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09/02/2023 | FRANCE | N°21/12049

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 09 février 2023, 21/12049


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 09 FEVRIER 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12049

N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6J6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2021 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 18/06646



APPELANT



Monsieur [H] [S]

[Adresse 3]

[Localité 7]

né le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 10] (F

rance)

Représenté et assisté par Me Kamel MAOUCHE de l'AARPI MAOUCHE DE FOLLEVILLE Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : B0116



INTIMEES



S.A. AVIVA ASSURANCES

[Adresse 1]

[Loc...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12049

N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6J6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Avril 2021 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 18/06646

APPELANT

Monsieur [H] [S]

[Adresse 3]

[Localité 7]

né le [Date naissance 2] 1989 à [Localité 10] (France)

Représenté et assisté par Me Kamel MAOUCHE de l'AARPI MAOUCHE DE FOLLEVILLE Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : B0116

INTIMEES

S.A. AVIVA ASSURANCES

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assistée par Me Myriam HOUFANI, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE L'ESSONNE

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 5]

n'a pas constitué avocat

RAM ILE DE FRANCE EST

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 4]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Françoise Gilly-Escoffier, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 25 octobre 2012 à [Localité 10] (91), M. [H] [S] a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par M. [O] [N], et assuré auprès de la société Aviva assurances, dont la nouvelle dénomination est la société Abeille IARD & santé (la société Abeille).

M. [S], qui circulait en tricycle sans être titulaire de l'attestation de formation pour les tricycles et sous l'emprise de stupéfiants a fait l'objet d'un examen médical amiable effectué par le Docteur [X] et le Docteur [Z], après avis du Docteur [T], psychiatre.

Les experts ont établi leur rapport le 18 avril 2016.

Par ordonnance du 26 septembre 2016, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a condamné la société Abeille au paiement d'une provision de 13 000 euros.

Par arrêt du 23 mai 2017, la cour d'appel de Paris infirmant cette ordonnance a alloué à M. [S] une provision de 55 673,93 euros.

Par exploits des 30 mai, 11 et 13 juin 2018, M. [S] a fait assigner la société Abeille, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la CPAM) et le régime social des indépendants Ile de France Est (le RSI) devant le tribunal judiciaire de Paris en indemnisation de ses préjudices consécutifs à l'accident.

Par jugement du 9 avril 2021, cette juridiction, a :

- rappelé que les instances n° RG 20/3405 et 20/06337 ont déjà été jointes à l'instance n°18/6646 et qu'il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur leur jonction,

- dit que le véhicule conduit par M. [N] et assuré auprès de la société Abeille est impliqué dans la survenance de l'accident du 25 octobre 2012 à [Localité 14] dont a été victime M. [S],

- dit que les fautes commises M. [S] réduisent de 25% son droit à indemnisation,

- condamné la société Abeille à payer M. [S] à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions de 76 173,93 euros non déduites, les sommes suivantes en réparation de ses préjudices :

- frais divers : 1 197 euros

- pertes de gains professionnels actuels : 15 157,38 euros

- assistance par tierce personne : 4 308 euros

- incidence professionnelle : 30 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 5 039,06 euros

- souffrances endurées : 9 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 72 345 euros

- préjudice esthétique permanent : 4 500 euros

- préjudice d'agrément : 1 125 euros

- préjudice sexuel : 1 500 euros

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,

- débouté M. [S] de ses demandes liées aux dépenses de santé futures et aux pertes de gains professionnels futurs,

- ordonné, avant-dire droit sur la demande en aggravation, une expertise médicale de M. [S],

- commis pour y procéder le Docteur [W], [avec la mission habituelle en la matière],

- fixé à la somme de 1 000 euros le montant de la provision à valoir sur les frais d'expertise, qui devra être consignée par M. [S] à la régie du tribunal de grande instance de Paris avant le 1er juin 2021,

- déclaré le jugement commun à la CPAM et au RSI aux droits duquel est venue la Sécurité sociale des indépendants,

- condamné la société Abeille aux dépens et à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 1er juillet 2021, M. [S] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a dit que les fautes commises réduisent son droit à indemnisation, réduit en conséquence l'indemnisation au titre des postes de déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent, souffrances endurées, préjudice esthétique permanent, frais divers, assistance par tierce personne, dépenses de santé futures, rejeté sa demande au titre de la perte de gains professionnels futurs, et limité le montant de l'indemnisation au titre des préjudice sexuel, préjudice d'agrément, incidence professionnelle et perte de gains professionnels actuels.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [S], notifiées le 10 novembre 2022, aux termes desquelles il demande à la cour, de :

Vu le code civil,

Vu la loi n°85-677 du 5 juillet 1985,

infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- dit que les fautes commises par M. [S] réduisent de 25% son droit à indemnisation

- en conséquence, fait droit aux demandes mais réduit le droit à indemnisation au titre des postes suivants :

- déficit fonctionnel temporaire à 5 039,06 euros

- souffrances endurées à 9 000 euros

- préjudice esthétique permanent à 4 500 euros

- déficit fonctionnel permanent à 72 345 euros

- frais divers à 1 197 euros

- assistance par tierce personne à 4 308 euros

- débouté M. [S] de ses demandes liées aux dépenses de santé futures,

- débouté M. [S] de ses demandes liées aux pertes de gains professionnels futurs,

- limité le montant de l'indemnisation au titre du préjudice sexuel à la somme de 2 000 euros, soit 1 500 euros après réduction de son droit à indemnisation

- limité le montant de l'indemnisation au titre du préjudice d'agrément à la somme de 1 500 euros, soit 1 125 euros après réduction de son droit à indemnisation

- limité le montant de l'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle à la somme de 40 000 euros, soit 30 000 euros après réduction du droit à indemnisation

- limité le montant de l'indemnisation au titre de la perte de gains professionnels actuels à la somme de 20 209,84 euros, soit 15 157,38 euros après réduction de son droit à indemnisation,

Statuant à nouveau,

juger son droit à indemnisation de ses préjudices entier,

condamner la société Abeille à lui verser la somme de 613 046,59 euros, à parfaire, en quittance ou deniers en réparation des préjudices subis décomposée comme suit :

- au titre des préjudices extra-patrimoniaux :

- déficit fonctionnel temporaire : 6 718,75 euros

- souffrances endurées : 12 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 87 640 euros

- préjudice d'agrément : 8 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 6 000 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros

- au titre des préjudices patrimoniaux :

- frais divers : 1 596 euros

- assistance par tierce personne : 5 736,64 euros

- perte de revenus actuels : 27 982,24 euros

- dépenses de santé futures : 1 049,48 euros, à parfaire

- perte gains professionnels futurs : 351 323,52 euros

dont :

- 154 024,20 euros pour la période du 1er janvier 2014 au 1er mars 2023

- 197 299,32 euros pour la période postérieure au 1er mars 2023

- incidence professionnelle : 100 000 euros,

condamner la société Abeille à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dès lors qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du demandeur les sommes qu'il a dû engager pour voir assurer le respect de ses droits,

condamner la société Abeille aux entiers dépens.

Vu les conclusions de la société Abeille, notifiées le 26 septembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu les dispositions de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985,

Vu l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale,

Vu l'article 146 du code de procédure civile,

juger la société Abeille recevable et bien fondée en ses conclusions,

confirmer le jugement rendu le 9 avril 2021 par la 19ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a :

- dit que le véhicule conduit par M. [N] et assuré auprès de la société Abeille est impliqué dans la survenance de l'accident du 25 octobre 2012 à [Localité 14] dont a été victime M. [S],

- dit que les fautes commises par M. [S] réduisent de 25% son droit à indemnisation,

- condamné la société Abeille à payer à M. [S] à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions de 76 173,93 euros non déduites, les sommes suivantes en réparation de ses préjudices :

- frais divers : 1 197 euros

- pertes de gains professionnels actuels : 15 157,38 euros

- assistance par tierce personne : 4 308 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 5 039,06 euros

- souffrances endurées : 9 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 4 500 euros

- préjudice d'agrément : 1 125 euros

- préjudice sexuel : 1 500 euros

- débouté M. [S] de ses demandes liées aux dépenses de santé futures et aux pertes de gains professionnels futurs,

- ordonné, avant-dire droit sur la demande en aggravation, une expertise médicale de M. [S] et commis pour y procéder le Docteur [W], lequel s'adjoindra si nécessaire tout sapiteur dans une spécialité distincte de la sienne, et donné à l'expert une mission détaillée,

- déclaré le jugement commun à la CPAM et au RSI aux droits duquel est venue la Sécurité sociale des indépendants,

- condamné la société Abeille aux dépens et à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

infirmer le jugement rendu le 9 avril 2021 par la 19ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a condamné la société Abeille à payer à M. [S] à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions de 76 173,93 euros non déduites :

- la somme de 30 000 euros en réparation du poste incidence professionnelle,

- la somme 72 345 euros en réparation du poste déficit fonctionnel permanent,

Statuant à nouveau de ces chefs

réduire les réclamations présentées par M. [S] au titre des postes incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent après application de la réduction du droit à indemnisation dans les proportions suivantes :

- déficit fonctionnel permanent : 52 500 euros,

- incidence professionnelle : 18 750 euros,

Y ajoutant

déduire les indemnités versées à M. [S] par la société Abeille à hauteur de la somme totale de 172 288,22 euros incluant la somme de 96 114,29 euros versée au titre de l'exécution provisoire dont a été assorti le jugement entrepris,

débouter M. [S] de la réclamation qu'il présente sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles d'appel et au titre des dépens d'appel,

réduire à titre subsidiaire dans de plus justes proportions la réclamation présentée par M. [S] au titre des frais irrépétibles.

La CPAM et le RSI auxquels la déclaration d'appel a été signifiée par actes respectivement délivrés le 30 septembre 2021, déposé en l'étude de l'huissier de justice, et le 24 septembre 2021, transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

Le tribunal a retenu qu'il ressortait du procès-verbal d'accident que M. [S] avait circulé en ayant consommé du cannabis dans des proportions considérées comme pouvant amoindrir ses réflexes, à une vitesse inadaptée à la circulation en agglomération en sortie de virage avec une plus faible visibilité et sans avoir été formé à la conduite des tricycles, et que ces fautes étaient de nature à réduire son droit à indemnisation de 25 %.

M. [S] soutient qu'il circulait dans sa voie lorsqu'il s'est soudain trouvé face au véhicule de M. [N], qui, après avoir effectué un demi-tour, a franchi la ligne continue et est venu dans sa voie, ce qu'il ne pouvait prévoir ; il ajoute que le premier juge s'est fondé sur un motif hypothétique d'amoindrissement de ses réflexes par la prise de stupéfiants, et qu'en toute hypothèse le taux mesuré de cannabis était faible, conteste avoir circulé à une vitesse inadaptée et relève que s'il n'est pas formé à la conduite de tricycle, il est titulaire du permis B.

Il avance enfin que la prise de stupéfiants et le défaut de détention d'un certificat de formation à la conduite de tricycle ne sont pas en lien de causalité avec son dommage.

La société Abeille fait valoir que la prise de cannabis a nécessairement eu pour effet d'amoindrir les réflexes de M. [S] et de modifier sa capacité à prendre une décision adaptée pour éviter de heurter le véhicule de M. [N], dont la présence n'était pas imprévisible, que la vitesse adoptée par M. [S] était inadaptée car il roulait à plus de 50 km/h alors qu'il sortait d'un virage et qu'il aurait dû envisager l'absence de visibilité, ce qui a nécessairement contribué à la violence du choc, enfin que le défaut de formation à la conduite de tricycle a nécessairement obéré l'efficacité de la manoeuvre qu'il a entreprise pour éviter la collision.

Sur ce, en vertu de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur victime d'un accident de la circulation est indemnisé des dommages qu'il a subis sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, faute, qui a pour effet de limiter ou d'exclure son indemnisation et qui doit s'apprécier en faisant abstraction du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de police que l'accident s'est produit le 25 octobre 2012 à 18 heures, alors qu'il faisait jour, [Adresse 9], dans la portion située entre le carrefour de [Adresse 11] et [Adresse 12], sur une voie à double sens de circulation, les chaussées étant séparées par une ligne blanche continue, et sur laquelle la circulation est limitée à 50 km/h.

M. [S] qui circulait au guidon d'un tricycle en direction de [Adresse 12] est entré en collision avec le véhicule de M. [N] qui se dirigeait vers [Adresse 11].

M. [N] a déclaré qu'il avait aperçu devant lui un embouteillage, qu'il avait décidé de faire une manoeuvre de demi-tour en franchissant la ligne continue, que regardant dans son rétroviseur il avait vu un scooter à environ 150 mètres derrière lui, que sa voie étant dégagée devant lui sur 250 mètres et la visibilité étant bonne, il avait entamé sa manoeuvre de demi-tour en franchissant la ligne continue au ralenti, qu'il avait effectué les trois quarts de cette manoeuvre lorsqu'il avait entendu un coup de klaxon puis avait ressenti un choc violent, qu'après s'être arrêté il avait vu un homme au sol.

M. [S] lorsqu'il a été entendu par les policiers le 12 février 2013, a indiqué qu'il circulait à environ 40/50 km/h, qu'il n'y avait pas de véhicule devant lui, qu'il avait aperçu sur la chaussée opposée un véhicule à l'arrêt car cette chaussée était très 'chargée', que tout à coup il avait vu ce véhicule braquer ses roues, franchir la ligne continue et se positionner en biais par rapport à lui, qu'il avait alors tenté de se diriger vers la droite le long du trottoir pour éviter la collision, mais que le véhicule avait poursuivi sa manoeuvre et l'avait percuté.

M. [S] a reconnu ne pas être titulaire de l'attestation de formation à la conduite d'un tricycle à moteur de type L5e ; il a déclaré avoir consommé du cannabis la veille de l'accident et les prélèvements sanguins effectués ont révélé la présence dans son sang de cannabis, au taux de 12 ng/ml.

M. [K] [B], entendu en qualité de témoin, a déclaré qu'il roulait en direction de [Adresse 11], que la circulation, dans son sens, était en accordéon, qu'un véhicule qui venait de le doubler avait actionné son clignotant puis avait brusquement viré à gauche pour faire un demi-tour, s'était arrêté en travers de la chaussée, seul son arrière étant encore dans sa voie, puis avait redémarré à très faible allure, qu'un scooter qui arrivait s'était dirigé sur sa droite comme pour essayer de passer devant ce véhicule, mais l'avait heurté à l'avant droit.

Il a ajouté, d'une part, que le scooter circulait dans sa voie, qu'il sortait d'un virage et qu'il pensait qu'il n'avait pas eu le temps de freiner dans la mesure où 'c'était trop court en distance et la visibilité pour le scooter était moindre en raison de la sortie du virage' et, d'autre part, que le scooter roulait 'peut-être' un peu vite.

Mme [G] [M] épouse [L], autre témoin, a indiqué qu'elle avait été dépassée par le scooter qui roulait 'assez vite', qu'un véhicule avait entrepris de faire un demi-tour malgré la ligne blanche et que le scooter l'avait percuté violemment.

Il résulte de l'ensemble de ces données que M. [S] qui sortait d'un virage en évoluant sur une voie réservée à son sens de circulation, qui n'était pas encombrée, s'est trouvé brusquement confronté, sans qu'il puisse raisonnablement l'envisager, à un véhicule qui empiétait largement sur sa voie, après avoir effectué un demi-tour en franchissant la ligne continue, et sans qu'il dispose des distance et largeur suffisantes pour effectuer une manoeuvre de freinage ou d'évitement efficaces.

Par ailleurs, il n'est aucunement démontré, d'une part, que sa consommation de cannabis, la veille de l'accident et dans la proportion retrouvée dans son sang lors des faits, ait pu amoindrir son discernement et ses réflexes et ainsi contribuer à la réalisation de son dommage, d'autre part, qu'il circulait à une vitesse inadaptée, alors que l'appréciation des deux témoins sur ce point est imprécise et nécessairement subjective, que M. [S] ne pouvait raisonnablement envisager la présence d'un véhicule obstruant sa voie, enfin que son absence de formation à la conduite des tricycles a pu jouer un rôle dans la survenance de son préjudice, alors que comme précisé ci-dessus, il ne disposait pas des distance et largeur suffisantes pour éviter de heurter le véhicule de M. [N].

Il y a lieu en conséquence de dire que le droit à indemnisation de M. [S] est entier et d'infirmer le jugement sur ce point.

Sur le préjudice corporel

Les experts, les Docteurs [X] et [Z] ont indiqué dans leur rapport en date du 12 septembre 2022 que M. [S] a présenté à la suite de l'accident du 25 octobre 2012 une fracture du fémur droit, une fracture du fémur gauche, et une fracture du poignet droit et qu'il conserve comme séquelles un enraidissement du poignet droit avec une diminution de la force de préhension de la main droite, une légère diminution de force des interosseux et de l'extenseur propre du I, un enraidissement du genou droit dont la flexion est limitée avec une instabilité latérale externe et un tiroir antéro postérieur, un raccourcissement du membre inférieur gauche de 2 cm, une diminution d'amplitude de la coxofémorale gauche, une amyotrophie du membre inférieur droit et un syndrome anxio-dépressif.

Ils ont conclu ainsi qu'il suit :

- arrêt des activités professionnelles du 25 octobre 2012 au 1er janvier 2014

- déficit fonctionnel temporaire total du 25 octobre 2012 au 16 janvier 2013

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de75 % du 17 janvier 2013 au 16 février 2013 et au taux de 50 % du 17 février 2013 au 19 novembre 2013 et du 20 novembre 2013 au 25 novembre 2013

- assistance temporaire par tierce personne de 3 heures par jour durant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 %, de 1 heure par jour du 18 février 2013 jusqu'au 31 août 2013 et de 4 heures par semaine du 1er septembre 2013 au 1er janvier 2014

- consolidation au 1er janvier 2014

- souffrances endurées de 4/7

- déficit fonctionnel permanent de 28 % dont 20 % sur le plan orthopédique

- incidence professionnelle : la victime n'a pas pu reprendre son activité de chauffeur livreur ; il a été évoqué un projet de travail dans une entreprise de location de voiture ; M. [S] est tout à fait apte à une activité sédentaire

- préjudice esthétique permanent de 3/7

- préjudice d'agrément : M. [S] ne pourra pas reprendre la boxe

- préjudice sexuel : M. [S] décrit une gêne positionnelle.

Ce rapport constitue, sous les précisions qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le[Date naissance 2] 1989, de son activité chauffeur livreur salarié, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais du 31 octobre 2022, taux d'intérêts 0 % qui est le plus approprié en l'espèce pour s'appuyer sur les données démographiques et économiques les plus pertinentes.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Ce poste est constitué en l'espèce des frais d'hospitalisation, médicaux, pharmaceutiques et de transport pris en charge par la CPAM soit la somme de 43 599,54 euros, la victime n'invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

- Frais divers

Ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

Le tribunal a évalué ce poste de dommage à la somme de 1 596 euros et a alloué à M. [S] une indemnité de 1197 euros tenant compte de la réduction du droit à indemnisation de 25 % qu'il avait retenu.

Les parties s'accordent pour évaluer ce poste, correspondant aux frais d'assistance à expertise par médecin conseil, à la somme de 1 596 euros, mais la société Abeille offre une indemnité de 1 197 euros en confirmation du jugement.

Eu égard aux factures communiquées la somme de 1 596 euros doit être allouée à M. [S] au titre des honoraires de médecin conseil.

Le jugement est infirmé.

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Le tribunal a évalué ce poste de préjudice sur la base d'un salaire mensuel antérieur à l'accident de 1 400,22 euros et d'une durée d'arrêt de travail de 14,43 mois.

M. [S] estime que le tribunal a commis une erreur dans la mesure où sa perte doit être calculée sur la base de son salaire journalier de 64,62 euros correspondant à 21 jours travaillés et non 30.

La société Abeille répond que le salaire net journalier était de 46,674 euros puisque le salaire mensuel net était de 1400,22 euros.

Sur ce, M. [S] a communiqué le contrat de travail à durée indéterminée qu'il a signé avec la société Easylinks Logistique, pour un emploi de chauffeur livreur, moyennant un salaire mensuel brut de 1 800 euros pour 151,67 heures de travail par mois et les bulletins de salaire des mois de septembre et d'octobre 2012 qui lui ont été délivrés par cette société, faisant état du versement d'un salaire net de 1400,22 euros pour 151,67 heures de travail.

Il ressort de ces documents que M. [S] était payé au mois et qu'ainsi sa perte de gains professionnels actuels doit être calculée sur la base d'un salaire de 1 400,22 euros pour 30 jours.

Durant la période d'arrêt de travail retenue par l'expert, du 25 octobre 2012 au 1er janvier 2014, la perte de gains a ainsi été de 20 256,52 euros (1 400,22 euros / 30 jours x 434 jours).

Aucune prestation de nature à s'imputer sur cette perte n'ayant été versée à M. [S], l'indemnité de 20 256,52 euros lui revient en intégralité.

Le jugement est infirmé.

- Assistance temporaire par tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Le tribunal a évalué l'assistance temporaire par tierce personne sur la base du volume horaire retenu par l'expert et d'un taux horaire de 16 euros, et fixé l'indemnité revenant à M. [S], après réduction de son droit à indemnisation, à la somme de 4 308 euros, ce que la société Abeille demande à la cour de confirmer.

Sur ce, les parties s'accordent sur la quantité d'heures d'aide fixée par l'expert et sur un tarif horaire de 16 euros, ce qui représente une somme totale de 5 436,64 euros qui revient en totalité à M. [S].

Le jugement est infirmé.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Le tribunal a débouté M. [S] de sa demande formée au titre de ce poste de préjudice, aux motifs, d'une part, que M. [S] avait déclaré aux experts qu'il avait arrêté les séances de kinésithérapie en mai 2013 et qu'il n'avait plus consulté de médecin après décembre 2013, ce qui était cohérent avec l'état définitif des débours de la CPAM qui ne faisait pas mention de dépenses de santé après le 14 novembre 2013, et, d'autre part, que les feuilles de soins produites datant essentiellement de 2017 ne permettaient pas de relier les soins à l'accident du 25 octobre 2012.

M. [S] relève que le tribunal, au vu des éléments médicaux qu'il avait produits, dont un certificat médical du Docteur [F], en date du 10 novembre 2017, a ordonné une expertise en aggravation, de sorte que le lien entre les frais médicaux exposés en 2017 et l'accident du 25 octobre 2012 est établi. Il sollicite ainsi une indemnité de 1 049,48 euros.

La société Abeille oppose que le Docteur [W], désigné par le tribunal en qualité d'expert, pour émettre un avis sur une éventuelle aggravation de l'état de santé de M. [S], a considéré aux termes de son rapport en date du 12 septembre 2022, qu'étaient seuls en rapport avec l'accident du 25 octobre 2012 le syndrome du canal carpien et ses suites, les autres lésions étant imputables à une chute survenue le 30 janvier 2017 ; elle estime ainsi que la demande de M. [S] portant sur les dépenses de santé futures devra être appréciée au titre du préjudice aggravé. Elle conclut ainsi au rejet de cette demande au titre de la liquidation du préjudice initial.

Sur ce, M. [S] a communiqué diverses factures et feuilles de soins, pour la plupart desquelles le lien entre la dépense et l'accident ne peut être affirmé, étant rappelé, ainsi que le relève la société Abeille que les experts amiables ont noté en page 5 de leur rapport que M. [S] a déclaré qu'au delà de décembre 2013 il n'avait plus consulté et qu'il n'y avait eu aucune prise en charge ; les autres de ces documents correspondent à des frais exposés après le 10 novembre 2017, soit après le certificat médical du Docteur [F] faisant état d'une aggravation de l'état de santé de M. [S], au vu duquel le tribunal a ordonné une expertise médicale afin d'apprécier l'existence d'une éventuelle aggravation de son état de santé, de sorte que la demande d'indemnisation de M. [S] est prématurée.

La seule dépense en lien certain avec l'accident et antérieure au 10 novembre 2017 correspond à la facture du 25 janvier 2017 émise par Mme [R] [P], podologue, de fourniture d'une paire d'orthèses plantaires, pour une somme de 120 euros ; or cette dépense est prise en charge par la CPAM, sur prescription médicale, pour être inscrite sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR), liste à laquelle cette facture fait d'ailleurs référence ; M. [S] ne justifie donc pas de frais restés à sa charge au titre de cette facture.

Compte tenu des éléments qui précèdent M. [S] doit être débouté de sa demande d'indemnisation de dépenses de santé futures, mais seulement pour la période échue jusqu'au 9 novembre 2017 inclus.

Il appartiendra au premier juge qui a ordonné avant dire droit une expertise en aggravation de se prononcer sur son existence et sur les préjudices en résultant, notamment en ce qui concerne les dépenses de santé.

Le jugement est infirmé.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Le tribunal a débouté M. [S] de sa demande au titre d'une perte de gains professionnels futurs après avoir considéré que les séquelles dont M. [S] reste atteint ne l'empêchent pas de se reconvertir dans une activité professionnelle sédentaire, ce qu'il a d'ailleurs commencé à faire en s'inscrivant en capacité de droit et qu'il ne démontrait pas ne pas pouvoir accéder à un niveau de rémunération égal à celui qu'il avait avant l'accident.

M. [S] soutient que son diplôme de BEP logistique et commercialisation ne lui permettait pas de trouver un emploi sédentaire et qu'il a été dans l'obligation de se reconvertir, ce qu'il a tenté de faire en passant une capacité en droit, qu'il a réussie en 2019, mais qu'il n'a pas pu poursuivre des études et n'a pas retrouvé de travail ; il ajoute que les séquelles de l'accident au niveau de sa main droite rendent difficiles une reconversion dans un emploi sédentaire lui rapportant un niveau de rémunération équivalent à celui qui était le sien lors de l'accident ; il admet que n'étant pas inapte à tout emploi, il peut prétendre à un poste de travail rémunéré au SMIC à compter du 1er mars 2023.

M. [S] liquide ainsi sa perte de gains sur la base de son salaire mensuel net antérieur à l'accident de 1 400,22 euros, dont il demande l'indemnisation en intégralité jusqu'au 1er mars 2023, date prévisible de la décision à intervenir, puis pour la période postérieure, déduit de ce salaire le montant du SMIC et sollicite l'indemnisation du solde qu'il capitalise pour l'avenir jusqu'à l'âge de la retraite à 65 ans selon le barème publié par la Gazette du palais le 31 octobre 2022, taux d'intérêts - 1%.

La société Abeille conclut au rejet de la demande de M. [S] au titre de la perte de gains professionnels futurs en relevant que les experts n'ont retenu une incapacité de travail que jusqu'au 31 décembre 2013 et ont considéré qu'au-delà de cette date M. [S] était apte à reprendre un emploi ; elle estime en outre qu'au regard de sa qualification, du poste qu'il occupait au moment de l'accident et de 'son souhait éventuel de devenir auto entrepreneur', rien n'établit qu'il aurait pu percevoir un salaire d'un montant supérieur au SMIC, ainsi qu'il le soutient ; elle avance qu'au surplus aucun élément ne démontre que le travail sédentaire auquel il est apte serait rémunéré à un niveau inférieur à celui de l'emploi qu'il occupait lors de l'accident.

Elle argue enfin de ce que M. [S] ne produit aucun justificatif de sa situation et de ses revenus depuis l'accident et de ce qu'en toute hypothèse il ne peut solliciter l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs liée à l'aggravation qu'il allègue.

Sur ce, M. [S] affirme que sa situation d'absence d'emploi rémunéré depuis la consolidation fixée au 1er janvier 2014 par les experts amiables est en lien avec les séquelles initiales de cet accident ; il ne prétend pas qu'elle soit en lien avec l'aggravation qu'il invoque pour la période échue à compter du 1er novembre 2017, étant précisé que ceci est confirmé par les pièces produites aux débats, dont le rapport d'expertise du Docteur [W] en date du 12 septembre 2022.

Le cour est donc en mesure de liquider le préjudice correspondant à la perte de gains professionnels futurs pour toute la période échue à compter de la consolidation du 1er janvier 2014.

Il est acquis aux débats que les séquelles de l'accident du 25 octobre 2012, consistant notamment en un enraidissement du poignet droit avec une diminution de la force de préhension de la main droite, un enraidissement du genou droit avec limitation de la flexion et instabilité latérale et en un raccourcissement du membre inférieur gauche de 2 cm, ont rendu impossible l'exercice par M. [S] de son activité professionnelle de chauffeur livreur et ont été à l'origine de la perte de son emploi.

M. [S] justifie avoir engagé une reconversion en s'inscrivant à un plan d'accompagnement d'étudiant handicapé pour l'année universitaire 2016/2017 et affirme avoir obtenu la capacité en droit ; il admet qu'il est en mesure à l'avenir de retrouver un emploi, mais estime que celui-ci ne pourra être rémunéré qu'au niveau du SMIC.

M. [S] justifie, par ses avis d'imposition sur les revenus des années 2014 à 2020 et par les attestations de paiement délivrées par la Caisse d'allocations familiales, mentionnant notamment pour les années 2021 et 2022, la perception du revenu de solidarité active, ne pas avoir retrouvé d'emploi depuis son accident.

Néanmoins, compte tenu de son âge, de la circonstance qu'il est titulaire d'une capacité en droit qui lui ouvre des possibilités d'emplois variés non seulement compatibles avec ses séquelles mais également d'un niveau de rémunération supérieur au SMIC, M. [S] ne démontre pas ne pas pouvoir retravailler à un niveau de rémunération équivalent à celui qui était le sien avant l'accident.

Sa demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs n'est donc fondée que pour la période échue entre la consolidation et ce jour.

L'indemnisation sera faite sur la base du salaire antérieur à l'accident de 1 463 euros nets.

La perte est la suivante 152 974,04 euros (1 400,22 euros x109,25 mois).

Aucune prestation ne réparant ce poste de préjudice n'ayant été versée à M. [S] cette indemnité lui revient en intégralité.

Le jugement est infirmé.

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Le tribunal a alloué à M. [S] une indemnité de 30 000 euros après application de la réduction de son droit à indemnisation de 25 %, afin de compenser l'obligation dans laquelle il se trouve de se reconvertir professionnellement, la pénibilité accrue qu'il va subir et la dévalorisation sur la marché du travail à laquelle il est exposé.

M. [S] demande à la cour de l'indemniser à hauteur de la somme de 100 000 euros au titre de la perte de son emploi, de la nécessité d'une reconversion professionnelle, de la plus grande pénibilité, de sa dévalorisation sur le marché du travail et de son préjudice de carrière.

La société Abeille conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour d'évaluer l'incidence professionnelle à la somme de 25 000 euros, indemnisant la nécessité d'une reconversion professionnelle et la pénibilité accrue, qui, selon elle, sera limitée, M. [S] devant exercer un métier sédentaire ; elle relève que M. [S] qui ne fournit aucun justificatif sur l'évolution de sa situation ne prouve pas l'existence d'un préjudice de carrière.

Sur ce, il est établi que M. [S] a perdu son emploi et a dû entreprendre une reconversion professionnelle du fait de l'accident ; il est patent que les séquelles de celui-ci, consistant notamment en un enraidissement du poignet droit avec une diminution de la force de préhension de la main droite, un enraidissement du genou droit avec limitation de la flexion et instabilité latérale et en un raccourcissement du membre inférieur gauche, vont lui occasionner une pénibilité accrue, quelque soit l'emploi qu'il exercera à l'avenir, même sédentaire, et vont entraîner sa dévalorisation sur le marché du travail ; en revanche, M. [S] n'a communiqué aucune pièce telle une attestation de son employeur, pour établir qu'il aurait pu progresser au sein de son entreprise et que l'accident lui a fait perdre une chance d'évolution de carrière.

Eu égard aux éléments qui précèdent, à l'âge de M. [S] à la date de la consolidation, soit 24 ans, l'incidence professionnelle de l'accident doit être évaluée à la somme de 50 000 euros.

Cette somme revient en intégralité à M. [S].

Le jugement est infirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Les parties s'accordent sur l'évaluation faite par le tribunal de ce poste de préjudice à hauteur de la somme totale de 6 718,75 euros, sur une base journalière de 25 euros, la société Abeille concluant seulement à l'application de la réduction du droit à indemnisation.

Ce poste de dommage sera donc réparé à hauteur de la somme de 6 718,75 euros.

Le jugement est infirmé.

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation

Les parties s'accordent sur l'évaluation faite par le tribunal de ce poste de préjudice à hauteur de la somme de 12 000 euros, la société Abeille concluant seulement à l'application de la réduction du droit à indemnisation.

Ce poste de dommage sera donc réparé à hauteur de la somme de 12 000 euros.

Le jugement est infirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

M. [S] sollicite la confirmation du jugement qui a évalué son déficit fonctionnel permanent à la somme de 87 640 euros alors que la société Abeille demande à la cour de fixer ce poste de préjudice à la somme de 70 000 euros avant application de la réduction du droit à indemnisation.

Sur ce, ce préjudice est caractérisé par un enraidissement du poignet droit avec une diminution de la force de préhension de la main droite, une légère diminution de force des interosseux et de l'extenseur propre du I, un enraidissement du genou droit dont la flexion est limitée avec une instabilité latérale externe et un tiroir antéro postétrieur, un raccourcissement du membre inférieur gauche de 2 cm, une diminution d'amplitude de la coxofémorale gauche, une amyotrophie du membre inférieur droit et un syndrome anxio-dépressif, conduisant à un taux de 28 % et impliquant, compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence, que le tribunal l'a justement évalué à hauteur de la somme de 87 640 euros pour un homme âgé de 24 ans à la consolidation.

L'indemnité de 87 640 euros revient en intégralité à M. [S].

Le jugement est infirmé.

- Préjudice esthétique permanent

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 3/7 au titre du raccourcissement du membre inférieur gauche, de l'amyotrophie du membre inférieur droit et des nombreuses cicatrices, ce préjudice doit être évalué à la somme de 6 000 euros ainsi que le demande M. [S].

Cette indemnité revient en intégralité à M. [S].

Le jugement est infirmé.

- Préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. [S] ne justifie pas qu'il s'adonnait, avant l'accident, à une activité de cette nature, en l'absence du moindre élément produit à ce sujet (attestation ou autre) ; néanmoins la société Abeille conclut, dans le dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour, en application de l'article 954 du code de procédure civile, à la confirmation du jugement.

Une indemnité de 1 125 euros doit en conséquence être allouée à M. [S].

Le jugement est confirmé.

- Préjudice sexuel

Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle, soit le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.).

Les experts ont retenu une gêne positionnelle qui doit être réparée à hauteur de la somme de 5 000 euros.

Le jugement est infirmé.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Abeille qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à M. [S] une indemnité de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Infirme le jugement hormis sur la condamnation prononcée à l'encontre de la société Abeille IARD & santé au titre du préjudice d'agrément subi par M. [H] [S] et sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que le droit à indemnisation de M. [H] [S] des suites de l'accident de la circulation survenu le 25 octobre 2012 est entier,

- Condamne la société Abeille IARD & santé à payer à M. [H] [S] les indemnités suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus, au titre des postes ci-après de son préjudice corporel consécutif à l'accident du 25 octobre 2012 :

- frais divers : 1 596 euros

- perte de gains professionnels actuels : 20 256,52 euros

- assistance temporaire par tierce personne : 5 436,64 euros

- perte de gains professionnels futurs : 152 974,04 euros

- incidence professionnelle : 50 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 6 718,75 euros

- souffrances endurées : 12 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 6 000 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros,

- Déboute M. [H] [S] de sa demande d'indemnisation de dépenses de santé futures pour la période échue jusqu'au 9 novembre 2017 inclus,

- Condamne la société Abeille IARD & santé à payer à M. [H] [S] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Abeille IARD & santé aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/12049
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;21.12049 ?
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