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09/02/2023 | FRANCE | N°22/13910

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 09 février 2023, 22/13910


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 09 FEVRIER 2023



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13910 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHFS



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Mai 2022 -Président du TJ de Paris - RG n° 22/52163





APPELANTE



S.A.S. NANO BOUTIQUE 1, RCS de Paris n°798 128 922



[Adres

se 1]

Et [Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

Assistée à l'audience par Me Loïc THOREL, avocat au barreau de ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/13910 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGHFS

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 19 Mai 2022 -Président du TJ de Paris - RG n° 22/52163

APPELANTE

S.A.S. NANO BOUTIQUE 1, RCS de Paris n°798 128 922

[Adresse 1]

Et [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

Assistée à l'audience par Me Loïc THOREL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0108

INTIMEE

S.C.I. ROMAN, RCS de Paris n°515 391 852

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurent CREHANGE de la SELAS CREHANGE & KLEIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : C1312

Assistée à l'audience par Me Cédric KLEIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Janvier 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous-seing-privé du 10 septembre 2013, la société Roman a loué à la société Franprix Expansion, avec faculté de substitution, des locaux situés dans l'immeuble sis [Adresse 1] et [Adresse 1], moyennant un loyer annuel de 79.000 euros par an hors taxes et hors charges, payable trimestriellement et d'avance, outre une indexation annuelle variable.

Par avenant de substitution du 31 octobre 2013, la société Nano Boutique 1 a succédé au preneur.

Des loyers étant demeurés impayés, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer, visant la clause résolutoire, par exploit délivré en date du 18 novembre 2021 à la société Nano Boutique 1, pour une somme en principal de 29.745,50 euros, au titre de l'arriéré locatif arrêté au 4ème trimestre 2021

Par exploit du 26 janvier 2022, la société Roman a fait assigner la société Nano Boutique 1 devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 18 décembre 2021,

- ordonner l'expulsion de la société Nano Boutique 1 et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin est,

- dire que le bailleur conservera le dépôt de garantie,

- ordonner le transport et la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu'il plaira au bailleur aux frais risques et péril de la partie expulsée,

- condamner la société Nano Boutique 1 à payer à la société Roman par provision à compter de la résiliation du bail une indemnité provisionnelle journalière égale à la somme de 472,41 euros hors-taxes, outre la TVA en vigueur au jour du prononcé de la décision, augmentée des charges de tous accessoires du loyer, jusqu'à la libération des locaux,

- condamner la société Nano Boutique 1 à payer à la société Roman la somme provisionnelle de 49.070,16 euros hors-taxes outre la TVA au titre de l'arriéré locatif, arrêté au 17janvier 2022,

- dire que les sommes auxquelles la défenderesse sera condamnée porteront intérêt au taux contractuel de 1,5 % par mois de retard à compter du 18 novembre 2021,

- condamner la société Nano Boutique 1 au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement, dont distraction au profit de son conseil.

Par ordonnance du 19 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 18 décembre 2021 ;

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Nano Boutique 1 et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] et [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier ;

- dit, en tant que de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point ;

- fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la société Nano Boutique 1, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au dernier montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné la société Nano Boutique 1 au paiement de cette indemnité ;

- condamné par provision la société Nano Boutique 1 à payer à la société Roman la somme de 49.070,16 euros HT outre la TVA de droit au titre du solde des loyers, charges, accessoires arriérés, arrêtés au premier trimestre 2022, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de la délivrance de l'assignation ;

- condamné la société Nano Boutique 1 à payer à la société Roman la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Nano Boutique 1 aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement dont distraction au profit de la société [U] & Klein associés prise en la personne de Me Laurent Crehange, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes les autres demandes ;

- rappelé que la présente décision est exécutoire par provision et nonobstant appel.

Par déclaration du 20 juillet 2022, la société Nano Boutique 1 a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 13 décembre 2022, la société Nano Boutique 1 demande à la cour de :

- débouter la société Roman de son appel incident et de l'ensemble de ses moyens, fins et écritures ;

- la déclarer en revanche recevable en son appel, l'y dire bien-fondée ;

- infirmer en conséquence, l'ordonnance de référé rendue le 19 mai 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris (RG n°22/52163) tend à obtenir l'annulation et/ou l'infirmation de cette décision selon les moyens énoncés dans les présentes conclusions et ce qu'elle a :

' constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 18 décembre 2021,

' ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, son expulsion et celle de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] et [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

' dit, en tant que de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point,

' fixé à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par celle-ci, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au dernier montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires et condamné celle-ci au paiement de cette indemnité,

' condamné par provision celle-ci à payer à la société Roman la somme de 49.070,16 euros HT outre la TVA de droit au titre du solde des loyers, charges, accessoires arriérés, arrêtés au premier trimestre 2022 outre intérêts au taux légal à compter de la date de la délivrance de l'assignation,

' condamné celle-ci à payer à la société Roman la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné celle-ci aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement dont distraction au profit de la société [U] & Klein associés prise en la personne de Me Laurent Crehange, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau,

- débouter, à titre principal, la société Roman de l'ensemble de ses demandes ;

- juger n'y avoir lieu à constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail existant entre elle et la société Roman ni à expulsion ;

- décharger celle-ci de tout paiement au profit de la société Roman ;

- lui accorder, à titre subsidiaire, un délai de vingt-quatre mois pour s'acquitter de toutes sommes qui resterait due, en sus du courant, en précisant qu'en cas de respect des conditions et délais fixés, la clause résolutoire dont les effets seront suspendus pendant ce temps, sera réputée ne jamais avoir été acquise au bailleur ;

- ordonner, en tant que de besoin et en cas de résolution du bail, à titre provisionnel, la restitution provisionnelle par la société Roman, à celle-ci, du dépôt de garantie ;

- condamner la société Roman aux entiers dépens, pour lesquels il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile avec distraction au profit de Me Loïc Thorel pour ceux de première instance et de Me Marie-Hélène Dujardin pour ceux d'appel.

La société Nano Boutique 1 soutient en substance que :

- sa demande de délais sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil n'est pas une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, alors qu'elle n'était pas comparante en première instance,

- elle est victime d'agissements frauduleux des anciens propriétaires et dirigeants et de la société mère, la société FKN Market, contre qui une plainte pénale a été déposée,

- elle n'a jamais été informée de l'existence d'un commandement de payer visant la clause résolutoire ni d'une assignation devant le tribunal judiciaire de Paris,

- sa bonne foi est établie, et elle a restitué le local pour éviter une expulsion,

- sa situation justifie que l'application de la clause résolutoire ne soit pas admise,

- la seule somme due au bailleur à l'heure actuelle est celle de 5.252,41 euros correspondant au loyer au prorata de 23 jours d'occupation du local.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 5 décembre 2022, la société Roman demande à la cour de :

- débouter la société Nano Boutique 1 de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Paris le 19 mai 2022 en ce qu'elle a :

' constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 18 décembre 2021,

' ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Nano Boutique 1 et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] et [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

' dit, en tant que de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu'à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier chargé de l'exécution, avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l'expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l'exécution, conformément à ce que prévoient les dispositions du code des procédures civiles d'exécution sur ce point,

' condamné par provision la société Nano Boutique 1 à lui payer la somme de 49.070,16 euros HT outre la TVA de droit au titre du solde des loyers, charges, accessoires arriérés, arrêtés au premier trimestre 2022 outre intérêts au taux légal à compter de la date de la délivrance de l'assignation,

- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Paris le 19 mai 2022 en ce qu'elle a rejeté sa demande de conservation du dépôt de garantie et en ce qu'elle a rejeté sa demande tendant à appliquer un taux d'intérêt conventionnel de 1,5% ;

- déclarer la cour non saisie de la demande de la société Nano Boutique 1 tendant à « juger » ;

- déclarer irrecevable et subsidiairement infondée, la société Nano Boutique 1 en sa demande nouvelle devant la cour tendant à obtenir subsidiairement des délais de paiement ;

- déclarer irrecevable et subsidiairement infondée, la société Nano Boutique 1 en sa demande nouvelle devant la cour tendant à obtenir, en cas de résolution du bail, la restitution à titre provisionnelle du dépôt de garantie ;

Et statuant à nouveau,

- condamner la société Nano Boutique 1 à lui payer la somme de 6.836,80 euros HT, au taux de TVA en vigueur au jour du prononcé de la décision à intervenir, au titre de l'arriéré locatif arrêté au 24 octobre 2022, date de remise des clefs des lieux loués ;

- fixer l'indemnité d'occupation due par la société Nano Boutique 1 à celle-ci à compter du 18 novembre 2021 et jusqu'à la libération complète des lieux à la somme journalière de 472,41 euros HT, outre la TVA au taux en vigueur au jour du prononcé de la décision, augmentée des charges et de tous accessoires du loyer et condamner la société Nano Boutique 1 à lui payer cette somme ;

- ordonner que les sommes auxquelles la société Nano Boutique 1 sera condamnée à lui payer porteront intérêts au taux contractuel de 1,5% par mois de retard à compter du 27 novembre 2021 ;

- ordonner la conservation du dépôt de garantie par elle ;

- débouter la société Nano Boutique 1 de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Nano Boutique 1 à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Nano Boutique 1 aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la société [U] & Klein associés, prise en la personne de Me Laurent Crehange, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Roman soutient en substance que :

- la plainte pénale invoquée n'est pas produite, et tous les actes d'exécution ont été signifiés à l'adresse indiquée dans les conclusions de la société Nano Boutique 1, qui était nécessairement informée de la procédure menée,

- le dispositif des écritures de la société Nano Boutique 1 est irrégulier en ce qu'il ne formule pas de prétention en ce qui concerne l'acquisition de la clause résolutoire, de sorte que la cour n'est pas saisie de la demande de "juger",

- la demande de délais est formulée pour la première fois en appel et irrecevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile,

- la clause résolutoire est irrémédiablement acquise depuis le 18 novembre 2021,

- la bonne foi de la société Nano Boutique 1 n'est pas établie alors qu'elle a toujours refusé d'exécuter ses obligations contractuelles, et que sa restitution des clés et le paiement partiel des sommes dues n'ont rien de volontaires,

- la somme due s'élève à 6.836, 80 euros HT au titre de l'arriéré locatif au 24 octobre 2022,

- les intérêts de retard conventionnels sont dus, ainsi que l'indemnité d'occupation journalière au double du montant du dernier loyer annuel révisé, le dépôt de garantie étant conservé.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Sur le dispositif des écritures de la société Nano Boutique 1

A titre liminaire, il est fait grief à la société Nano Boutique 1 d'avoir fait figurer dans le dispositif de ses écritures la formulation suivante: "Juger n'y avoir lieu à constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail existant entre la société Nano Boutique1 et la société Roman ni à expulsion", qui ne constituerait pas une prétention.

Il résulte de la combinaison des articles 562 et 954, alinéa 3, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que la partie qui entend voir infirmer le chef d'un jugement l'ayant déboutée d'une contestation de la validité d'un acte de procédure, et accueillir cette contestation doit formuler une prétention en ce sens dans le dispositif de ses conclusions d'appel. Selon ces textes, dans les procédures d'appel avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En l'espèce, quand bien même la demande de "juger que" constituerait un rappel de moyens, la cour est incontestablement saisie d'une demande d'infirmation de la décision querellée en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire, de sorte que la demande de la société Roman tendant à voir "Déclarer la cour non saisie de la demande tendant à "juger"", qui pourrait d'ailleurs encourir le même grief, sera rejetée.

Sur la recevabilité de la demande de délais de grâce

Contrairement à ce que soutient l'intimée, la demande de délais de paiement des appelants est recevable même si elle a été présentée pur la première fois en cause d'appel.

En effet, les mesures de grâce peuvent être sollicitées en tout état de cause (3e Civ., 22 juin 2022, pourvoi n° 21-13.476) de sorte que cette demande n'est pas nouvelle et est recevable au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En application de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en oeuvre régulièrement.

Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Faute d'avoir payé ou contesté les causes du commandement de payer dans le délai imparti, prévu au contrat de bail, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer. L'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.

En l'espèce, il est constant que le 18 novembre 2021, la société Roman a fait délivrer à la société Nano Boutique 1 un commandement de payer, visant la clause résolutoire stipulée dans le bail conclu entre les parties le 10 septembre 2013, modifié par avenant du 31 octobre 2013, pour avoir paiement de la somme en principal de 29.745 euros correspondant à l'arriéré locatif arrêté au 4e trimestre 2021ainsi qu'il résulte des décomptes joints au commandement de payer.

Il résulte des décomptes versés aux débats, établis postérieurement à la délivrance du commandement de payer, que les causes du celui-ci n'ont pas été réglées dans le mois imparti par ledit acte conformément aux clauses conventionnelles et à l'article L.145-41 du code de commerce, et il n'apparaît pas qu'elles ont été contestées dans ce délai.

Il n'apparaît pas davantage que la société Roman a agi de mauvaise foi lors de la délivrance du commandement alors qu'il est établi que la société Nano Boutique 1 ne justifie pas n'avoir pas été informée des actes délivrés, tous délivrés à l'adresse du magasin,que la dette locative a certes diminué mais grâce aux effets d'une saisie attribution du 19 septembre 2022 qui a permis d'appréhender sur ses comptes bancaires la somme de 105.544, 91 euros, et qu'un commandement de quitter les lieux lui a été délivré le 4 juillet 2022, suivi de la réquisition de la force publique le 13 juillet 2022, de sorte qu'il ne peut être prétendu que le départ des lieux par la société Nano Boutique 1 aurait été volontaire.

Dans ces conditions, il convient de constater que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail, étaient réunies à la date du 18 décembre 2021, l'ordonnance entreprise étant confirmée de ce chef, étant précisé qu'il n'y a plus lieu d'ordonner l'expulsion de l'appelante qui a quitté les lieux, ce qui n'est pas discuté.

Sur les demandes de provision au titre de l'arriéré locatif, de l'indemnité d'occupation et du dépôt de garantie

Selon l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier, ou ordonné l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'obligation de la société Nano Boutique 1 au paiement d'une indemnité d'occupation, contrepartie de l'occupation sans droit ni titre des locaux depuis la date d'acquisition des effets de la clause résolutoire, ne se heurte à aucune contestation sérieuse.

S'il est prévu dans le bail, à l'article 15, qu'à défaut pour le preneur d'évacuer les lieux il serait redevable au bailleur de plein droit et sans préavis d'une indemnité d'occupation fixée pour chaque jour de retard au double du montant du dernier loyer annuel révisé, la majoration contractuellement fixée s'analyse en une clause pénale, susceptible de conférer un avantage excessif au bailleur et par conéquent d'être minorée par le juge du fond, de sorte que l'obligation à ce titre de l'intimé se heurte à une contestation sérieuse.

En conséquence, l'indemnité d'occupation au paiement de laquelle sera tenue la société Nano Boutique 1, sera égale au montant du dernier loyer majoré des charges et taxes, qui aurait été dû si le bail s'était poursuivi, l'ordonnance étant confirmée de ce chef.

La société Roman sollicite le paiement de la somme de 6.836, 80 euros HT euros arrêtée au 24 octobre 2022, date du départ des lieux par la société Nano Boutique 1 au titre de l'arriéré locatif et des indemnités d'occupation ainsi qu'il résulte du décompte arrêté à cette date versé aux débats.

Au regard de celui-ci, l'obligation de la société Nano Boutique 1 n'apparaît pas sérieusement contestable à hauteur de la somme réclamée.

Il convient donc d'actualiser la créance de la société Roman et de condamner, par provision, l'appelante au paiement de la somme de 6.836, 80 euros HT arrêtée au 24 octobre 2022, date du départ des lieux par la société Nano Boutique 1 au titre de l'arriéré locatif et des indemnités d'occupation dues.

L'article 15 susvisé du contrat dispose qu'en cas de résiliation le dépôt de garantie restera acquis au bailleur.

Toutefois, cette indemnité, constituant une clause pénale, est susceptible de revêtir un caractère manifestement excessif, au sens de l'article 1231-5 du code civil, de sorte que la demande formulée à ce titre se heurte à une contestation sérieuse. Aussi convient-il de rejeter la demande de provision formulée de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sort des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile a été exactement tranché par le premier juge.

La société Nano Boutique 1 qui succombe supportera les dépens d'appel, tandis qu'il sera alloué à la société Roman la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance rendue, sauf à actualiser le montant de la provision demandée,

Vu l'évolution du litige, statuant à nouveau,

Déclare recevable la demande de délais de grâce de la société Nano Boutique 1,

Condamne la société Nano Boutique 1 payer à la société Roman la somme provisionnelle de 6.836, 80 euros HT arrêtée au 24 octobre 2022, date du départ des lieux par la société Nano Boutique 1 au titre de l'arriéré locatif et des indemnités d'occupation dues,

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Roman relative au dépôt de garantie,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Nano Boutique 1 aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la société [U] & Klein associés, prise en la personne de Me [B] [U], conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et à payer à la société Roman la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/13910
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;22.13910 ?
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