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09/02/2023 | FRANCE | N°20/05662

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 09 février 2023, 20/05662


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 09 FEVRIER 2023



(n°2023/ , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05662 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJGG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06346





APPELANTE



S.A.R.L. SKAR BAT

[Adresse 1]

[Adresse 1]



ReprésentÃ

©e par Me Frédéric NAIM, avocat au barreau de PARIS, toque : C1703



INTIME



Monsieur [P] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le 18 Septembre 1968 à [Localité 3]



Représenté par Me Bintou DIARRA, a...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

(n°2023/ , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05662 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJGG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06346

APPELANTE

S.A.R.L. SKAR BAT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric NAIM, avocat au barreau de PARIS, toque : C1703

INTIME

Monsieur [P] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le 18 Septembre 1968 à [Localité 3]

Représenté par Me Bintou DIARRA, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HERVIER, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 7 février 2017, M. [P] [Y] a été engagé par la société Skar bat en qualité de 'polyvalent'. Depuis le mois de mai 2017, ses bulletins de salaire mentionnent une qualification de compagnon professionnel et le coefficient 210. La société Skarbat emploie moins de onze salariés et applique la convention collective nationale des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.

Soutenant être payé en deçà du minimum conventionnel, tardivement, incomplètement et avoir accompli des heures supplémentaires sans en être rémunéré, M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 24 juin 2019 en résiliation judiciaire du contrat de travail afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 4 juin 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section industrie, a :

- donné acte à la société Skar bat de ce qu'elle verse à la barre un chèque de 1 549,75 euros à M. [Y] à titre de régularisation du salaire minimum conventionnel,

- fixé la moyenne mensuelle de salaire à la somme de 2 179,20 euros,

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au 1er avril 2020,

- condamné la société Skar bat à payer à M. [Y] les sommes suivantes :

* 4 358,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 435,84 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 634,40 euros net à titre d'indemnité de licenciement,

* 4 358,40 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 249,89 euros en deniers ou quittance à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 4 956 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires contractuelles pour la période courant d'avril 2018 à décembre 2019 outre 495,60 euros au titre des congés payés afférents,

* 400 euros net à titre de rappel de salaire pour le mois de novembre 2019,

* 2 179,20 euros au titre du salaire de janvier 2020 outre 217,92 euros au titre des congés payés afférents,

* 13 075,20 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la société Skar bat de remettre à M. [Y] les bulletins de paie de mars 2019 à la rupture du contrat, un certificat de travail et une attestation destinée au Pôle emploi,

- débouté M. [Y] du surplus de ses demandes,

- condamné la société Skar bat aux dépens.

La société Skar bat a régulièrement relevé appel du jugement le 21 août 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions n°2 transmises par voie électronique le 7 mai 2021, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Skar bat prie la cour de :

- infirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- ordonner sa réintégration au sein de l'entreprise,

- débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,

Subsidiairement,

- confirmer la date de la résiliation judiciaire au 1er avril 2020,

- débouter M. [Y] de sa demande de rappel de salaires d'avril 2020 à la date de l'arrêt à intervenir,

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'un rappel de salaire pour le mois de janvier 2020, pour le mois de novembre 2019 et des heures supplémentaires déjà réglées, et d'une indemnité pour travail dissimulé,

- débouter M. [Y] du surplus de ses demandes,

Dans tous les cas,

- condamner M. [Y] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 février 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [Y] prie la cour de :

- confirmer le jugement sur

* la moyenne de ses salaires,

* la condamnation au titre des rappels de salaire au titre du minimum conventionnel des années 2017 à 2019,

* l'indemnité compensatrice de congés payés,

* la condamnation de la société Skar bat à lui verser les sommes de :

- 4 956 euros outre 495,60 euros au titre des congés payés pour rappel d'heures supplémentaires contractuelles d'avril 2018 à décembre 2019,

- 400 euros net à titre de rappel de salaire de novembre 2019,

- 13 075,20 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- condamner la société Skar bat à lui verser les sommes de 84 988,80 euros à titre de rappel de salaire d'avril 2020 à la date du prononcé de l'arrêt à intervenir supposée au 1er juillet 2023 outre 8 498,88 euros de congés payés afférents, à parfaire,

- confirmer la résiliation judiciaire du contrat de travail mais en fixer les effets à la date de l'arrêt à intervenir,

- condamner la société Skar bat à lui verser les sommes suivantes :

* 4 358,40 euros outre 435,84 euros au titre des congés payés afférents,

* 3 541,20 euros net à titre d'indemnité de licenciement à parfaire,

* 15 254,40 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Skar bat à lui remettre sous astreinte de 100 euros par jour et par document dans un délai de huit jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir les documents suivants :

* bulletins de paie d'avril 2018 à la rupture du contrat de travail,

* certificat de travail,

* attestation pour Pôle emploi

- condamner la société Skar bat à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Skar bat aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 octobre 2022 et l'affaire est venue pour plaider à l'audience du 24 novembre 2022 pour être mise en délibéré au 9 février 2023.

En cours de délibéré a été transmis à la cour un extrait K bis de la société Skar bat portant une mention en date du 7 décembre 2022 d'un jugement du tribunal de commerce de Melun ouvrant une procédure de redressement judiciaire de la société et désignant en qualité de mandataire judiciaire la selarl Archibald représentée par Mme [I] [R].

MOTIVATION :

A titre liminaire, la cour rappelle que, selon l'article L. 625-3 du code de commerce, les instances en cours devant la juridiction prud'homale, à la date du jugement d'ouverture, sont poursuivies en présence du mandataire judiciaire et de l'administrateur lorsqu'il a une mission d'assistance ou ceux-ci dûment appelés, que le mandataire judiciaire informe dans les dix jours la juridiction saisie et les salariés parties à l'instance de l'ouverture de la procédure. La cour d'appel n'ayant pas été informée par le mandataire judiciaire de la société Skar bat de l'ouverture d'une procédure collective, et la société ayant été valablement représentée lors des débats clos antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, la présente décision est opposable aux organes de la procédure collective et à l'AGS, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner la réouverture des débats pour permettre leur mise en cause.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Tout salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa demande et les manquements de l'employeur à ses obligations doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

M. [Y] reproche à l'employeur les manquements suivants :

- le travail dissimulé,

- le manquement à l'obligation de payer le salaire minimum conventionnel,

- le paiement tardif du salaire,

- le manquement à l'obligation de fournir du travail.

La société Skar bat conclut au débouté.

Sur le travail dissimulé :

M. [Y] soutient à ce titre que les bulletins de paie étaient remis avec retard, ainsi que cela ressort des mails de réclamation qu'il verse aux débats et de son courrier recommandé du 2 octobre 2018, de celui de son conseil du 4 mars 2019.

La société Skar bat fait valoir qu'elle a régularisé la situation puisqu'elle a remis tous ses bulletins de salaire à M. [Y] en janvier 2020.

S'agissant des congés payés, M. [Y] s'appuie sur un courrier de la caisse des congés payés du 12 novembre 2019 qui lui indique que les cotisations n'ont plus été payées à compter du 31 janvier 2018. L'employeur quant à lui se prévaut d'un message de M. [K] [O] dont la qualité n'est pas connue faisant état de ce qu'il accepte de faire l'avance du montant des congés payés et que M. [Y] le remboursera dès que la caisse aura versé les sommes.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la situation n'a été régularisée par l'employeur que postérieurement à l'engagement de la procédure contentieuse et s'agissant des congés payés que les cotisations n'ont pas été réglées par l'employeur et le mail précité ne suffit pas à démontrer que la situation a été régularisée.

Sur le manquement à l'obligation de payer le salaire minimum conventionnel :

M. [Y] soutient que ses bulletins de salaire mentionnent qu'il était compagnon professionnel mais qu'il était payé en deçà du salaire minimum conventionnel correspondant à cette classification et fait valoir que la société Skar bat qui a régularisé cette situation en effectuant un paiement à la barre lors de l'audience devant le conseil de prud'hommes ne peut venir prétendre qu'il n'occupait pas un tel emploi.

La société Skar bat fait tout à la fois valoir que M. [Y] n'occupait pas un emploi de compagnon professionnel et qu'elle a régularisé la situation en ayant 'justement revalorisé' le salaire de M. [Y] de sorte qu'il est rempli de ses droits et que la situation n'a en rien empêché la poursuite du contrat de travail.

La cour observe que l'employeur a spontanément versé le salaire réclamé par M. [Y] au titre du minimum conventionnel revendiqué et ne justifie pas que le salarié n'occupait pas l'emploi mentionné sur les bulletins de salaire de sorte que le manquement est établi.

Sur le paiement tardif des salaires :

M. [Y] proche à l'employeur de lui avoir payé ses salaires avec retard :

- son salaire de mai 2018 n'était toujours pas payé le 3 juillet 2018,

- son salaire de juin 2018 n'a été payé que le 24 juillet 2018,

- son salaire de février 2019 n'avait toujours pas été payé le 21 mars 2019,

- son salaire de mars 2020 n'avait toujours pas été payé intégralement en avril 2020,

- il en a été de même pour son salaire d'avril dont seulement une partie était payée en mai 2020 ;

L'employeur fait valoir que ces retards ont été brefs et ponctuels, rapidement comblés et régularisés.

Le manquement allégué est donc établi.

Sur le manquement à l'obligation de fournir du travail :

M. [Y] soutient qu'à partir du mois d'avril 2020, la société Skar bat a cessé de lui fournir du travail. L'employeur indique que le jugement avait fixé au 4 avril 2020 la résiliation judiciaire du contrat de travail de sorte qu'il n'était plus tenu de fournir du travail au salarié et par ailleurs, cette période correspond à la cessation d'activité des entreprises en raison de l'état d'urgence sanitaire du à la pandémie de Covid.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que l'employeur n'a régularisé la situation de son salarié que dans le cadre de la procédure contentieuse diligentée par celui-ci et que chaque année, certains de ses salaires lui ont été payés avec retard. Ces manquements sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail. La cour confirme donc le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail mais en fixe les effets à la date du prononcé du jugement soit le 4 juin 2020.

Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire :

La résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Skar bat à payer à M. [Y] les sommes de 4 358,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 435,84 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité légale de licenciement, la cour condamne la société Skar bat à verser à M. [Y] la somme de 2 451,60 euros net sur la base d'un salaire de référence de 2 179,20 euros brut et d'une ancienneté remontant au 23 janvier 2017, préavis inclus. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, l'employeur occupant moins de onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail, M. [Y] est fondé à percevoir une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 1 et 4 mois de salaire brut. Eu égard, à l'âge de M. [Y] (né en 1968), au montant de son salaire mensuel brut, aux circonstances de la rupture, à ce qu'il justifie de sa situation postérieure à celle-ci, la cour condamne la société Skar bat à lui verser la somme de 4 358,40 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, suffisant à réparer son entier préjudice, le jugement est confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de congés payés :

Le jugement qui n'est pas critiqué sur ce point par la société Skar bat est confirmé.

Sur le montant du rappel de salaire conventionnel,

Aucune condamnation n'ayant été prononcée par le conseil de prud'hommes et M. [Y] ne formant aucune prétention de ce chef, puisqu'il se contente de solliciter la confirmation du jugement, la demande est sans objet.

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur le rappel d'heures supplémentaires :

M. [Y] sollicite la confirmation du jugement de ce chef en faisant valoir que le contrat de travail prévoyait une durée de travail de 169 heures impliquant l'accomplissement de 17,33 heures supplémentaires et en soutenant que depuis le mois d'avril 2018, la société Skar bat a supprimé le paiement de ces heures, faisant en revanche apparaître le paiement d'une prime à laquelle la rémunération des heures supplémentaires ne peut être assimilée, d'autant qu'il a perçu une prime dès le mois de septembre 2017 en même temps qu'une rémunération au titre des heures supplémentaires.

La société Skar bat s'oppose à la demande et conclut à l'infirmation du jugement en faisant valoir que les heures supplémentaires ont été réglées au salarié contrairement ce que celui-ci prétend, seule une erreur matérielle de son comptable ayant fait apparaître la mention de prime au lieu de celle relatives aux heures supplémentaires.

La cour observe que les bulletins de salaire communiqués depuis le mois de mars 2017 font apparaître jusqu'au mois de février 2018:

- un salaire de base de 1 695,06 euros brut,

- des heures 'complémentaires'de 242,10 euros brut,

- une prime dont le montant est variable mais n'excède pas quelques dizaines d'euros.

A partir du mois d'avril 2018, le salaire de base est resté le même mais la mention relative aux heures supplémentaires a disparu et le montant de la prime a varié entre 204 et 265 euros.

La cour rappelle qu'il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Les parties sont d'accord sur le nombre d'heures supplémentaires effectuées par M. [Y] et contractuellement convenues à hauteur de 17,33 heures mensuelles. Il appartient donc à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de la rémunération correspondant à l'accomplissement de ces heures. L'augmentation de la prime figurant sur les bulletins de salaire à partir du mois d'avril 2018 en même temps que la disparition de la mention relative aux heures supplémentaires ne suffit pas à démontrer l'erreur alléguée par l'employeur qu'il impute à son comptable en l'absence d'éléments objectifs venant corroborer ses allégations étant précisé que l'employeur n'apporte aucune explication valable sur cette prime allouée à compter du mois de février 2017 et son montant variable en indiquant qu'il s'agissait de porter le montant du salaire à 1 700 euros net, que le salarié lui-même avait signalé cette anomalie dans un courrier du 2 octobre 2018 mais que la situation a perduré jusqu'en juin 2019 de sorte qu'une simple erreur aurait due être rectifiée le mois suivant son signalement.

La cour confirme en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné la société Skar bat à verser à M. [Y] une somme de 4 956 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires pour la période comprise entre les mois d'avril 2018 à décembre 2019, outre 495,60 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé :

M. [Y] fait valoir qu'à compter du mois d'avril 2018, l'employeur n'a plus déclaré ses heures supplémentaires, que depuis le 31 janvier 2018, il ne s'est plus acquitté des cotisations auprès de la caisse des congés payés, qu'il ne délivrait pas les bulletins de salaire de sorte que l'ensemble de ces éléments caractérise la volonté de dissimulation et qu'il sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société Skar bat à lui verser la somme de 13 075,20 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé.

La société Skar bat s'oppose à la demande en faisant valoir que seule une erreur matérielle était à l'origine des mention sur les bulletins de salaire relatives à la prime, que les bulletins de salaire régularisés ont été remis au salarié en janvier 2020.

La cour considère que la durée de l'erreur alléguée durant plus d'un an est exclusive de toute notion de bonne foi et qu'il n'est produit aucune explication valable sur le non paiement complet des salaires, leur paiement tardif, l'absence de remise de bulletin de paie, l'absence de paiement des cotisations auprès de la caisse des congés payés de sorte que la volonté de dissimulation est établie. Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a condamné la société Skar bat à verser à M. [Y] une somme de 13 075,20 euros net au titre de l'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le rappel de salaire pour les mois de mars et avril 2020 :

Dans le corps de ses écritures, M. [Y] indique solliciter la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 1 140,23 euros à titre de rappel de salaire pour le mois de mars 2020 outre 1 355,99 euros au titre du mois d'avril 2020 correspondant, selon lui à des retenues effectuées par la société Skar bat au titre d'une indemnité d'activité partielle qu'il n'a en réalité pas perçue. La cour n'est cependant saisie d'aucune demande à ce titre dans le dispositif des conclusions.

Sur le rappel de salaire pour le mois de novembre 2019 :

M. [Y] soutient que la somme de 400 euros net lui reste due au titre du mois de novembre 2019, qu'il s'en est inquiété auprès de l'employeur sans obtenir ni réponse ni justificatif de paiement. Il verse aux débats plusieurs mails sollicitant une régularisation de la part de l'employeur adressés par lui à ce dernier les 10, 13, et 22 décembre 2019 dont il ressort qu'il se plaint de n'avoir reçu qu'un chèque de 1 279,14 euros émis par une société qui n'est pas Skar bat.

L'employeur soutient que M. [Y] ne démontre pas l'absence de paiement de la somme de 400 euros au titre du salaire du mois de novembre 2019

La cour rappelle qu'il lui appartient d'établir qu'il s'est libéré de son obligation de paiement du salaire convenu de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société Skar bat à verser à M. [Y] la somme de 400 euros net au titre du salaire du mois de novembre 2019.

Sur la demande de rappel de salaire pour le mois de janvier 2020:

La société Skar bat sollicite l'infirmation du jugement de ce chef de condamnation en faisant valoir que M. [Y] a été rempli de ses droits par le versement, le 2 février 2020, de la somme de 1 700 euros ainsi que cela ressort du relevé du compte de la société Skar bat qu'il verse aux débats dont la cour observe qu'il fait apparaître cette mention d'un virement SEPA au 6 février 2022 au débit du compte au profit de M. [Y] pour un montant de 1 700 euros.

M. [Y] est resté taisant sur ce point.

La cour déboute M. [Y] de ce chef de demande et infirme le jugement de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire pour les mois de mai 2020 à la mise en disposition du jugement :

Eu égard à la solution du litige, la cour ayant fixé la date de la résiliation judiciaire au 4 juin 2020 la cour condamne la société Skar bat à verser à M. [Y] la somme de 2 727,12 euros brut correspondant aux salaires réclamés mais seulement jusqu'au 3 juin 2020, dès lors que la date de la résiliation judiciaire a été fixée par la cour au 4 juin 2020.

Sur les autres demandes :

La société Skar bat doit remettre à M. [Y] des bulletins de salaire , une attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte. La demande en ce sens est rejetée.

La société Skar bat, partie perdante est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [Y] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1 000 euros, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf sur le quantum de l'indemnité de licenciement, la date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail, et le rappel de salaire au titre du mois de janvier 2020,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant

CONDAMNE la société Skar bat à verser à M. [P] [Y] la somme de 2 727,12 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période courant de mai 2020 jusqu'au 3 juin 2020,

DIT que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit ses effets au 4 juin 2020,

CONDAMNE la société Skar bat à verser à M. [P] [Y] la somme de 2 451,60 euros net au titre de l'indemnité légale de licenciement,

ORDONNE à la société Skar bat de remettre à M. [P] [Y] des bulletins de salaire, une attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la présente décision,

DÉBOUTE M. [P] [Y] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société Skar bat aux dépens et à verser à M. [P] [Y] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/05662
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;20.05662 ?
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