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09/02/2023 | FRANCE | N°20/05375

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 09 février 2023, 20/05375


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 09 FÉVRIER 2023



(n°2023/ , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05375 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCH2C



Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 19/08240





APPELANTES



S.A.R.L. SPELL

[Adresse 1]

[Adresse 1]



ReprÃ

©sentée par Me Virginie LOCKWOOD, avocat au barreau de PARIS, toque : 442



S.C.P. LE GUERNEVE - [U] prise en la personne de Me [W] [U] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SOCIETE PA...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 09 FÉVRIER 2023

(n°2023/ , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05375 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCH2C

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° F 19/08240

APPELANTES

S.A.R.L. SPELL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Virginie LOCKWOOD, avocat au barreau de PARIS, toque : 442

S.C.P. LE GUERNEVE - [U] prise en la personne de Me [W] [U] ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de la SOCIETE PARISIENNE D'EXPLOITATION DE LIEUX DE LOISIRS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Karine COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : P418

INTIMES

Monsieur [P] [S]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

né le 18 Août 1996 à [Localité 6]

Représenté par Me Axielle DREVON, avocat au barreau de PARIS, toque : C1423

AGS CGEA [Localité 5] UNEDIC Délégation AGS CGEA [Localité 5] représentée par sa Directrice, [O] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [P] [S] a été engagé le 26 janvier 2017 par la société Comptoir des recettes en qualité de vendeur.

A compter du 1er octobre 2018, il a été employé par la société parisienne d'exploitation de lieux de loisirs, ci-après la société SPELL, holding, sous la qualification en dernier lieu de responsable des achats.

Par jugement du tribunal de commerce de Paris 12 janvier 2016, la société SPELL a été placée en redressement judiciaire. Par jugement du 5 mai 2017, le plan de continuation de la société SPELL a été homologué et Maître [U] a été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Le 22 février 2019, les parties ont signé une rupture conventionnelle, moyennant une indemnité spécifique de rupture de 957 euros. Le 3 avril 2019, la convention a été homologuée par l'administration.

Soutenant que ses salaires de mars et avril 2019 et l'indemnité de fin de contrat ne lui ont pas été payés, M. [S] a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes de Paris, laquelle a déclaré la demande irrecevable.

M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 17 septembre 2019 qui, par jugement du 11 mars 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- fixé l'ancienneté de M. [S] dans la société SPELL au 1er octobre 2018 ;

- constaté que l'indemnité de rupture conventionnelle de 957 euros a été payée par chèque remis à la barre en début de l'audience par la société SPELL ;

- du fait du retard de paiement de cette indemnité de rupture et du retard de la remise de l'attestation Pôle Emploi, condamné la société SPELL à payer à M. [S] les sommes suivantes :

* 5 814 euros à titre de dommages et intérêts,

* 75,70 euros au titre de remboursement de frais,

* 1 870 euros au titre du rappel de salaire de mars et d'avril 2019,

* 187 euros au titre des congés payés afférents,

- à déduire du chèque de 2 864,69 euros remis à la barre, étant entendu que ce chèque représente au moins le montant de l'indemnité de rupture conventionnelle (957 euros) et celui des congés payés (1 020 euros) ; le rappel de salaire des mois de mars et avril 2019 et congés payés afférents (1 870 euros) n'est imputable qu'à la part résiduelle du chèque, soit 887,69 euros ;

- débouté M. [S] du surplus de ses demandes ;

- mis hors de cause l'AGS CGEA [Localité 5] ;

-1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- débouté la société SPELL de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration transmise le 31 juillet 2020 par voie électronique, la société SPELLet la SCP Le Guenerve [U], prise en la personne de Maître [U], en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan ont relevé appel de ce jugement notifié par lettre datée du 9 juillet 2020.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 16 avril 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société SPELL et la SCP Le Guerneve [U] ès qualités demandent à la cour de :

- déclarer la société SPELL recevable et bien fondée en ses présentes écritures et pièces ;

y faisant droit,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* fixé l'ancienneté de M. [S] dans la société au 1er octobre 2018,

* constaté que la convention de rupture conventionnelle ratifiée par les parties est régulière,

* jugé que la rupture du contrat de travail de M. [S] ne s'analyse pas en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* constaté que l'indemnité de rupture conventionnelle de 957 euros a été payée par chèque d'un montant de 2 864,69 euros remis à la barre du conseil par la société SPELL,

* constaté que l'indemnité compensatrice de congés payés de 1 020 euros a été payée par chèque d'un montant de 2 864,69 euros remis à la barre du conseil par la société SPELL,

- infirmer le jugement sur les autres chefs du jugement précité ;

et, statuant à nouveau :

à titre principal :

- débouter M. [S] de sa demande de dommages et intérêts pour défaut de remise de ses documents de fin de contrat ;

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

à titre subsidiaire,

- réduire le montant de la condamnation de la société SPELL en paiement au titre des dommages et intérêts à la somme de 500 euros ;

- réduire le montant des rappels de salaires des mois de mars et avril 2019 à la part résiduelle du chèque d'un montant de 2 864,69 euros remis à la barre du conseil, soit la somme de 887,69 euros ;

en tout état de cause :

- dire que l'équité commande que chacune des parties conserve la charge de ses frais et dépens d'instance.

Par conclusions transmises par le RPVA le 13 juillet 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [S] demande à la cour de :

- dire et déclarer recevable et bien fondé son appel incident ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SPELL à lui verser des dommages et intérêts du fait du retard de paiement de l'indemnité de rupture et de la remise de l'attestation Pôle Emploi mais l'amender quant au quantum ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SPELL à lui verser les sommes suivantes :

* 1 870 euros au titre du rappel de salaire de mars et avril 2019 ;

* 187 euros au titre des congés payés y afférents ;

* 75,70 euros à titre de remboursement de frais ;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société SPELL de sa demande reconventionnelle ;

- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il l'a débouté du surplus de ses demandes ;

en conséquence, statuant à nouveau :

- à titre principal, prononcer la nullité de la convention de rupture et requalifier à ce titre la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en conséquence :

- condamner la société SPELL au paiement de la somme de 5 950 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- à titre subsidiaire, condamner la société SPELL au paiement de la somme de 1 700 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

- condamner la société SPELL au paiement des sommes suivantes :

* 3 400 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 340 euros au titre des congés payés afférents,

* 765 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de remise d'attestation Pôle Emploi et non-paiement de salaires,

* 1 643 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

* 164 euros sur les congés payés afférents,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,

- ordonner le report du point de départ des intérêts à la date de la saisine du conseil de prud'hommes sur le fondement de l'article 1153-1 du code civil ;

- ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil.

Par conclusions transmises par le RPVA le 31 octobre 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'UNEDIC délégation AGS CGEA [Localité 5] demande à la cour de :

à titre principal :

- infirmer le jugement entrepris ;

vu l'article L. 3253-20 du code du travail :

- mettre l'AGS hors de cause ;

- à défaut, débouter M. [S] de ses demandes ;

à titre subsidiaire :

vu les articles L. 3253-8, 2° et 5° du code du travail :

- dire les créances salariales et de rupture non garanties par l'AGS ;

vu les articles L. 3253-6 et L. 3253-8 du code du travail :

- exclure l'astreinte de la garantie de l'AGS ;

- exclure de l'opposabilité à l'AGS la créance éventuellement fixée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

vu les articles L. 3253-6, L. 3253-8 et L. 3253-17 du code du travail :

- dire le jugement opposable dans la limite du plafond toutes créances brutes confondues ;

- dire n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

vu l'article L. 621-48 du code de commerce :

- rejeter la demande d'intérêts légaux ;

- dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à la charge de l'AGS.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de la rupture conventionnelle

Appelant incident de ce chef, M. [S] se prévaut :

- de l'existence d'un vice du consentement : il indique qu'il souhaitait quitter la société en raison d'une perte de confiance eu égard au non-paiement de ses frais professionnels et invoque que le non-paiement de ses frais, de ses salaires de mars et avril 2019 et de l'indemnité de rupture conventionnelle constitue un manquement de la société à son obligation de bonne foi susceptible de vicier son consentement ;

- du paiement tardif de l'indemnité de rupture : il précise que le paiement de l'indemnité de rupture n'est intervenu que plus de dix mois après la signature de la convention et argue que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, justifiant sa demande de nullité fondée sur l'exception d'inexécution de l'obligation au paiement de cette indemnité ;

- de l'absence de mention de la date de fin du délai de rétractation : il soutient ne pas en avoir eu connaissance et ne pas avoir été en mesure d'exercer son droit de rétractation ;

- de l'absence d'information de ses droits et de la possibilité de se faire assister : il affirme ne pas avoir été avisé préalablement de ses droits.

La société SPELL et la SCP Le Guenerve-[U] ès qualités concluent à la validité de la convention de rupture homologuée. Elles font valoir que l'indemnité de rupture a été payée, le retard dans le paiement s'expliquant par un changement d'actionnaire. Elles contestent tout vice du consentement, arguant que la preuve n'en est pas rapportée et que la demande est irrecevable en vertu du principe de l'estoppel puisque M. [S] a réclamé en référé et au fond le paiement de l'indemnité conventionnelle. Elles soutiennent que la mention de la fin du délai de rétractation n'est pas obligatoire, que M. [S] a été informé de son droit à rétractation et qu'il ne démontre pas que cette absence de mention a vicié son consentement. Elles font valoir que le grief tenant à l'absence d'information des droits du salarié et de sa possibilité de se faire assister n'est pas prouvé et qu'il est sans effet, en l'absence de vice du consentement.

***

Il n'y a pas lieu de statuer sur l'irrecevabilité de la demande fondée sur le principe de l'estoppel dès lors qu'elle n'est pas reprise au dispositif des conclusions qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile et qui ne vise qu'à débouter M. [S] de ses demandes, c'est-à-dire à les rejeter au fond.

L'article 1130 du code civil dispose :

L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

Il résulte des pièces versées aux débats que M. [S] a réclamé, avant de signer le 22 février 2019 la rupture conventionnelle, le remboursement de frais professionnels de juillet et août 2018 d'un montant de 1 357,86 euros. Dans un autre mail du 21 mars 2019, il a demandé le paiement de frais de janvier 2019. Mais ces seules demandes sont insuffisantes à rapporter la preuve d'un vice du consentement, M. [S] ne caractérisant pas avoir été victime d'une erreur, d'un dol ou de violence, alors que l'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail, au moment de la conclusion de la convention de rupture, n'affecte pas en elle-même sa validité.

Le paiement tardif de l'indemnité spécifique de rupture manifeste une inexécution contractuelle et en tout cas un retard dans l'exécution de la rupture conventionnelle. S'il est susceptible de justifier une demande de résolution de la convention à condition qu'il s'agisse d'un manquement suffisamment grave, il ne remet pas en cause sa validité alors que la cour n'est saisie que d'une demande de nullité de celle-ci. De même, le non-paiement des salaires de mars et avril 2019 n'affecte pas la validité de la convention de rupture conventionnelle.

L'article L. 1237-12 du code du travail dispose :

Les parties au contrat conviennent du principe d'une rupture conventionnelle lors d'un ou plusieurs entretiens au cours desquels le salarié peut se faire assister :

1° Soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, qu'il s'agisse d'un salarié titulaire d'un mandat syndical ou d'un salarié membre d'une institution représentative du personnel ou tout autre salarié ;

2° Soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. (...)

L'obligation d'informer le salarié sur cette possibilité d'assistance n'est prévue par aucun texte. En outre, le défaut d'information du salarié sur la possibilité de se faire assister, lors de l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat, n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de rupture en dehors des conditions de droit commun, alors qu'en l'espèce, aucun vice du consentement n'a été retenu. Le moyen est donc inopérant. La cour observe de surcroît que le formulaire de rupture conventionnelle cerfa utilisé par les parties, lu et approuvé par le salarié, indique que l'employeur doit lui rappeler la possibilité qui lui est ouverte de prendre les contacts nécessaires, notamment auprès du service public de l'emploi, afin de prendre sa décision en pleine connaissance de ses droits et qu'il mentionne une date d'entretien au 22 février 2019, la croix étant cochée au regard de la mention 'salarié assisté : non'.

Aux termes de l'article L. 1237-13 du code du travail :

La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9.

Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation.

A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d'entre elles dispose d'un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l'autre partie.

En l'espèce, le formulaire de rupture conventionnelle comporte, sous les signatures des parties, la mention suivante : 'Important : la date de signature de la convention de rupture déclenche le délai de rétractation de 15 jours calendaires pendant lequel chaque partie peut revenir sur sa décision. La demande d'homologation peut donc être transmise à la DIRECCTE/UT (ou à la DIECCTE) au plus tôt le lendemain de la fin de ce délai'. Suit la mention 'Date de délai de fin de rétractation (jj/mm/aaa)', non renseignée.

M. [S] a ainsi été informé du délai prévu par la loi pour l'exercice du droit de rétractation, la seule circonstance que la date de fin du délai dans son cas n'ait pas été précisée ne permettant pas de retenir un défaut d'information. En toute hypothèse, il n'est pas démontré que cette absence de mention ait eu pour effet de vicier le consentement de M. [S], ni de le priver de la possibilité d'exercer son droit à rétractation.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle et de ses demandes subséquentes de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité à ce titre, d'indemnité pour irrégularité de la procédure, d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité légale de licenciement.

Sur les autres demandes

Sur les rappels de salaire de mars et avril 2019 et l'indemnité compensatrice des congés payés afférents

La société SPELL et la SCP Le Guerneve-[U] ès qualités concluent au rejet des demandes et, à titre subsidiaire, estiment que le montant dû doit être fixé à la somme de 887,69 euros correspondant à la part résiduelle du chèque remis à la barre.

M. [S] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société SPELL à lui payer les sommes de 1 870 euros à titre de rappel de salaire et de 187 euros au titre des congés payés afférents.

***

La société SPELL a établi un bulletin de paie de mars 2019 d'un montant de 1 700 euros brut avec une retenue de 313,84 euros au titre d'absences injustifiées du 7 au 12 mars 2019 et un bulletin de paie d'avril 2019 ne mentionnant aucun salaire du fait d'absences non rémunérées, étant précisé qu'un chèque a bien été remis lors de l'audience du conseil de prud'hommes.

M. [S] conteste toute retenue, disant n'avoir jamais été absent. Aucune pièce ne corrobore ses absences, les appelantes ne produisant aucune mise en demeure de reprendre le travail ou de justifier du motif d'absence. Partant, M. M. [S] est fondé à se préavoir d'un salaire dû de 1 700 euros brut au titre du salaire de mars 2019, des congés payés afférents à hauteur de 170 euros, d'un salaire de 170 euros pour avril 2019 et de la somme de 17 euros au titre des congés payés afférents.

Il appartient à l'employeur, nonobstant la délivrance de la fiche de paie, de prouver le paiement du salaire.

En l'occurrence, la preuve du paiement n'est pas rapportée. Il convient donc d'allouer à M. [S] les sommes précitées.

Sur le remboursement de frais

Il n'est développé aucune critique contre les motifs et la disposition du jugement ayant alloué à M. [S] la somme de 75,70 euros à titre de remboursement de frais. Le jugement sera approuvé en ce qu'il a retenu ladite somme.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés et les congés payés afférents

La société SPELL et la SCP Le Guerneve-[U] ès qualités concluent au rejet des demandes.

M. [S] fait valoir que ses congés payés acquis au sein de la société Comptoir des recettes ont été mentionnés sur le premier bulletin de salaire de la société SPELL et que sur son bulletin de paie de janvier 2019, il est indiqué un nombre de jours de congé de 43, soit 23 jours au titre de l'année N-1 et 20 au titre de l'année N. Il soutient que son bulletin de paie de mars 2019 indique qu'il a pris 40 jours de congé en un mois, ce qui est impossible, et qu'il n'a pris en réalité que 14 jours de congé du 13 au 31 mars 2019, de sorte que le solde de ses congés s'élève à 29 jours. Il réclame la somme de 1 643 euros à ce titre, outre 164 euros de congés payés afférents.

***

Le salarié dont le contrat est rompu avant qu'il ait bénéficié de la totalité du congé auquel il avait droit est fondé à réclamer une indemnité compensatrice de congés.

M. [S] justifie de la reprise par la société SPELL en octobre 2018 de congés payés acquis et non pris figurant sur son dernier bulletin de paie de septembre 2018 de la société Comptoir des recettes et de ce que sur son bulletin de salaire de janvier 2019, la société SPELL a mentionné un total de jours de congés restant de 43, soit 23 au titre de l'année N-1 et 20 au titre de l'année N. Le bulletin de paie de février 2019 fait état d'un jour de congé pris le 27 février et d'un solde restant de 22 au titre de l'année N-1 et de 22,50 au titre de l'année N, soit 44,5 jours. Il convient de rappeler que la mention de congés acquis sur le bulletin de paie vaut reconnaissance de ce qu'ils restent dus.

Le bulletin de paie de mars 2019 mentionne que M. [S] aurait pris 40 jours de congés payés durant ce mois tout en indiquant une durée de congés payés du 13 au 31 mars 2019. La mention de 40 jours de congés pris en un mois est à l'évidence erronée, outre qu'elle est contradictoire avec les dates de congés indiquées.

M. [S] admettant avoir été congés du 13 au 31 mars 2019, il convient de retenir cette prise de congés en mars 2019. Compte tenu du solde de congés en début de mois et des congés payés pris en mars 2019, M. [S], dont le contrat de travail a pris fin le 3 avril 2019 et qui n'a pris aucun congé au début du mois d'avril 2019, est fondé à réclamer une indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 29 jours, soit 1 643 euros, le jugement étant infirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande. En revanche, cette somme n'ouvre pas droit à une indemnité compensatrice de congés payés calculée selon la règle du dixième, M. [S] étant débouté de ce chef.

Sur les dommages et intérêts

La société SPELL et la SCP Le Guerneve-[U] ès qualités contestent le préjudice subi par M. [S] du fait du défaut de remise des documents de fin de contrat aux motifs qu'il a retrouvé un emploi du 1er septembre au 30 novembre 2019 et qu'il a procédé à son inscription à Pôle emploi dès le 3 juin 2019. Elles font valoir que l'obligation de remise de ces documents est quérable de sorte qu'il appartient au salarié de venir les récupérer chez l'employeur. Elles concluent au rejet de la demande et, à titre subsidiaire, prient la cour de réduire la somme due de ce chef à 500 euros.

M. [S] reproche à son employeur de lui avoir tardivement délivré les documents de fin de contrat, soit le 29 janvier 2020, et de ne pas lui avoir payé les salaires de mars et avril 2019, l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle et l'indemnité compensatrice de congés payés. Il soutient qu'il en est résulté un préjudice puisqu'il n'a perçu aucune allocation de Pôle emploi du 3 avril 2019 au 1er septembre 2019, date à laquelle il a retrouvé un emploi.

***

L'article R. 1234-9 du code du travail dispose :

L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi (...).

Il résulte en outre des articles L. 1234-19 et L. 1234-20 du code du travail qu'à l'expiration du contrat de travail, l'employeur délivre au salarié un certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte.

L'obligation de remettre ces documents est quérable. Cependant, en l'espèce, l'employeur ne justifie pas les avoir établis et tenus à la disposition de M. [S] avant l'audience devant la juridiction prud'homale de sorte qu'est justifié le manquement de l'employeur, lequel ne fait valoir aucun moyen pour expliquer son retard.

Il résulte des pièces versées aux débats que M. [S] n'a été inscrit auprès de Pôle emploi que le 3 juin 2019, que sa demande d'allocations chômage du 4 juin 2019 n'a pu être traitée car incomplète, qu'il a retrouvé un emploi d'une durée de trois mois rémunéré à hauteur de 1 500 euros par mois à compter du 1er septembre 2019 et que son père atteste avoir nourri et logé son fils à partir de mars 2019 ainsi que l'avoir soutenu financièrement et moralement. Le préjudice subi du fait du défaut de délivrance de l'attestation destinée à Pôle emploi est avéré et sera justement réparé par la somme de 1 000 euros.

Par ailleurs, le retard de paiement des salaires de mars et avril 2019, de l'indemnité compensatrice de congés payés et de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle est établi.

La cour observe cependant qu'en application de l'article 1231-6 alinéa 3 du code civil, le créancier auquel son débiteur a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire. Or, en l'espèce, M. [S] ne justifie pas de la mauvaise foi de son créancier de sorte qu'il ne peut prétendre à une indemnisation à ce titre, outre que l'existence d'un préjudice distinct de ceux réparés par les intérêts moratoires et la somme ci-dessus allouée n'est pas établie. Il sera débouté du surplus de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la fixation de l'ancienneté de M. [S]

Au regard de la solution du litige, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point, le jugement qui a fixé l'ancienneté étant de ce chef infirmé.

L'article L. 622-17 du code de commerce prévoit que les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance, cette règle s'appliquant à la procédure de redressement judiciaire. En l'occurrence, les créances de M. [S] sont nées régulièrement après le jugement d'ouverture, de l'exécution du contrat de travail. Elles ne doivent pas être fixées au passif de la société mais celle-ci doit y être condamnée.

Sur les intérêts au taux légal et la capitalisation

En application des articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce, le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. Nonobstant les dispositions de l'article 1154 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts.

Les créances de M. [S] trouvant leur origine postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, étant mêmes postérieures au plan de continuation, elles ne sont pas visées par l'arrêt du cours des intérêts et la non application de la capitalisation.

Les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de jugement et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur l'AGS

La cour observe qu'aucune des parties ne remet en cause le jugement en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société SPELL doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile. La société sera condamnée à payer à M. [S] une somme supplémentaire de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a fixé l'ancienneté de M. [S], en ce qu'il a condamné la société SPELL à la somme de 5 814 euros à titre de dommages et intérêts ainsi qu'à diverses sommes dont à déduire le montant du chèque remis à la barre et en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande d'indemnité compensatrice des congés payés ainsi que de sa demande d'intérêts et de capitalisation ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :

CONDAMNE la société SPELL à payer à M. [S] les sommes de :

- 1 870 euros à titre de rappel de salaires ;

- 187 euros au titre des congés payés afférents ;

- 75,70 euros à titre de remboursement de frais ;

- 1 643 euros euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de sa convocation à comparaître devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes ;

- 1 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;

CONDAMNE la société SPELL aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/05375
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;20.05375 ?
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