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09/02/2023 | FRANCE | N°22/18581

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 09 février 2023, 22/18581


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18581 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUNA



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Octobre 2022 -Président du TC de PARIS - RG n° 2022042726





APPELANTS



M. [Z] [J]

[Adresse 3]

[Adresse 3]
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S.N.C. DU CHERCHE MIDI, RCS de Pontoise sous le n°531 172 559, prise en la personne de son gérant, M. [Z] [J], domicilié en cette qualité audit siège



[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentés par M...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 09 FEVRIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/18581 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGUNA

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Octobre 2022 -Président du TC de PARIS - RG n° 2022042726

APPELANTS

M. [Z] [J]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

S.N.C. DU CHERCHE MIDI, RCS de Pontoise sous le n°531 172 559, prise en la personne de son gérant, M. [Z] [J], domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentés par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistés par Me Clémence LEMETAIS d'ORMESSON de la SCP UGGC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P261

INTIMEE

S.C.A. EFFI-INVEST II, RCS de Paris sous le n°534 831 797, représentée par son gérant associé commandité : la S.A.S. EFFICAP II

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée par Me Romuald COHANA du cabinet SHARP, avocat au barreau de PARIS, toque : A387

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre, ayant été entendue en son rapport dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile, devant la cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Marie GOIN

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présent lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Le 28 novembre 2014, la société Effi Invest II a accordé un prêt participatif de 3.500.000 euros à la SNC du Cherche-Midi, gérée par M. [J], pour financer une opération d'achat-revente d'un bien immobilier situé à [Localité 6].

Neuf avenants ont été conclus les 9 mars 2015, 11 janvier 2016, 1er juin 2016, 3 janvier 2017, 28 juin 2017, 26 juillet 2018, 6 mai 2019, 28 octobre 2019 et 29 septembre 2020, qui ont augmenté le montant de la somme prêtée (portée à 5.250.000 euros le 9 mars 2015 puis à 6.750.000 euros le 11 janvier 2016), reporté à chaque fois la date d'échéance du prêt et modifié le taux des intérêts, initialement fixé à 7% (taux fixe) outre un intérêt variable égal à 40% de la marge brute réalisée par l'emprunteur sur l'opération financée.

M. [J] s'est porté caution solidaire de la SNC du Cherche-Midi par actes du 26 juillet 2018 (dans la limite de 12.593.207,65 euros), du 28 octobre 2019 (dans la limite de 13.375.173 euros) et du 29 septembre 2020 (dans la limite de 13.843.306 euros).

Huit millions d'euros ont été remboursés en octobre 2021 par la SNC du Cherche-Midi, au moyen du prix de la cession de l'immeuble intervenue le 30 septembre 2021 pour un prix de 17.800.000 euros.

Le solde n'a pas été payé par la SNC du Cherche-Midi ou sa caution, qui le contestent s'agissant des intérêts, se prévalant d'un abus de dépendance économique de la part du prêteur.

Par acte du 19 septembre 2022, la société Effi-invest II a assigné la société du Cherche-Midi et M. [J] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, aux fins de voir :

A titre principal,

- condamner solidairement les défendeurs à lui verser à titre de provision la somme de 7.196.957,76 euros assortie d'un intérêt conventionnel de 7% à compter du 21 juillet 2022 ;

A titre subsidiaire,

- condamner solidairement les défendeurs à lui régler à titre de provision la somme de 5.843.305,35 euros ;

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir au fond s'agissant de la question des intérêts dans le cadre d'une procédure de passerelle ;

En tout état de cause,

- débouter les défendeurs de toute demande de délais de grâce ;

- les condamner solidairement à lui verser une indemnité de 20.000 euros fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens de l'instance.

Par ordonnance du 19 octobre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- écarté la demande de renvoi formée par les défendeurs ;

- condamné solidairement la société du Cherche-Midi et M. [J] à verser à la société Effi-invest II à titre de provision la somme de 5.843.305,35 euros ;

- renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond s'agissant de la question des intérêts ;

- condamné solidairement la société du Cherche-Midi et M. [J] à verser à la société Effi-invest II une indemnité de 5.000 euros fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné en outre la société du Cherche-Midi aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 58,92 euros TTC dont 9,61 euros de TVA.

Par déclaration du 04 novembre 2022, M. [J] et la société du Cherche-Midi ont relevé appel de cette décision. Ils on été autorisés à suivre la procédure à jour fixe.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 04 janvier 2023, les appelants demandent à la cour de :

- les déclarer recevables en leur appel ;

- annuler l'ordonnance de référé du 19 octobre 2022 du tribunal de commerce de Paris sur le fondement des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

- subsidiairement, infirmer l'ordonnance de référé du 19 octobre 2022 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a :

' écarté la demande de renvoi,

' condamné solidairement ceux-ci à verser à la société Effi-invest II à titre de provision la somme de 5.843.305,35 euros,

' renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond s'agissant de la question des intérêts,

' condamné solidairement ceux-ci à verser à la société Effi-invest II une indemnité de 5.000 euros fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné en outre la société du Cherche midi aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 58,92 euros TTC dont 9,61 euros de TVA,

En conséquence, statuant à nouveau,

- dire et juger qu'il est démontré l'existence d'une contestation sérieuse sur la validité des avenants n°5, 6 , 7, 8 et 9 à la convention de prêt participatif conclue le 28 novembre 2014 entre la société du Cherche midi et la société Effi-invest II, sur le fondement de l'article 1143 du code civil ;

- dire et juger que le montant non sérieusement contestable de la créance de la société Effi-invest II s'élève à 3.579.196 euros en application de la convention de prêt participatif conclue le 28 novembre 2014 entre la société du Cherche midi et la société Effi-invest II ;

- dire et juger qu'il est démontré l'existence d'une contestation sérieuse sur la validité des engagements de caution solidaire de M. [J] datés du 26 juillet 2018, du 28 octobre 2019 et du 29 septembre 2020, sur le fondement de l'article 1143 du code civil ;

En conséquence,

- réduire la provision mise à la charge de la société du Cherche midi à la somme de 3.579.196 euros ;

- dire et juger que cette somme 3.579.196 euros portera intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2022 ;

- accorder à la société du Cherche midi des délais de paiement pour lui permettre de régler cette somme de 3.579.196 euros selon l'échéancier suivant :

' la somme de 2.000.000 euros à la date du 30 juillet 2023 ; et,

' la somme de 1.579.196 euros à la date du 30 septembre 2023,

- juger que l'arrêt à intervenir a pour effet de suspendre les mesures d'exécution engagées par la société Effi-invest II à leur encontre sur le fondement de l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris du 19 octobre 2022 ;

- rejeter la demande de provision formulée par la société Effi-invest II en ce qu'elle est formulée à l'encontre de M. [J] ;

A défaut,

- réduire la provision mise à la charge de M. [J] à la somme de 3.579.196 euros ;

- dire et juger que cette somme de 3.579.196 euros portera intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2022 ;

- accorder à M. [J] des délais de paiement pour lui permettre de régler cette somme de 3.579.196 selon l'échéancier suivant :

' la somme de 2.000.000 euros à la date du 30 juillet 2023,

' la somme de 1.579.196 euros à la date du 30 septembre 2023,

- juger que l'arrêt à intervenir a pour effet de suspendre les mesures d'exécution engagées par la société Effi-invest II à l'encontre de M. [J] sur le fondement de l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris du 19 octobre 2022 ;

Dans tous les cas,

- débouter la société Effi-invest II de toutes ses prétentions et demandes à leur encontre ;

- condamner la société Effi-invest II à leur verser la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Effi-invest II aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 05 janvier 2023, la société Effi-invest II demande à la cour de :

- déclarer régulière l'ordonnance en date du 19 octobre 2022 du tribunal de commerce de Paris ;

- débouter en conséquence la société du Cherche-midi et M. [J] de leur demande d'annulation de l'ordonnance ;

- confirmer l'ordonnance en date du 19 octobre 2022 du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

- débouter la société du Cherche-Midi et M. [J] de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner solidairement la société du Cherche-Midi et M. [J] à lui payer une indemnité de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement la société du Cherche-Midi et M. [J] aux entiers dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande d'annulation de la décision de première instance

Les appelants arguent de la nullité de l'ordonnance de référé entreprise aux motifs :

- que les défendeurs n'ont pas été mis en mesure de faire valoir leurs droits à la défense, en violation flagrante des articles 16 du code de procédure civile et 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, en ce que leur demande de renvoi, présentée huit jours avant l'audience, a été refusée, ce qui en soit n'est pas critiquable mais ils n'ont pas été mis en mesure de présenter exhaustivement leurs prétentions et moyens de défense à l'oral, alors qu'ils n'avaient pas pris d'écritures, en raison notamment de l'atmosphère délétère dans laquelle s'est déroulée l'audience du fait de l'hostilité et de l'agressivité affichée par le juge des référés et le conseil de la société Effi Invet II qui l'ont interrompu à de multiples reprises ;

- que la décision du tribunal de commerce contrevient aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile en ce que :

* elle reproduit de manière incorrecte les moyens qui ont été développés par les défendeurs en indiquant qu'ils ont soutenu que les taux d'intérêt étaient exorbitants et illégaux au regard du code de la consommation et se sont prévalus de la vente du bien immobilier en 2021, alors que ces moyens de défense n'ont pas été soutenus ;

* elle n'expose même pas les prétentions qui ont été présentées tendant au rejet des demandes et consistant à soulever une contestation sérieuse tirée de l'abus de dépendance économique, contestation à laquelle elle n'a donc pas répondu ;

* les défendeurs n'ont pas eu le temps de former leur demande subsidiaire de délais de paiement, leur plaidoirie ayant été interrompue par le juge ;

* l'ordonnance est inintelligible en ce qu'elle renvoie les parties à mieux se pourvoir au fond s'agissant des intérêts, tout en entérinant le décompte présenté par la société prêteuse qui inclut des intérêts, ce qui est contradictoire.

Il résulte de l'ordonnance critiquée que le premier juge a motivé son refus de faire droit à la demande de renvoi qui avait été formée par le conseil des défendeurs, étant observé que l'audience a eu lieu un mois après la délivrance de l'assignation, en sorte que le défendeur a disposé d'un délai largement suffisant pour organiser sa défense dans de bonnes conditions, faisant le choix de ne pas prendre d'écritures. Il n'est fourni par les appelants aucun élément de preuve de ce que leur conseil n'aurait pas été mis en mesure de développer complètement leurs prétentions et moyens de défense à l'audience, notamment la note d'audience du greffier que leur conseil aurait pu exiger de voir établir s'il avait considéré n'avoir pas été mis en mesure de s'exprimer normalement et exhaustivement, ou bien encore le témoignage de confrères présents à l'audience. Il n'est donc pas démontré que les droits de la défense auraient été violés.

S'agissant de la conformité de la décision aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de rappeler que ce texte prévoit que "Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif."

En l'espèce, le premier juge a bien succinctement exposé les prétentions des défendeurs, consistant à s'opposer aux demandes en les contestant, en indiquant "Nous relevons en défense deux contestations, d'une part les taux d'intérêt seraient exorbitants et illégaux au regard du code de la consommation, d'autre part l'ensemble du projet immobilier, sis [Adresse 8], faisant l'objet du financement par Effi Invest a été vendu en 2021."

Il est affirmé sans aucun élément de preuve que ces contestations ne seraient pas conformes à celles qui auraient été émises ni qu'il en aurait été exprimé d'autres. Le premier juge a répondu à ces contestations et a motivé sa décision de condamnation des défendeurs au paiement d'une provision de 5.843.303,35 euros en énonçant les documents contractuels et les courriers échangés entre les parties, dont il a tiré l'absence de contestation sérieuse à l'obligation de remboursement de l'emprunteur et de la caution.

L'ordonnance entreprise n'encourt donc pas la nullité.

Sur le fond du référé

Selon l'article 1143 du code de procédure civile, qui fait suite à l'article 1142 aux termes duquel 'La violence est une cause de nullité qu'elle ait été exercée par une partie ou par un tiers', 'Il y a également violence lorsqu'une partie, abusant de l'état de dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard, obtient de lui un engagement qu'il n'aurait pas souscrit en l'absence d'une telle contrainte et en tire un avantage manifestement excessif.'

La société Cherche-Midi, emprunteur et M. [J], caution, se prévalent chacun de ces dispositions légales pour soutenir une contestation tenant à la nullité de la stipulation d'intérêt des avenants 5 à 9 et de l'engagement de caution solidaire de M. [J], en ce que la société prêteuse a substantiellement augmenté le taux des intérêts en le portant à 20% de manière rétroactive avec capitalisation et exigé la caution personnelle de M. [J], abusant ainsi de l'état de dépendance économique dans lequel se trouvaient ses cocontractants, la société SNC Cherche-Midi étant dans l'incapacité de rembourser l'emprunt alors que l'opération immobilière financée s'est heurtée à de nombreuses difficultés administratives dans l'obtention du permis de construire et dans la revente de l'immeuble qui n'a trouvé acquéreur qu'en octobre 2021, M. [J] rencontrant pour sa part de graves problèmes de santé dont la société Effi Invest II a profité pour lui faire signer les avenants à son domicile.

Il convient de rappeler que la convention de prêt participatif initiale a été conclue le 28 novembre 2014, la somme prêtée étant de 3.500.000 euros remboursable au 1er juin 2016, avec un intérêt fixe de 7% l'an et un intérêt variable de 40 % de la marge brute réalisée par l'emprunteur sur l'opération immobilière financée.

Cette convention initiale a fait l'objet de neuf avenants :

1) Le 9 mars 2015, la somme prêtée a été portée à 5.250.000 euros, les autres stipulations demeurant inchangées.

2) Le 11 janvier 2016, un prêt complémentaire de 1.500.000 euros a été consenti, remboursable au 12 janvier 2017, les autres stipulations demeurant inchangées.

3) Le 1er juin 2016, la date d'échéance du prêt a été reportée au 12 janvier 2017, les autres stipulations demeurant inchangées.

4) Le 3 janvier 2017, la date d'échéance du prêt a été reportée au 31 juillet 2017, les autres stipulations demeurant inchangées.

5) Le 28 juin 2017, la date d'échéance du prêt a été reportée au 31 juillet 2018. Les intérêts ont été arrêtés à 20% sur la période comprise entre le 28 novembre 2014 et le 1er juin 2017. Le taux d'intérêt a été fixé à 20% sur la période comprise entre le 1er juin 2017 et le 31 juillet 2018, ces intérêts étant capitalisés annuellement. L'intérêt variable a été supprimé.

6) Le 26 juillet 2018, la date d'échéance du prêt a été reportée au 31 décembre 2018. Le taux de rémunération antérieur a été maintenu en vigueur. Il a été demandé et obtenu la caution solidaire de M. [J] pour un montant maximum de 12.593.207,65 euros, avec renonciation au bénéfice de division et de discussion.

7) Le 6 mai 2019, la date d'échéance du prêt a été reportée au 30 septembre 2019. Le solde du prêt participatif a été fixé à 12.593.207,65 euros, avec un intérêt au taux annuel fixe de 3,5 % sur la période comprise entre le 1er janvier 2019 et le 30 septembre2019, ce taux passant à 7% à compter du 1er octobre 2019 avec effet rétroactif au 1er janvier 2019, en cas de non remboursement à l'échéance. La caution solidaire de M [J] a été maintenue.

8) Le 28 octobre 2019, la date d'échéance du prêt a été reportée au 30 septembre 2020. Le solde du prêt participatif a été fixé à 12.992.873,67 euros, avec un taux annuel fixe de 3,5% sur la période du 1er octobre 2019 au 30 septembre 2020, ce taux passant à 7% avec effet rétroactif au 1er octobre 2019, en cas de non remboursement à l'échéance. Un nouvel engagement de caution a été consenti par M. [J] dans la limite de 13.375.175 euros.

9) Le 29 septembre 2020, la date d'échéance du prêt a été reportée au 30 septembre 2021. Le solde du prêt a été fixé à 13.375.174,25 euros, avec un intérêt fixe de 3,5 % sur la période comprise entre le 1er octobre 2020 et le 30 septembre 2021, ce taux passant à 7% à défaut de remboursement à échéance, avec effet rétroactif au 1er octobre 2019. Un nouvel engagement de caution a été consenti par M. [J] dans la limite de 13.843.306 euros.

Il doit être ici précisé que la convention initiale prévoit en son article 3 :

- que la rémunération totale (intérêts fixes et intérêts variables) sera en tout état de cause plafonnée au taux de 20% annuel ;

- que les intérêts seront capitalisés annuellement ;

- qu'au cas où l'ensemble immobilier n'aurait pas été vendu à l'issue des dix huit mois impartis, ou au cas où l'emprunteur n'aurait pas remboursé ledit prêt à la date d'échéance visée à l'article 2.1 ci-dessus, il sera appliqué une majoration de 20% au taux fixe, et ce avec rétroactivité au premier jour du déblocage des fonds.

Aussi, en prévoyant un taux fixe de 20% avec effet rétroactif et capitalisation des intérêts, la nouvelle stipulation d'intérêts prévue à l'avenant n°5 respecte la limite qui avait été fixée par le contrat, librement signé par la société emprunteuse qui n'en conteste pas la validité, puisqu'il avait été prévu que le taux d'intérêt fixe pourrait atteindre 27% avec effet rétroactif au premier jour du déblocage des fonds au cas où l'emprunteur n'aurait pas remboursé le prêt à la date d'échéance, outre la capitalisation des intérêts.

Les stipulations d'intérêts des 6ème, 7ème, 8ème et 9ème avenants n'excèdent pas non plus les limites fixées par le contrat.

La société Cherche-Midi et son gérant M. [J] avaient donc consenti dès le contrat initial, dont ils ne remettent pas en cause la validité, à un taux maximum d'intérêt de 27% l'an rétroactif et capitalisable, limite qu'aucun des avenants ultérieurs n'a excédé, en sorte qu'en ne remboursant pas l'emprunt aux échéances successivement reportées, ils savaient s'exposer à cette charge d'intérêts maximale, étant observé que comme le souligne l'intimée, le gérant de la société Cherche-Midi est un marchand de bien particulièrement expérimenté exerçant une dizaine de mandats dans des sociétés spécialisées dans l'immobilier. Il a en outre déjà contracté avec la société Effi Invest II dans le cadre d'opérations similaires, notamment l'achat en vue de sa revente d'un ensemble immobilier situé [Adresse 5] et [Adresse 2]. M. [J] s'était là aussi porté caution solidaire pour un montant maximum de 24.344.270 euros.

Pour ce premier motif, l'abus de dépendance économique dont les appelants se prévalent à compter du 5ème avenant n'apparaît pas sérieux.

En outre, il n'est produit aucun courrier du gérant de la société Cherche-Midi remettant en cause la stipulation d'intérêts suite à l'avenant n° 5 qui en a modifié les conditions initiales, ni après les autres avenants qui à partir du septième, ont fixé le montant du solde exigible après intégration des intérêts capitalisés. Au contraire, alors que l'avenant n°9 du 29 septembre 2020 mentionne un solde exigible de 13.373.174,25 euros, soit 6.750.000 euros en principal et 6.625.174,25 euros en intérêts, par courrier du 12 octobre 2021 la société du Cherche-Midi s'engage à payer immédiatement huit millions d'euros, ce qu'elle a fait, puis un million d'euros et ensuite trois millions d'euros, reconnaissant ainsi devoir plus de douze millions sans émettre de contestation sur la stipulation d'intérêts. Ce n'est que par lettre de son conseil en date du 29 juillet 2022, après avoir été mise en demeure de payer le solde exigible de 7.196.957,76 euros, que la société Cherche-Midi a contesté les intérêts.

Par ailleurs, les appelants ne démontrent pas qu'ils n'avaient pas d'autre alternative que d'accepter les nouvelles stipulations d'intérêts, ne faisant qu'affirmer leur incapacité financière à solder l'emprunt tant que l'immeuble financé n'était pas revendu, sans produire aucun élément sur la situation financière de la société Cherche-Midi ni celle de la caution, M. [J], qui ne fournit aucune indication sur l'état de son patrimoine.

Quant au fait que les avenants aient été négociés oralement et signés au domicile de M. [J], alors que celui-ci rencontrait des problèmes de santé, il ne suffit pas à caractériser une situation de contrainte, révélant aussi bien une relation de confiance entre cocontractants d'habitude, la société Effi Invest II indiquant d'ailleurs que c'est à la demande de M. [J] qu'elle se rendait au domicile de celui-ci. Aucun courrier n'a été adressé par M. [J] à son prêteur venant remettre en cause les conditions de signature des avenants.

La contestation soulevée par l'emprunteur et sa caution n'apparaît donc pas sérieuse. Leur obligation de remboursement solidaire n'est dès lors pas sérieusement contestable à hauteur de la somme de 5.843.305,35 euros sollicitée par l'intimée à titre de provision et retenue par le premier juge, correspondant au montant du solde exigible de l'emprunt au 30 septembre 2021 (soit 13.843.305,35 euros), après déduction de l'acompte de 8.000.000 euros versé par l'emprunteur, étant précisé que ce solde n'excède pas l'engagement de caution de M. [J], fixé à 13.843.306 euros.

L'ordonnance entreprise sera par conséquent confirmée.

Sur la demande de délais de paiement

Contrairement à ce que soutient l'intimée, la demande de délais de paiement des appelants est recevable même si elle a été présentée pur la première fois en cause d'appel.

En effet, les mesures de grâce peuvent être sollicitées en tout état de cause (3e Civ., 22 juin 2022, pourvoi n° 21-13.476).

Les appelants disposent manifestement d'un patrimoine suffisant pour régler leur dette. La société du Cherche-Midi s'engageait en effet le 12 octobre 2021 à verser à son prêteur plus de douze millions d'euros. Dans le cadre de la présente instance, les appelants offrent de payer deux millions d'euros par la vente d'un ensemble immobilier situé en Loire-Atlantique et détenu par la société immobilière Faure et Cie, et 1.579.196 euros par la vente d'un autre bien immobilier situé [Adresse 7], propriété d'une société détenue par M. [J]. Les appelants ne contredisent pas la société intimée lorsqu'elle expose que M. [J] exerce douze mandats au sein de sociétés dont le capital social, pour certaines, atteint des millions, notamment la société civile agricole du Saule dont le capital social est de 3.434'939 euros, dont M. [J] détient l'usufruit à hauteur de 99,9%, et la société d'aménagement foncier et ingénierie immobilière dont le capital social s'élève à 1.934.504 euros, détenu à hauteur de 99,99% par M. [J]. Sans fournir aucun élément sur l'état de leur patrimoine disponible, les appelants proposent un nouvel échéancier subordonné à la vente prochaine de biens immobiliers. Ils ont toutefois déjà bénéficié de très longs délais puisque le prêt participatif litigieux aurait dû être remboursé le 1er juin 2016, et que depuis la vente du bien immobilier financé par ce prêt en octobre 2021 et le versement subséquent d'un acompte de huit millions d'euros, ils ont disposé de plus d'une année pour rassembler les fonds nécessaires à l'apurement de leur dette.

Il ne saurait dans ces conditions être fait droit à la demande de délais de paiement.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance sera confirmée, sauf en ce qu'elle a condamné la seule société Cherche-Midi aux dépens, M. [J] y étant aussi tenu solidairement en tant que partie perdante.

Perdant en appel, la société Cherche-Midi et M. [J] seront solidairement condamnés aux dépens de cette instance et à payer à la société Effi Invest II la somme de 8.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, cette indemnité venant s'ajouter à celle de 5.000 euros allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise,

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a condamné la seule société Cherche-Midi aux dépens,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Déclare recevable la demande de délais de paiement de la société Cherche-Midi et de M. [J],

Déboute la société Cherche-Midi et M. [J] de leur demande de délais de paiement,

Condamne solidairement la société Cherche-Midi et M. [J] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne solidairement la société Cherche-Midi et M. [J] à payer à la société Effi Invest II la somme de 8.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés à hauteur d'appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/18581
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;22.18581 ?
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