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09/02/2023 | FRANCE | N°20/01607

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 10, 09 février 2023, 20/01607


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 09 FÉVRIER 2023



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01607 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKXZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2019 - Tribunal de grande instance de SENS RG N° 18/00361





APPELANTE



SAS MK TRANSFLUVIAL, agissant poursuites et diligences ses représentants légaux, domic

iliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée par Me Henri JEANNIN, avocat au ba...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 10

ARRÊT DU 09 FÉVRIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01607 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBKXZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Novembre 2019 - Tribunal de grande instance de SENS RG N° 18/00361

APPELANTE

SAS MK TRANSFLUVIAL, agissant poursuites et diligences ses représentants légaux, domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée par Me Henri JEANNIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0480, substitué à l'audience par Me Sebastien LOOTGIETER, avocat au barreau de PARIS, toque : C160

INTIMÉS

Monsieur [F] [L]

né le 04 Février 1956 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

ET

Madame [B] [C] épouse [L]

née le 12 Juillet 1960 à [Localité 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentés et assistés par Me Flavie MARIS-BONLIEU de la SCP BOUAZIZ - SERRA - AYALA - BONLIEU - LE MEN - AYOUN, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été appelée le 08 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Florence PAPIN, Présidente

Mme Valérie MORLET, Conseillère

M. Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Laurent NAJEM, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Ekaterina RAZMAKHNINA

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Ekaterina RAZMAKHNINA, greffier, présent lors de la mise à disposition.

***

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte du 22 février 2017, la société MK TRANSFLUVIAL a acquis de M. [F] [L] et de Mme [B] [C] épouse [L] (ci-après les époux [L]), un bateau automoteur dénommé "Winnetou" que l'acquéreur rebaptisera "Sagone" moyennant un prix de 540 000 euros.

La société MK TRANSFLUVIAL a pris livraison du navire, dont elle a commencé l'exploitation commerciale le 5 mars 2017.

Se plaignant de différents vices et dysfonctionnements affectant le bateau, elle a par acte d'huissier de justice du 27 juin 2017, fait assigner les époux [L] devant le tribunal de commerce de Sens, en référé, aux fins de voir organiser une expertise judiciaire.

Cette mesure d'instruction a été ordonnée le 7 septembre 2017, M. [G] [Y] a été désigné pour y procéder.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 23 février 2018.

C'est dans ces circonstances, que la société MK TRANSFLUVIAL a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Sens, au fond, les époux [L].

Le 27 novembre 2019, le tribunal de grande instance de Sens a :

- Condamné M. [F] [L] et Mme [B] [C] épouse [L] à payer vingt mille neuf cent quatre-vingt dix euros et vingt-deux centimes (20 990,22 euros) à la société MK TRANSFLUVIAL avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2018 et leur capitalisation au 23 avril 2019,

- Condamné M. [F] [L] et Mme [B] [C] épouse [L] à payer mille cinq cents euros (1 500 euros) à la société MK TRANSFLUVIAL en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné M. [F] [L] et Mme [B] [C] épouse [L] aux dépens, qui comprendront les frais d'expertise judiciaire,

- Ordonné l'exécution provisoire.

La société MK TRANSFLUVIAL a interjeté appel du jugement le 15 janvier 2020.

Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 08 septembre 2020, la MK TRANSFLUVIAL SAS demande à la cour de :

Dire et déclarer les époux [L] mal fondés en leur appel incident,

Les en débouter,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les époux [L] garants des vices cachés des moteurs DAF et Cummins,

Le réformer en ce qu'il a omis de déclarer les époux [L] garants des vices cachés des modules électroniques du moteur Cummins,

Le réformer en ce qu'il a fixé le montant des condamnations à supporter par les époux [L] à la somme de 20 990,22 euros en principal,

Et statuant à nouveau,

Condamner les époux [L] à payer à la société MK TRANSFLUVIAL :

' la somme de 39 584 euros outre intérêts légaux à compter de l'assignation en date du 23 avril 2018 qui devront être capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil,

' la somme de 55 638 euros outre intérêts légaux à compter de l'assignation en date du 23 avril 2018 qui devront être capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil,

' la somme de 20 242, 12 euros au titre des frais de réparations de l'électronique des moteurs, outre intérêts légaux à compter de l'assignation en date du 23 avril 2018 qui devront être capitalisés en application de l'article 1343-2 du code civil,

' la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner les intimés aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire s'élevant à la somme totale de 4 500,10 euros.

La société MK TRANSFLUVIAL relève que l'annonce parue sur le site d'un courtier néerlandais mentionnait bien 9 000 heures de service, ce que l'expert a considéré comme impossible, l'âge du moteur étant très inférieur à la vérité.

Elle considère que c'est à tort que l'expert a écarté de son rapport le chiffre des frais de réparation des appareillages électroniques et que le tribunal a omis ce point. Elle souligne qu'elle n'a aucun lien avec la société Cummins ' fabricant du moteur ' et ne peut agir contre elle. Elle fait valoir que les consorts [L] confondent la garantie des vices cachés avec la question de la responsabilité contractuelle ; qu'il appartenait aux intimés d'appeler en garantie le constructeur ou le vendeur du moteur (la société Rams).

Elle souligne que la clause exonératoire figurant dans le contrat n'est pas opposable à l'acheteur dans l'hypothèse où le vice n'est décelable que par un spécialiste après examen approfondi, selon la jurisprudence, et qu'au demeurant, les vendeurs connaissaient les vices de leur bateau et de sa motorisation, le moteur n'ayant jamais été entretenu avec sérieux.

S'agissant du moteur DAF, elle fait valoir que si l'expert souligne l'insuffisance du contrôle effectué par le garage Desbois, il stigmatise surtout le laxisme de M. [L] dans l'entretien.

En ce qui concerne le moteur Cummins, elle allègue que le rapport d'expertise est parfaitement explicite s'agissant du défaut d'entretien.

Elle rappelle que le contrat comprend une clause aux termes de laquelle le bateau sera libre des avaries et les moteurs en bon état de marche et considère que M. [L], professionnel, est de mauvaise foi, ce qui ne lui permet pas de se prévaloir de la clause de non-garantie.

Elle conteste l'impartialité alléguée de l'expert et relève que le juge chargé du contrôle des expertises n'a pas été saisi de cette question.

Elle détaille les préjudices qu'elle réclame et considère que le tribunal n'a pas fixé le préjudice matériel conformément à ce que l'expert avait chiffré. Elle conteste par ailleurs que les pertes d'exploitation soient chiffrées « taxes comprises ».

Elle relève que le prêt dont font état les époux [L] n'est pas versé aux débats.

Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 15 juin 2020, les époux [L] demandent à la cour de :

Dire non fondée l'action entreprise par la société MK TRANSFLUVIAL à l'encontre de M. et Mme [L] sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil.

L'en débouter purement et simplement.

En conséquence, infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Sens le 27 novembre 2019 ;

Dire M. et Mme [L] recevables et bien fondés en leur appel incident à l'encontre dudit jugement.

Condamner la société MK TRANSFLUVIAL à payer à M. et Mme [L] la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi et la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la société MK TRANSFLUVIAL aux dépens de première instance et d'appel.

Ils font valoir que le nombre d'heures du moteur Cummin n'a jamais fait partie du champ contractuel convenu entre les parties ; qu'il s'agit simplement d'un élément indiqué par un courtier sur son site internet ; que la société MK TRANSFLUVIAL n'a jamais consulté ce site ; qu'en tout état de cause, cette dernière connaissait parfaitement le nombre d'heures exact le jour de la signature de l'acte de vente ; qu'elle avait sollicité l'intervention d'un technicien quelques jours avant la vente ; que le nombre d'heures a été indiqué aux différents professionnels intervenant dans les ventes de péniches.

Sur les défaillances des équipements électroniques fournis par le motoriste Cunmins et la clause de non garantie figurant à l'acte de vente

Ils rappellent que le transfert de la propriété de la chose s'accompagne de tous les accessoires afférents à celle-ci. Ils soulignent que les deux parties aux contrats sont mariniers ; qu'ils ne peuvent être considérés comme professionnels en matière de moteurs de péniches ou d'équipements électroniques de moteurs mais simplement « professionnels de la navigation fluviale », de sorte que la clause de non garantie des vices cachés doit s'appliquer. Ils font valoir qu'en l'espèce, la preuve qu'ils connaissaient le vice n'est pas rapportée. Ils relèvent que la société MK TRANSFLUVIAL réclame deux fois la somme de 20 242,12 euros au titre des équipements électroniques.

Sur le défaut d'entretien allégué, ils allèguent que le vendeur ne saurait davantage répondre du vice résultant d'une faute de montage d'un réparateur (garage Desbois) que d'un prétendu défaut d'entretien qu'il conteste ; que le taux de 50 % retenu par l'expert pour l'utilisation du moteur d'entrave est contesté ; que l'acquéreur disposait de toutes les informations utiles ; qu'au jour de la vente, les moteurs étaient en bon état de marche.

Ils font valoir que le moteur Cummins a été utilisé 729 heures par la société MK TRANSFLUVIAL sans que l'on sache l'entretien qu'elle a pu effectuer, alors même que la vidange doit être faite toutes les 250 heures.

Ils précisent qu'ils ont dû faire un emprunt auprès de leur banque pour payer les deux tiers des condamnations et mettre en vente leur maison pour payer le solde et rembourser le prêt.

A titre subsidiaire, ils contestent les postes de préjudice et relèvent que les demandes ne pouvaient être formulées que hors taxe, et considèrent l'expert a fait preuve d'un manque de rigueur- s'agissant notamment des pertes d'exploitation ' en ne prenant en compte que le chiffre d'affaires.

La clôture est intervenue le 16 novembre 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la garantie des vices cachés

Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1642 du même code dispose que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

L'article 1643 prévoit que le vendeur est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

Il résulte de l'article 1645 du code civil que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.

La garantie des vices cachés ne requiert pas la preuve d'une faute du vendeur.

La vente est intervenue par acte du 22 février 2017.

La société MK TRANSFLUVIAL produit des factures démontrant que le bateau a connu différentes avaries peu de temps après la vente (pièce 10 ' 4 mai, 31 mai, 5 juin 2017).

Elle produit en outre un procès-verbal de constat dressé le 1er juin 2017. L'huissier de justice relève la présence d'huile sur le sol de la salle des machines. Il remarque que le bloc moteur est cassé et que le piston est visible, ainsi qu'une fissure importante sur le bloc.

Il note par ailleurs que la pompe à eau d'assèchement de la calle est défectueuse et ne fonctionne pas.

Ces constats sont corroborés par des photographies.

Il résulte notamment de ces factures et des éléments recueillis par l'expert (page 12 du rapport) que le 19 mai 2017, le bloc moteur DAF du propulseur d'étrave Van Tiem s'est cassé et que le moteur Cummins a souffert de manque de puissance dès le mois de juillet 2017, avant un arrêt le 25 août 2017, en l'absence de contact.

L'expert note (point 4.1.6 page 26 et suivante) :

« Moteur CUMMINS

Les défauts de manque de puissance et de réactivité décrits ci-dessus et constatés en août par RAM relèvent d'un encrassement général dû à un manque d'entretien de longue date. Les vidanges d'huiles et les remplacements des filtres à air ne respectent pas les fréquences préconisées par le constructeur.

Les pannes relatives à la platine de démarrage (détectée en avril et corrigée en mai) et à la platine CLU (détectée en juillet et corrigée en septembre) sont imputables à des défauts inhérents aux composants électroniques, ne nécessitant aucun entretien et mettant hors de cause les propriétaires.

Moteur DAF

La casse du bloc moteur trouve son origine dans une intervention mécanique déficiente, dont les défauts sont accentués par une absence de maintenance quotidienne et périodique : traces d'eau et d'huiles externes, fumées à l'échappement, analyses d'huiles inexistantes, vidanges partiellement non conformes aux spécifications du constructeur. »

L'expert retient que « l'analyse des avaries rencontrées par MK TRANSFLUVIAL révèle des vices qui s'identifient à toutes les défectuosités rencontrées et qui ont empêché le bateau SAGONE de rendre les services qu'il en attendait : les handicaps répétés des moteurs CUMMINS et DAF ont obéré sa navigation, ses man'uvres et suspendu son exploitation 72 jours sur 210, soit 35 % du temps.

Ces vices résident dans :

- le mauvais état du moteur DAF qui a conduit à une casse exceptionnelle;

- le mauvais fonctionnement du moteur CUMMINS, d'où l'impossibilité de s'en servir dans des conditions satisfaisantes (régime nominal non atteint en navigation noté le 27/07) et ses conséquences nuisibles produites à l'occasion d'une utilisation d'exploitation normale (manque de puissance du CUMMINS à l'écluse d'[Localité 7] le 02/08 noté sur l'agenda de bord). »

Les deux moteurs constituent à l'évidence un élément essentiel de la chose vendue.

Comme l'a retenu le premier juge, par des motifs que la cour adopte, la proximité des premières avaries avec la date de la vente établit suffisamment que les vices sont antérieurs à la vente, s'agissant des deux moteurs. Le défaut d'entretien, antérieurement à la vente litigieuse, est d'ailleurs particulièrement mis en exergue par l'expert judiciaire, par des constatations étayées de photographies probantes.

M et Mme [L] ne versent aucun élément technique de nature à contredire les conclusions particulièrement circonstanciées de l'expertise, se contentant de remettre en cause la méthodologie arrêtée par l'expert, sans l'étayer d'aucune pièce.

S'ils contestent aujourd'hui l'impartialité de l'expert, évoquant une absence d'objectivité, ils n'ont pas saisi le juge chargé du contrôle de cette mesure d'instruction d'une demande à ce titre.

Enfin, l'acquéreur n'a aucune obligation d'agir à l'encontre du fabricant du moteur Cummins ou du vendeur dudit moteur, la société RAMS , avec lequel il n'a aucun lien contractuel. La garantie des vices cachés est distincte de la responsabilité contractuelle de droit commun.

C'est à bon droit que le premier juge a retenu que la péniche était impropre à sa destination de transport fluvial compte tenu de l'importance des réparations rendues nécessaires par l'état des moteurs, éléments essentiels de la chose vendue.

Sur la limitation de la garantie

L'acte de vente stipule que « le bateau dit est vendu en l'état où il se trouve actuellement avec ses vices cachés et non-cachés, avec l'inventaire et bachot se trouvant à bord. Le gérant de la SAS MK TRANSFLUVIAL déclare bien connaître le dit bateau et l'avoir visité ».

Cependant, cette clause ne saurait jouer dans l'hypothèse où la découverte du vice par l'acquéreur aurait nécessité des investigations dépassant la diligence raisonnable, et notamment si le vice était indécelable. Or, en l'espèce, la découverte des vices affectant la péniche a nécessité des investigations importantes.

En outre, la qualité de « transporteur fluvial » ou de « mariniers » ne donne pas aux parties une compétence technique spécifique s'agissant du fonctionnement des moteurs ou de l'électronique.

Enfin, ainsi que l'expert l'a relevé, l'absence d'entretien sérieux du moteur démontre la mauvaise foi du vendeur, qui ne pouvait ignorer les vices, nombreux, qui affectaient le bateau.

L'expert a relevé que la maintenance des deux moteurs Daf et Cummins, essentielle à l'exploitation du bateau, a été « clairement délaissée » (page 29 du rapport) et qu'il y a négligence générale de l'entretien desdits moteurs.

Par des motifs que la cour adopte intégralement, c'est à bon droit que le premier juge a relevé notamment que de nombreuses pannes étaient intervenues peu après la vente, que le journal de bord n'avait pas été produit à l'expert par les vendeurs, aux fins de retracer l'historique des anomalies, et surtout que les époux [L] connaissaient la fragilité du moteur Cummins, compte tenu des importantes réparations intervenues en 2015.

Le nombre d'heures d'usage du moteur principal, figurant sur l'offre de vente, est indifférent s'agissant d'une action fondée non sur une réticence dolosive mais sur les vices cachés.

En revanche, les 628 heures de fonctionnement entre mars et août 2017, courte période de service, ne peuvent être à l'origine des colmatages du filtre à air, des fuites d'échappement ou des encrassements limitant la puissance.

Par ailleurs, l'expert relève :

« Les absences de surveillance du moteur en service, de suivi de maintenance (traces de fuite d'huile, fuites d'eau sur pastilles de sablage, joint mal pose sur collecteur d'admission, vis de culasse manquantes...) et le non-respect des instructions du constructeur pour les vidanges d'huile toutes les 400 h constituent un facteur aggravant dans ce sinistre. Aucun entretien ni analyse de la qualité d'huile ne sont mentionnés entre achèvement des travaux de janvier 2007 par le garage DESBOIS sur le moteur Daf) et la date de mise en vente du bateau en février 2017. » (page 25 du rapport). L'expert a en effet noté que, s'agissant du moteur Daf, la casse du bloc trouvait son origine dans la réparation intervenue en décembre 2006, par le garage DESBOIS par des constatations extrêmement détaillés et illustrées de photographies (pages 20 et 21 du rapport).

Dès lors, cette clause, en ce qu'elle limite la garantie des vices cachés, est inopposable à la société MK TRANSFLUVIAL et M. et Mme [L] sont par conséquent tenus des dommages et intérêts en applicationde l'article 1645 du code civil, ainsi que le premier juge l'a retenu.

Sur les préjudices

La société MK TRANSFLUVIAL réclame les sommes suivantes :

- 39 584, 50 euros au titre des préjudices matériels

- 20 242, 12 euros au titre de la remise en état des modules électroniques du moteur Cummins

- 55 638 euros au titre des pertes d'exploitation.

L'expert note (page 32) :

« Nous relevons trois types d'avaries majeures ayant touché le moteur principal CUMMINS et le moteur auxiliaire DAF, provoquant directement des pertes d'exploitation :

-Des pannes d'équipements électroniques fournies par le motoriste CUMMINS.

-Des pannes liées à un manque d'entretien significatif du moteur CUMMINS.

-Des pannes liées a un montage déficient du garage DESBOIS, distributeur DAF, puis à un manque d'entretien significatif.

Le coût économique des réparations de ces avaries s'élève à 37.581 € selon tableau détaille page suivante.

(')

Le dommage immatériel est un dommage « résultant de la privation de jouissance d'un droit, de interruptions d'un service rendu par une personne ou par un bien meuble ou immeuble ou de la perte de bénéfice ».

En 2017, pour garantir l'exploitation du SAGONE, MK TRANSFLUVIAL SA fait appel à la société GIOCANTI Multimodal, affréteur fluvial. Selon cet affréteur, les avaries rencontrées ont contraint MK TRANSFLUVIAL à annuler quatre voyages représentant une perte d'exploitation de 55.638 € ».

L'expert détaille le préjudice suffisamment étayé par les pièces versées - des factures - pour un montant total de 37 581, 90 euros (tableau page 32 du rapport) dont il précise bien qu'il doit s'entendre TTC soit 30 065,52 euros H.T. (-20 %, non contestée en son quantum). Contrairement à ce qu'expose la société MK TRANSFLUVIAL, cette somme comprend bien le montant de 20 412,12 euros que l'expert impute au seul dysfonctionnement du moteur Cummins.

Les intimés seront condamnés à payer la somme de 30 065,52 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2018 (date de l'assignation devant le tribunal judiciaire).

La décision déférée est confirmée s'agissant de la capitalisation desdits intérêts.

De la même manière, le montant de 55 638 euros de la perte d'exploitation est porté avec la mention expresse « TTC» ' même tableau page 32 - correspondant à 72 jours d'arrêt. Pourtant, l'expert évoque plus loin (page 36) cette même somme mais au titre d'une perte de chiffre d'affaire correspondant à 7 ou 8 voyages.

Les modalités de calcul sont insuffisamment étayées : la perte d'exploitation ' qui tient compte des charges - et celle de chiffres d'affaires ne sont confondent nullement, ce que les consorts [L] avaient relevé dans un dire (leur pièce 3). L'appelante n'apporte pas les éléments de preuve au soutien de cette demande.

Dès lors, la société MK TRANSFLUVIAL sera déboutée de sa demande à ce titre.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de M. et Mme [L]

Ils réclament la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice que leur cause, selon leurs allégations, l'exécution du jugement de première instance.

Cette décision était revêtue de l'exécution provisoire, de sorte que la société MK TRANSFLUVIAL était fondée à en solliciter l'exécution et qu'aucune faute à ce titre n'est constituée.

En tout état de cause, la présente cour a confirmé le jugement déféré en ce qu'il a reconnu l'existence de vices cachés et les a condamnés à réparer le préjudice en résultant, de sorte qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société MK TRANSFLUVIAL.

M. et Mme [L] seront déboutés de leurs demandes à ce titre.

Sur les demandes accessoires

Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens (en ce compris les frais d'expertise judiciaire) et frais irrépétibles seront confirmées. A hauteur d'appel, M. et Mme [L] seront condamnés aux dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne la perte d'exploitation et le quantum la réparation du préjudice matériel de la SAS MK TRANSFLUVIAL ;

Statuant de nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne M. et Mme [L] à payer à la SAS MK TRANSFLUVIAL la somme de 30 065, 52 euros H.T au titre du préjudice matériel et ce, avec intérêt au taux légal à compter du 23 avril 2018 ;

Déboute la société MK TRANSFLUVIAL de sa demande au titre de la perte d'exploitation ;

Déboute M. et Mme [L] de leurs demandes au titre des dommages et intérêts ;

Condamne M. et Mme [L] à payer à la SAS MK TRANSFLUVIAL la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. et Mme [L] aux dépens de l'instance d'appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 20/01607
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;20.01607 ?
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