RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 10 février 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/12064 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6UR4
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juillet 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de paris RG n° 16-05637
APPELANTE
URSSAF - ILE DE FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par M. [I] [D] en vertu d'un pouvoir général
INTIME
Monsieur [Y] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]
ANGLETERRE
représenté par Me Pierre-Henri JUILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0410
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 27 janvier 2023, prorogé le vendredi 10 février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par l'Urssaf d'Ile de France venant aux droits du Régime social des indépendants d'un jugement rendu le 17 juillet 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à M. [Y] [F].
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10 novembre 2016, M. [F] a formé opposition devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris à l'exécution d'une contrainte délivrée par le régime social des indépendants aux droits duquel vient l'Urssaf, le 12 octobre 2016 puis signifiée le 2 novembre 2016 pour la somme de 84.462 euros en cotisations et majorations de retard au titre des 1er et 3ème trimestres 2015, 2ème trimestre 2015 et 4ème trimestre 2015.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris par jugement du 17 juillet 2018 a :
- annulé la contrainte émise le 12 octobre 2016 pour un montant de 84.462 euros,
- débouté l'Urssaf de l'ensemble de ses prétentions,
- condamné l'Urssaf à payer à M. [F]
- la somme de 2.000 euros à titre de dommages -intérêts,
- la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que l'Urssaf devra supporter les frais de procédure (frais de signification de la contrainte).
Le jugement lui ayant été notifié le 4 octobre 2018, l'Urssaf en a interjeté appel le 26 octobre 2018.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son représentant, l'Urssaf demande à la cour de :
- infirmer le jugement,
- confirmer l'affiliation de M. [F] en tant que loueur meublé professionnel,
- valider la contrainte pour le solde soit 1.197 euros de cotisations et 88 euros de majorations de retard,
- rejeter la demande de dommages et intérêts de M. [F],
- condamner M. [F] à payer 3 000 euros d'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son conseil, M. [F] demande à la cour de :
- constater que les sociétés civiles dont il assure bénévolement la gérance n'ont pas d'activité commerciale,
- constater qu'il ne remplit pas les conditions posées par l'article 155 IV du code général des impôts pour être considéré comme loueur en meublé professionnel,
- dire qu'il ne saurait être assujetti à l'Urssaf à raison des locations effectuées,
- confirmer en conséquence le jugement querellé dans l'intégralité de ses dispositions,
- débouter l'Urssaf de son appel et de l'intégralité de ses demandes,
- condamner l'Urssaf à lui verser 6 000 euros pour procédure abusive,
- condamner l'Urssaf à 6 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,
- condamner l'Urssaf à supporter les dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 28 novembre 2022 pour un plus ample exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.
SUR CE, LA COUR
1. Sur l'affiliation au régime des travailleurs indépendants
L'article L.613-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige dispose :
« Sont obligatoirement affiliés au régime d'assurance maladie et d'assurance maternité des travailleurs indépendants des professions non agricoles :[...]
8/° Les personnes, autres que celles mentionnées au 7/° du présent article, exerçant une activité de location de locaux d'habitation meublés dont les recettes sont supérieures au seuil mentionné au 2o du 2 du IV de l'article 155 du code général des impôts, lorsque ces locaux sont loués à une clientèle y effectuant un séjour à la journée, à la semaine ou au mois et n'y élisant pas domicile, sauf option contraire de ces personnes lors de l'affiliation pour relever du régime général dans les conditions prévues au 35o de l'article L. 311-3 du présent code, ou lorsque ces personnes remplissent les conditions mentionnées au 1° du 2 du IV de l'article 155 du code
général des impôts ; [...] »
Les parties conviennent que de la combinaison de ce texte et de l'article L. 155 du code général des impôts, il ressort trois conditions pour justifier de l'affiliation d'une personne physique au régime des travailleurs indépendants :
- l'inscription de l'un des membres du foyer fiscal au régime du commerce en qualité de loueur professionnel
- des recettes annuelles résultant de l'activité de loueur professionnel de meublé supérieures à la somme de 23 000 euros
- l'essentiel du revenu du foyer fiscal doivent provenir de la location de meublés.
S'agissant de la première condition, l'intimé ne conteste pas avoir été inscrit en 2015 à ce registre, mais soutient ne pas l'être au titre d'une activité de loueur professionnel de meublés au motif que le code APE qui lui a été attribué ne correspond pas à cette activité. Il produit à l'appui de cette affirmation un extrait Kbis à jour du 20 décembre 2017 dont il ressort qu'il était inscrit au registre du commerce depuis le 13 octobre 2008 jusqu'au 20 décembre 2017. Il ressort de cette pièce qu'il était inscrit en qualité de loueur de fonds en meublé. S'il se prévaut du code APE 6820A qui lui a été attribué par l'INSEE, la cour constate que la pièce qu'il produit sur ce point fait mention d'une entreprise active depuis le 30 décembre 2017, soit postérieurement à la période concernée par la contrainte litigieuse, que contrairement à ce qu'affirme l'intimé le code APE 6820A ne correspond pas à un loueur de meublés non professionnel, mais qu'il ressort du site de l'INSEE que cette sous-classe du code 68 correspond à la location d'appartements et de maisons, vides ou meublés destinés à l'habitation principale ou secondaire et également la promotion immobilière de logements en vue d'une exploitation propre et l'exploitation d'emplacements pour caravanes résidentielle. Par ailleurs, l'attribution d'un code APE par l'Insee qui a une vocation statistique n'entraîne pas de conséquence juridique et il ne saurait être tenu de l'attribution de ce code le constat que le cotisant n'était pas un loueur de meublés professionnel.
Dès lors, il convient de constater qu'en 2015, l'intimé était inscrit au registre du commerce en qualité de loueur de meublés professionnel.
S'agissant du montant de recettes annuelles tirées de cette activité, le cotisant soutient que les revenus tirés de cette activité sont égale à zéro et qu'il n'a jamais déclaré la somme de 25 075 euros à ce titre. Les recettes tirées de la location de meublé au sens de l'article 155 du code général des impôts sont prises en considération toutes taxes comprises et s'entendent du total des loyers acquis, le cas échéant charges comprises. Dès lors, l'argument qui fait valoir le revenu fiscal résultant de cette activité, c'est à dire les recettes minorées des déductions auxquelles l'intimé avait droit dans le cadre du calcul de son imposition est sans emport au cas particulier, puisque ce montant du revenu fiscal de cette activité de location de meublés ne correspond pas aux recettes annuelles de cette activité.
Il ressort de la déclaration d'impôts sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux pour l'exercice 2015 que le résultat comptable de cette activité était de 25 075 euros, le cotisant ayant indiqué de façon manuscrite : « le résultat fiscal du loueur en meublé non professionnel s'élève à 0 euros et le chiffre d'affaires s'élève à 25 075, il y a une incohérence, je vous demande de bien vouloir régulariser la situation. »
Il ressort de ces éléments que les recettes de l'activité de loueur de meublé professionnel pour l'année 2015 ont été supérieures à 23 000 euros.
Enfin la troisième condition prévoit que le montant de ces recettes annuelles liées à l'activité de loueur de meublé professionnel excède le montant des revenus fiscaux soumis à l'impôt sur le revenu. La cour constate que le cotisant produit des imprimés de déclaration des revenus, déclaration des revenus fonciers et déclaration complémentaires de revenus. S'il ressort de ces déclarations que le revenu du foyer fiscal était égal à zéro, il s'en déduit qu'ils étaient nécessairement inférieurs à la somme de 25 075 euros.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que le Régime social des indépendants aux droits duquel est venu l'Urssaf a considéré que M. [F] devait être affilié au régime des travailleurs indépendants. Cette infirmation entraînera celle du chef de dispositif qui a alloué des dommages et intérêts à l'intimé.
La décision du premier juge sera infirmée.
2. Sur le montant des cotisations et contributions sociales dues pour l'année 2015.
En application de l'article D.612-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable, en l'absence de revenus ou en cas de revenus déficitaires, les travailleurs indépendants restent tenus au paiement de cotisations et contributions sociales minimales. Dans la mesure où le revenu fiscal de la location de meublés était égal à zéro, l'organisme de sécurité sociale a recalculé les cotisations sociales à hauteur de 1197 euros au titre des cotisations sociales et de 88 euros au titre des majorations de retard calculées à titre provisoire, soit un total de 1 285 euros pour les 4 trimestres de l'année 2015.
Dans l'hypothèse où le montant retenu par la juridiction saisie de l'opposition est inférieur à celui réclamé initialement, la conséquence en résultant n'est pas l'invalidation de la contrainte, mais sa validation partielle, l'acte d'exécution forcée sera donc validé à hauteur des sommes indiquées au paragraphe précédent.
3. Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [Y] [F], succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019 et sera condamné à payer la somme de 1000 euros à l'Urssaf d'Ile de France au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 17 juillet 2018 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Déclare recevable l'opposition formée par M. [Y] [F],
Valide partiellement la contrainte n°11700000150149380800818821001558, émise le 12 octobre 2016 par le régime social des indépendants aux droits duquel est venu l'Urssaf d'Ile de France et signifiée le 2 novembre 2016 à M. [Y] [F] pour la somme de 1197 euros au titre des cotisations sociales et la somme de 88 euros au titre des majorations de retard calculées à titre provisoire, soit un total de 1 285 euros au titre des quatre trimestres de l'année 2015,
Condamne, par voie de conséquence, M. [Y] [F] à payer à l'Urssaf d'Ile de France la somme de 1197 euros au titre des cotisations sociales et la somme de 88 euros au titre des majorations de retard calculées à titre provisoire, soit un total de 1 285 euros au titre des quatre trimestres de l'année 2015,
Condamne M. [Y] [F] à payer à l'Urssaf d'Ile de France la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes,
Condamne M. [Y] [F] aux dépens de l'instance, incluant les frais de signification de la contrainte et, le cas échéant, les frais de son exécution forcée.
La greffière, La présidente,