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09/02/2023 | FRANCE | N°19/04660

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 09 février 2023, 19/04660


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 09 FEVRIER 2023



(n°2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04660 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7X3S



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 14/14512





APPELANTE



Madame [X] [E] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]



Rep

résentée par M. [U] [F], défenseur syndical



INTIMEE



SA LA POSTE

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Charles ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E2130





COMPOSITION DE...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 09 FEVRIER 2023

(n°2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/04660 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7X3S

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 14/14512

APPELANTE

Madame [X] [E] épouse [C]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par M. [U] [F], défenseur syndical

INTIMEE

SA LA POSTE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Charles ANDRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E2130

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de la formation,

Mme Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Mme Lydie PATOUKIAN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine BRUNET dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

MINISTÈRE PUBLIC :

L'affaire a été communiquée au Ministère Public, représenté lors des débats par Monsieur Antoine PIETRI, substitut général, qui a fait connaître son avis.

Greffier : Chaïma AFREJ, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Mme Catherine BRUNET, Présidente de chambre et par Mme Julie CORFMAT, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, la société La Poste emploie deux catégories de personnel : des fonctionnaires et des salariés de droit privé.

Par une décision du conseil d'administration de la société La Poste du 27 avril 1993, un complément indemnitaire applicable à tous les agents fonctionnaires et non fonctionnaires de droit publica été créé. Par délibération du 25 janvier 1995, le conseil d'administration de La Poste a approuvé le principe de la suppression des primes et indemnités regroupées dans le complément indemnitaire de chaque catégorie de personnel et a constaté que le complément indemnitaire dénommé complément Poste constituait désormais, de façon indissociable, l'un des sous-ensembles de la rémunération de base de chaque catégorie de personnel. Par cette délibération, le complément indemnitaire a été étendu aux agents contractuels relevant de la convention commune La Poste-France Télécom.

Par décision n° 717 du 4 mai 1995, la rémunération de référence a été définie comme comprenant :

- le traitement indiciaire pour les fonctionnaires ou le salaire de base pour les agents contractuels qui rémunère l'ancienneté et l'expérience ;

- le complément Poste qui rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste.

Mme [X] [E] épouse [C] est salariée de droit privé de cette société.

Considérant qu'un rappel de complément Poste lui était dû, Mme [X] [E] épouse [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris qui par jugement du 14 décembre 2018 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et a laissé les dépens à sa charge.

Mme [X] [E] épouse [C] a interjeté appel de ce jugement le 24 avril 2019.

Les parties ayant fait part à la cour de leur accord pour entrer en voie de médiation, une médiation a été ordonnée par ordonnance du 10 juillet 2020, l'affaire devant être rappelée à l'audience du 19 janvier 2021. A cette audience, l'affaire a été renvoyée au 16 février 2021, la médiation étant en cours. Par ordonnance du 16 février 2021, le conseiller de la mise en état a notamment ordonné le renouvellement de la mission de médiation pour une durée de trois mois à compter du 18 février 2021 et dit que l'affaire serait rappelée à l'audience du 15 juin 2021.

L'affaire a été renvoyée successivement aux audiences des 19 octobre et 16 décembre 2021 puis 10 février 2022.

Les parties ont indiqué ne pas être parvenues à un accord.

Par dernières conclusions remises au greffe le 25 juin 2019 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [X] [E] épouse [C] soutient notamment que la société La Poste a méconnu le principe 'à travail égal, salaire égal'.

En conséquence, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement et condamner La Poste à régulariser sa situation et à lui verser somme de :

* 3 414,91 euros au titre du rappel de complément poste sur la période demandée d'octobre 2009 à septembre 2014,

* 341,49 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente ;

- les intérêts légaux ;

- les bulletins de salaire rectifiés ;

- 50 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la publication de la décision dans les publications internes de La Poste (FORUM, JOUPOST) ;

- condamner La Poste aux entiers dépens.

La société La Poste qui s'est constituée en qualité d'intimée le 27 mai 2019, n'a pas conclu. Cet arrêt sera en conséquence contradictoire.

L'affaire a été communiquée au ministère public qui, dans ses observations écrites du 5 mai 2022 dont les parties ont reçu communication écrite pour pouvoir y répondre utilement, est d'avis qu'une comparaison in concreto par la cour de la situation de chaque salarié et du fonctionnaire auquel il se compare sera nécessaire sur la base des pièces produites aux débats par les parties ; que lorsque l'examen des pièces révèlera 'une fonction exercée' et 'une maîtrise du poste' identiques au sens des critères retenus par la Cour de cassation, la cour fera droit, quant au complément Poste, aux demandes des salariés concernés ; que lorsque cet examen fera apparaître une différence de 'fonction exercée' et/ou de 'maîtrise du poste', la cour fera droit quant au complément Poste aux demandes de La Poste.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mai 2022.

MOTIVATION

La société La Poste n'ayant pas conclu, par application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle est réputée s'approprier les motifs du jugement.

Sur le rappel de complément Poste

Mme [X] [E] épouse [C] soutient que ses demandes ne sont pas fondées sur un manquement au principe 'à travail égal, salaire égal' mais qu'un rappel de complément Poste lui est dû sur le principe posé par la décision de la Poste reprise dans le BRH n° 717 du 4 mai 1995 : 'à niveau de fonction égal, complément poste égal'. Elle fait valoir que seul le niveau de fonction doit être pris en considération. Elle ajoute que contrairement à ce que déclare la société La Poste, la différence de complément Poste entre un fonctionnaire et un agent contractuel, salarié de droit privé n'est pas justifiée par l'ancienneté du fonctionnaire, son historique de carrière et/ou son parcours professionnel. Elle souligne que le contrat de travail d'un salarié stipule qu'il peut se voir confier toute activité rattachée au groupe fonctionnel correspondant à son niveau de fonction alors qu'un fonctionnaire conserve les primes et le traitement correspondant à son niveau de fonction même s'il occupe en réalité des fonctions d'un niveau de fonction inférieur. Elle soutient que demander à un salarié de démontrer qu'il occupe les mêmes fonctions que le fonctionnaire auquel il se compare reviendrait à dire que le complément Poste rémunère autre chose que le niveau de fonction et la maîtrise du poste et qu'une explication liée à la différence de statut existerait. Elle fait valoir que la maîtrise du poste est appréciée chaque année par l'entretien annuel de l'agent.

Pour débouter la salariée de ses demandes, le conseil de prud'hommes a retenu qu'elle ne justifiait pas que les fonctionnaires auxquels elle se comparait, effectuaient un même travail ou exerçaient au même niveau des fonctions identiques ou similaires, la comparaison du seul niveau de fonction n'étant pas pertinente pour constater une atteinte au principe d'égalité de traitement.

Mme [X] [E] épouse [C] soutient que sa demande est fondée sur le principe 'à niveau de fonction égal, complément poste égal'. Le principe d'égalité de traitement dont le principe 'à travail égal, salaire égal' énoncé par les articles L. 2271-1 8° et L. 3221-2 du code du travail constitue une déclinaison, s'applique à tous les droits et avantages accordés aux salariés. Il implique que deux personnes placées dans une situation identique ou similaire, perçoivent la même rémunération ou le même avantage. Dès lors, en invoquant un manquement au principe 'à niveau de fonction égal, complément poste égal', Mme [X] [E] épouse [C] invoque en réalité une atteinte au principe général d'égalité de traitement.

Si, aux termes de l'article 1315, devenu l'article 1353 du code civil, il appartient au salarié qui invoque une atteinte à ce principe de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs et matériellement vérifiables justifiant cette différence. En conséquence, il appartient à Mme [X] [E] épouse [C] de justifier qu'elle se trouve dans une situation identique ou similaire à celle du fonctionnaire auquel elle se compare et il incombe à la société La Poste de démontrer que la différence de traitement est justifiée par des éléments objectifs et matériellement vérifiables.

Aux termes de l'article L. 3221-4 du code du travail, sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, des capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse. S'il n'est pas nécessaire que les fonctions exercées soient strictement identiques, il convient qu'elles impliquent un niveau de responsabilité, de capacité et de charge physique ou nerveuse comparable.

Afin de trancher le litige, il convient de définir la notion de situation identique ou similaire applicable au cas d'espèce avant éventuellement, dans le cas où la salariée justifie se trouver dans une situation identique ou similaire à celle du fonctionnaire auquel elle se compare, de définir et d'examiner les éléments objectifs et matériellement vérifiables de nature à justifier une différence de traitement.

Sur la notion de situation identique ou similaire

Le fait qu'un fonctionnaire conserve la rémunération de son niveau de fonction quelle que soit la fonction qu'il exerce alors qu'un salarié ne peut exercer que des fonctions correspondant à son niveau de fonction, est inopérant pour retenir que l'identité ou la similarité des situations du salarié et des fonctionnaires auxquels il se compare doit s'apprécier au regard du niveau de fonction et non de la fonction exercée au même niveau de fonction, ces dispositions n'ayant pour but que de garantir aux personnels de la société le montant de leur salaire ou de leur traitement.

Il résulte de l'instruction BRH du 4 mai 2015 reprenant une décision du conseil d'administration de la société La Poste du 25 janvier 1995 que le complément Poste payé initialement aux seuls fonctionnaires, a regroupé des primes et indemnités existantes liées à l'exercice de fonctions déterminées, énumérées en annexe. Parallèlement et à compter de 1993, un processus de reclassification a été engagé comme indiqué par Mme [X] [E] épouse [C], processus qui a conduit à terme à la définition de huit niveaux de fonction communs aux fonctionnaires et aux salariés et à la classification des fonctions dans ces niveaux. Les niveaux de fonction définis regroupent des fonctions différentes. Ainsi à titre d'exemple, sont classées au niveau II-1 les fonctions de facteur de secteur, de guichetier/agent de comptabilité en établissement/caissier, de chauffeur poids-lourds de liaison et de pilote de machine comme le démontre notamment l'instruction du 23 septembre 1999 produite aux débats.

Il est établi notamment par la décision n° 717 du 4 mai 1995, que les fonctionnaires d'un même niveau de fonction peuvent percevoir des compléments Poste différents, répartis en trois secteurs, bas, médian et haut.

Il résulte de ces éléments que, dès lors que Mme [X] [E] épouse [C] invoque une inégalité de traitement par rapport à un fonctionnaire et non à un autre salarié et qu'il est établi qu'au sein d'un même niveau de fonction, les fonctionnaires exerçant des fonctions différentes peuvent percevoir des montants de complément Poste distincts, la situation identique ou similaire requise s'entend comme l'exercice de fonctions identiques ou similaires au même niveau de fonction. En conséquence, la salariée doit en premier lieu retenir comme cadre de référence un niveau de fonction identique au sien puis au sein de ce niveau, comparer sa situation à celle d'un fonctionnaire exerçant les mêmes fonctions qu'elle ou des fonctions similaires, ce pour chaque période de réclamation.

Contrairement à ce qu'invoque Mme [X] [E] épouse [C], la comparaison de la fonction exercée par un salarié avec celle exercée par un fonctionnaire de même niveau de fonction pour une période déterminée, ne constitue pas une comparaison du parcours professionnel. Ainsi, si la période de réclamation comprend plusieurs fonctions exercées successivement, un salarié doit comparer sa situation à celle d'un fonctionnaire pour chacune de ces périodes et non au titre de son parcours professionnel apprécié globalement.

En l'espèce, Mme [X] [E] épouse [C] compare sa situation au cours de périodes successives composant la période de réclamation à celle d'un fonctionnaire, M. [T], sur le fondement d'un niveau de fonction identique au sien, ce à l'aide d'un tableau. Elle n'indique pas les fonctions qu'elle a exercées au cours de cette période. En conséquence, compte tenu de ce qui précède, elle ne justifie pas s'être trouvée dans une situation identique ou similaire à celle de ce fonctionnaire et dès lors, elle sera déboutée de ses demandes au titre du rappel de complément Poste et de l'indemnité de congés payés afférente sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ces chefs de demande.

Sur la remise des documents et la demande de publication dans les publications internes de la Poste (FORUM, JOURPOST)

Compte tenu de l'issue du litige, Mme [X] [E] épouse [C] sera déboutée de ses demandes au titre de la remise de bulletins de salaire rectifiés et de la publication de la décision.

La décision des premiers juges sera confirmée sur ces chefs de demande.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, Mme [X] [E] épouse [C] sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel. Elle sera déboutée de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant confirmée à ces titres.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [X] [E] épouse [C] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/04660
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;19.04660 ?
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