chefs de redressement et sur le mode de calcul appliqué pour les évaluer ; qu'en l'espèce, la lettre d'observations du 29 octobre 2013 comporte bien les seules mentions prescrites par le texte à peine de nullité ; que la S.A.R.L. [22] a ainsi été régulièrement informée des omissions et des erreurs qui lui étaient reprochées ainsi que des bases des redressements proposés, et était, dès lors, parfaitement à même de répondre aux observations formulées par les inspecteurs du recouvrement.

L'article R 243-59 alinéas 5 à 7 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, dispose que : « A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d'absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.

En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.

Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant ».

Répondent aux exigences de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, les observations adressées à la société par l'inspecteur du recouvrement dès lors qu'elles contiennent les mentions obligatoires relatives à l'objet du contrôle, à la période vérifiée et à la fin du contrôle, qu'elles précisent la nature de chaque chef de redressement envisagé, le contenu et les modalités d'application des textes législatifs et réglementaires invoqués ou la jurisprudence applicable, les assiettes et le montant de chaque chef de redressement par année ainsi que les taux de cotisation appliqués. Cet article n'implique pas la communication intégrale à l'employeur du rapport de contrôle de l'inspecteur avec toutes ses annexes, mais fait seulement obligation à ce dernier de présenter ses observations avec les bases de redressement proposées, en vue de provoquer les explications du redevable. Les inspecteurs du recouvrement n'ont en outre pas à joindre, dans leurs observations, une liste nominative des salariés concernés, à la condition que l'employeur puisse avoir une connaissance des causes du redressement qui lui permette de faire valoir ses observations, ni le détail des calculs effectués pour chaque chef de redressement (Civ. 2ème, 25 juin 2009, n° 08-14.981.

La lettre d'observations du 29 octobre 2013 comporte la date de fin du contrôle le 15 octobre 2013, la période vérifiée, du 1er janvier 2011 au 30 juin 2013, indique qu'elle porte sur la vérification de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires concernant les infractions aux interdictions mentionnées aux articles L 8221-1 et L 8221-2 du code du travail pour l'établissement situé [Adresse 14]. Elle rappelle les règles relatives aux obligations d'affiliation au visa des articles L 311-2, L242-1, L 136-1 du code de la sécurité sociale et de l'article 14 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, précise les constatations opérées et les régularisations qui en découlent, année par année et par type de cotisation ou de contribution.

Dès lors que l'absence de bonne foi n'est pas relevée, il ne peut être fait grief aux inspecteurs du recouvrement de ne pas avoir motivé ce point. Contrairement aux assertions de la S.A.R.L. [22], les inspecteurs du recouvrement n'étaient pas tenus d'établir la liste des personnes dont la relation de travail était considérée comme du travail salarié, la cause du redressement étant : « dissimulation d'emploi salarié sans verbalisation : assiette réelle ». Dès lors que les inspecteurs du recouvrement mettaient en cause la nature de la relation de travail entre la société et les intervenants « Experts », la S.A.R.L. [22] était en capacité de faire valoir ses observations. Conformément aux exigences légales, le détail du calcul des cotisations n'avait pas à figurer dans la lettre d'observations.

La lettre d'observations est donc en tous points conforme aux exigences de l'article R 243-59 du cas dans sa version applicable au litige et n'encourt de ce fait aucune annulation.

Le moyen soulevé par la S.A.R.L. [22] sera donc rejeté.

- sur la nullité du jugement :

La S.A.R.L. [22] expose que le jugement s'abstient de chiffrer la condamnation envers elle, se contentant : « d'Invite[r] l'URSSAF à procéder à un nouveau calcul du montant des condamnations dues au titre des sommes réglées aux personnes physiques intervenantes de façon régulière au sein de la SARL [22] », soit une définition sujette à caution et centre des débats, portant notamment sur la modicité des sommes ; que le jugement est nul et de nul effet, car totalement inapplicable.

L'URSSAF Île-de-France réplique que le fait que les premiers juges du fond aient omis de statuer sur la demande en paiement formulée par elle en première instance empêche seulement l'organisme de recouvrement de pouvoir se faire payer les sommes redressées, mais n'affecte en rien la validité de la décision rendue, laquelle a confirmé le redressement relatif aux intervenants réguliers.

Le jugement déféré contient des motifs et un dispositif, de telle sorte que son incomplétude liée à l'omission de statuer sur la demande reconventionnelle en paiement présentée par l'URSSAF Île-de-France peut être corrigée par la voie de l'appel. Le caractère inexécutable du jugement, tel qu'allégué par la S.A.R.L. [22] mais non avéré, ne constitue pas plus une cause de nullité, alors que celui-ci tranchait dans le dispositif les contestations relatives au redressement et déterminait les personnes dont la requalification de la relation de travail soumettait la S.A.R.L. [22] à devoir cotiser à l'URSSAF Île-de-France au titre des cotisations patronales et salariales pour emploi de salariés.

Le moyen soulevé sera donc rejeté.

- sur la prescription :

La S.A.R.L. [22] expose que le calcul des cotisations effectivement dues a été effectué plus de trois ans après la notification du jugement, de telle sorte que la prescription est acquise.

L'article 2231 du code civil énonce que : « L'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien ».

L'article 2242 du même code énonce que : « L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ».

L'interruption de la prescription se prolonge donc durant toute la durée de l'instance, jusqu'à ce que le litige trouve sa solution définitive et quand bien même le procès excéderait le délai de prescription (Cass. ch. mixte, 24 nov. 2006, n° 04-18.610 et 2e Civ., 19 Juin 2008, n° 07-15.343).

Le contrôle n'étant pas annulé, le moyen tiré de la prescription n'est pas opérant dès lors qu'elle a valablement été interrompue par la mise en demeure qui a suivi adressée le 8 avril 2014 et dont la régularité n'est pas contestée et que, le jugement ayant été frappé d'appel, elle n'avait pas encore recommencé à courir.

- sur la relation de travail :

La S.A.R.L. [22] expose que le lien de subordination se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'un lien économique est insuffisant à caractériser le lien de subordination juridique ; que l'intégration du travailleur dans un service organisé ne suffit plus à établir que l'activité a été effectuée sous l'autorité d'un employeur ; qu'il constitue toutefois un indice du lien de subordination lorsque les conditions d'exécution du travail au sein de ce service sont fixées unilatéralement par l'employeur ; que l'existence d'une rémunération en contrepartie d'un travail est une condition nécessaire mais non suffisante de l'assujettissement au régime général de la sécurité sociale ; que la jurisprudence a rappelé qu'une rétribution à des personnes extérieures à l'entreprise était insuffisante à elle seule pour caractériser le travail salarié au profit de l'entreprise ; qu'elle est un organisme de formation professionnelle ; que la convention collective applicable est celle des organismes de formation professionnelle ; qu'elle dépend du ministère de l'emploi et de la formation professionnelle ; qu'elle sollicite l'intervention de différentes catégories de personnes, à savoir les enseignants proprement dits, qui sont salariés à temps plein, des intervenants ponctuels mais réguliers, pour lesquels l'activité exercée n'est qu'un accessoire à leur activité principale, et qui émettent donc des factures, ainsi que des personnes intervenant de façon très sporadique (entre 1 à 2 fois par an) et gracieusement ; que les critères retenus par la jurisprudence concernant l'existence d'un lien de subordination sont totalement absents concernant les personnes objet du redressement opérés du fait de leurs interventions en son sein ; qu'il n'existe aucun contrat de travail ; que les intervenants n'ont aucune obligation de « rendre compte » ; que les horaires ne sont pas imposés mais fixés d'un commun accord ; que le contenu des interventions est totalement libre et ne fait l'objet d'aucun contrôle ; que les interventions sont tout à fait ponctuelles, à raison de quelques conférences par an ; qu'elle n'a aucun pouvoir disciplinaire sur les conférenciers appelés qui sont des experts ; qu'exerçant une activité libérale, les intervenants sont tous inscrits et cotisent pour leur activité ; qu'il existe en conséquence une présomption de non-salariat ; qu'ils ne sont nullement chargés d'enseignement ; que, infiniment subsidiairement, si la cour devait retenir la qualification de contrat de travail, faute de pouvoir fixer un salaire, le redressement doit être opéré sur la base du SMIC.

L'URSSAF Île-de-France réplique que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que les critères retenus sont également l'exécution d'un travail profitable à l'entreprise, l'importance, la régularité et la fixité de la rémunération, le respect d'horaires ou délais d'exécution, les moyens nécessaires à l'exécution du travail mis à disposition, l'absence de risque économique pour l'intervenant et le travail au sein d'un service organisé, lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail ; que la jurisprudence considère que les formateurs peuvent être considérés comme des salariés ; que les interventions ne peuvent être considérées comme ponctuelles ; que le caractère significatif des rémunérations versées induit soit que ces personnes sont intervenues à de nombreuses reprises, soit que leurs prestations ne répondent pas au caractère de modicité ; que, compte tenu de la dépendance économique qui existe entre ces intervenants et la S.A.R.L. [22] au vu de la rémunération allouée, et de la fréquence à laquelle ils interviennent, les sommes allouées ont le caractère de salaires soumis à cotisations sociales.

Selon l'article L. 311-11, alinéa 1, du code de sécurité sociale , les personnes physiques mentionnées à l'article L.8221-6, I, du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, ne relèvent du régime général de la sécurité sociale que s'il est établi que leur activité les place dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ordre.

Dès lors, il appartient à l'organisme du recouvrement qui entend procéder à la réintégration des sommes versées par un donneur d'ordre à une personne physique bénéficiant de la présomption de non- salariat, de rapporter la preuve de ce lien de subordination juridique (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 20-13.944).

Le lien de subordination, qui constitue le critère essentiel du contrat de travail, est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En matière d'enseignement, la présomption de non-salariat n'est pas détruite pour l'enseignant qui n'était soumis qu'à des contraintes minimales liées aux seules nécessités d'organisation de l'établissement, définissant librement le contenu de son module d'enseignement et bénéficiant d'une autonomie dans l'organisation de son activité professionnelle (Cass. soc., 31 octobre 2012, n° 11-18.998 et 2e Civ., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-11.158). Cependant, dès lors que l'organisme de formation a le pouvoir de leur donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner leurs manquements, la présomption de non-salariat est renversée (Civ, 24 mai 2017, pourvoi n°15-28.439).

Il est à noter que les mentions de la lettre d'observations ne font pas foi jusqu'à preuve contraire, cette force probante particulière n'étant attachée qu'au procès-verbal qui en est la suite, étant précisé que dans le cadre du présent contrôle, il n'en n'a pas été établi.

Il n'est pas contesté que les intervenants en qualité d'expert sont à jour de leurs cotisations au titre de leur activité principale et qu'ils bénéficient de la présomption de non salariat, la S.A.R.L. [22] déposant en outre les pièces qui en justifient.

En l'espèce, pour caractériser le salariat, les inspecteurs du recouvrement ont indiqué dans leur lettre d'observations en date du 29 octobre 2013 que :

- la société rémunère par bulletins de salaires les formateurs à temps-plein, les autres étant rémunérés par le biais d'honoraires ;

- les professeurs exercent une activité de formation, d'animation de conférences et d'enseignement à destination des élèves de l'école ;

- la pédagogie de l'école repose sur des cours dispensés en langue anglaise par des professionnels qui enseignent leurs savoirs faire dans des modules de formation ;

- les personnes qui enseignent, de manière principale ou occasionnelle, le font dans le cadre d'un service organisé et sous la subordination de l'école, seul l'employeur disposant du pouvoir de planifier les cours, d'organiser les stages, de choisir les conférences ;

- les professeurs exerçant cette activité de manière ponctuelle, à savoir trois ou quatre heures par semaine, le font de manière récurrente comme le démontrent les plannings scolaires. ;

- la société a aussi une récurrence avec certains des prestataires ;

- l'activité des professeurs est exercée pour le compte de l'école en l'absence d'une clientèle propre et en contrepartie d'une rémunération.

La lecture des échanges entre la direction pédagogique de l'établissement et les intervenants retenus comme salariés et des documents fournis par la S.A.R.L. [22] met en évidence plusieurs points :

- les intervenants sont appelés pour des plages horaires définies sur des sessions dont les dates sont proposées, avec un choix restreint sur les horaires de l'école ;

- les interventions sont prévues au sein de l'établissement ;

- les interventions sont récurrentes sur des volumes horaires conséquents sur plusieurs jours répartis sur plusieurs mois dans une même année et parfois sur plusieurs années donnant lieu à des rémunérations assises sur le dit volume horaire ou des forfaits journaliers, sans considération de frais, et en vertu d'un prix résultant de l'estimation par l'intervenant de la valeur de son intervention, ce qui exclut toute idée de défraiement ;

- les modules d'enseignements portent sur des thématiques précises demandées à chaque intervenant, ce que la majorité des factures transmises confirme ;

- les intervenants retenus comme salariés n'interviennent pas, sauf exception dans des « Modules Experts » ; ces derniers ont pour objet la rencontre entre des photographes professionnels et les étudiants pour parler, en langue anglaise, des aspects du métier, s'agissant d'échanges et de conseils pratiques à des étudiants en photographie ;

- la langue d'enseignement est donc imposée.

Ces documents ne démontrent pas que les formateurs définissaient librement le contenu de leur module d'enseignement, la quantité des cours et la thématique étant définies par la S.A.R.L. [22]. Ils prouvent en outre que les formateurs utilisaient les locaux mis à leur disposition par la société et enseignaient à sa clientèle. Les factures démontrent des paiements réguliers assis sur le volume horaire fourni sur des plages horaires étendues sur plusieurs mois dans une même année ou sur plusieurs années.

Ces documents confirment les constatations des inspecteurs du recouvrement.

Les prestations s'effectuaient dans un cadre prédéfini et organisé, les thématiques étant imposées, de telle sorte qu'elles impliquaient un contrôle de la société.

Dès lors, les inspecteurs du recouvrement ont à bon droit considéré que la relation de travail entre la S.A.R.L. [22], d'une part, et M. [X] [O], M. [B] [S], M. [T] [J], M. [N] [M], M. [C] [FM], Mme [D] [K], Mme [P] [BX], M. [H] [F], M. [A] [V], M. [XM] [R], M. [U] [W], Mme [LB] [G], Mme [Y] [L] et M. [PH] [HL], d'autre part, devait être requalifiée en relation salariale.

- sur le montant du redressement :

La S.A.R.L. [22] expose que la Cour de cassation s'est prononcée en indiquant que faute de pouvoir fixer un salaire, le redressement doit être opéré sur la base du SMIC ; que la méthode de calcul de l'URSSAF Île-de-France ne peut donc être retenue.

L'URSSAF Île-de-France ne réplique pas sur ce point.

L'article L 242-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige dispose que : « Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire ».

Dès lors, en application de ce texte, l'ensemble des rémunérations perçues par les formateurs doit être soumis à cotisations (2e Civ., 7 juillet 2016, pourvoi n° 15-16.110, Bull. 2016, II, n° 190).

En conséquence, le redressement doit être maintenu. Le montant doit être calculé sur la base des revenus perçus par M. [X] [O], M. [B] [S], M. [T] [J], M. [N] [M], M. [C] [FM], Mme [D] [K], Mme [P] [BX], M. [H] [F], M. [A] [V], M. [XM] [R], M. [U] [W], Mme [LB] [G], Mme [Y] [L] et M. [PH] [HL] sur la période.

L'URSSAF Île-de-France indique que la S.A.R.L. [22] est redevable de la somme de 74 674 euros de cotisations et 13 371 euros de majorations de retard provisoires. La S.A.R.L. [22], qui conteste le principe du redressement et l'assiette retenue sur la totalité des rémunérations perçues, n'émet aucune critique relativement au montant demandé.

Il sera donc fait droit à la demande reconventionnelle de l'URSSAF Île-de-France.

La S.A.R.L. [22], qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Confirme le jugement rendu le 28 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en ce qu'il a confirmé dans son principe le redressement concernant les sommes réglées aux personnes physiques intervenantes de façon régulière au sein de la S.A.R.L. [22], à savoir M. [X] [O], M. [B] [S], M. [T] [J], M. [N] [M], M. [C] [FM], Mme [D] [K], Mme [P] [BX], M. [H] [F], M. [A] [V], M. [XM] [R], M. [U] [W], Mme [LB] [G], Mme [Y] [L] et M. [PH] [HL] ;

Condamne la S.A.R.L. [22] à payer à l'URSSAF Île-de-France la somme de 74 674 euros de cotisations et 13 371 euros de majorations de retard provisoires ;

Déboute la S.A.R.L. [22] de ses demandes ;

Condamne la S.A.R.L. [22] à payer à l'URSSAF Île-de-France la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la S.A.R.L. [22] aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/13446
Date de la décision : 10/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-10;18.13446 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award