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09/02/2023 | FRANCE | N°20/04902

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 09 février 2023, 20/04902


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 09 FEVRIER 2023



(n° 2023/ , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04902 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFHO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/00235





APPELANTE



Madame [H] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

née le 09 A

oût 1974 à [Localité 9]



Représentée par Me Christophe VIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D2128





INTIMEE



Association POUR LA PREVENTION ET LA MEDECINE DU TRAVAIL

[Adresse 2]
...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

(n° 2023/ , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04902 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCFHO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Février 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 18/00235

APPELANTE

Madame [H] [V]

[Adresse 1]

[Localité 4]

née le 09 Août 1974 à [Localité 9]

Représentée par Me Christophe VIGNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D2128

INTIMEE

Association POUR LA PREVENTION ET LA MEDECINE DU TRAVAIL

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sarra JOUGLA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0200

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame [K] [N], dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente et par Madame Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 1er avril 2010, Mme [H] [V] a été embauchée comme secrétaire administrative avec reprise d'ancienneté au 14 avril 2008, par l'Association pour la prévention et la médecine du travail (ci après l'AMET) pour une durée de travail à temps complet de 151,67 heures mensuelles moyennant une rémunération de 1 900 euros brut par mois. À compter du 1er janvier 2015, elle a occupé l'emploi de secrétaire administrative avec gestion des adhérents et hôtesse d'accueil et sa rémunération a été portée à 2 000 euros par mois. À partir du 1er juin 2016, elle est devenue secrétaire administrative gestionnaire de base de données et sa rémunération a été portée à 2 385 euros par mois. En dernier lieu, depuis le 15 février 2017, elle était chargée de la gestion des radiations et percevait une rémunération de 2 467,15 euros brut à laquelle s'ajoutait une prime d'ancienneté de 222,04 euros brut.

Le 11 janvier 2017, Mme [V] s'est vu notifier un avertissement.

Elle a présenté un arrêt de travail du 9 au 15 février 2017 prolongé jusqu'au 31 mars 2017 et pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels. Elle a de nouveau été arrêtée du 1er au 7 avril 2017. Lors de la visite de reprise qui s'est tenue le 10 avril 2017, elle a été déclarée apte au travail par le médecin du travail.

Par courrier du 17 mars 2017, Mme [V] s'est plaint des agressions verbales subies depuis décembre 2016 du fait de la chef comptable, la comptable et une autre salariée Mme [E]. Le CHSCT s'est réuni le 21 avril 2017 pour la mise en place d'une commission chargée de mener toutes investigations sur cette plainte. Le rapport du CHSCT du 11 mai 2017 a conclu à l'absence de harcèlement moral.

L'employeur a proposé à Mme [V] un poste de secrétaire administrative, assistante de convocation qu'elle a refusé.

Mme [V] a présenté un arrêt de travail pour maladie du 1er au 7 juillet 2017 puis a de nouveau été arrêtée pour rechute d'accident du travail du 8 juillet 2017 au 11 septembre 2017.

Par courrier du 18 juillet 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 août 2017 puis s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier adressé sous la même forme le 11 septembre 2017, l'employeur lui reprochant en substance d'avoir de manière réitérée eu un comportement déstabilisateur dénigrant et mensonger envers son entourage professionnel.

L'AMET emploie au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale des services de santé au travail des entreprises.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 29 janvier 2018 afin d'obtenir l'annulation de la sanction disciplinaire du 11 janvier 2017, des dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que le paiement des indemnités de rupture. Par jugement du 27 février 2020 auquel la cour renvoie pour plus ample exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Bobigny, section activités diverses, a débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, l'association AMET de sa demande reconventionnelle présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme [V] aux dépens.

Mme [V] a régulièrement relevé appel du jugement le 23 juillet 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions numéro 2, notifiées par voie électronique le 3 octobre 2022, auxquelles la cour renvoie pour l'exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [V] prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et condamnée aux dépens,

- annuler l'avertissement du 11 janvier 2017,

- dire le licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'AMET au paiement des sommes de :

* 20'000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail,

* 5 512 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 551,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

* 5 236,40 euros à titre de rappel d'indemnité légale de licenciement,

* 40'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'AMET au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise d'une attestation pour Pôle emploi et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes,

- dire que les condamnations à intervenir porteront intérêts à partir de chaque échéance mensuelle avec capitalisation desdits intérêts en application de l'article 1343'2 du code civil à partir de la date de la saisine,

- condamner l'AMET au paiement des entiers dépens et frais d'exécution éventuels.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 12 octobre 2022, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'AMET prie la cour de':

- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,

- débouter Mme [V] de toutes ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

- fixer le salaire de base de Mme [V] pour le calcul du préavis à la somme de 2 689,19 euros,

- limiter le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 8 268 euros.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 novembre 2022.

MOTIVATION':

Sur l'exécution du contrat travail :

Sur l'annulation de la sanction disciplinaire notifiée le 11 janvier 2017 :

Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. L'article L. 1333-2 du code du travail précise que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Le courrier de notification de l'avertissement est rédigé de la façon suivante :

« Je suis saisi d'un certain nombre d'anomalies ou dysfonctionnements récents dont les causes qui m'ont été signalées vous sont imputables et révèlent un manque d'analyses, de contrôles et de vérifications systématiques de votre part. En effet il est apparu à plusieurs reprises que vous avez manqué de discernement sur les dossiers suivants :

- Adhérent n° 33298 (Hôpital [8]), le 29 décembre 2016, vous avez engagé un processus de radiation d'un de nos adhérents pour 207 salariés à l'aide d'un document qui vous a été transmis par erreur et pour lequel vous avez confondu la raison sociale avec un de nos adhérents existants. Ce document destiné à la personne en charge de la comptabilité de notre facturation d'examens complémentaires précisait seulement un changement de dénomination à prendre en considération. Sans vérification de notre part nous aurions pu perdre un adhérent à hauteur de 21'735 euros HT de cotisations annuelles et occasionner des suspensions de visites médicales déjà programmées.

- Adhérent n° 43 188 (Liberty Esthetic), le 4 janvier 2017, vous avez engagé un processus de radiation d'un de nos adhérents pour un salarié alors qu'après contact auprès de cette structure, il apparaît que la gérante de l'établissement confirme bien qu'il reste un salarié embauché en mars 2016 et toujours à son effectif aujourd'hui. Cotisation annuelle 2017 de 105 euros HT

- Adhérent n° 32 437 (Dell), le 5 janvier 2017, vous avez engagé un processus de radiation pour 512 salariés alors que la demande émanant de notre adhérent nous prévenait d'une scission de leurs effectifs en deux structures distinctes que vous avez interprétée en une suppression totale de leur personnel. Sans vérification de notre part nous aurions pu perdre un adhérent à hauteur de 53'760 euros HT de cotisations annuelles et occasionner des suspensions de visites médicales déjà programmées.

- Adhérent n° 12 593 (cabinet [X]'syndic de copropriété), le 9 janvier 2017, vous avez engagé un processus de radiation pour un salarié relatif à l'annonce d'un départ en retraite. Après vérification et contact auprès de notre adhérent il s'avère que cette structure est maintenue, avec en prévision, une future embauche remplacement. Cotisation annuelle 2017 de 105 euros HT.

L'ensemble de ces faits sont constitutifs de manquements de votre part qui auraient pu être évités si vous aviez pris la peine d'analyser chaque situation avant de déclencher le processus de radiation et plus particulièrement de contacter les adhérents concernés sur leur situation au regard de notre association avant toute action. Nous vous rappelons à ce titre, que Mme [O] [C], votre responsable hiérarchique vous a adressé le 3 janvier 2017 un courriel vous précisant la position à adopter face à cette situation. Vous comprendrez que nous avons pu, grâce à des actions complémentaires de vérifications auprès de ses adhérents, éviter de les perdre et sauvegarder des cotisations dues au titre de 2017 pour un montant global de 75'705 euros HT.

Au vu de ces dysfonctionnements répétitifs sur ces derniers jours, nous vous informons que nous prenons la décision de vous sanctionner d'un avertissement conformément au règlement intérieur de notre association. ['] »

Mme [V] conteste l'avertissement qui lui a été notifié en faisant valoir que':

- elle n'avait jamais en sept ans fait l'objet de griefs sur la qualité de son travail ainsi qu'en témoignent ses entretiens d'évaluation tenus en 2013 et 2016 ;

- cet avertissement intervient alors que sa supérieure hiérarchique quitte l'AMET et que la direction du service est prise par Mme [Y] avec laquelle elle entretenait des rapports très difficiles ;

- le manque de discernement qui lui est reproché est une notion dénuée de toute objectivité,

- on lui fait grief de manquer à des règles de procédure sans préciser lesquelles et sans qu'elle en ait eu connaissance ;

- on lui reproche une erreur sur deux radiations alors qu'elle était chargée des adhésions ainsi que l'établit sa fiche de poste par comparaison avec celle de Mme [E] chargée précisément des radiations et qu'à la fin de l'année 2016 on lui imposait la charge supplémentaire les radiations ce qui a donné lieu à un courrier de Mme [Z] le 6 septembre 2016 à sa supérieure hiérarchique ;

- la responsable du service adhérent Mme [C] avait validé ses demandes de radiation ainsi que le reconnaît la direction dans un courrier du 1er février 2017.

De son côté l'AMET conclut au débouté et à la confirmation du jugement en faisant valoir que'lorsqu'elle a été sanctionnée, Mme [V] occupait son poste de secrétaire administrative gestionnaire base de données depuis le 1er juin 2016, que ce poste impliquait entre autres la gestion des radiations des adhérents lorsqu'ils n'avaient plus de personnel ou leur suspension lorsque leur adhésion n'était pas conforme. Elle fait valoir que :

- s'agissant du premier dossier adhérent (Hôpital privé [8] à [Localité 5]) elle a confondu cet adhérent avec le Centre hospitalier de [8] à [Localité 7] ;

- s'agissant du second dossier (adhérent Dell), l'employeur produit le mail de l'adhérent Dell annonçant la création de la société NTT Data suite à un rachat de l'entité Dell service, la réponse de Mme [V] du 10 octobre 2016 et le projet de courrier établi par Mme [C] mais ces éléments qui ne font mention que de l'adhésion des nouveaux salariés sans mentionner une quelconque radiation ne suffisent pas à démontrer la matérialité des faits ;

- s'agissant du troisième dossier (adhérent [X]-syndic de copropriété), l'employeur verse aux débats le mail de Mme [R] en date du 9 janvier 2017 établissant que suite à un départ à la retraite, les effectifs concernant la copropriété de [Localité 10] allaient être nuls suite à un départ à la retraite mais que vérification faite une embauche été prévue.

- s'agissant du quatrième dossier, (Liberty esthétic), l'employeur verse aux débats le mail de l'adhérent en date du 14 décembre 2016, indiquant qu'il n'a plus d'employé alors que vérification faite l'institut avait toujours un salarié.

L'employeur verse également aux débats l'attestation de Mme [S] [Y], sa directrice administrative et financière qui confirme l'importance du travail de vérification nécessaire pour chaque radiation d'adhérents ainsi que celle de Mme [E], secrétaire administrative qui confirme que plusieurs dossiers de radiation arrivés sur son bureau n'avaient pas été vérifiés par Mme [V].

La cour observe que le courrier du 29 décembre 2016 signé par Mme [C] adressé au Centre hospitalier [6] démontre effectivement par ses mentions la confusion effectuée et que Mme [V] dans un mail du 29 décembre 2016 a bien décidé de la radiation, entérinée par MmeKeuro mais celle-ci a toutefois fait vérifier le dossier par Mme [E] de sorte que l'erreur a été rattrapée.

La cour considère ces éléments suffisants pour établir la matérialité des faits à l'encontre de Mme [V] qui n'a pas correctement lu ou interprété les courriers des adhérents ni procédé à la moindre vérification de sorte que la sanction disciplinaire, proportionnée à la faute commise et régulière est justifiée.

La demande d'annulation de l'avertissement est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail :

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Mme [V] présente les faits suivants ayant, selon elle, eu des répercussions sur son état de santé, versant aux débats ses arrêts de travail et ses ordonnances prescrivant un traitement médical à base d'anxiolytiques':

- elle a fait l'objet d'un avertissement injustifié mais la cour a retenu que l'avertissement était fondé et a rejeté la demande de nullité présentée par la salariée.

- elle a fait l'objet d'une mutation forcée, l'employeur sous couvert de réorganisation du service administratif organisant son transfert du service adhésion aux services radiation, alors qu'il avait connaissance de ce qu'elle ne s'entendait pas avec l'autre salariée travaillant dans le service Mme [E], qu'un courrier de l'inspecteur du travail avait attiré l'attention de la société sur ce point et qu'elle ne souhaitait pas intégrer ce service, mettant ainsi en 'uvre un processus de déstabilisation à son égard,

- elle a été victime de l'agressivité verbale de Mmes [E], [Y] et [D] s'appuyant sur son courrier de sa part adressée à l'AMET le 17 mars 2017 lui demandant d'effectuer une déclaration d'accident du travail et faisant état de ce qu'elle avait été agressée verbalement à plusieurs reprises par ces trois salariées ainsi que sur le courrier de l'inspecteur du travail adressé à l'employeur faisant état des déclarations de Mme [V] en ce sens et de ce que Mme [Y], nouvelle responsable du service, lui donne des tâches ne figurant pas dans sa fiche de poste. La cour considère que ce dernier point n'est pas établi, la fiche de poste mentionnant que des tâches ponctuelles pouvaient être sollicitées de la salariée. Par ailleurs, aucun élément objectif ne vient confirmer les allégations de Mme [V] sur les agressions verbales dont elle déclare être victime de la part de ses trois collègues sans d'ailleurs en donner le détail ni rapporter les propos proférés à ces occasions. La cour ne retient donc pas que les faits sont matériellement établis.

- elle a été victime d'une rétrogradation salariale, l'employeur lui proposant un poste d'assistante de convocation mais au prix d'une diminution de sa rémunération laquelle de 2 450 euros brut mensuels serait alors passée à 2 070,50 euros : elle s'appuie sur le courrier de l'AMET en date du 23 juin 2017 faisant état de cette proposition et de la baisse de rémunération concommitante.

Les faits que la cour a retenus comme étant matériellement établis, pris dans leur ensemble laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l'employeur de prouver qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

S'agissant de la mutation forcée, l'employeur justifie le changement des conditions de travail de la salariée par la nécessité d'apaiser la situation au sein du service adhésion et les difficultés relationnelles avec les autres salariés dont il est fait état dans le rapport du CHSCT du 11 mai 2017 où l'ensemble des personnes entendues a décrit des difficultés concernant le travail en équipe avec Mme [V] et son refus de participer aux tâches du service. Par ailleurs, son affectation au service radiation où travaillait Mme [E] ne devait avoir qu'un temps puisque celle-ci devait partir à la retraite et avait pour mission de former Mme [V]. La cour considère qu'ainsi l'employeur justifie par un exercice légitime de son pouvoir de direction le changement des conditions de travail de Mme [V] et son affectation au service des radiations.

Sur la rétrogradation salariale, l'employeur fait valoir que la proposition du poste d'assistante de convocation correspondait aux v'ux de Mme [V] et qu'il avait accepté de lui faire suivre une formation pour lui permettre d'occuper ce poste mais qu'il ne pouvait assurer le maintien de sa rémunération puisque toutes les autres assistantes percevaient une rémunération de 2 070,50 euros, versant au débat un tableau récapitulatif de paie des assistantes de convocation ainsi que les fiches individuelles établissant que le salaire de base est bien de ce montant euros comme il le soutient. La cour considère que l'employeur justifie ainsi par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral, la proposition effectuée et relève que la rétrogradation salariale alléguée n'a pas eu lieu puisque comme elle en avait le droit, Mme [V] a refusé cette proposition.

En définitive, il résulte de ce qui précède que l'employeur prouve que les faits qui pris dans leur ensemble laissaient supposer des agissements de harcèlement moral sont en réalité justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers de sorte que la cour ne retient pas que Mme [V] a été victime d'agissements de harcèlement moral comme elle le prétend.

Sur le manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail :

La demande de dommages-intérêts présentée par Mme [V] fait également état du manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail. Il ressort de ses conclusions qu'elle considère que les faits qu'elle a présentés au titre du harcèlement moral étaient également constitutifs d'un manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail mais la cour ayant retenu que l'avertissement était justifié, que les agressions verbales n'étaient pas caractérisées que la mutation était justifiée par un exercice légitime du pouvoir de direction et que la rétrogradation salariale n'avait pas été effective considère que la faute de l'employeur n'est pas établie.

En définitive, la cour ne retenant ni le harcèlement moral ni le manquement à l'exécution de bonne foi du contrat de travail, la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [V] est rejetée et le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur la rupture du contrat travail':

Aux termes de la lettre de licenciement fixant les limites du litige les griefs formés à l'encontre de Mme [V] sont les suivants :

« ['] Depuis votre engagement au sein de l'AMET, vous êtes affectée au service administratif, service dans lequel la polyvalence des fonctions est un impératif à son fonctionnement rigoureux et efficace. À ce titre, dans le cadre d'une promotion destinée à vous encourager mais aussi avec pour objectif d'assurer le remplacement d'une collaboratrice devant partir à la retraite, vos tâches ont été en 2016 principalement orientées vers l'activité « radiation » qui prenait une ampleur certaine. Comme souvent évoqué avec vous, la gestion de cette activité exige un suivi attentif en raison de ses enjeux financiers pour l'AMET. Vos qualifications et expériences professionnelle devaient vous permettre de mener à bien cette fonction. Malheureusement, vos négligences récurrentes et un manque avéré de rigueur, nous ont conduit, après différentes recommandations écrites et verbales, à vous notifier un avertissement par LRAR du 11 janvier 2017 ['].

Nous inscrivant dans une logique d'efficacité et de rationalisation afin de mener à bien les missions qui nous sont confiées, nous avons début février 2017 précisé les tâches des uns et des autres, et donc de vous. Nous avons même pris soin de répondre le jour même à un mail de votre part, le 8 février dernier à votre demande de précision sur notre organisation interne.

Puis, et pour la première fois, vous avez évoqué le fait que vous auriez été victime d'agissements et de comportements inappropriés tant de la part de vos collègues que de votre supérieure hiérarchique. Prenant très au sérieux ce type de plainte, nous avons mené en concertation et en lien avec le médecin du travail de l'AMET, l'inspection du travail et le CHSCT différentes investigations.

Aux termes de ses dernières, et notamment d'un rapport du CHSCT du 11 mai 2017, il est apparu que la réalité était toute autre et qu'en fait, c'est votre propre comportement qui faisait difficultés et qui créait de la perturbation au sein du service. Dans ce contexte, nous avons fait le choix de l'apaisement et celui de vous donner une chance de vous ressaisir au plan professionnel en vous orientant vers d'autres tâches qui au surplus répondaient à votre propre souhait. C'est ainsi que le 18 mai dernier, nous avons engagé en votre faveur une formation en interne destinée à vous permettre de prendre de nouvelles fonctions en qualité d'assistante de convocation au sein de notre département « secrétariat médical ». Force est de constater que plutôt que saisir une véritable opportunité professionnelle, vous avez cru devoir par lettre du 21 mai 2017, mettre gravement en cause vos collègues de travail. Constatant dès lors la persistance d'un comportement toujours enclin à ne pas rechercher l'apaisement mais l'affrontement avec votre environnement professionnel, nous avons été contraints de mener des investigations supplémentaires.

Ces dernières nous ont permis de découvrir des faits nouveaux vous concernant quant à la gravité de vos manquements à l'encontre de vos collègues, allant jusqu'à mettre en cause leur santé.

Ainsi, nous avons découvert que votre comportement fait de mépris, d'arrogance et de manque total d'investissement professionnel a causé de profondes perturbations au sein du service, allant jusqu'à porter atteinte à l'état de santé d'une de vos collègues.

Vous n'avez pas non plus hésité à dénigrer en présence de témoins tels ou tels de vos collègues.

La situation est allée jusqu'à atteindre un point de non-retour avec une lettre collective et signée de 5 salariées se plaignant de vos incessants mensonges et de l'impossibilité de pouvoir continuer à travailler à vos côtés.

Dans le même temps et dans le même registre, vous avez à l'occasion d'un simple incident technique (casque téléphonique) sur lequel notre équipe dédiée a fait diligence avec l'urgence requise, tenté de créer artificiellement des difficultés sans rapport avec la réalité et en mettant en cause, une nouvelle fois et de façon totalement injustifiée, votre entourage professionnel.

Ce fait supplémentaire a été une nouvelle illustration de la réitération d'un comportement déstabilisateur et perturbateur de votre part.

Au total, nous considérons que vos manquements sont constitutifs d'une faute grave rendant impossible votre maintien au sein de l'AMET. ['] ».

Sur la demande de nullité du licenciement':

Mme [V] soutient que son licenciement doit être annulé dans la mesure où il procède du harcèlement dont elle a été victime et qu'elle a en réalité été sanctionnée pour avoir dénoncé les agissements de harcèlement moral qu'elle subissait. Bien qu'elle ne se réfère à aucune pièce dans la partie discussion de ses conclusions consacrées à cette demande, elle produit un courrier du 17 mars 2017 dans lequel elle se plaint du comportement déstabilisant de ses trois collègues et des agressions verbales qu'elles ont commises à son encontre.

La cour n'a pas retenu que Mme [V] avait été victime de harcèlement moral et relève qu'elle n'a pas utilisé cette expression dans son courrier de dénonciation. La demande de nullité du licenciement pour ce motif est donc rejetée.

Sur le bien-fondé du licenciement :

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

L'employeur sur qui repose la charge de la preuve soutient que les faits sont caractérisés en faisant valoir que Mme [V] a fait preuve d'un comportement méprisant, arrogant, dénigrant et perturbateur vis-à-vis de ses collègues de travail et du service technique et d'un manque total d'investissement professionnel.

Mme [V] de son côté, invoque l'absence de précision des motifs du licenciement, et l'absence de réalité des griefs.

Il ressort des attestations, mails, rapport d'enquête CHSCT que l'AMET verse au débat que lorsque Mme [V] a repris son travail le 10 avril 2017, sa collègue Mme [E] a accepté de la former à la gestion des radiations et s'est rapidement heurtée à son manque de motivation et d'initiative, son manque de politesse et son arrogance l'ayant conduite finalement à la suite d'une réunion le 21 avril à demander d'être déchargée de sa mission (attestation Mme [E]).

Le comportement inapproprié de Mme [V] envers ses collègues est confirmé d'une part par le rapport du CHSCT en date du 11 mai 2017 faisant état de ce que les sept personnes du service administratif qui ont travaillé avec elle relatent les tensions au sein du service et la difficulté du travail en équipe avec elle, d'autre part par la lettre collective communiquée aux débats signée de cinq salariées dénonçant leur mise en cause mensongère par Mme [V] et sollicitant qu'une solution définitive soit trouvée, de troisième part, par les attestations de ces mêmes salariés relatant les difficultés du travail en équipe avec Mme [V] qui passe son temps à fumer ou prendre des pauses pendant qu'elles travaillent et les met en cause pour s'exonérer de ses propres difficultés de sorte qu'elles en sont lassées et enfin, par le compte rendu d'entretien effectué par Mme [Y] à la suite du courrier de Mme [V] du 21 mai 2017 dont il ressort que les salariés entendus déplorent l'attitude personnelle et professionnelle de Mme [V].

Ces éléments sont suffisamment précis contrairement à ce que soutient la salariée pour caractériser la faute grave et établir que son maintien dans l'entreprise est impossible.

Sur les conséquences du licenciement :

La cour ayant retenu que le licenciement pour faute grave était fondé, déboute Mme [V] de l'ensemble des demandes qu'elle présente au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement. Le jugement est confirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes :

Mme [V], partie perdante, est condamnée aux dépens.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement dans toutes ses dispositions,

DÉBOUTE Mme [H] [V] de l'ensemble de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'une ou l'autre des parties,

CONDAMNE Mme [H] [V] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/04902
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;20.04902 ?
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