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09/02/2023 | FRANCE | N°20/02618

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 09 février 2023, 20/02618


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 09 FEVRIER 2023



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02618 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYYP



Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/08606





APPELANT



Monsieur [H] [S]

[Adresse 2]

[L

ocalité 3]





Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515







INTIMEE



S.A.S. BNP PARIBAS ASSET MANAGEMENT

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représen...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02618 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBYYP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Janvier 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 18/08606

APPELANT

Monsieur [H] [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

INTIMEE

S.A.S. BNP PARIBAS ASSET MANAGEMENT

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie FOURNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0099

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Gwenaelle LEDOIGT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Carine SONNOIS Présidente de la chambre

Greffier, lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

M. [H] [S] a été engagé par la société anonyme BNP Paribas, suivant contrat à durée indéterminée prenant effet le 5 septembre 2011, en qualité de Manager Consultant.

En 2011, le salarié a été affecté à la BNP Paribas Hong-Kong et à compter du 1er novembre 2013, il a été nommé manager à la BNP Paribas de New-York. Cette affectation a pris fin le 1er décembre 2016.

Le 1er mai 2017, au terme d'un commun accord, M. [H] [S] a été transféré auprès de la société par actions simplifiée (SAS) BNP Paribas Asset Management, en qualité d'analyste stratégique.

La SAS BNP Paribas Asset Management est une filiale de BNP Paribas dont l'activité consiste en la gestion d'actifs de BNP Paribas. BNP Paribas Asset Management est l'un des principaux fournisseurs de services financiers pour les entreprises et les acteurs institutionnels en Asie-Pacifique, pour lesquels la filiale gère 60 milliards d'euros d'actifs.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par l'accord d'entreprise de l'UES BNP Paribas Investment Partners qui reprend les dispositions de la convention collective de la Banque, le salarié percevait une rémunération mensuelle de base de 9 583,34 euros, à laquelle s'ajoutait des bonus.

Le 7 décembre 2017, le salarié s'est vu notifier un licenciement pour faute grave, libellé dans les termes suivants :

"Vous travaillez à [Localité 5] depuis le 1er mars 2017 et vous occupez actuellement le poste

d'Analyste Stratégique au sein de BNP Paribas Asset Management, suite au transfert avec reprise d'ancienneté de votre contrat de travail intervenu avec votre accord en date du 1er mai 2017. Dans le cadre de vos fonctions, vous travaillez quotidiennement sur les marchés financiers asiatiques et vous êtes amené à vous rendre régulièrement sur place.

Le 29 octobre 2017, un article de presse intitulé «Chez BNP Paribas un scandale réglé en interne» est paru dans le journal quotidien Libération. Cet article fait état de votre participation à des agissements graves à l'encontre d'une collaboratrice en VIE.

Cet article a été repris dans de nombreux organes de presse de par le monde entier et plus particulièrement en Asie.

Cette révélation publique de vos agissements a suscité une émotion légitime extrêmement vive des collaboratrices et des collaborateurs de BNP Paribas et a déclenché une crise grave au sein de toute l'entreprise au niveau mondial.

En effet, de nombreux salariés ont exprimé un sentiment d'insécurité et de malaise lié à votre appartenance au Groupe.

Ils ont été d'autant plus choqués que le principe du respect des collègues figure parmi les sept piliers essentiels du Code de conduite de BNP Paribas, Code que chaque collaborateur se doit de respecter, à quelque niveau que ce soit, et n'importe où dans le monde.

La tension est particulièrement vive au sein du groupe Asie Pacifique (APAC), au sein duquel vous êtes censé intervenir quotidiennement du fait de vos fonctions. Craignant les réactions de vos collègues, vous avez reconnu dernièrement en entretien avec votre HRBP Anne d'Ambrières qu'il était préférable que vous ne vous rendiez pas en Asie.

L'actuelle révélation publique de votre comportement, qui s'inscrit en totale violation de nos valeurs, cause un trouble manifeste au bon fonctionnement de l'entreprise et ce à l'échelle mondiale.

Compte tenu de la crise grave que votre comportement a généré, votre maintien au sein du Groupe n'est plus possible. Votre présence au sein du Groupe compromet en effet la sécurité mentale et physique des collaborateurs ainsi que les intérêts et le bon fonctionnement de la Banque.

En conséquence, nous sommes contraints de mettre un terme, avec effet immédiat, à notre

collaboration et de vous notifier votre licenciement pour faute grave sur le fondement de

l'article 25-1 de l'Accord d'entreprise de l'UES BNPP AM. »

Le 14 novembre 2018, M. [H] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris pour contester son licenciement, solliciter un rappel de salaire variable annuel et des dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.

Le 15 janvier 2020, le conseil de prud'hommes de Paris, dans sa section Encadrement, a statué comme suit :

- déboute M. [H] [S] de l'intégralité de ses demandes

- déboute la BNP Paribas de sa demande reconventionnelle

- condamne la partie demanderesse au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 18 mars 2020, M. [H] [S] a relevé appel du jugement de première instance dont il a reçu notification le 25 février 2020.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 15 juin 2020, aux termes desquelles M. [H] [S] demande à la cour d'appel de :

A titre principal :

- requalifier le licenciement pour faute grave dont a fait l'objet Monsieur [S] en licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société à verser à Monsieur [S] les sommes suivantes :

* 47 736 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 4 773 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents

* 41 371 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

* 190 944 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (correspondant à 12 mois de salaire)

* 15 912 euros bruts à titre de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire

(correspondant à 1 mois de salaire)

* 93 909 euros bruts à titre de rappel de salaires sur la part variable pour l'exercice 2017 et 9 390 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents

- condamner la société à verser à Monsieur [S] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

- ordonner la condamnation assortie des intérêts au taux légal et leur capitalisation à compter de la date de l'arrêt.

Vu les dernières conclusions remises et notifiées le 8 septembre 2020, aux termes desquelles la SAS BNP Paribas Asset Management demande à la cour d'appel de :

- confirmer en tous points le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 15 janvier 2020

- dire le licenciement pour faute grave de Monsieur [S] bien fondé

- débouter Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes

- condamner Monsieur [S] à verser à la société la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner Monsieur [S] aux entiers dépens de l'instance, et autres frais non inclus dans les dépens.

Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 21 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le licenciement pour faute grave

L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.

La société intimée rapporte qu'en mai 2012, une jeune femme travaillant dans le cadre d'un contrat de Volontariat à l'Internationat en Entreprise (VIE) à la BNP Paribas Honk Kong a dénoncé, auprès de la responsable des ressources humaines des propos à caractère sexuel et des gestes déplacés commis par deux membres du département dans lequel elle se trouvait affectée, dont M. [H] [S].

Après qu'une enquête eut été diligentée, ce dernier s'est vu notifier, en avril 2012, un avertissement verbal avec obligation de suivre une formation individuelle sur le comportement professionnel à adopter.

La banque a proposé à la jeune femme de poursuivre sa mission de VIE au sein d'un autre département de BNP Paribas Hong Kong, auprès d'une autre entité du groupe.

Le 29 octobre 2017, le journal "Libération" a révélé publiquement les agissements reprochés à M. [H] [S] et son collègue (pièce 11), ce qui a causé un vif émoi au sein du groupe BNP Paribas. Cet article a été repris par d'autres journaux, tant en France qu'à l'étranger (pièces 13 à 16).

L'employeur affirme qu'à la suite de la révélation publique des agissements du salarié, plusieurs employées de la banque se sont manifestées auprès de la Direction pour demander le renvoi des salariés concernés, en faisant valoir que leur présence portait atteinte à leur sécurité (pièce 29). Il ajoute que les délégués du personnel ont, également, relayé auprès de la Direction un sentiment de mal être des collaborateurs.

Face à l'ampleur de cette crise, le Directeur Général de BNP Paribas et le Directeur des Ressources Humaines de BNP Paribas sont intervenus, dès le 31 octobre 2017 au soir, auprès de l'ensemble des collaborateurs pour rappeler les valeurs de BNP Paribas et le fait que le groupe condamnait avec force de tels agissements (pièces 17 et 18). En outre, face à la situation de malaise ressentie en Asie, le Directeur général de la zone Asie-Pacifique et le Chief Executive Officer Hong Kong ont adressé des messages à l'ensemble des collaborateurs afin de les rassurer sur les valeurs de BNP Paribas (pièces 19 et 20) et ont mis en place une plateforme de discussion anonyme.

Eu égard au trouble causé au bon fonctionnement de l'entreprise du fait de la révélation publique des agissements du salarié et de son collègue, contraires aux dispositions du code de conduite de la Banque (pièce 25), ceux-ci se sont vu notifier un licenciement pour faute grave.

Mais, la cour observe que l'article du 29 octobre 2017 du journal "Libération" était intitulé "Chez BNP Paribas, un scandale réglé en interne" , avec comme chapeau "Une jeune femme raconte comment elle a été harcelée et agressée par ses supérieurs au sein de la Banque. Elle affirme que l'affaire a été étouffée" (pièce 11), qu'ainsi ce qui a été porté à la connaissance du public, en 2017, ce ne sont pas tant les agissements du salarié mais la manière dont l'employeur a traité cette affaire, à l'époque. En effet, si la société intimée prétend que la BNP Paribas a adressé un avertissement verbal aux deux salariés mis en cause au terme de l'enquête interne qu'elle a diligentée, elle ne justifie par aucune pièce des mesures qu'elle aurait mises en oeuvre, à l'époque, pour répondre à des accusations, dont elle souligne, pourtant, la gravité en les reprenant dans ses écritures. En outre, si l'on devait retenir que les faits ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire, ils ne peuvent être invoqués pour fonder un licenciement plusieurs années après leur commission.

M. [H] [S] conteste, pour sa part, à la fois les faits qui lui sont reprochés et la sanction verbale dont il aurait fait l'objet.

Ce qui n'est pas discuté, en revanche, c'est qu'en 2012, la BNP Paribas a fait le choix de maintenir les deux salariés mis en cause dans leurs postes alors qu'elle soutient, désormais, que leurs comportements constituaient de graves atteintes au code de conduite de la Banque.

Or, c'est précisément cette politique de BNP Paribas qui a été dénoncée dans les articles que la société intimée verse aux débats et qui a suscité l'émoi de ses salariés, ainsi qu'en attestent les témoignages qu'elle produits, qui ont été recueillis sur la plateforme anonyme mise en place en Asie :

« C'est inconcevable que ces personnes n'aient pas été immédiatement licenciées en 2012 et déchirant de constater qu'elles sont toujours salariées de la Banque. »

« Le message que j'ai reçu hier a été très bouleversant et décevant, et a touché la confiance fondamentale que j'avais en cette banque et en son management » (pièce 29)

ou bien encore celui émanant d'une collaboratrice belge du groupe :

« Concernant les articles récents relatant les agissements de deux collaborateurs [M] [C] et [H] [S] à Hong-Kong, je viens de lire avec attention le message de notre Président et d'écouter le vôtre (...) Cela dit, dans le cas présent, j'avoue que je ne comprends pas que les personnes citées (et qui sont facilement identifiables) fassent toujours partie du groupe. Je suis de plus profondément choquée de voir sur leurs profils linkedln l'évolution dont ils ont bénéficié dans notre groupe" (pièce 30).

Contrairement à ce qui est avancé par l'employeur, il ne ressort pas des pièces versées aux débats que les salariés de la banque, et notamment ses employées féminines, auraient manifesté une inquiétude à travailler avec M. [H] [S], après avoir appris les faits qui lui étaient reprochés.

Il n'est établi qu'une désapprobation à l'égard de l'absence de sanction réelle prise par la BNP Paribas en 2012, qui ne pouvait être corrigée par le licenciement du salarié cinq ans plus tard.

De même, alors qu'il est avancé par l'employeur que les délégués du personnel auraient évoqué le trouble suscité, parmi les salariés, par les révélations de "Libération", notamment lors d'une réunion du 23 novembre 2017, le compte rendu de cette réunion fait état des questions suivantes :

"Suite aux révélations dans la presse (Libération) de faits de harcèlements dans le

Groupe BNP Paribas datant de 2012 en Asie :

- Quelle est la position de la Direction si des faits similaires se produisent aujourd'hui '

- Quelles seraient les sanctions applicables par la Direction et les Ressources Humaines '

- Des collaborateurs de BNPPAM aujourd'hui ont-ils été directement liés aux faits relatés dans la presse ' »

et de la réponse de l'employeur " Si des faits de harcèlement se produisaient au sein de l'entreprise, une procédure disciplinaire serait immédiatement engagée. Les mesures prises pourraient être une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement" (pièce 36 employeur).

On s'aperçoit donc, une nouvelle fois, que ce qui suscite des interrogations et des réactions ce n'est pas la présence de M. [H] [S] dans l'entreprise en 2017 mais le traitement qui a été apporté par la banque à cette affaire en 2012 et plus globalement sa politique en matière de gestion des faits de harcèlement sexuel.

Il s'évince de ces éléments qu'il ne pouvait être reproché au salarié la révélation publique des agissements qui lui ont été imputés en 2012, puisqu'il n'a pas été à l'initiative de l'article publié dans "Libération", ni d'avoir causé un trouble manifeste au bon fonctionnement de l'entreprise puisque c'est le propre comportement de la BNP Paribas qui a été critiqué à l'occasion de ce débat public.

En l'absence de faits fautifs imputables au salarié, le licenciement sera dit dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de ce chef.

Au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [H] [S] qui, à la date du licenciement, comptait 6 ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre 3 et 7 mois de salaire.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 38 ans, de son ancienneté de plus de 6 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de la justification du fait qu'il n'a pas retrouvé un emploi salarié dans les deux années qui ont suivi son licenciement, il convient de lui allouer, en réparation de son entier préjudice la somme de 111 384 euros.

2/ Sur la demande de rappel de rémunération variable pour l'année 2017

M. [H] [S] indique qu'il était prévu dans un avenant à son contrat de travail, du 21 juin 2011, qu'il bénéficierait, outre sa rémunération fixe, d'une rémunération variable (pièce 1).

C'est sur ce fondement qu'il a perçu une prime variable annuelle pour tous les exercices suivants, dans ces conditions :

- 42 750 euros pour l'année 2012

- 48 232 euros pour l'année 2013

- 103 553 euros pour l'année 2014

- 102 667 euros pour l'année 2015

- 75 506 euros pour l'année 2016.

Dans le cadre du transfert de son contrat de travail au sein de la SAS BNP Paribas Asset Management, ce droit à rémunération variable a été repris pour l'année 2017, dans la lettre d'engagement signée le 12 avril 2017.

Or, M. [H] [S] constate qu'aucune prime variable ne lui a été versée au titre de l'exercice 2017 et il en demande le règlement à hauteur de 93 909 euros bruts (par référence à la moyenne des bonus perçus pour les trois derniers exercices), outre 9 390 euros au titre des congés payés afférents.

L'employeur objecte qu'il a toujours été rappelé dans les relevés de rémunération variable transmis au salarié (pièces 10 et 10 bis) qu'il s'agissait d'un bonus discrétionnaire déterminé en fonction des résultats du groupe et des performances individuelles du collaborateur.

Aussi, puisqu'il ne s'agissait pas d'un élément contractuel de rémunération la société intimée pouvait parfaitement décider de le réduire à zéro, en considérant qu'en raison de la révélation de ses agissements passés et de son manquement aux règles de bonne conduite le salarié avait préjudicié aux intérêts de la société. A titre subsidiaire, la société intimée fait valoir que le salarié ne pourrait prétendre qu'à un rappel de prime calculé au prorata de son temps de présence au sein de la société SAS BNP Paribas Asset Management, de mars 2017 au 20 novembre 2017, soit sur 8 mois et qu'il ne peut revendiquer le paiement de congés payés afférents sur une prime annuelle.

La cour retient que lorsqu'elle est payée en vertu d'un engagement unilatéral et que seul son montant annuel est variable et discrétionnaire, une prime constitue un élément de salaire et qu'elle est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement. En l'espèce, le contrat de travail mentionnait " Outre la rémunération fixe ci-dessus, une rémunération variable éventuelle pourrait vous être versée en fonction de la rentabilité de BNP Paribas SA, de votre métier et de votre performance au titre de l'exercice effectif de votre activité professionnelle".

M. [H] [S] justifie avoir bénéficié d'une prime annuelle pour tous les exercices postérieurs à la stipulation de cette clause, à l'exclusion de l'année 2017 alors qu'il a travaillé pendant quasiment tout l'exercice. Tandis, que le contrat de travail prévoyait que le bonus serait déterminé en fonction des résultats du groupe et des performances indivuelles du collaborateur, la SAS BNPParibas ne verse aux débats aucun élément justifiant d'une baisse des résultats de BNP Paribas SA en 2017, ni d'un manque d'efficience du salarié mais elle affirme que la suppression du bonus de M. [H] [S] a été décidé en raison du trouble généré par la révélation publique de ses agissements passés.

La cour rappelle que s'il est permis à l'employeur d'apprécier le montant de la prime versée discrétionnairement en fonction, notamment, de la qualité du travail fourni par le salarié, il n'est pas autorisé à prendre en compte des critères non objectifs ou discriminatoires qui entraînerait une rupture d'égalité entre les salariés bénéficiaires de cette prime.

L'employeur reconnaissant qu'il a supprimé le bonus 2017 de M. [H] [S] au seul motif du trouble occasionné par son comportement, il sera considéré que ce motif jugé non fautif et parfaitement infondé au point 1 ne pouvait justifier l'absence de versement de sa prime annuelle à l'appelant. M. [H] [S] est donc bien fondé à solliciter l'allocation d'une prime annuelle, correspondant à la moyenne des primes versées sur les trois derniers années, soit 93 909 euros bruts. Il n'y a pas lieu de réduire ce montant au prorata du temps de présence de M. [H] [S] au sein de la SAS BNP Paribas Asset Management, dès lors que cette société a repris les engagements de BNP Paribas qui ne prévoyait pas une limitation du bonus au temps de présence et, qu'en outre, la période de préavis à prendre en compte dans les calculs excède l'exercice 2017. En revanche, la prime exceptionnelle versée au salarié présentant un caractère de gratification annuelle, sans lien avec les résultats financiers réalisés par le salarié, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de congés afférents.

3/ Sur l'indemnité compensatrice de préavis

M. [H] [S] sollicite une somme de 47 736 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, correspondant à trois mois de salaire, outre 4 773 euros au titre des congés payés afférents.

L'employeur objecte que s'il devait être fait droit à cette demande du salarié, il conviendrait de calculer l'indemnité compensatrice de préavis sur la base de la rémunération que M. [H] [S] aurait perçue s'il était demeuré en fonction, autrement dit un salaire brut de 9 583,34 euros, et non à partir de la rémunération moyenne perçue durant les 12 derniers mois. La société intimée estime donc que M. [H] [S] ne peut prétendre qu'à une somme maximale de 28 750,02 euros bruts et 2 875 euros au titre des congés payés afférent.

La cour rappelle que si le calcul de l'indemnité de préavis prend en compte la rémunération de base du salarié, il convient d'y ajouter les autres accessoires du salaire comme les primes arrivant à échéance durant la période de préavis. Il sera donc fait droit aux revendication du salarié dans les limites de sa demande.

4/ Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

Le salarié appelant réclame une somme de 41 371 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

La société intimée considère que le salaire de référence à prendre en compte pour effectuer le calcul exclut toute les primes fixes ou exceptionnelles ainsi que tout élément variable, en application de l'article 36 de l'accord d'entreprise UES BNPP (pièce 1) et qu'il doit donc être retenu le salaire brut mensuel de 9 583,34 euros, ce qui donne droit au salarié à une indemnité conventionnelle de licenciement n'excédant pas 23 000,02 euros.

La cour observe que l'article 24.2 de l'accord d'entreprise UES BNPP prévoit :

"Tout salarié licencié en application de l'article 24 comptant au moins un an d'ancienneté, bénéficie d'une indemnité de licenciement.

La mensualité qui sert de base à l'assiette de calcul de cette indemnité est égale à 1/12ème du salaire de base annuel que le salarié a ou aurait perçu au cours des douze derniers mois civils précédant la rupture du contrat de travail.

Cette indemnité est égale à :

- 1/2ème d'une mensualité par semestre complet d'ancienneté acquis dans l'entreprise antérieurement au 14 mai 2003

- et 1/5ème d'une mensualité par semestre complet d'ancienneté dans l'entreprise acquis à partir du 14 mai 2003.(...)

Pour les salariés embauchés à partir du 14 mai 2001, le total de l'indemnité est limité à quinze mensualités quelque soit la catérgorie à laquelle ils appartiennent".

Le salaire de base annuel à prendre en compte pour ces calculs exclut toute prime fixe ou exceptionnelle et tout élément variable, ainsi que le rappelle l'employeur.

La prime de licenciement conventionnelle peut dont être chiffrée à 23 000,02 euros.

La prime légale de licenciement prend en compte la moyenne des salaires perçus sur les 12 derniers mois, primes et bonus inclus. Elle peut donc être chiffrée à 25 857 euros[(1/4 x 15 912 x 6) + (1/4 x 15 912 x 6/12) ].

Le salarié ayant droit au calcul le plus avantageux, il lui sera alloué une somme de 25 857 euros à titre d'indemnité de licenciement.

5/ Sur le licenciement brutal et vexatoire

M. [H] [S] fait valoir, qu'alors qu'il avait toujours donné satisfaction dans son travail, ce qui lui avait permis d'accéder à des postes à haute responsabilité, il lui a été notifié de manière brutale son licenciement, pour des motifs infondés et après avoir fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire. Le salarié souligne, encore, qu'il ne lui a pas été possible de s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés puisque l'entretien préalable à son licenciement n'a duré que neuf minutes. Il ajoute que la révélation dans la presse des accusations formées à son encontre en 2012 a remis en cause son employabilité dans le secteur bancaire, ce qui ne lui a pas permis de retrouver un emploi salarié et qu'il a été émotionnellement très impacté par cette affaire, ce qui a nécessité une prise en charge par un psychiatre à compter de fin avril 2018 (pièce 16).

Cependant, la cour retient qu'il n'est pas démontré que la procédure de licenciement mise en oeuvre par la SAS BNP Paribas Asset Management présenterait un caractère brutal et/ou vexatoire. L'employeur a fait usage des moyens légaux mis à sa disposition. Le salarié a bénéficié d'un maintien de sa rémunération durant sa mise à pied conservatoire et M. [H] [S] n'a pas choisi de saisir la Commission de recours paritaire de la Banque. Par ailleurs, il ne peut être reproché à l'employeur les conséquences de la publication dans la presse de révélations à son encontre puisque la BNP Paribas n'a pas été à l'origine de ces divulgations et il n'est pas justifié d'un lien de causalité entre les troubles présentés par le salarié fin avril 2018 et la procédure de licenciement survenue 5 mois plus tôt.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de ce chef.

6/ Sur les autres demandes

Les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2018, date à laquelle l'employeur a réceptionné sa convocation l'audience du bureau de conciliation et d'orientation.

Les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Il sera ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

La SAS BNP Paribas Asset Management supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à M. [H] [S] une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [H] [S] de sa demande d'indemnité pour licenciement vexatoire

- débouté M. [H] [S] de sa demande de congés payés sur rappel de prime annuelle

- débouté la société BNP Paribas de sa demande reconventionnelle,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [H] [S] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS BNP Paribas Asset Management à payer à M. [H] [S] les sommes suivantes :

- 93 909 euros à titre de rappel de salaire sur prime annuelle pour l'exercice 2017

- 47 736 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 4 773 euros au titre des congés payés afférents

- 25 857 à titre d'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement

- 111 384 euros à titre de dommages-intérêts pou licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les sommes allouées à titre salarial porteront intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2018 et que les sommes allouées à titre indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Ordonne la capitalisation des intérêts pourvus qu'ils soient dus pour une année entière,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SAS BNP Paribas Asset Management aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 20/02618
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;20.02618 ?
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