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09/02/2023 | FRANCE | N°20/07903

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 09 février 2023, 20/07903


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 09 FÉVRIER 2023



(n° 2023/ , 21 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07903 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWFB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/03638





APPELANTE



SAS AIRBUS HELICOPTERS

[Adresse 1]

[Localité 3]

>
Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125





INTIMES



Monsieur [L] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

né le 17 Octobre 1985 à [Localité 5]



Représenté par M...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 09 FÉVRIER 2023

(n° 2023/ , 21 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07903 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWFB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F18/03638

APPELANTE

SAS AIRBUS HELICOPTERS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

INTIMES

Monsieur [L] [B]

[Adresse 2]

[Localité 4]

né le 17 Octobre 1985 à [Localité 5]

Représenté par Me Sophie KERIHUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

Syndicat CGT DES SALARIES AIRBUS HELICOPTERS PARIS LE BOURG ET

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Sophie KERIHUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : E1355

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [Z] [D], dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] [B] a été engagé par la société Eurocopter devenue Airbus Helicopters, ci-après la société, par contrat de travail à durée indéterminée du 1er février 2008 en qualité d'agent de fabrication niveau II échelon 3 coefficient 215.

En dernier lieu, il exerçait les fonctions de technicien d'atelier niveau IV, échelon 1, coefficient 255.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective régionale des industries métallurgies, mécaniques et connexes de la région parisienne (IDCC 54).

La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Avec d'autres salariés, M. [B] a été envoyé sur un site en Allemagne de janvier 2016 à juillet 2017. En dernier lieu, il a signé avec son employeur le 12 décembre 2016 une 'lettre de mission' prévoyant sa mission sur le site de Donauworth en Allemagne pour une durée du 9 janvier 2017 au 28 juillet 2017 et les conditions financières de celle-ci.

La société dit avoir constaté à la suite d'un contrôle interne des irrégularités à l'occasion de cette mission notamment dans le remboursement de notes de frais et la déclaration des jours de présence.

La société affirme avoir convoqué M. [B] à un entretien préalable à une éventuelle sanction fixé au 24 janvier 2018 par une lettre datée du 15 janvier 2018 que M. [B] nie avoir reçue.

Ce dernier a contesté les faits qui lui étaient reprochés par une lettre remise en main propre le 15 janvier 2018.

Il ne s'est pas présenté à l'entretien et s'est vu notifier son licenciement pour faute réelle et sérieuse par lettre du 2 février 2018, mesure qu'il a contestée aux termes d'un courrier du 13 février 2018 en sollicitant sa réintégration. Le 8 mars 2018, la société a répondu à M. [B] qu'elle maintenait sa décision.

M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 17 décembre 2018. Le syndicat CGT des salariés Airbus Helicopters, ci-après le syndicat, est intervenu à l'instance. Par jugement du 14 octobre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, cette juridiction a :

- dit qu'en vertu des dispositions de l'article L. 1232-4 du code du travail les faits reprochés à M. [B] commis en Allemagne en 2017 sont prescrits ;

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [B] à la somme de 2 359,84 euros nets ;

- dit le licenciement de M. [B] sans cause réelle et sérieuse et par conséquent, condamné la société à lui régler les sommes suivantes :

* 18 878,72 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 657,11 euros au titre de rappels de salaire,

* 8 140 euros au titre des retenues calendaires,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté M. [B] du surplus de ses demandes ;

- débouté le syndicat CGT de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande reconventionnelle ;

- condamné la société aux entiers dépens de l' instance.

Par déclaration du 20 novembre 2020, la société a relevé appel de ce jugement dont elle a reçu notification le 22 octobre 2020 en intimant M. [B].

Le 30 juillet 2021, le syndicat CGT des salariés Airbus Helicopters Paris le Bourget a constitué avocat.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 9 septembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

- constater que M. [B] a commis une faute en déclarant de manière frauduleuse avoir été présent dans l'entreprise, en ne justifiant pas de certaines absences, et en contournant les règles de l'entreprise afin d'obtenir le remboursement indu de frais professionnels ;

- constater que les faits sur lesquels la mesure de licenciement reposent ne sont pas prescrits ;

en conséquence,

- infirmer le jugement ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à la somme de 18 878,72 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

statuant à nouveau,

- juger que le licenciement notifié le 2 février 2018 repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter M. [B] de ses demandes à ce titre ;

- constater que la demande de rappel de salaire au titre des absences injustifiées et de l'indemnité calendaire est injustifiée ;

en conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à la somme de 3 657,11 euros au titre de rappel de salaire et de 8 140 euros au titre des retenues calendaires ;

statuant à nouveau,

* débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

- confirmer le jugement en ce qu'il débouté M. [B] du surplus de ses demandes ;

à titre subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [B] est sans cause réelle et sérieuse, il lui est demandé de :

- constater que M. [B] n'apporte aucun élément de nature à justifier le préjudice qu'il allègue ;

- ramener le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse octroyés à de plus justes proportions, et en tout état de cause à la somme maximale de 18 878,72 euros bruts retenue par le premier juge ;

en tout état de cause :

- débouter M. [B] du surplus de ses demandes ;

- le condamner à verser à la société la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens de l'instance avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

si par extraordinaire la cour venait à considérer tout ou partie des demandes de dommages et intérêts présentées par M. [B] fondées, il y aurait lieu de juger que les éventuelles condamnations à des sommes de nature salariale et/ou les éventuels dommages et intérêts alloués à ce dernier s'entendraient comme des sommes brutes et avant CSG/CRDS,dans les conditions et limites légales en vigueur.

Par conclusions transmises par le RPVA le 20 septembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [B] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a considéré comme prescrits les faits prétendument fautifs fondant son licenciement ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à lui verser les sommes suivantes :

- 3 657,11 euros bruts au titre du rappel de salaires correspondant aux absences prétendument injustifiées ;

- 8 140 euros nets au titre du rappel des indemnités calendaires retenues dans le solde de tout compte (forfait de 115€/jour) ;

- réformer le jugement pour le surplus ;

en conséquence :

1/ dans l'hypothèse d'une confirmation du jugement sur la prescription des faits prétendument fautifs :

- juger que la note du 7 mars 2017« Mission Ramp Up Support Condition 2017 » est nulle compte tenu de son caractère discriminatoire ;

subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a jugé de nul effet la note du 7 mars 2017 « Mission Ramp Up Support Condition 2017 » dans les relations de travail entre la société et lui ;

- juger que le licenciement est nul car discriminatoire ;

- condamner la société à lui verser la somme de 42 327 euros nets, correspondant à 18 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- juger que la procédure de licenciement est irrégulière ;

- condamner la société à lui verser la somme de 2 832,12 euros nets à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

subsidiairement :

* confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la société au versement de dommages et intérêts,

* juger en cas de licenciement dénué de cause réelle et sérieuse que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,

* condamner en conséquence la société à lui verser la somme de 42 327 euros nets, correspondant à 18 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

subsidiairement : condamner à la société à lui verser la somme de 23 515 euros nets (10 mois) ;

à titre infiniment subsidiaire : confirmer le jugement lui ayant octroyé la somme de 18 878,72 euros.

2/ si le jugement était réformé sur la prescription des faits prétendument fautifs :

- juger que la note du 7 mars 2017 « Mission Ramp Up Support Condition 2017 » est nulle compte tenu de son caractère discriminatoire ;

subsidiairement, juger de nul effet la note du 7 mars 2017 « Mission Ramp Up Support Condition 2017 » dans les relations de travail entre la société et lui ;

- juger que le licenciement est nul car discriminatoire ;

- condamner en conséquence la société à lui verser la somme de 42 327 euros nets, correspondant à 18 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

- juger que la procédure de licenciement est irrégulière ;

- condamner en conséquence la société à lui verser la somme de 2 832,12 euros nets à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

subsidiairement juger que le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* juger en cas de licenciement dénué de cause réelle et sérieuse que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,

* condamner en conséquence la société à lui verser la somme de 42 327 euros nets, correspondant à 18 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

subsidiairement : condamner la société à lui verser la somme de 23 515 euros nets (10 mois) ;

très subsidiairement : juger que la procédure de licenciement est irrégulière,

Condamner la société à lui verser la somme de 2 832,12 euros nets à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

3/ en tant que de besoin :

- ordonner à la société de produire les copies des « trycosts » (notes de frais) de M. [B] signées et validées par la hiérarchie et/ou le responsable budget pour l'année 2017 ;

- ordonner à la société de produire l'enveloppe de son courrier daté du 15 janvier 2018 portant la mention « Inconnu à cette adresse » ;

4/ en tout état de cause :

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 15 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de bonne foi contractuelle,

* 3 220 euros nets au titre du rappel des indemnités calendaires non perçues au mois de juillet 2017 (28 jours), subsidiairement le prorata du loyer de juillet 2017 : 360 euros,

* 470 euros bruts au titre du rappel des heures complémentaires du mois de juillet 2017,

* 213,36 euros nets au titre du rappel de la prime 'frais divers' du mois de juillet 2017,

* 117,16 euros nets au titre du rappel de la prime 'déplacement étranger' du mois de juillet 2017,

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner la société à lui verser la somme de 3 500 euros, ou à défaut confirmer le jugement en ce qu'il a octroyé la somme de 1 500 euros au titre de la première instance, et la somme de 3 500 euros au titre de la procédure d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels ;

- débouter la société de l'ensemble de ses prétentions.

Par conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 20 septembre 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, le syndicat demande à la cour de :

- réformer le jugement ;

en conséquence :

- juger recevable son intervention volontaire ;

- condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts suite à l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession ;

- condamner la société à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur le rappel des indemnités calendaires

Cette demande suppose de statuer d'abord sur la demande de nullité de la note du 7 mars 2007 pour discrimination puis, en cas de rejet de celle-ci, d'examiner son opposabilité à M. [B].

Sur la nullité de la note du 7 mars 2017 'Mission Blue Collars Ramp Up Support Condition 2017" pour discrimination

La société s'oppose à la demande en faisant valoir que le contrat de travail ne comporte aucune disposition relative au remboursement des frais professionnels et que la lettre de mission du 12 décembre 2016 ne fait que renvoyer à l'application de la note de service 'Missions Blue Collars out of AH'. Elle en déduit que M. [B] ne peut se plaindre d'une modification de son contrat de travail au titre de ses frais professionnels puisqu'il ne s'agit pas d'un élément de sa rémunération contractuelle. Elle avance que le forfait journalier constitue un remboursement de frais professionnels, dû pour chaque journée au cours de laquelle le salarié a effectivement exposé des frais et si ceux-ci sont inhérents à son travail. Elle affirme que la note du 7 mars 2017 est venue préciser que le forfait serait versé pendant les arrêts maladie de la même manière que pendant les congés payés. Elle argue que le régime des remboursements de frais est devenu plus favorable à partir de cette date puisqu'auparavant, les règles internes n'édictaient aucun maintien du forfait en cas d'arrêt maladie mais surtout que les règles étant les mêmes que pour les congés payés, le document n'instaure aucun traitement différencié selon l'état de santé des salariés.

Au soutien de sa demande de nullité de la note pour discrimination, M. [B] fait valoir :

- que les lettres de mission prévoyant son détachement en Allemagne ont une valeur contractuelle. Il relève qu'elles prévoyaient notamment une partie 'conditions financières' relative à l'application d'un forfait journalier et que la dernière lettre du 12 décembre 2016 comportait de nouvelles conditions à ce titre avec un forfait de 115 euros par jour et un régime spécifique pour les congés. Il en déduit que cette lettre, dont il conteste qu'elle fasse référence à l'encadrement du forfait journalier prévu par la note du 7 mars 2017, a contractualisé les modalités de l'exécution de la relation de travail en Allemagne, dont le versement du forfait sans référence aux congés maladie, et que l'employeur ne pouvait revenir sans son accord sur les modalités de remboursement de l'indemnité calendaire par ladite note qui prévoit pour la première fois que les absences pour maladie suivraient le même régime que les congés payés ;

- que la pratique instaurée en 2017 envers les salariés malades laisse présumer l'existence d'une discrimination en ce qu'elle les traite de manière moins favorable, en raison de leur état de santé, par rapport à leurs collègues placés dans une situation comparable.

***

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Il résulte de l'article L.1132-4 du code du travail que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du chapitre relatif au principe de non discrimination est nul.

Selon l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient au juge d'apprécier si les éléments présentés par le salarié, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Au cas d'espèce, M. [B] présente les éléments suivants :

- la lettre de mission contractualise le versement du forfait journalier de 115 euros et ses modalités de versement qui ne font aucune référence aux congés maladie de sorte que l'employeur ne pouvait modifier unilatéralement les modalités de versement du forfait par une simple note de service et devait recueillir son accord :

Ce moyen est inopérant dans le cadre de la discussion portant sur le caractère discriminatoire de la note du 7 mars 2017 'Mission Ramp Up Support Condition 2017". En effet, la question de savoir si l'application des règles contenues dans cette note à M. [B] constituait une modification unilatérale de son contrat de travail est indifférente au regard de la question, seule en litige à ce stade de la discussion, consistant à déterminer si les dispositions de la note relatives aux conditions de paiement du forfait journalier en cas d'absences pour maladie sont discriminatoires.

- la note est une mesure interne constitutive d'une discrimination directe à l'encontre des salariés malades car elle prévoit pour la première fois que les absences pour maladie entraînent l'absence de versement du forfait journalier, traitant les salariés malades de manière moins favorable que leurs collègues placés dans une situation comparable :

La note litigieuse est ainsi rédigée :

'Hébergement et repas

Application d'un forfait journalier calendaire

. 115 euros par jour (rubrique note de frais : (HF) (...)

Conditions de remboursement pendant les congés et jours fériés allemand :

Compte tenu des contraintes de logement sur des missions de moyenne à longue durée à Donauworth, le remboursement du loyer (justificatif du loyer à remettre avec la note de frais sous forme de quittance de loyer ou autre) repose sur le calcul suivant :

. Loyer divisé par le nombre de jour du mois de l'absence, divisé par le nombre de jours calendaire inclus du lundi au dimanche posé en congés = montant à rembourser

Exemple : (...)

. En cas de congés lié à un jour férié allemand, le forfait sera maintenu (115 euros)

. En cas de prise d'un jour de congé à titre très exceptionnel durant votre mission, le forfait ne sera pas payé ce jour-là.

(...)

Absences durant la mission (1/2)

Au delà des congés payés et supplémentaires, il existe dans notre réglementation des absences diverses (congés enfant malade, congés pour événements familiaux , ...) mais aussi les absences maladie/Accident du Travail.

Les règles pour tous ces motifs d'absences sont les mêmes que pour les congés payés :

- pour toutes les absences inférieures à 1 semaine : Pas de paiement du forfait journalier (du lundi au vendredi).

- Pour les absences supérieures ou égales à 1 semaine calendaire (7 jours) : Prise en compte du loyer uniquement et sur la même base de calcul que pour les congés (voir page précédente). (...)'.

La note exclut ainsi le forfait journalier en cas d'absence pour maladie inférieure à une semaine et instaure un maintien partiel du forfait en cas d'arrêt maladie supérieur ou égal à une semaine.

Il résulte par ailleurs des pièces versées aux débats, notamment des notes précédentes 'Mission Blue Collars Ramp Up Support' produites par le salarié, qu'auparavant aucun exclusion totale ou partielle du versement du forfait journalier n'était expressément prévue en cas d'arrêt maladie.

Cependant, ces éléments ne laissent pas présumer et ne caractérisent pas une discrimination liée à l'état de santé dès lors que nonobstant la qualification du forfait journalier, à savoir élément du salaire ou remboursement de frais, les règles posées par l'employeur dans la note litigieuse relatives à l'effet des absences sur le forfait journalier sont les mêmes quel que soit le motif de l'absence de sorte que toutes les absences entraînent les mêmes conséquences au regard de l'application du forfait journalier. La demande de nullité de la note litigieuse fondée sur son prétendu caractère discriminatoire sera rejetée.

Sur l'inopposabilité des modalités de versement du forfait journalier par la note du 7 mars 2017 'Mission Blue Collars Ramp Up Support Condition 2017" à M. [B]

Comme déjà évoqué, la société fait valoir que le contrat de travail ne comporte aucune disposition relative au remboursement des frais professionnels et que la lettre de mission du 12 décembre 2016 ne fait que renvoyer à l'application de la note de service 'Missions Blue Collars out of AH'. Elle affirme que le forfait journalier constitue un remboursement de frais professionnels qui n'a pas un caractère contractuel et que l'employeur peut fixer des règles internes pour le remboursement des frais. Elle soutient que M. [B] devait ainsi se conformer aux nouvelles règles résultant de la note en litige.

Comme également déjà indiqué, M. [B] prétend au contraire que la lettre de mission du 12 décembre 2016 a contractualisé les modalités de l'exécution de la relation de travail en Allemagne, dont le versement du forfait sans référence aux congés maladie, et en déduit que l'employeur ne pouvait revenir sans son accord sur les modalités de remboursement de l'indemnité calendaire par la note de service du 7 mars 2017.

***

La modification du contrat de travail suppose l'accord du salarié. Elle est caractérisée quand elle porte sur un élément relevant de l'essence du contrat ou sur un élément contractualisé par les parties.

M. [B] observe à juste titre que son contrat de travail ne comporte aucune clause de mobilité de sorte que son consentement était nécessaire pour son détachement en Allemagne.

La lettre de mission signée par la société et de M. [B] le 12 décembre 2016 prévoit son lieu, sa durée, son objet, le temps de travail du salarié et, dans son paragraphe 5, les 'conditions financières de la mission' parmi lesquelles :

'Hébergement & repas

Application d'un forfait journalier (barème spécifique) :

. Forfait de 115 euros journalier et calendaire (hors congés*)

. Prime frais divers 7,62 euros/jour (soumise et imposable)

(*)Conditions de remboursement pendant les congés et jours fériés allemand :

. Prise en charge au prorata du coût du loyer réel à partir d'une semaine de congés.

. En cas de congés lié à un jour férié allemand, le forfait sera maintenu.

. En cas de prise d'un jour de congé à titre très exceptionnel durant votre mission, le forfait ne sera pas payé pour ce jour-là'.

Contrairement à ce que soutient la société, la lettre de mission ne renvoie pas à l'application d'une note 'Missions Blue Collars out of AH' pour les conditions financières. La seule référence à une telle note faite dans la lettre de mission porte sur les modalités de pose d'un jour de congé en cas de jour férié allemand, la lettre prévoyant que dans une telle hypothèse doit être utilisé le formulaire figurant dans le mémo 'Missions Blue Collars out of AH' et cette indication étant portée dans le paragraphe 4 de la lettre consacré au temps de travail.

M. [B] fait valoir à raison que les conditions financières de sa mission étaient déterminantes de son consentement à cette mission. Or y figurent notamment le montant et les conditions du forfait journalier qui n'ont pas été donnés à titre purement informatif puisqu'ils ne résultent pas de la simple remise d'un document au salarié lors de son départ en mission, qu'ils font au contraire l'objet d'une clause spécifique de la lettre de mission signée des deux parties valant contrat et que le montant du forfait journalier est élevé.

Partant, la clause litigieuse constituait un élément du contrat de travail de M. [B] à l'occasion de sa mission qui ne pouvait être modifié sans son accord.

Il résulte de cette clause qu'elle n'excluait partiellement ou totalement l'application du forfait journalier qu'en cas de 'congés'. Le terme de 'congés' ainsi utilisé s'entend des congés payés et ne recouvre pas les absences pour maladie dès lors que le code du travail ne fait pas référence aux congés pour maladie mais aux absences pour maladie et accident. Les termes de la note du 7 mars 2017 ci-dessus reproduits confirment d'ailleurs que les 'congés' désignent exclusivement les congés payés.

Or, la note du 7 mars 2017 a étendu l'exclusion partielle ou totale de l'application du forfait journalier à toutes les absences, notamment à celles pour maladie, étant observé de surcroît que l'allégation de la société suivant laquelle les absences pour maladie même égales ou supérieures à une semaine ne donnaient lieu avant cette note à aucun maintien du forfait journalier n'est pas prouvée.

Il s'ensuit que la société ne pouvait appliquer les règles de paiement du forfait journalier découlant de cette note à M. [B] emportant modification à son contrat de travail, faute d'avoir recueilli son accord.

Sur le rappel au titre des indemnités calendaires retenues dans le solde de tout compte

La société s'oppose à la demande au motif qu'elle a opéré à juste titre la retenue, s'agissant d'un remboursement de frais et n'ayant pas à recueillir le consentement du salarié pour que les conditions de remboursement prévues dans la note du 7 mars 2017 soient opposables au salarié. En toute hypothèse, elle reproche au conseil de prud'hommes de pas avoir tiré les conséquences de l'inopposabilité de ladite note à la relation de travail en calculant le rappel selon le montant de 155 euros prévu par cette note alors que devaient être appliquées les conditions de 2016.

M. [B] conclut à la confirmation du jugement lui ayant alloué à ce titre la somme de 8 140 euros nets. Il se prévaut de la nullité de la note précitée et à tout le moins de son absence d'effet à son égard. Il admet avoir par erreur indiqué des indemnités calendaires pour la période de congés du 13 au 19 février 2017 et avoir ainsi perçu en trop une somme de 715 euros, raison pour laquelle il a diminué le montant de sa demande par rapport à celle indiquée dans sa saisine.

***

Le reçu pour solde de tout compte de M. [B] mentionne une retenue d'avance pour une somme de 8 855 euros qui correspond selon la lettre de licenciement aux indemnités calendaires qui auraient été indûment perçues par le salarié.

Or :

- pour la période du 16 au 27 janvier 2017 et celle du 27 au 31 mars 2017, M. [B] justifie d'arrêts de travail pour maladie, étant rappelé que l'employeur ne pouvait exclure l'application du forfait journalier en cas d'absence pour maladie ;

- pour la période du 7 au 10 mars 2017 ainsi que pour le 13 avril 2017, M. [B] n'établit pas la difficulté de badgeage alléguée pour expliquer qu'il ne figure pas sur les relevés de pointage fournis par la société de sorte qu'il s'agit d'une absence injustifiée ne pouvant donner lieu à l'application du forfait journalier ;

- pour le 14 avril 2017, M. [B] n'établit pas qu'il avait posé un jour de congé pour ce jour férié allemand, ce qui seul lui permettait d'avoir droit au forfait selon sa lettre de mission ;

- M. [B] n'établit pas que le 28 avril 2017 était un jour férié allemand, ni qu'il ait posé un jour de congé pour ce prétendu jour férié de sorte qu'il s'agit d'une absence injustifiée ne pouvant donner lieu à l'application du forfait journalier ;

- M. [B] prouve sa présence pour la période du 2 au 5 mai 2017 par des attestations d'autres salariés ;

- M. [B] était en congés payés du 13 au 19 février 2017 de sorte qu'il n'avait pas droit au forfait journalier intégral mais à la prise en charge du prorata de son loyer conformément à sa lettre de mission ;

- pour le restant des indemnités calendaires perçues, elles correspondent à des périodes d'absence pour maladie ouvrant droit à la perception du forfait journalier.

Il suit de là que M. [B] a perçu indûment 7 forfaits journaliers et une somme excessive au titre de sa période de congés payés. Contrairement à ce que soutient la société, le calcul de la somme réclamée au titre du rappel d'indemnités calendaires de M. [B] sur lequel s'est fondé le conseil de prud'hommes n'est pas basé sur une somme 155 euros par jour, laquelle n'est d'ailleurs pas le montant du forfait journalier visé dans la note du 7 mars 2017 qui est de 115 euros par jour, comme dans la lettre de mission du 12 décembre 2016.

Les 7 forfaits journaliers indûment perçus représentent la somme de 805 euros et le surplus indûment perçu au titre de la période de congés payés correspond à 715 euros (M. [B] ayant perçu 805 euros au lieu de 90 euros selon le détail de calcul fourni dans ses écritures qui apparaît exact). En conséquence, il doit être alloué à M. [B] la somme de 7 335 euros net, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur le rappel au titre des indemnités calendaires du mois de juillet 2017

La société conclut au rejet de la demande.

M. [B] se plaint de ne pas avoir perçu les indemnités calendaires pour le mois de juillet 2017. Il réclame à ce titre la somme de 3 220 euros nets et, à titre subsidiaire, celle de 360 euros au titre du prorata de juillet 2017.

***

Selon la lettre de mission, M. [B] a été détaché en Allemagne jusqu'au 28 juillet 2017. Il résulte de l'extrait de son compte Ameli que M. [B] a été en arrêt maladie de manière ininterrompue du 1er juillet 2017 au 22 juillet 2017 mais ce dernier ne démontre pas qu'il avait un motif d'absence au delà.

L'employeur ne pouvant exclure l'application du forfait journalier pendant les absences pour maladie, M. [B] est fondé à réclamer la somme de 2 530 euros net.

Sur le rappel de salaire correspondant aux absences prétendument injustifiées

La société s'oppose à la demande au motif qu'à défaut de communication de justificatif par M. [B] de ses absences au moment de son licenciement, elle a valablement retenu la somme de 3 657,11 euros de son solde de tout compte.

M. [B] conclut à la confirmation du jugement de ce chef.

***

Le reçu pour solde de tout compte de M. [B] mentionne des retenues pour absences injustifiées comme suit :

- janvier 2017 : 1 179 euros alors que pour la période du 16 au 27 janvier 2017, M. [B] démontre avoir été en arrêt de travail pour maladie. Cette retenue n'est pas fondée ;

- mars 2017 : 1 061,10 euros alors que pour la période du 27 au 31 mars 2017, M. [B] démontre avoir été en arrêt de travail pour maladie. Cette retenue, d'un montant de 589,50 euros, n'est pas fondée. En revanche, la période du 7 au 10 mars 2017 correspond à une absence injustifiée, rendant légitime la retenue opérée ;

- avril 2017 : 353,70 euros. Il résulte de ce qui précède que M. [B] ne justifie pas de ses motifs d'absence durant ce mois ;

- mai 2017 : 471,60 euros alors que M. [B] prouve sa présence pour la période du 2 au 5 mai 2017 par des attestations d'autres salariés de sorte que la retenue n'est pas justifiée ;

- juillet 2017 : 591,71 euros. Comme indiqué précédemment, M. [B] ne démontre pas qu'il avait un motif d'absence pour les derniers jours de sa mission si bien que la retenue est justifiée.

Au total, la société doit être condamnée à payer à M. [B] la somme de 2 240,10 euros bruts au titre de la retenue de salaire, le jugement qui a alloué au salarié la somme de 3 657,11 euros étant infirmé.

Sur les rappels d'heures complémentaires et de primes pour juillet 2017

La société conclut au rejet des demandes.

M. [B] réclame les sommes de :

- 470 euros brut au titre des heures complémentaires, arguant que selon la lettre de mission, il effectuait 6,5 heures complémentaires par semaine, soit 26 heures mensuelles majorées de 25% ;

- 213,36 euros net à titre de prime 'frais divers' prévue par cette même lettre ;

- 117,16 euros net à titre de prime 'déplacement étranger' prévue par cette lettre.

***

Il résulte de la lettre de mission que M. [B] devait être rémunéré sur une base hebdomadaire de 41h30, 'soit 6,5 heures si NCNF (ou 4,5 heures si NCF) majorées à 25%', avait droit à une prime de déplacement étranger consistant en une prime géographique de 5% liée à la mission s'appliquant sur le salaire brut et la prime d'ancienneté et à une prime 'frais divers' de 7,62 euros par jour.

Les demandes de M. [B], sur lesquelles la société ne s'explique pas, sont fondées en leur principe au regard des termes de la lettre de mission mais ne sauraient être accueillies en leur intégralité, compte tenu de la période d'absence injustifiée de M. [B] du 24 au 28 juillet 2017. En application des éléments de calcul pris en considération par M. [B] dans ses écritures qui apparaissent exacts et ne font l'objet d'aucune critique et compte tenu de la période d'absence injustifiée, il lui sera alloué :

- au titre du rappel d'heures complémentaires : 352,46 euros brut ;

- au titre de la prime frais divers : 175,26 euros net ;

- au titre de la prime déplacement étranger : 90,53 euros net.

Sur la moyenne des trois derniers mois de salaire

Bien que la disposition du jugement ayant fixé cette moyenne ait été frappée d'appel, elle ne fait l'objet d'aucune critique et sera donc confirmée.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

' (...) Ainsi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute réelle et sérieuse pour les motifs suivants :

Suite à un contrôle interne, nous avons constaté, dans le cadre de votre mission à Donauwörth en Allemagne, des irrégularités dans diverses déclarations que vous avez faites, concernant les remboursements de vos notes de frais ainsi que vos jours d'absences.

Aussi la Direction a décidé de diligenter une enquête interne en vue de clarifier la situation.

En effet, nous avons constaté que vos absences effectives étaient supérieures au nombre de jours d'absences déclarés et validés au sein de l'outil de gestion des temps.

En outre, le nombre de jours de présence que vous avez déclarés et entraînant le déclenchement des indemnités calendaires propres à votre mission était supérieur au nombre de jours réels de présence.

Dans la fiche déclarative servant à l'attribution des indemnités calendaires « Fiche annexe forfaits », vous avez déclaré avoir été présent dans l'entreprise, alors que vos pointages démontrent que vous étiez absent sans justification et que vous avez donc perçu une rémunération et une indemnité à ce titre, aux dates suivantes :

16/01/2017 27/01/2017 31/03/2017

17/01/2017 07/03/2017 13/04/2017

18/01/2017 08/03/2017 28/04/2017

19/01/2017 09/03/2017 02/05/2017

20/01/2017 10/03/2017 03/05/2017

23/01/2017 27/03/2017 04/05/2017

24/01/2017 28/03/2017 05/05/2017

25/01/2017 29/03/2017

26/01/2017 30/03/2017

Vous n'avez pas justifié les absences suivantes sans pour autant fournir votre « Fiche annexe

forfaits ».

24/07/2017 26/07/2017 28/07/2017

25/07/2017 27/07/2017

Vous avez bénéficié d'une prime calendaire sur les périodes de jours fériés allemands.

Néanmoins et malgré ta règle applicable aux jours fériés, vous n'avez pas déclaré de jour de congé sur cette journée à la date suivante :

14/04/2017

Enfin, vous avez déclaré sur cette fiche des présences correspondant à certains congés alors que vous étiez informé que les motifs d'absences correspondants ne vous donnaient pas droit à des indemnités calendaires, aux dates suivantes :

21/01/2017 27/05/2017 15/06/2017

22/01/2017 28/05/2017 16/06/2017

28/01/2017 29/05/2017 17/06/2017

29/01/2017 30/05/2017 18/06/2017

13/02/2017 31/05/2017 19/06/2017

14/02/2017 01/06/2017 20/06/2017

15/02/2017 02/06/2017 21/06/2017

16/02/2017 03/06/2017 22/06/2017

17/02/2017 04/06/2017 23/06/2017

18/02/2017 06/06/2017 24/06/2017

19/02/2017 07/06/2017 25/06/2017

01/04/2017 08/06/2017 26/06/2017

02/04/2017 09/06/2017 27/06/2017

29/04/2017 10/06/2017 28/06/2017

30/04/2017 11/06/2017 29/06/2017

06/05/2017 12/06/2017 30/06/2017

07/05/2017 13/06/2017

26/05/2017 14/06/2017

Pourtant, vous aviez, à l'époque de vos déclarations, parfaitement connaissance des règles applicables aux situations de détachement puisque cette information vous avait été communiquée à plusieurs reprises lors de sessions d'informations et dans un document explicatif dédié.

Au total, d'après nos calculs, les indemnités calendaires que vous avez indûment perçues représentent un montant de 8 855 euros et le nombre de jours d'absences pour lesquelles vous n'avez pas fourni de justificatif s'élève à 31 jours.

Dans le cadre de son enquête interne, et, toujours disposée à rechercher une solution amiable de recouvrement des éventuelles sommes indues, la Direction a échangé avec vous sur ce sujet lors d'une rencontre qui s'est déroulée le 9 janvier 2018 et vous a présenté le détail des éléments énoncés ci-dessus.

Au cours de cet échange, il vous a été possible de prendre note de ces informations et il vous a été proposé de justifier ces éléments en communiquant les justificatifs appropriés.

Néanmoins, vous n'avez pas été en mesure de fournir de justificatif et n'avez pas souhaité rembourser les sommes demandées.

Aussi, l'analyse faite de l'ensemble de ces éléments révèle l'existence de fausses déclarations, de nature à déclencher le paiement de sommes indues.

Cette situation est constitutive d'une fraude aux règles établies dans le cadre de votre détachement.

Compte tenu de la gravité des faits reprochés, la Direction de l'entreprise a décidé de vous convoquer à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement en vue d'entendre vos explications sur les faits reprochés.

Vous avez adressé un courrier à la Direction des Ressources Humaines le 19 janvier 2018, dans lequel vous avez contesté les faits qui vous sont reprochés, sans pour autant apporter de document justificatif de vos déclarations.

Néanmoins, vous ne vous êtes pas présenté à l'entretien préalable.

Aussi, nous n'avons pu modifier notre appréciation des faits.

En conséquence, nous nous voyons contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute réelle et sérieuse. (...)'.

Sur la nullité du licenciement pour discrimination

Sur la discrimination en raison de l'état de santé

La société argue qu'au regard des motifs énoncés dans la lettre de rupture, il n'existe pas de rapport entre le licenciement pour faute de M. [B] et son état de santé. En outre, elle fait valoir que :

- sur le forfait journalier : M. [B] ne peut se plaindre d'une modification de son contrat de travail, le forfait ne constituant pas un élément de sa rémunération contractuelle mais un remboursement de frais professionnels qui n'a pas à être versé pour les jours d'absence, et les règles instaurées à partir de 2017 sont plus favorables, sans instaurer de traitement différencié selon l'état de santé ;

- sur les faits reprochés à M. [B] : ils reposent sur les 'fiches annexe forfait' que ce dernier a remplies de manière frauduleuse ;

- sur le délaissement de la population malade et le prétendu respect de la procédure interne en matière d'absence : le délaissement allégué n'est pas établi et M. [B] ne démontre pas avoir remis ou adressé ses arrêts maladie ;

- sur les évaluations : M. [B] y est qualifié de très bon professionnel et l'indication que ses absences l'ont pénalisé ne constitue pas un reproche.

M. [B] prétend avoir été victime d'un traitement défavorable en raison de son état de santé, à l'origine du licenciement. Il invoque les éléments suivants :

- les salariés malades sont une population volontairement délaissée par la société. Il se prévaut de :

* la défaillance de la société en matière de traitement et de gestion du temps de travail des salariés malades détachés en Allemagne : il prétend que les 30 salariés français détachés n'ont bénéficié d'aucun encadrement de leur hiérarchie française, ce qui était anxiogène, et se plaint d'une défaillance d'informations entre Airbus France et Airbus Allemagne ;

* du respect par lui de la procédure interne concernant la déclaration de ses absences : il prétend qu'il a justifié ses absences pour maladie, conteste son absence début mai 2017, prétend avoir informé sa hiérarchie d'une difficulté de badgeage durant sa présence sur le site du 7 au 10 mars 2017 et le 13 avril 2017 et ne reconnaît qu'une difficulté concernant la dernière semaine de juillet à la suite de son arrêt maladie qui n'a pas été enregistré ;

- la valeur contractuelle des lettres de mission qui empêchait l'employeur de remettre en cause les modalités du versement du forfait sauf modification de son contrat de travail et le caractère discriminatoire de la mesure résultant de la note du 7 mars 2017 précitée ;

- ses notes de frais ne peuvent être erronées ou frauduleuses car le remboursement suppose la présentation de factures jointes à la note de frais, laquelle est vérifiée par la secrétaire du responsable de production et/ou le responsable de la gestion du personnel puis par le responsable du budget avant son contrôle par le comptable du service Meridian et les logiciels informatiques et comptables. Il relève que l'employeur n'a jamais communiqué ses notes de frais signées et validées par sa hiérarchie et admet seulement avoir par erreur déclaré des indemnités calendaires pour la semaine du 13 au 19 février 2017 ;

- la prise en compte défavorable de son état de santé lors de son évaluation professionnelle en 2014 et 2015.

Il en déduit que son licenciement ne repose sur aucun fait fautif susceptible de le justifier mais est la conséquence du délaissement volontaire de la population malade et de la mesure discriminatoire du 7 mars 2017 de sorte qu'il s'agit d'un licenciement discriminatoire et partant nul, arguant qu'aucun élément objectif ne justifie son éviction brutale.

***

Au soutien de l'allégation selon laquelle l'employeur aurait été défaillant en matière de traitement et de gestion du temps de travail des salariés malades détachés en Allemagne en ce que l'encadrement français aurait été défaillant sur le site allemand, M. [B] n'invoque aucun élément et procède par voie d'affirmation. Quant à l'affirmation d'une défaillance d'informations entre Airbus France et Airbus Allemagne, liée aux dysfonctionnements informatiques du système AGPS, M. [B] ne se prévaut d'aucune pièce à ce titre hormis sa pièce M mais dont il ne résulte pas l'évocation de difficultés dans la gestion des salariés malades, s'agissant d'ailleurs d'un procès-verbal de la réunion des membres du comité d'établissement du 18 décembre 2015, antérieur à son départ en Allemagne.

Au soutien de l'allégation selon laquelle il aurait respecté la procédure interne en matière d'absence et d'arrêt maladie consistant à remettre l'arrêt maladie à sa hiérarchie allemande, M. [B] se fonde sur le relevé de son compte Ameli faisant état d'un arrêt de travail du 16 janvier au 27 janvier 2017, le certificat d'avis d'arrêt de travail du 27 au 31 mars 2017 délivré par un médecin et des attestations de deux collègues de travail affirmant qu'il était présent sur son site de travail de Donauworth du 2 au 5 mai 2017. Ces éléments démontrent, comme déjà indiqué, d'une part que M. [B] était bien en arrêt maladie du 16 au 27 janvier 2017 et du 27 au 31 mars 2017 et d'autre part qu'il n'était pas absent début mai 2017.

Il résulte des énonciations précédentes que la lettre de mission du 12 décembre 2016 a contractualisé le versement du forfait journalier et que l'employeur ne pouvait appliquer les règles de paiement l'excluant en tout ou partie en cas d'absence pour maladie découlant de sa note du 7 mars 2017 à M. [B], qui n'a pas consenti à une modification de son contrat de travail. En revanche cette note n'est pas en elle-même discriminatoire.

Au soutien de l'allégation suivant laquelle ses notes de frais ne seraient ni erronées, ni frauduleuses, M. [B] se prévaut de la pièce V qui est le schéma déclaratif de la gestion des arrêts maladie, du schéma de gestion de gestion des notes de frais et d'une note de frais concernant un autre salarié (pièce S). Cependant, les schémas qui sont des éléments à caractère général et la note de frais relative à un autre salarié sont dépourvus de valeur probante s'agissant du cas de M. [B], lequel admet d'ailleurs au moins une 'erreur', soit la déclaration d'indemnités calendaires pour la semaine du 13 au 19 février 2017 correspondant à des congés. Il n'y a pas lieu par ailleurs d'ordonner à la société de produire les copies des 'trycosts' (notes de frais) de M. [B], cette mesure n'étant pas utile à la solution du litige.

Au soutien de l'allégation selon laquelle son état de santé aurait été pris en compte défavorablement lors de son évaluation professionnelle, M. [B] produit son évaluation au titre de l'année 2014 qui indique, dans la catégorie objectifs N-1, comme commentaire de la hiérarchie 'suite à des problèmes de santé, je suis dans l'impossibilité de donner un commentaire sur une année' et, dans la catégorie maîtrise du poste, 'trop d'absences ont pénalisé M. [B] sur son travail et son assiduité au poste'. L'entretien annuel de 2015 comporte les mêmes remarques.

Au soutien de l'allégation selon laquelle le licenciement ne repose sur aucun fait fautif susceptible de le justifier, il résulte des énonciations précédentes que :

- s'agissant du grief portant sur la déclaration de jours de présence alors que M. [B] était absent sans justification et qu'il a perçu une rémunération et une indemnité à ce titre :

* le fait fautif n'existe pas pour la période du 16 au 27 janvier 2017 et pour celle du 27 au 31 mars 2017 puisque M. [B] était en arrêt de travail pour maladie et que l'employeur ne peut exclure l'application du forfait journalier en cas d'absence pour maladie ;

* le fait fautif n'existe pas pour la période du 2 au 5 mai 2017, la présence de M. [B] étant établie par les attestations d'autres salariés ;

- s'agissant du grief portant sur la déclaration de jours de congés qui ne correspondraient pas à des motifs d'absence ouvrant droit aux indemnités calendaires, M. [B] admet une erreur pour la période de congés du 13 au 19 février 2017 mais le fait fautif est inexistant pour le surplus correspondant à des périodes de maladie n'excluant pas, conformément à la lettre de mission, l'application de l'indemnité calendaire.

Les éléments ci-dessus retenus, à savoir la modification unilatérale du contrat de travail appliquée par l'employeur en matière de forfait journalier en cas d'absences pour maladie, les remarques contenues dans les évaluations de M. [B] au titre des années 2014 et 2015 et le fait qu'il ait été licencié notamment pour des absences injustifiées alors qu'il était en arrêt maladie et des déclarations d'indemnités calendaires correspondant à des périodes d'arrêt maladie, faits non fautifs, pris dans leur ensemble, laissent présumer une discrimination liée à l'état de santé.

Il résulte de ce qui précède que le moyen de la société selon lequel M. [B] ne peut se plaindre d'une modification de son contrat de travail en matière de forfait journalier en cas d'absences pour maladie et devait se conformer aux nouvelles règles n'est pas fondé.

La circonstance que M. [B] soit aussi qualifié de 'très bon professionnel' ou 'bon professionnel' dans les évaluations précitées n'exclut pas les remarques ci-dessus relevées dans celles-ci. L'employeur ne se fonde sur aucun élément objectif pour justifier la présence de ces remarques et ne saurait sérieusement soutenir que l'observation figurant dans la catégorie maîtrise du poste selon laquelle 'trop d'absences ont pénalisé M. [B] sur son travail et son assiduité au poste' ne serait pas défavorable.

Il est exact que les faits reprochés dans la lettre de licenciement reposent sur les 'fiches annexe forfait' produites aux débats par la société dont il n'est pas contesté qu'elles ont été renseignées par M. [B] lui-même. Cependant, comme indiqué ci-dessus, il reste qu'il n'existe pas de fait fautif pour la période du 16 au 27 janvier 2017 et celle du 27 au 31 mars 2017, ni pour celle du 2 au 5 mai 2017, et que le grief portant sur la déclaration de jours de congés ne correspondant pas à des motifs d'absence ouvrant droit aux indemnités calendaires est pour l'essentiel inexistant en ce qu'il concerne les périodes d'arrêt maladie, notamment celle du 27 mai au 30 juin 2017 pour laquelle la société ne conteste pas avoir reçu normalement les justifications. La société prouve certes l'absence de M. [B] du 7 au 10 mars 2017 ainsi que les 13 et 28 avril 2017 et le fait qu'il ait pourtant réclamé des indemnités calendaires pour ces jours-là. De même, elle prouve l'absence de M. [B] durant la dernière semaine de mission. Mais ces éléments sont insuffisants à démontrer que sa décision de licenciement est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, dès lors qu'une partie importante des faits reprochés au salarié liée à ses périodes d'arrêt maladie n'est pas fautive.

Sur la discrimination syndicale

La société conteste aussi toute discrimination syndicale, relevant que M. [B] n'a jamais exercé de mandat de représentant du personnel mais qu'il est uniquement intervenu au sein des commissions formation et entraide en tant que membre CGT remplaçant. Elle estime qu'il tente de s'attribuer un 'engagement syndical' a posteriori exagéré, à des fins purement indemnitaires. Elle nie la sévérité alléguée par M. [B], affirmant que les autres salariés auxquels celui-ci se compare ont été assistés par la CGT et que les montants indûment perçus par eux sont inférieurs à celui détourné par M. [B], outre que trois d'entre eux ont reconnu les avoir perçus indûment et accepté de les rembourser.

M. [B] indique qu'il a adhéré au syndicat CGT en janvier 2015 et s'est porté candidat aux élections professionnelles du 16 juin 2016 alors qu'il était détaché en Allemagne. Il estime que la succession entre cet engagement syndical et son licenciement, le fait qu'il bénéficiait d'une ancienneté importante, était irréprochable, l'absence d'adéquation entre les faits litigieux et la sanction infligée sont des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination. Il note à cet égard que l'employeur n'a suivi aucune logique objective dans l'échelle des sanctions infligées, M. [S] ayant reçu un avertissement tandis que MM. [R] et [K] ont fait l'objet d'observations pour le même nombre d'absences injustifiées et M. [M] n'ayant pas fait l'objet d'une procédure de licenciement malgré 37 absences non justifiées.

***

Au soutien de la discrimination syndicale alléguée, M. [B] produit les éléments suivants :

- sa candidature comme titulaire aux élections de délégués du personnel sur la liste CGT en date du 19 mai 2016 ;

- son mandat de membre CGT à la commission formation notifié à la direction des ressources humaines le 19 décembre 2016 ;

- son mandat de membre CGT à la commission entraide notifié à la direction des ressources humaines le 13 septembre 2017 ;

- le licenciement dont il a fait l'objet le 13 février 2018, peu de temps après ces événements, alors que son contrat de travail remonte à 2008 ;

- les lettres de contestation de MM. [K] et [M] par lesquelles ils ont contesté les sanctions qui leur ont été infligées et dont il résulte que M. [K] a fait l'objet d'une observation pour des absences injustifiées et des erreurs dans ses notes de frais et M. [M] d'une mise à pied disciplinaire de 14 jours pour le même type de faits.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent présumer une discrimination syndicale.

La circonstance invoquée par la société selon laquelle que M. [B] n'ait pas été un syndicaliste actif, outre qu'elle n'est pas prouvée, est indifférente, les éléments précités démontrant que l'employeur connaissait son engagement syndical. Le fait que les autres salariés cités par M. [B] aient été assistés par le syndicat CGT n'est établi de manière certaine que pour MM. [K] et [M] et parmi eux, seul M. [K] s'est présenté aux élections de délégués du personnel. Or, la situation n'est pas comparable entre un salarié candidat à des élections, mandaté par un syndicat en vue de commissions, et un salarié qui se fait simplement assister par un syndicat.

La société produit la lettre de sanction adressée à M. [M] consistant en une mise à pied de 14 jours pour un montant d'indemnités calendaires indûment perçu de 4 255 euros et 37 jours d'absence sans justification. Si cette lettre fait aussi état du remboursement engagé par M. [M], la reconnaissance de ce dernier n'est pas établie puisque bien au contraire, la lettre de sanction indique que le 22 janvier 2018, celui-ci a contesté les faits. En toute hypothèse, le nombre de jours d'absence injustifiée imputé à M. [M] est supérieur à celui imputé à M. [B], lequel au terme de l'analyse de la cour n'est avéré qu'à hauteur de 11 jours. Le montant indu réellement perçu par M. [B] ne s'élève au vu de ce qui précède qu'à la somme de 1 520 euros, soit un montant notablement inférieur à celui reproché à M. [M].

La somme indue réellement perçue par M. [B] est également inférieure à celle de 1 840 euros imputée à M. [S], qui a fait l'objet d'un avertissement et n'a pas reconnu les faits.

Enfin, si M. [K] s'est vu notifier une observation pour un montant indûment perçu de 460 euros et 3 jours d'absence non justifiée, sa reconnaissance des faits invoquée par la société est contredite par sa lettre de contestation versée aux débats par M. [B].

Ainsi, l'employeur ne prouve pas par des éléments objectifs que sa décision de licencier M. [B] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.

Partant, le licenciement de M. [B] est nul, le jugement étant infirmé en ce qu'il l'a dit sans cause réelle et sérieuse.

Sur la prescription des faits fautifs

Eu égard à la solution du litige, il n'y a pas lieu d'examiner ce moyen, le jugement étant infirmé en ce qu'il a statué sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement nul

- sur l'indemnité pour licenciement nul :

En application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, M. [B] est fondé à prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois du fait de son licenciement nul.

Compte tenu de ses salaires des six derniers mois, de son âge lors de son licenciement, M. [B] étant né en 1985, de son ancienneté de 10 ans et de sa situation postérieure au licenciement, M. [B] justifiant avoir été admis à l'allocation d'aide au retour à l'emploi après la fin de son contrat et avoir perçu 582 allocations journalières au 30 novembre 2019, il lui sera alloué la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, le jugement étant infirmé en ce qu'il a alloué la somme de 18 878,72 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- sur le remboursement des indemnités de chômage :

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, la cour ordonne d'office le remboursement des indemnités de chômage versées à M. [B] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de trois mois d'indemnités.

- sur l'indemnité pour procédure irrégulière :

La société conclut au rejet de la demande.

M. [B] réclame une indemnité de 2 832,12 euros pour irrégularité de la procédure de licenciement au motif qu'il n'a pas reçu de convocation à l'entretien préalable et n'a pu s'y rendre.

***

En application de l'article L. 1232-2 du code du travail, l'employeur qui envisage de licencier un salarié doit le convoquer à un entretien préalable, par lettre recommandée ou lettre remise en main propre contre décharge, l'entretien ne pouvant se tenir moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre contre décharge.

La lettre de convocation à l'entretien préalable fixé au 24 janvier suivant, datée du 15 janvier 2018, qui est versée aux débats mentionne qu'il s'agit d'un 'courrier LRAR'. Toutefois, il n'est pas produit le récépissé d'envoi de la lettre recommandée.

Est également communiqué un courriel du service des ressources humaines adressé le 19 janvier 2018 à M. [B] qui mentionne que le 15 janvier 2018, une personne a voulu lui remettre la convocation à l'entretien préalable mais que M. [B] a refusé de la réceptionner contre décharge, que la lettre recommandée est revenue le 18 janvier 2018 avec la mention 'destinataire inconnu à l'adresse' et que lui est adressé en pièce jointe au mail le courrier de convocation.

Ce courriel, à défaut d'autre pièce, est insuffisant à démontrer la tentative de remise contre décharge et le refus du salarié puis l'envoi effectif en recommandé de la lettre de convocation. Par ailleurs, le courriel et la pièce jointe ne permettent pas de considérer que M. [B] a été valablement convoqué, faute de justification de la date d'ouverture du mail et de la personne en ayant pris connaissance.

L'irrégularité de la procédure de licenciement est constituée.

M. [B], qui a été privé de la possibilité d'être entendu et assisté lors d'un entretien préalable, en a subi un préjudice dont la réparation est intégrée dans la somme allouée au titre du licenciement nul, le jugement étant confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande distincte pour irrégularité de la procédure.

Sur les dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de bonne foi contractuelle

La société conclut à la confirmation du jugement qui a débouté M. [B] de ce chef de demande faute d'élément objectif étayant ses allégations. En toute hypothèse, elle invoque l'absence de preuve de l'existence du préjudice.

M. [B] fait valoir que l'employeur doit prendre en compte dans sa gestion de l'emploi les intérêts du salarié en lui donnant les moyens de préserver son avenir professionnel dans l'entreprise et qu'en l'occurrence, l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail en faisant peser sur lui, en le sanctionnant, sa propre carence dans la gestion de ses relations de travail.

***

Il résulte des énonciations précédentes que le délaissement des salariés malades invoqué par M. [B] n'est pas établi. Le manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail n'étant pas justifié, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages et intérêts du syndicat CGT

Dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour, la société ne formule aucune demande quant aux prétentions du syndicat.

Celui-ci conclut à la réformation du jugement l'ayant débouté de ses demandes. Il fait valoir que ses statuts datent de 2015 et que le comportement discriminatoire fautif de l'employeur lui a causé un préjudice moral et financier, ayant notamment pour but d'empêcher l'adhésion au syndicat et le développement des organisations syndicales. Il sollicite la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession.

***

Aux termes de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice. Ils peuvent devant toutes les juridictions exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.

En l'espèce, le syndicat CGT des salariés Airbus Helicopters Paris-le-Bourget justifie que ses premiers statuts datent du 24 avril 2015. Il résulte des pièces versées aux débats qu'il a présenté des candidats aux élections professionnelles avant les faits litigieux et a été actif lors de ceux-ci.

La violation par la société du principe de non discrimination syndicale à l'occasion du licenciement de M. [B] porte atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée par le syndicat auquel ce dernier appartenait, laquelle est à l'origine d'un préjudice moral et financier subi par le syndicat qui sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les intérêts au taux légal et la demande de capitalisation de M. [B]

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il convient de rappeler que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné aux dépens de première instance la société, laquelle sera également tenue aux dépens d'appel. Elle sera condamnée à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros et au syndicat celle de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, la société étant déboutée de sa propre demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande d'indemnité pour procédure irrégulière ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de bonne foi, fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire et en ce qu'il a débouté la société Airbus Helicopters de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :

DIT que le licenciement de M. [B] est nul ;

CONDAMNE la société Airbus Helicopters à payer à M. [B] les sommes suivantes :

- 7 335 euros net au titre du rappel des indemnités calendaires retenues dans le solde de tout compte ;

- 2 530 euros net au titre des indemnités calendaires de juillet 2017 ;

- 2 240,10 euros brut à titre de rappel de salaire ;

- 352,46 euros brut au titre du rappel d'heures complémentaires ;

- 175,26 euros net au titre de la prime frais divers ;

- 90,53 euros net au titre de la prime déplacement étranger ;

- 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de 1343-2 du code civil ;

ORDONNE à la société Airbus Helicopters de rembourser les indemnités de chômage versées à M. [B] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de trois mois d'indemnités ;

CONDAMNE la société Airbus Helicopters à payer au syndicat CGT des salariés Airbus Helicopters Paris-le-Bourget les sommes de :

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

- 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;

CONDAMNE la société Airbus Helicopters aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/07903
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;20.07903 ?
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