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08/02/2023 | FRANCE | N°20/10389

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 08 février 2023, 20/10389


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023



(n° 019/2023, 37 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général: 20/10389 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDQY



Décisions déférées à la Cour :

1/ Ordonnance du juge de la mise en état du 21 mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème chambre 4ème section - RG n°18/00783 -

2/ Jugem

ent du 7 février 2020 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème chambre 2ème section - RG n°18/00783





APPELANTE



S.A. SAINT GOBAIN ISOVER,

Immatriculée au Regist...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 08 FEVRIER 2023

(n° 019/2023, 37 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général: 20/10389 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDQY

Décisions déférées à la Cour :

1/ Ordonnance du juge de la mise en état du 21 mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème chambre 4ème section - RG n°18/00783 -

2/ Jugement du 7 février 2020 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 3ème chambre 2ème section - RG n°18/00783

APPELANTE

S.A. SAINT GOBAIN ISOVER,

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 312 379 076

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P 438

Assistée de Me Grégoire DESROUSSEAUX et de Me Lionel MARTIN plaidant pour la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIÉS, avocats au barreau de PARIS, toque P 438

INTIMEE

S.A.S. KNAUF INSULATION,

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 341 033 728

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Thomas BOUVET du PARTNERSHIPS JONES DAY LLP, avocat au barreau de PARIS, toque J 001

Assistée de Me Thomas BOUVET et Me Eddy PROTHIERE plaidant pour JONES DAY LLP, avocats au barreau de PARIS, toque J 001,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère, et Mme Déborah BOHÉE, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRÊT :

contradictoire

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET DU LITIGE

Le groupe français [Localité 5] est spécialisé dans la production, la transformation et la distribution de matériaux et revendique employer près de 171.000 personnes dans le monde, pour un chiffre d'affaires global de plus de 40 milliards d'euros.

La société [Localité 5] ISOVER, filiale du groupe créée en 1936 et immatriculée le 24 mars 1978, se présente comme l'un des leaders mondiaux sur le marché de l'isolation thermique et acoustique et indique employer près de 9.200 personnes et disposer d'un centre de recherches industrielles établi à [Localité 4] (Oise) ainsi que de quatre usines en France. Elle conçoit des solutions destinées aux professionnels de la construction et aux particuliers, parmi lesquelles notamment des dispositifs adaptés à l'isolation par l'intérieur des bâtiments par doublage des parois telles que les toitures ou murs et permettant notamment d'assurer une étanchéité à l'air satisfaisante des plafonds des habitations.

Elle est titulaire du brevet européen EP 2 238 303 (ci-après « EP 303 »), déposé le 24 décembre 2008 sous priorité de la demande FR 0709170 déposée le 28 décembre 2007, publié le 13 octobre 2010 et délivré le 22 juin 2016, ayant pour intitulé « Dispositif de doublage d'une paroi » et désignant la France.

Maintenu en vigueur par un règlement régulier des annuités, ce titre a fait l'objet d'une procédure d'opposition devant l'Office Européen des Brevets (OEB) formée le 22 mars 2017 par la société de droit anglais KNAUF INSULATION LIMITED, rejetée le 5 décembre 2018 et notifiée le 15 janvier 2019, décision contestée par la société KNAUF INSULATION LIMITED.

Au terme de la procédure orale qui s'est tenue le 17 février 2022, la Chambre des recours a maintenu le brevet EP 303 sous une forme modifiée.

La société [Localité 5] ISOVER a également déposé deux nouvelles demandes de brevet sous la forme de demandes divisionnaires du brevet EP 303.

La société [Localité 5] ISOVER a lancé la commercialisation d'un produit «Integra 2» en 2010, issu de ce brevet.

À l'issue de la procédure d'opposition, le brevet EP 303 comporte 14 revendications, la revendication 1 étant la seule revendication indépendante.

Le groupe KNAUF intervient dans les domaines du bâtiment - construction sèche et isolation - et propose notamment des produits pour la fabrication de planchers, sols, murs, cloisons, plafonds, toitures pour l'isolation thermique et phonique, pour la protection incendie ou pour la décoration.

La société française KNAUF INSULATION SAS (ci-après KNAUF), immatriculée le 23 janvier 2017, fait partie de la branche isolation du groupe, constituée d'autres sociétés employant environ 5.000 salariés. Elle commercialise une gamme de produits d'isolation à partir de laine de verre, laine de roche ou laine de bois destinés aux bâtiments industriels, commerciaux et résidentiels existants et nouveaux, parmi lesquels des suspentes de fixation d'une garniture d'isolation sur une paroi sous les références « suspente RT Max » et « suspente RT Plus » décrites comme permettant de maintenir la garniture d'isolation contre le mur ou le toit devant être isolé et de fixer également devant celle-ci une membrane pare-vapeur. Elle est l'un des principaux concurrents de la société [Localité 5] ISOVER.

Découvrant que la société KNAUF exploitait en France des accessoires d'entretoisement sous la marque « Suspente RT MAX », ainsi que des membranes - ou pare-vapeur - sous la marque commerciale « Homeseal LDS 100 » dont elle estimait qu'ils portaient atteinte aux droits issus du brevet EP 303, la société [Localité 5] ISOVER a, le 29 août 2016, fait dresser un procès-verbal de constat sur le site internet accessible à l'adresse http://www.knaufinsulation.fr/ et a notamment téléchargé la fiche technique, la notice d'utilisation ainsi que la vidéo de présentation de la suspente référencée RT MAX.

Elle a par ailleurs fait constater, le 6 septembre 2016 et le 25 octobre 2017, que les sociétés LIMOURS MATERIAUX et RESO EST offraient à la vente des suspentes de type « Suspente RT MAX » et des membranes de type «Homeseal LDS 100 » fabriquées et commercialisées par la société KNAUF.

La société [Localité 5] ISOVER a d'abord fait assigner en référé la société KNAUF le 21 octobre 2016 afin qu'il lui soit fait interdiction, à titre provisoire, de commercialiser les dispositifs de suspente «RT MAX». Par ordonnance du 24 janvier 2017, le juge des référés a rejeté les demandes d'interdiction provisoire, retenant notamment que la société [Localité 5] ISOVER n'avait pas établi de façon vraisemblable l'existence d'une contrefaçon littérale ni celle d'une contrefaçon par équivalence de la revendication n°1 de son brevet, sans se prononcer sur la vraisemblance de la validité du brevet.

Puis la société [Localité 5] ISOVER a fait constater la vente d'un nouveau dispositif de doublage « Système RT PLUS » avec suspente de la marque commerciale « Suspente RT PLUS», associé à des accessoires dits « manchons RT PLUS » et des produits isolants « RT PLUS » avec pare-vapeur intégré, par un procès-verbal daté du 24 juillet 2017, sur le site internet de la société KNAUF à l'adresse http://www.knaufinsulation.fr/.

La société [Localité 5] ISOVER a obtenu, selon trois ordonnances rendues le 10 novembre 2017, l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon au sein des sociétés KNAUF INSULATION, SR2P (fournisseur également de la société [Localité 5] ISOVER) et PLASTIBELL, lesquelles se sont déroulées le 15 novembre suivant.

C'est dans ces conditions et au regard de ces investigations, établissant selon elle la reproduction - d'abord par les suspentes RT MAX avec la membrane Homeseal LDS 100, mais aussi par les suspentes RT PLUS avec les manchons et la laine isolante avec pare-vapeur intégré ou avec une membrane pare-vapeur classique - des caractéristiques de la revendication 1 de la partie française du brevet EP 303 et de ses revendications dépendantes 2 à 6 et 10 à 15, que la société [Localité 5] ISOVER a, par acte délivré le 18 décembre 2017, fait assigner la société KNAUF INSULATION sur le fondement des dispositions relatives à la contrefaçon de brevet et à la concurrence déloyale.

Par conclusions d'incident du 14 août 2018, la société KNAUF INSULATION a demandé au juge de la mise en état de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure d'opposition qu'elle avait formée contre le brevet EP 303.

Par ordonnance dont appel rendue le 21 mars 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris a:

- Débouté la société KNAUF INSULATION de sa demande de sursis à statuer,

- Rejeté la demande reconventionnelle de la société [Localité 5] ISOVER tendant à la main-levée des scellés,

- Dit que les frais et dépens étaient réservés,

- Enjoint la société KNAUF INSULATION de conclure sur le fond au 22 mai 2019 (date relais) et Renvoyé à l'audience du juge de la mise en état en date du 6 juin 2019 à 15h pour fixer la suite du calendrier ;

- Réservé les frais et dépens.

Puis, par jugement rendu le 7 février 2020 dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a :

- Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les figures 10 à 15, 28 à 33 et 35 reproduites dans les conclusions 1 de la société KNAUF INSULATION ;

- Débouté la société KNAUF INSULATION de ses demandes tendant à la nullité des revendications 1 à 6 et 10 à 15 de la partie française du brevet européen EP 2 238 303 pour insuffisance de description, défaut de nouveauté et défaut d'activité inventive ;

- Débouté la société [Localité 5] ISOVER de ses demandes fondées sur la contrefaçon des revendications 1 à 6 et 10 à 15 de la partie française du brevet européen EP 2 238 303 ;

- Débouté la société [Localité 5] ISOVER de ses demandes fondées sur la contrefaçon par fourniture de moyens des revendications 1 à 6 et 10 à 15 de la partie française du brevet européen EP 2 238 303 ;

- Débouté la société [Localité 5] ISOVER de ses demandes fondées sur la contrefaçon par équivalence des revendications 1 à 6 et 10 à 15 de la partie française du brevet européen EP 2 238 303 ;

- Débouté la société [Localité 5] ISOVER de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale par parasitisme ;

- Dit n'y avoir lieu de prononcer des mesures indemnitaires et d'interdiction ;

- Débouté la société KNAUF INSULATION de ses demandes au titre de la procédure abusive;

- Condamné la société [Localité 5] ISOVER à verser à la société KNAUF INSULATION la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamné la société [Localité 5] ISOVER aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

- Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire.

Le 22 juillet 2020, la société [Localité 5] ISOVER a interjeté appel de cette ordonnance et de ce jugement.

Dans le cadre de la mise en état, le 30 mars 2022, la société [Localité 5] ISOVER a formé un incident afin de connaître notamment les entités commercialisant les suspentes RT PLUS et RT MAX, dont elle s'est désistée le 12 mai 2022.

Vu les dernières conclusions, numérotées 4, signifiées le 26 octobre 2022 par la société [Localité 5] ISOVER qui demande à la cour de :

Infirmer le jugement du 7 février 2020 entrepris en ce qu'il a :

- Débouté la société [Localité 5] ISOVER de ses demandes fondées sur la contrefaçon des revendications 1 à 6 et 10 à 15 de la partie française du brevet européen EP 2 238 303 ;

- Débouté la société [Localité 5] ISOVER de ses demandes fondées sur la contrefaçon par fourniture de moyens des revendications 1 à 6 et 10 à 15 de la partie française du brevet européen EP 2 238 303 ;

- Débouté la société [Localité 5] ISOVER de ses demandes fondées sur la contrefaçon par équivalence des revendications 1 à 6 et 10 à 15 de la partie française du brevet européen EP 2 238 303 ;

- Dit n'y avoir lieu de prononcer des mesures indemnitaires et d'interdiction ;

- Condamné la société [Localité 5] ISOVER à verser à la société Knauf INSULATION la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société [Localité 5] ISOVER aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Donner acte à la société [Localité 5] ISOVER de ce qu'elle se désiste de son appel concernant

- le chef du jugement du 7 février 2020 entrepris par lequel le tribunal a débouté la société [Localité 5] ISOVER de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale par parasitisme;

- les chefs de l'ordonnance du 21 mars 2019 visés dans la déclaration d'appel du 22 juillet 2020 ;

Et statuant à nouveau,

- Dire qu'en fabriquant, en offrant, en mettant dans le commerce, et en détenant à ces fins les suspentes RT MAX (tige, tête et clavettes), notamment référencées 12-16, 16-20, 20-24, et 24-28 avec des pare-vapeur ou frein vapeur, notamment référencés LDS 100, LDS 100 PLUS, RT MAX 2, RT MAX 18 et RT MAX 90 des matériaux isolants fibreux, la société KNAUF INSULATION a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 6, 10 à 14 de la partie française du brevet EP-B-2 238 303, par application des dispositions de l'article L.613-3 a) du code de la propriété intellectuelle,

- Dire qu'en livrant et en offrant de livrer les suspentes RT MAX (tige, tête et clavettes), notamment référencées 12-16, 16-20, 20-24, et 24-28, la société KNAUF INSULATION a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 6, 10 à 13 et 14 de la partie française du brevet EP-B-2 238 303, par application des dispositions de l'article L.613-4 du code de la propriété intellectuelle,

- Dire qu'en livrant et en offrant de livrer les pare-vapeur ou frein vapeur, notamment référencés LDS 100, LDS 100 PLUS, RT MAX 2, RT MAX 18 et RT MAX 90 aptes et destinés à être utilisés avec les suspentes RT MAX, la société KNAUF INSULATION a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 6, 10 à 13 et 14 de la partie française du brevet EP-B-2 238 303, par application des dispositions de l'article L.613-4 du code de la propriété intellectuelle,

- Dire qu'en livrant et en offrant de livrer des matériaux isolants fibreux, notamment de la laine minérale aptes et destinés à être utilisés avec les suspentes RT MAX, la société KNAUF INSULATION a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 6, 10 à 14 de la partie française du brevet EP-B-2 238 303, par application des dispositions de l'article L.613-4 du code de la propriété intellectuelle,

- Dire qu'en fabriquant, en offrant, en mettant dans le commerce, en exportant et en détenant à ces fins les suspentes RT PLUS (tige, tête et clavettes), notamment référencées 12-16, 16-20, 20-24, et 24-28, les isolants spécifiques RT PLUS 032 et 035 ainsi que les manchons pare-vapeur RT PLUS, la société KNAUF INSULATION a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 6, 10 à 14 de la partie française du brevet EP-B-2 238 303, par application des dispositions de l'article L.613-3 a) du code de la propriété intellectuelle,

- Dire qu'en livrant et en offrant de livrer les suspentes RT PLUS (tige, tête et clavettes), notamment référencées 12-16, 16-20, 20-24, et 24-28, la société KNAUF INSULATION a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 6, 10 à 14 de la partie française du brevet EP-B-2 238 303, par application des dispositions de l'article L.613-4 du code de la propriété intellectuelle,

- Dire qu'en livrant et en offrant de livrer les isolants spécifiques RT PLUS 032 et 035 ainsi que les manchons pare-vapeur RT PLUS aptes et destinés à être utilisés avec les suspentes RT PLUS, la société KNAUF INSULATION a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 6, 10 à 14 de la partie française du brevet EP-B-2 238 303, par application des dispositions de l'article L.613-4 du code de la propriété intellectuelle,

En conséquence,

- Interdire à la société KNAUF INSULATION la poursuite des actes de contrefaçon, et notamment la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, la détention à ces fins, la livraison et l'offre de livraison:

- des suspentes RT MAX (tige, tête et clavettes), notamment référencées 12-16, 16-20, 20-24, et 24-28

- des suspentes RT PLUS (tige, tête et clavettes), notamment référencées 12-16, 16-20, 20-24, et 24-28,

- des isolants spécifiques RT PLUS 032 et 035

- des manchons pare-vapeur RT PLUS, la société Knauf INSULATION a commis des actes de contrefaçon des revendications 1 à 6,

- Interdire à la société KNAUF INSULATION la livraison et l'offre de livraison:

- des pare-vapeur ou frein vapeur, notamment référencés LDS 100, LDS 100 PLUS, RT MAX 2, RT MAX 18 et RT MAX 90 et

- des matériaux isolants fibreux, notamment de la laine minérale, destinés à être utilisés avec les suspentes RT MAX et RT PLUS,

- Assortir cette interdiction d'une astreinte de 100 euros:

- par suspente ou manchons contrefaisant

- par mètre carré d'isolant spécifique, de pare-vapeur ou frein vapeur ou de matériaux isolant fibreux fabriqué, offert, mis dans le commerce, utilisé, importé, exporté, transbordé ou détenu à l'une quelconque de ces fins, ou livré ou offert d'être livré, à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- Assortir en outre cette interdiction d'une astreinte de 10 000 euros par journée pendant laquelle les actes de contrefaçon se poursuivent après la signification de la décision à intervenir ;

- Ordonner le rappel des circuits commerciaux des suspentes, manchons pare-vapeur et isolants spécifiques, aux seuls frais de la société KNAUF INSULATION, et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai d'un moins après la signification de la décision à intervenir;

- Ordonner la destruction de toutes suspentes, manchons pare-vapeur et isolants spécifiques en possession de la société KNAUF INSULATION ou dont elle est propriétaire, à ses seuls frais et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard après la signification de la décision à intervenir ;

- Condamner la société KNAUF INSULATION à verser à la société [Localité 5] ISOVER, à titre de provision sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon des revendications précitées de la partie française du brevet européen EP-B-2 238 303, la somme de 1 500 000 euros (un-million-cinq-cent-mille d'euros) ;

- Ordonner, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification de la décision à intervenir, la production de tous documents ou informations détenus par la société KNAUF INSULATION utiles pour déterminer l'étendue de la contrefaçon, pour la période s'étendant du 18 décembre 2012 à la date d'épuisement des stocks des suspentes RT MAX et RT PLUS et notamment :

a) la date de fin de commercialisation des suspentes RT MAX et RT PLUS et la date d'épuisement des stocks de RT PLUS et RT MAX

b) les quantités de des suspentes RT MAX et RT PLUS, des isolants spécifiques RT PLUS 032 et 035 et des manchons pare-vapeur RT PLUS, fabriquées, achetées ou reçues, ainsi que le prix facturé ou payé pour ces produits

c) les quantités de des suspentes RT MAX et RT PLUS, des isolants spécifiques RT PLUS 032 et 035 et des manchons pare-vapeur RT PLUS commercialisées, vendues ou livrées, ainsi que le prix facturé ou perçu pour ces produits ;

d) la marge brute pour produits, en détaillant les éléments retenus dans le calcul de la marge brute,

e) tous les éléments comptables et financiers permettant d'apprécier la quantité de pare vapeur ou freins vapeur et matériaux fibreux destinés à être utilisés avec ces suspentes,

f) la marge brute pour ces pare-vapeur ou freins vapeur et matériaux fibreux, en détaillant les éléments retenus dans le calcul de la marge brute

ces éléments étant détaillés par année et sous la certification d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes et renvoyer l'affaire à telle audience qui plaira à la Cour, afin de permettre à la société [Localité 5] ISOVER de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

- Renvoyer l'affaire à telle audience qu'il plaira à la cour d'appel de fixer pour permettre à la société SGI de conclure sur le montant de son préjudice financier, au vu des éléments communiqués par la société KNAUF INSULATION,

- Condamner la société KNAUF INSULATION à verser à la société [Localité 5] ISOVER, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon de revendications précitées de la partie française du brevet européen EP-B-2 238 303, la somme de 100 000 euros (cent mille euros) ;

Subsidiairement,

- Ordonner, sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification de la décision à intervenir, la production, pour la période s'étendant du 18 décembre 2012 à la date d'épuisement des stocks des suspentes RT MAX et RT PLUS de la répartition en pourcentage des ventes de suspentes RT PLUS et RT MAX par rapport au volume globale de ventes de suspentes RT MAX et RT PLUS, cette répartition devant être détaillés par année et sous la certification d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes et renvoyer l'affaire à telle audience qui plaira à la cour, afin de permettre à la société [Localité 5] ISOVER de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ;

- Renvoyer l'affaire à telle audience qu'il plaira à la cour d'appel de fixer pour permettre à la société SGI de conclure sur le montant de son préjudice financier, au vu des éléments communiqués par la société KNAUF INSULATION.

Encore plus subsidiairement,

- Condamner la société KNAUF INSULATION à verser à la société [Localité 5] ISOVER, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la contrefaçon de revendications précitées de la partie française du brevet européen EP-B-2 238 303, la somme de 3 143 956 euros (trois millions cent quarante-trois mille neuf cent cinquante-six euros) ;

En tout état de cause,

- Dire et juger que la cour sera juge de l'exécution de la décision à intervenir, en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes ;

- Condamner la société KNAUF INSULATION, à payer à la société [Localité 5] ISOVER la somme de 200 000 euros (deux cent mille euros) au titre des frais irrépétibles pour la première instance et la somme de 50 000 euros (cinquante mille euros) au titre des frais irrépétibles pour l'appel, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouter la société KNAUF INSULATION de toutes ses demandes ;

- Condamner la société KNAUF INSULATION, aux entiers dépens de première instance, lesquels incluront les frais engagés pour les opérations de saisies-contrefaçon, à parfaire, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, et autoriser Maître [S] [W] à recouvrer les dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions, numérotées 2, notifiées le 10 octobre 2022 par la société KNAUF INSULATION qui demande à la cour de:

A titre principal, recevoir l'appel incident de la société Knauf Insulation et réformer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 7 février 2020 en ce qu'il a débouté la société Knauf Insulation de ses demandes reconventionnelles :

- en nullité de la partie française du brevet européen n° 2 238 303 ;

- en condamnation de la société [Localité 5] Isover pour procédure abusive ;

En conséquence :

- Dire et juger que les revendications n° 1 à 6 et 10 à 14 de la partie française du brevet européen n° 2 238 303 sont nulles pour insuffisance de description, défaut de nouveauté ou, à tout le moins, d'activité inventive ;

- Débouter la société [Localité 5] Isover de ses demandes en contrefaçon faute de validité du brevet précité ;

- Condamner la société [Localité 5] à payer à la société Knauf Insulation la somme de 20 000 € pour procédure abusive ;

A titre subsidiaire, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société [Localité 5] Isover de ses demandes en contrefaçon de brevet en raison de l'absence de mise en 'uvre du brevet européen n° 2 238 303 par les produits RT Max et RT Plus ;

A titre encore plus subsidiaire, dire et juger que la société [Localité 5] Isover ne justifie pas de son prétendu préjudice et la débouter de ses demandes de provisions ;

En tout cas :

- Prendre acte de ce que la société [Localité 5] Isover renonce à ses demandes de condamnation de la société Knauf Insulation sur le fondement de la prétendue concurrence déloyale ;

- Débouter la société [Localité 5] Isover de toutes ses demandes ;

- Condamner la société [Localité 5] Isover à payer à la société Knauf Insulation la somme de 220 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en plus de la somme allouée par le Tribunal ;

- Condamner la société [Localité 5] Isover aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises telles que susvisées.

Sur la portée de l'appel

La cour constate que la société SAINT GOBAIN ISOVER ne maintient plus son appel concernant le chef du jugement du 7 février 2020 par lequel le tribunal l'a déboutée de ses demandes fondées sur la concurrence déloyale par parasitisme et les chefs de l'ordonnance du 21 mars 2019 visés dans la déclaration d'appel du 22 juillet 2020.

En outre, le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les figures 10 à 15, 28 à 33 et 35 reproduites dans les conclusions 1 de la société KNAUF INSULATION. Le jugement et l'ordonnance sont donc devenus irrévocables de ces chefs.

Présentation, objet et portée du brevet EP 303

Présentation du brevet EP 303

Le brevet européen EP 2 238 303 concerne d'une manière générale le doublage des parois à des fins d'isolation ou d'esthétique et plus particulièrement, un dispositif de doublage comportant au moins un accessoire d'entretoisement placé transversalement entre la paroi à doubler et une cloison de doublage ainsi maintenue à distance de ladite paroi.

La description expose, s'agissant de l'arrière-plan technologique de l'invention, que le doublage d'une paroi est fréquemment pratiqué pour obtenir ou améliorer l'isolation acoustique ou thermique du bâtiment ou d'une pièce et qu'à cet effet, une cloison de doublage est rapportée sur une ossature elle-même fixée à des éléments de structure de la paroi à doubler, à une distance donnée de celle-ci. Une garniture d'isolation thermique et/ou acoustique - complexe d'isolation - est insérée entre la paroi à doubler et la cloison de doublage [(0002)].

La garniture d'isolation inclut habituellement d'une part, une ou plusieurs couches de matériau isolant fibreux, et d'autre part, au moins une membrane pare-vent ou pare-vapeur. Cette membrane est le plus souvent intercalée entre la couche de matériau fibreux et la cloison de doublage, typiquement accolée à la cloison, éventuellement placée entre deux couches de matériau isolant. La fixation de l'ossature de doublage aux éléments de structure de la paroi à doubler est réalisée au moyen d'accessoires d'entretoisement régulièrement espacés.

Chacun de ces accessoires d'entretoisement comporte un corps principal en forme de tige s'étendant transversalement à la paroi à doubler et à la cloison de doublage, dont une extrémité est pourvue de moyens de sa fixation à un élément de structure de la paroi à doubler et dont l'autre extrémité est pourvue de moyens de son assemblage avec l'ossature de doublage. Un tel accessoire d'entretoisement est par exemple connu de WO 2006/061538 [(0003,0004)].

Lors de l'installation, la garniture d'isolation est embrochée sur les tiges des accessoires d'entretoisement, ce qui provoque un percement multiple des couches de matériau fibreux et le cas échéant de la membrane, dont la fonction d'étanchéité est alors altérée, outre un risque d'une déchirure de nature à se propager. [(0005)].

Pour éviter en partie ce problème, il est connu de disposer la membrane du côté intérieur de l'ossature de doublage entre celle-ci et la cloison de doublage. La membrane n'est ainsi pas transpercée par l'accessoire d'entretoise et peut conserver son intégrité.

Cette solution n'est cependant pas complète puisque la fixation de la cloison de doublage sur l'ossature implique le percement de la membrane par les éléments nécessaires à cette fixation [(0006, 0007)].

Il est précisé toujours dans la description que le positionnement de la membrane devant l'ossature de doublage soulève une autre difficulté en ce qu'il ne laisse subsister aucun espace interstitiel entre ces deux éléments alors qu'il est souvent nécessaire d'insérer derrière la cloison des câbles ou tuyaux qui, s'ils sont disposés derrière la membrane, deviennent difficilement accessibles pour des opérations de maintenance ou de modification de l'installation. Il est à cet égard fait mention du document FR 2 822 179 A qui décrit un joint disposé entre une première et une seconde partie, destiné à absorber les vibrations tout en permettant une libre rotation des deux parties l'une par rapport à l'autre, étant souligné que le joint ne doit pas être trop comprimé et qu'il n'existe aucun verrouillage avec rappel élastique ([0008] à [0010]).

Il est exposé qu'un but de l'invention est d'offrir une autre solution technique permettant à la fois la préservation pérenne de l'intégrité de la membrane et le ménagement d'un volume accessible derrière la cloison de doublage pour le passage de câbles.[(0011)].

A cette fin, l'invention a pour objet un dispositif de doublage d'une paroi comportant :

- au moins un accessoire d'entretoisement comportant une tige, dont une extrémité est pourvue de moyens de fixation à un élément de structure de la paroi à doubler et dont l'autre extrémité est pourvue de moyens de son assemblage avec une cloison de doublage,

- une membrane pare-vent, pare-vapeur ou freine-vapeur à embrocher sur les tiges des accessoires d'entretoisement.

L'un au moins des accessoires d'entretoisement est conforme aux caractéristiques précitées, et comporte deux mâchoires entourant la tige et des moyens de verrouillage avec serrage axial de ces deux mâchoires l'une contre l'autre, ces deux mâchoires pinçant entre elles, après verrouillage, la membrane à la périphérie de son ouverture d'embrochement concernée.

Avantageusement, la membrane est maintenue par les mâchoires des accessoires d'entretoisement derrière l'ossature de doublage, à distance de la cloison de doublage de façon à réserver, entre la cloison de doublage et la membrane, un espace libre dans lequel il est possible d'installer des câblages ou appareillages sans la détériorer ([0012] à [0014]).

Le brevet a également pour objet un accessoire d'entretoisement adapté à la fixation d'une ossature de doublage sur un élément de structure d'une paroi à doubler, comportant une tige s'étendant suivant une direction dite axiale, dont une extrémité est pourvue de moyens de sa fixation à l'élément de structure de la paroi à doubler et dont l'autre extrémité est pourvue de moyens de son assemblage avec l'ossature de doublage, et deux mâchoires entourant la tige et des moyens de verrouillage avec serrage axial de ces deux mâchoires l'une contre l'autre, les moyens de verrouillage des mâchoires comportant des moyens de rappel élastique axial des mâchoires l'une contre l'autre. Les deux mâchoires pincent ainsi, après verrouillage, la périphérie de l'ouverture d'embrochement de la membrane sur la tige et forment alors une sorte d''illet de protection et de limitation de cette ouverture dont la largeur est ainsi maîtrisée, ce qui permet de limiter voire de supprimer la circulation d'air ou de vapeur au travers de l'ouverture d'embrochement de la membrane. De plus, les mâchoires assurent un maintien mécanique de la membrane, ce qui permet en particulier d'éviter qu'elle ne se déchire ([0016], [0017]).

Le brevet se compose à ces fins, depuis l'issue de la procédure d'opposition devant l'OEB, de 14 revendications, reproduites ci-après et dont seules sont invoquées les revendications 1 à 6 et 10 à 14 :

«1. Dispositif de doublage d'une paroi (1, 2), comportant :

- au moins un accessoire d'entretoisement (10,11) comportant une tige (12), dont une extrémité est pourvue de moyens (1 3-1 5, 18) de sa fixation à un élément de structure de la paroi à doubler (1, 2) et dont l'autre extrémité est pourvue de moyens de son assemblage avec une cloison de doublage (30),

- une membrane (32) pare-vent
1: Mention supprimée après la procédure d'opposition

, pare-vapeur ou freine-vapeur à embrocher sur les tiges (12) des accessoires d'entretoisement (10, 11), au moins une couche de matériaux isolant fibreux (31) embrochée sur la tige
2: Mention ajoutée après la procédure d'opposition

, caractérisé en ce que l'un au moins des accessoires d'entretoisement (10, 11) comporte deux mâchoires (19, 34) entourant la tige (12) et des moyens de verrouillage avec serrage axial (21, 25, 35) de ces deux mâchoires l'une contre l'autre, ces deux mâchoires (19, 34) pinçant entre elles, après verrouillage, la membrane (32) à la périphérie de son ouverture d'embrochement.

2- Dispositif de doublage selon la revendication précédente, dans lequel les mâchoires (19, 34) dudit accessoire d'entretoisement (10,11) présentent, après verrouillage, une zone de contact mutuel continue et refermée sur elle-même.

3- Dispositif de doublage selon l'une des revendications précédentes, dans lequel les moyens de verrouillage des mâchoires (19, 34) dudit accessoire d'entretoisement (10, 11) comportent des moyens de rappel élastique axial (34) des mâchoires (19, 34) l'une contre l'autre.

4- Dispositif de doublage selon la revendication précédente, dans lequel les moyens de rappel élastique consistent en une élasticité propre de l'une (34) au moins des mâchoires dudit accessoire d'entretoisement (10, 11), les moyens de verrouillage (25, 21) opérant sous contrainte de ladite élasticité propre.

5- Dispositif de doublage selon l'une des revendications précédentes, comportant des moyens de liaison mécanique (21 , 25, 35) de l'une au moins des mâchoires (19, 34) dudit accessoire d'entretoisement (10, 11) sur la tige (12) de celui-ci, opérant une immobilisation axiale des mâchoires.

6- Dispositif de doublage selon la revendication précédente, dans lequel lesdits moyens de liaison mécanique se confondent avec lesdits moyens de verrouillage des mâchoires dudit accessoire d'entretoisement (10, 11).

7- Dispositif de doublage selon les revendications 3 et 6, dans lequel les moyens de liaison mécanique et de verrouillage des mâchoires dudit accessoire d'entretoisement (10, 11) comportent, d'une part, une butée axiale (26) agencée sur la tige (12) pour s'opposer à l'enfoncement de la mâchoire (34) la plus proche de la paroi à doubler (1, 2) en direction de celle-ci et, d'autre part, une contre-butée axiale (27) avec laquelle l'autre mâchoire (19) est engageable sous contrainte des moyens de rappel élastique (34) et qui est agencée sur la tige (12) pour s'opposer, après engagement, à l'effort de retrait de cette autre mâchoire (19) exercé par les moyens de rappel élastique (34).

8- Dispositif de doublage selon la revendication précédente, dans lequel la contre-butée (27) est solidaire de la tige (12), fixée à demeure sur ou venue de matière avec celle-ci, l'autre mâchoire (19) dudit accessoire d'entretoisement (10,11) s'engageant avec cette contre-butée à force, par franchissement de point dur.

9- Dispositif de doublage selon la revendication 7, dans lequel l'autre mâchoire dudit accessoire d'entretoisement (10, 11) coopère avec la contre-butée, pour son engagement avec celle-ci, par un système d'assemblage quart de tour qui est tel qu'après engagement, la contre butée jouit d'un débattement axial sous contrainte des moyens de rappel élastique et qui possède une butée anti-rotation s'opposant au désengagement du système d'assemblage quart de tour et ne pouvant être franchie qu'à la faveur dudit débattement axial.

10- Dispositif de doublage selon l'une des revendications précédentes, dans lequel les moyens de fixation de la tige dudit accessoire d'entretoisement (10,11) à l'ossature de doublage sont au moins partiellement ménagés sur l'une au moins de ses mâchoires.

11- Dispositif de doublage selon la revendication 10, dans lequel lesdits moyens de fixation comprennent des moyens de liaison clipsée à glissière de ladite au moins une mâchoire avec une latte, notamment une encoche formée sur la mâchoire et adaptée pour recevoir des rebords rentrants de la latte à la façon d'un clip.

12- Dispositif de doublage selon l'une des revendications précédentes, dans lequel la membrane (32) est maintenue par les mâchoires (19, 34) des accessoires d'entretoisement (10, 11) derrière l'ossature de doublage (6, 7), à distance de la cloison de doublage (30).

13- Dispositif de doublage selon l'une quelconque des revendications précédentes, comprenant en outre une ossature de doublage composée de lattes de doublage, et dans lequel l'extrémité arrière de la tige est pourvue de moyens (13-15, 18) de sa fixation a un élément de structure de la paroi à doubler (1, 2), l'extrémité avant de la tige est pourvue de moyens de son assemblage avec l'ossature de doublage (30), et lesdits moyens d'assemblage de la tige à l'ossature de doublage sont au moins partiellement ménagés sur l'une des mâchoires située à l'avant de la membrane lorsque celle-ci est pincée entre les mâchoires, de sorte que la membrane est maintenue par les mâchoires derrière l'ossature de doublage (6, 7), ce par quoi un espace libre est ménagé entre la membrane et la cloison de doublage.

14- Dispositif de doublage selon l'une des revendications précédentes, comprenant en outre au moins une couche de matériau isolant fibreux (31), notamment de la laine minérale, d'origine animale ou végétale, par exemple une couche de matériau isolant fibreux embrochée sur la tige.
3: Revendication supprimée à l'issue de la procédure d'opposition.

15- 14- Dispositif de doublage selon l'une des revendications précédentes, dans lequel les mâchoires (19, 34) sont configurées pour pincer la membrane (32) avec une pression constante.»

Le brevet comporte les figures 1 à 4 suivantes :

Sur la portée du brevet

Selon la société [Localité 5] ISOVER, son brevet doit être interprété en ce que la revendication 1 couvre notamment un accessoire d'entretoisement sans limitation du nombre de pièces, (et non trois pièces distinctes, comme retenu par le tribunal), un pincement de la membrane entre les deux mâchoires, qui ne peut être limité à un pincement axial, la caractéristique de la périphérie de l'ouverture d'embrochement devant être entendue largement (et non comme le tribunal, comme «circonscrivant l'ouverture d'embrochement»), sans limitation structurelle particulière de la membrane, et concernant uniquement un dispositif de doublage par l'intérieur d'un bâtiment.

La société KNAUF soutient que la société [Localité 5] ISOVER se livre à une interprétation erronée et incohérente de la revendication 1 de son brevet qui, selon elle, ne peut être limitée à une isolation par l'intérieur, n'exige pas que le dispositif de doublage soit effectivement assemblé avec une paroi à doubler ni avec une cloison de doublage, qui exige par contre la présence d'une seule membrane et d'une couche de matériau isolant, qui protège uniquement un dispositif de doublage qui comporte deux mâchoires amovibles et indépendantes de la tige et qui exige que ces deux mâchoires pincent la membrane «à la périphérie de son ouverture d'embrochement».

Ainsi, les parties débattent sur l'objet et la portée du brevet et plus particulièrement:

- sur sa limitation à un doublage par l'intérieur et

- sur les caractéristiques relatives:

- au nombre de pièces,

- au pincement entre les mâchoires,

- à la périphérie de l'ouverture d'embrochement,

- à la membrane.

Conformément à l'article 69 de la Convention de Munich sur la délivrance de brevets européens- CBE intitulé' Etendue de la protection', l'étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée par les revendications, qui, au sens de l'article 84, définissent l'objet de la protection demandée et doivent être claires et concises et se fonder sur la description et être interprétées à la lumière de la description et des dessins.

Le protocole interprétatif de l'article 69 précise qu'il doit être interprété comme définissant une position qui assure à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré raisonnable de sécurité juridique aux tiers.

La société KNAUF conteste la décision du tribunal qui a retenu que le brevet EP 303 concerne le domaine de l'isolation par l'intérieur. Cependant, la cour constate que le brevet, tant dans sa partie descriptive que dans ses revendications, mentionne des moyens d'assemblage de l'accessoire d'entretoisement avec une «cloison de doublage», définie dans le brevet, comme une contre-cloison ou un faux plafond, soit une cloison intérieure posée devant un mur ou sous un plafond, et relative en conséquence à l'isolation par l'intérieur du bâtiment. En outre, comme l'ont relevé les premiers juges, un des objectifs du brevet qui est de permettre la réservation d'un volume accessible, derrière la cloison de doublage, pour le passage de câbles ou tuyaux ( réseau d'eau, ventilation, électricité ou de communication) ne constitue un but envisageable que pour une isolation intérieure.

Enfin, cette interprétation est confortée par la figure 1 du brevet qui illustre uniquement l'isolation de combles par l'intérieur. Ainsi, il convient de retenir, comme le tribunal, que le brevet EP 303 concerne l'isolation par l'intérieur d'un bâtiment.

Puis, la société SAINT GOBAIN ISOVER critique le raisonnement du tribunal qui a retenu que l'accessoire d'entretoisement décrit dans le brevet EP 303 se compose d'une tige et de deux mâchoires, soit trois pièces distinctes. S'agissant de la caractéristique relative au nombre de pièces composant l'accessoire d'entretoisement protégé par le brevet, la cour constate que la revendication 1 principale le décrit comme comportant une tige et deux mâchoires entourant la tige et des moyens de verrouillage avec serrage axial de ces deux mâchoires l'une contre l'autre, ces deux mâchoires pinçant entre elles, après verrouillage, la membrane. Si, comme l'indique la société SAINT GOBAIN ISOVER, ces deux mâchoires présentent une caractéristique fonctionnelle en ce qu'elles vont permettre de fixer la membrane, elles constituent également une caractéristique structurelle en ce qu'à aucun moment, l'une d'elle, n'est décrite ou envisagée comme fixée à la tige, de telle sorte à former corps avec elle. De plus, les moyens de verrouillages des deux mâchoires visés dans la revendication 1 ainsi que dans les revendications dépendantes impliquent nécessairement qu'elles ne soient pas fixées sur la tige, à la différence des butées et contre-butées mentionnées dans les revendications 7 et 8 dont il est précisé qu'elles sont «agencées sur la tige» ou «solidaires de la tige». Cette interprétation du brevet qui découle de la seule lecture de ses revendications est en outre totalement confortée par les figures 2 et 3 qui distinguent clairement les deux mâchoires ( 19 et 34) totalement indépendantes de la tige, ainsi que par la partie descriptive ( notamment [00016]) sauf pour la société SAINT GOBAIN ISOVER à tenter d'étendre la protection de son brevet au delà de son enseignement.

Ainsi, le brevet EP 303 vise un accessoire d'entretoisement composé de trois pièces, soit une tige et deux mâchoires.

La société SAINT GOBAIN ISOVER critique encore le tribunal en ce qu'il a interprété la revendication 1 «ces deux mâchoires pinçant entre elles, après verrouillage, la membrane à la périphérie de son ouverture d'embrochement» comme devant s'entendre d'une zone de contact circonscrivant le percement de la membrane, se situant autour de l'orifice d'embrochement, mais à une distance suffisante pour constituer un pincement suffisamment stable de la membrane. La cour fait sienne cette interprétation des premiers juges qui ont justement souligné qu'elle s'imposait au regard de l'objectif poursuivi par le brevet qui est de prévenir la propagation de déchirure et d'assurer la préservation pérenne de l'intégrité de la membrane [(0011)], outre que, dans la partie descriptive [(0017)], il est également mentionné que «les deux mâchoires pincent, après verrouillage, la périphérie de l'ouverture d'embrochement de la membrane sur la tige et forment une sorte d'oeillet de protection et de limitation de cette ouverture. La largeur de l'ouverture est de ce fait maîtrisée, ce qui permet de limiter, voir de supprimer, la circulation d'air ou de vapeur au travers de l'ouverture d'embrochement de la membrane», ou [(0015)] «les mâchoires présentent, après verrouillage, une zone (ligne ou bande) de contact mutuel continue et refermée sur elle-même; la membrane est ainsi pincée suivant cette zone de contact circonscrivant le percement de la membrane, de sorte que l'on obtient un maintien mécanique et une étanchéité continus sur tout le pourtour de l'ouverture d'embrochement.»

La cour considère par ailleurs que si la revendication 1 décrit des moyens de verrouillage avec serrage axial des deux mâchoires l'une contre l'autre, leur permettant de «pincer» la membrane, le pincement en lui-même n'est pas décrit, les figures annexées 2 et 3 ainsi que la description permettant de constater cependant que ce pincement offre une « zone de contact mutuel continue et refermée sur elle-même» soit, «une sorte d'oeillet de protection», soit un pincement dans l'axe des deux mâchoires.

Enfin, la cour constate que le brevet ne mentionne l'existence que d'une membrane pare-vapeur ou freine-vapeur, cet élément n'étant pas autrement décrit dans sa composition, ses dimensions ou sa structure.

Sur l'homme du métier :

L'homme du métier est celui qui possède les connaissances normales du domaine technique en cause et est capable, à l'aide de ses seules connaissances et aptitudes professionnelles, de concevoir la solution du problème que propose de résoudre l'invention.

C'est par de justes motifs adoptés par la cour que les premiers juges ont défini l'homme du métier comme étant un concepteur de dispositifs et matériels destinés à l'isolation de parois ou de toitures et ce, qu'il s'agisse de solutions d'isolation par l'intérieur ou par l'extérieur, qui sont généralement proposées par le même fabriquant, certains dispositifs étant susceptibles d'être utilisés pour une isolation tant extérieure qu'intérieure et ont précisé que l'homme du métier ainsi défini a une connaissance des exigences liées aux supports et aux espaces à isoler, des méthodes de pose des éléments isolants et des problématiques qu'elles impliquent.

Sur l'art antérieur pertinent :

L'état de la technique le plus proche à sélectionner doit être pertinent, c'est-à-dire qu'il doit correspondre à une utilisation semblable et appeler le moins de modifications structurelles et fonctionnelles pour parvenir à l'invention revendiquée. Cet état de la technique le plus proche doit donc viser à atteindre le même objectif ou à obtenir le même effet que l'invention ou, au moins, appartenir au même domaine technique que l'invention revendiquée ou à un domaine qui lui est étroitement lié.

Les dispositifs de l'art antérieur cités dans la description sont évoqués plus haut.

Par ailleurs, la société KNAUF oppose les documents suivants au titre des antériorités à prendre en compte.

- le brevet DORTA, publié sous le n° EP 0517667 (ou M01, dans le cadre de la procédure d'opposition) qui se rapporte à un corps d'appui pour la fixation mutuelle d'éléments portants disposés de part et d'autre d'une couche d'isolation non portante, l'objet de l'invention étant de permettre un montage simple et rapide et en même temps offrant une isolation thermique optimale.

- le brevet américain Ward n° 4 635 423 ou M02 qui porte sur un système amélioré de support d'isolation intérieure et de recouvrement de mur pour le bâtiment dans lequel les espaces entre les poutrelles de toiture ou les pannes ainsi que l'espace entre les poutres de mur peuvent être utilisés pour retenir du matériau isolant et dans lequel un recouvrement de mur intérieur à faible coût est prévu pour contenir, supporter et séparer le matériau isolant par rapport à l'intérieur du bâtiment.

- l'avis technique 9/05-806 ou M03 relatif au «système d'habillage Isover pour les murs (Optima) et les combles».

- le brevet européen Firestone n° 0 276 708 ou M04 intitulé «dispositif de fixation mécanique pour toit» et concerne un dispositif de pénétration, de fixation et d'étanchéité, grâce à un élément de fixation mécanique amélioré pour une membrane de toit et un procédé pour appliquer celui-ci.

- l'avis technique 20/04-05 ou M06, portant sur un produit d'isolation thermique pour toitures à base de fibres de chanvre et de coton destiné aux rampants et planchers des combles ou planchers intermédiaires.

- le brevet [Localité 5] ISOVER FR 0303687 qui concerne «un système de maintien et de réglage rapide de la distance à une paroi d'un profilé destiné à l'appui d'un parement».

La société [Localité 5] ISOVER constate que les documents M01 et M04 concernent l'étanchéité d'un toit par assemblage extérieur et en déduit leur absence de pertinence pour apprécier la validité de son brevet.

Cependant, dans la mesure où il a déjà été retenu que l'homme du métier était un concepteur de dispositifs et matériels destinés à l'isolation de parois ou de toitures et ce, qu'il s'agisse de solutions d'isolation par l'intérieur ou par l'extérieur, il n'y a pas lieu d'écarter, a priori, l'ensemble des antériorités revendiquées envisageant une solution d'isolation par l'extérieur, outre que les matériaux, structures et problématiques d'isolation sont souvent très proches.

Sur la validité du brevet EP 303

+ S'agissant de la revendication 1 principale

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de description

La société KNAUF INSULATION sollicite la nullité des revendications n° 1 à 6 et 10 à 14 de la partie française du brevet européen EP 303 pour insuffisance de description. Elle soutient que le brevet:

- ne définit pas suffisamment les termes membranes pare-vapeur et freine-vapeur;

- et tel qu'interprété par la société [Localité 5] ISOVER, soit couvrant un dispositif en deux pièces (et non en trois) avec une mâchoire confondue avec la tige, il ne peut être mis en oeuvre par un homme du métier, seul le mode de réalisation dans lequel les deux mâchoires qui maintiennent la membrane sont amovibles étant réalisable.

La société [Localité 5] répond que le brevet EP 303 est suffisamment décrit s'agissant tant de la membrane que du seul mode de réalisation détaillé. Elle soutient que les termes de pare-vapeur et freine-vapeur sont courants dans le domaine concerné et bien connus de l'homme du métier, ainsi qu'en témoignent les documents de l'art antérieur cités qui mentionnent l'utilisation de pare-vapeur sans le définir. Par ailleurs, elle rappelle que la mise en 'uvre du pare-vapeur dans l'invention est détaillée dans la description et que la perméabilité des différentes membranes n'a pas d'incidence sur l'effet technique recherché par l'invention. Elle ajoute ensuite que le critère de suffisance de description n'impose pas de décrire l'ensemble des variantes couvertes par le brevet et qu'il n'est pas contesté que le brevet EP 303 décrit au moins un mode de réalisation permettant de remplir les exigences de ce critère.

Ceci étant exposé, il résulte de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle que la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138 paragraphe 1 de la convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance des brevets européens.

L'article 138-1-b) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant « si le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter », cette exigence de suffisance de description étant posée par l'article 83 de la CBE qui énonce que « l'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ».

Celui qui invoque la nullité du titre pour ce motif doit établir que l'exposé du brevet - constitué de la description elle-même, des revendications et des dessins - n`est pas suffisamment clair et complet et qu'il en résulte une impossibilité pour l'homme du métier de reproduire l'invention et de la mettre en 'uvre, avec ses connaissances professionnelles normales théoriques et pratiques, au moyen d'un effort raisonnable de réflexion et/ou en procédant à des essais de routine.

L'homme du métier, comme déjà vu, est un concepteur de dispositifs et matériels destinés à l'isolation de parois ou de toitures.

La cour considère, comme le tribunal, que la réalisation de l'invention n'est pas compromise par l'absence de définition donnée, dans le brevet, aux termes pare-vapeur ou freine-vapeur, ces expressions étant parfaitement courantes dans le domaine concerné, comme le démontrent les nombreuses pièces y faisant référence dans les documentations professionnelles fournies par l'intimée elle-même. Il fait en outre partie des compétences évidentes de l'homme du métier de choisir la membrane adaptée en fonction du type d'espace à isoler et de son humidité atmosphérique. Enfin, comme l'ont relevé les premiers juges et la division d'opposition qui a eu à examiner la validité du brevet, la caractéristique de la perméabilité de la membrane ne conditionne pas la portée de la revendication 1 et n'a pas d'incidence sur l'effet recherché par l'invention qui peut être mise en oeuvre avec toute membrane pare ou freine-vapeur susceptible d'être percée.

Par ailleurs, la cour fait sienne l'analyse des premiers juges qui ont justement retenu que la question de savoir si une mâchoire solidaire de la tige est susceptible d'entrer dans le champ de la protection revendiquée est distincte de celle de la suffisance de description supposant seulement qu'à l'examen des revendications, des dessins et de la partie descriptive du titre, l'homme du métier soit en mesure de réaliser l'invention telle que décrite et non d'en déduire toutes les variantes envisageables, à l'aide de son expérience et de ses connaissances professionnelles.

C'est en conséquence à juste titre que le tribunal a rejeté la demande en nullité fondée sur ce motif, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Sur le moyen tiré du défaut de nouveauté

Selon l'article 52-1 de la Convention de Munich sur la délivrance de brevets européens (CBE), les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle. En application de l'article 54 de la même convention, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. En application de l'article 138 a) de la CBE, un brevet doit être annulé 'si l'objet du brevet européen n'est pas brevetable aux termes des articles 52 à 57'.

Pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver toute entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent, dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique.

La société KNAUF INSULATION sollicite la nullité des revendications 1 à 6 et 10 à 14 du brevet européen EP 303 pour défaut de nouveauté. Au soutien de sa demande elle oppose les documents suivants, identiques à ceux présentés aux premiers juges :

- le brevet européen Dorta n° 0 517 667 (M01 dans la procédure d'opposition) ;

- le brevet américain Ward n° 4,635,423 (M02 dans la procédure d'opposition) ;

- l'avis technique 9/05-806 (M03 dans la procédure d'opposition) ;

- le brevet européen Firestone n° 0 276 708 ( M04 dans la procédure d'opposition) ;

- l'avis technique 20/04-50 (M06 dans la procédure d'opposition).

La société KNAUF INSULATION soutient que ces documents divulguent toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet [Localité 5] ISOVER et procurent tout ou partie des effets techniques recherchés.

La société [Localité 5] ISOVER soutient que la revendication 1 du brevet EP 303 est nouvelle par rapport aux documents invoqués, aucun d'eux ne divulguant toutes les caractéristiques de cette revendication principale. Elle précise que, suite à la procédure de recours sur opposition, la revendication 1 a été amendée par rajout explicite de la caractéristique de l'isolant fibreux et que le caractère nouveau de son objet a été admis.

Les documents ainsi opposés doivent être examinés successivement.

Pour mémoire, les caractéristiques de la revendication 1 peuvent être découpées comme suit :

a. Dispositif de doublage d'une paroi (1, 2), comportant

b. au moins un accessoire d'entretoisement (10, 11)

c. comportant une tige (12),

d. dont une extrémité est pourvue de moyens (13-15, 18) de sa fixation à un élément de structure de la paroi à doubler (1, 2)

e. et dont l'autre extrémité est pourvue de moyens de son assemblage avec une cloison de doublage (30),

f. une membrane (32), pare-vapeur ou freine-vapeur à embrocher sur les tiges (12) des accessoires d'entretoisement (10, 11),

f'. au moins une couche de matériau isolant fibreux embrochée sur la tige

caractérisé en ce que

g. l'un au moins des accessoires d'entretoisement (10, 11) comporte deux mâchoires (19, 34)

h. entourant la tige (12)

i. et des moyens de verrouillage avec serrage axial (21, 25, 35) de ces deux mâchoires l'une contre l'autre,

j. ces deux mâchoires (19, 34) pinçant entre elles, après verrouillage, la membrane (32)

k. à la périphérie de son ouverture d'embrochement.

1- Le brevet européen Dorta n° 0 517 667 ou M01:

La société KNAUF INSULATION soutient que ce brevet divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP 303 ainsi que l'effet technique recherché par ce brevet, à savoir le maintien de l'intégrité de la membrane et l'aménagement d'un espace entre la membrane et la cloison de doublage qui est décrit comme 'un espace de ventilation'. Par ailleurs, la société KNAUF fait valoir que rien dans le brevet EP 303 n'exige que la tige 12 du dispositif de doublage soit formée d'une seule pièce; que l'élément d'écartement 16 peut servir à la fois de mâchoire et de d'assemblage avec la cloison de doublage et que, même si la membrane 3 n'est pas pincée entre deux mâchoires, ce n'est pas le cas de la membrane 5 qui est pincée entre les mâchoires 10 et 16 comme dans la revendication 1 du brevet de [Localité 5] ISOVER.

La société SAINT GOBAIN ISOVER considère que le brevet DORTA ne divulgue ni un dispositif de doublage de paroi mais un corps d'appui utilisé dans la construction, par l'extérieur, d'une toiture isolée, ni un accessoire d'entretoisement constitué d'une tige, ni une membrane pare-vapeur qui serait pincée entre deux éléments assimilables à des mâchoires mais une membrane pare-vapeur collée à l'isolant, empêchant ainsi l'opération de pincement.

Le brevet DORTA EP 0517667 publié le 9 août 1985, intitulé «élément d'appui» porte selon le libellé de sa revendication 1 sur un corps d'appui pour la fixation mutuelle d'éléments portants (2,7) disposés de part et d'autre d'une couche d'isolation (4) non portante, comprenant :

-un corps creux (9, 10) présentant une symétrie de rotation ;

-qui est fermé sur un côté avec un couvercle (10) pour le placement de moyens de fixation ;

-qui présente sur un second côté ouvert une face de coupe (13) de telle façon que le corps creux (9, 10) puisse être enfoncé par rotation dans la couche d'isolation (4) ;

-un espace creux (11) du corps creux (9, 10) étant délimité avec une paroi latérale mince (9) de telle façon que la partie de la couche d'isolation (4) découpée hors de celle-ci lors du perçage puisse être recueillie par l'espace creux (11).

Le but exposé de l'invention est d'améliorer le corps d'appui de telle façon qu'il permette un montage simple et rapide et en même temps qu'il offre une isolation thermique optimale. Son aspect essentiel, selon la description, réside dans le fait que le corps d'appui peut être enfoncé sans perçage préalable d'un trou dans la couche d'isolation. Ce dispositif est prévu pour la pose d'un matériau isolant et d'une barrière anti-vapeur (référencée 3 sur la figure 1).

C'est par de justes motifs, adoptés par la cour, que les premiers juges ont d'abord relevé que la notion de tige enseignée dans le brevet EP 303 supportant deux extrémités ne peut être constituée par les deux vis décrites en 12 et 15 du document DORTA, de sorte que la caractéristique c) est manquante. En outre, dans le brevet DORTA, la seule membrane pare-vapeur présente décrite (n°3) n'est pas pincée par deux mâchoires comme revendiquée aux caractéristiques f) et j) mais posée entre le corps d'appui et la couche d'isolation, seul l'écran de sous toiture, par nature différent de la membrane-vapeur pouvant être considéré comme coincé ou pincé entre le couvercle (10) et l'élément d'écartement (16). Il y a seulement lieu pour la cour d'ajouter qu'il ne peut donc pas être reproché au tribunal d'avoir confondu la membrane pare-vapeur et l'écran de sous toiture et ce alors qu'il a justement constaté leur position distincte dans ce système.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que le brevet EP 303 était nouveau au regard du document DORTA.

2- Le brevet américain Ward n° 4 635 423 ou M02:

La société KNAUF soutient que le brevet Ward divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet EP 303, qui concerne le même type de cloison à doubler que celle visée dans le brevet [Localité 5] ISOVER avec les mêmes fonctions thermiques et acoustiques. Elle souligne, par ailleurs, que le brevet EP 303 n'exige pas de taille minimum concernant l'accessoire d'entretoisement, que le dispositif Ward divulgue des moyens d'assemblage d'une cloison de doublage sur une paroi à doubler et qu'il prévoit que les vis 38 permettent une 'déflexion minimale des panneaux' ce qui implique que ceux-ci soient serrés par les vis. Elle en déduit que l'objectif poursuivi par le brevet Ward est de préserver identiquement l'intégrité de la membrane en augmentant la surface de contact entre la mâchoire et la membrane.

La société KNAUF critique la décision des premiers juges en retenant que ce brevet peut aussi concerner une cloison à doubler, qui peut être fine, et divulgue également des moyens d'assemblage d'une cloison de doublage sur une paroi à doubler.

S'agissant du brevet Ward, la société SAINT GOBAIN ISOVER soutient que celui-ci ne divulgue pas :

- un dispositif de doublage de paroi mais un système pour le recouvrement esthétique intérieur de poutres, solives ou panne de plafond/mur,

- d'élément d'entretoisement mais simplement une poutrelle,

- d'accessoire comportant une tige avec ses extrémités mais des têtes de vis incapables d'assurer la fixation d'une cloison de doublage,

- une cloison de doublage, dès lors qu'une couche de papier Kraft ne peut être considérée comme une cloison de doublage,

- deux mâchoires entourant la tige pour pincer la membrane, dans la mesure où il ne divulgue aucun serrage ni pincement, sous peine de déchirer le papier Kraft,

- d'élément isolant fibreux à embrocher sur la tige que constituerait la vis 38.

Le brevet WARD a été déposé le 3 octobre 1984 et publié le 13 janvier 1987 et est intitulé «Système et procédé d'isolation de bâtiment et de recouvrement de mur» .

Ce document concerne un recouvrement de plafond et de mur à utiliser dans l'intérieur de bâtiments ayant des poutrelles ou pannes de toiture exposées ainsi que des poutres de mur, dans lequel un recouvrement en feuille roulé flexible est fixé aux ailes de ces éléments ou à des plaques d'appui supportées par ceux-ci.

L'invention porte sur un procédé amélioré de support d'isolation intérieure et de recouvrement de mur pour le bâtiment dans lequel les espaces entre les poutrelles de toiture ou les pannes ainsi que l'espace entre les poutres de mur ou les colonnes peuvent être utilisés pour retenir du matériau isolant, et dans lequel un recouvrement de mur intérieur est prévu pour contenir, supporter et séparer le matériau isolant de l'intérieur du bâtiment. La revendication 1 décrit des étapes séquentielles consistant dans l'application d'un revêtement substantiellement continu d'adhésif liquide à une longueur longitudinale prédéterminée de la surface distale d'une première paire adjacente des poutres, puis l'application d'un panneau de type feuille d'un matériau de recouvrement multicouche renforcé flexible par-dessus les surfaces distales précédemment revêtues de ladite paire de poutres par déroulement dudit matériau de recouvrement.

Le procédé présente, selon la revendication 2, une couche formant un pare-vapeur entre l'espace occupé par un matériau isolant et l'intérieur du bâtiment.

À cet égard, comme relevé par le tribunal, la cour constate que ce document n'enseigne pas un dispositif de doublage d'une paroi au moyen d'une cloison ni les moyens d'assemblage s'y rapportant mais un système de recouvrement intérieur de poutres notamment avec un matériau isolant, le papier kraft ne pouvant être considéré comme une «cloison de doublage» au sens du brevet EP 303, aucun pincement n'étant au demeurant décrit pour assurer la tenue et l'intégrité de ce revêtement.

Ce document ne constitue donc pas une antériorité de toute pièce destructrice de nouveauté du brevet EP 303.

3- L'avis technique 9/05-806 ou M03 :

La société KNAUF estime que ce document divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 et procure certains des effets techniques recherchés puisque l'accessoire d'entretoisement permet de ménager un espace libre entre le pare-vapeur et la cloison de doublage permettant de faire circuler derrière la cloison de doublage des câbles, sans qu'il soit nécessaire de percer le pare-vapeur pour installer ces câbles ou en assurer la maintenance, ce qui correspond à l'un des objectifs du brevet [Localité 5] ISOVER, à savoir la préservation de l'intégrité de la membrane. Par ailleurs, selon elle, la lisse et la rosace forment deux mâchoires qui pincent entre elles la garniture d'isolation et le pare-vapeur. La société KNAUF critique les motifs retenus par le tribunal en soulignant que la mâchoire revendiquée peut avoir, comme la lisse de l'avis technique, une double fonction et notamment celle de relier l'entretoisement à l'une des parois, les deux mâchoires pinçant ainsi la garniture d'isolation et le pare-vapeur, sans que la membrane doive obligatoirement être en contact direct avec les mâchoires.

Pour la société SAINT GOBAIN ISOVER, cet avis ne divulgue pas deux mâchoires entourant la tige, verrouillées par serrage axial, mais une rosace d'un côté et une fourrure horizontale de l'autre. Il ne divulgue pas non plus le pincement de la membrane par les mâchoires mais uniquement un maintien de la membrane par la tige, cette membrane étant, sur l'une des faces, collée à l'isolant.

L'avis technique 9/05-806 est relatif au «système d'habillage Isover pour les murs (Optima) et les combles» et a été enregistré le 12 décembre 2005.

Ce système d'habillage est composé de profilés, d'ossatures, d'entretoises, de suspentes, de raccords d'angle, d'éclisses et de rosaces. Ils sont destinés à aménager un espace pour intégrer l'isolant sans le comprimer entre la paroi maçonnée ou la charpente et le parement intérieur. L'isolant peut être légèrement comprimé - au maximum de 10% - au droit des entretoises. Dans la mise en 'uvre du dispositif - décrite au point 4 du document - le pare-vapeur est accolé à l'isolant et orienté vers l'intérieur du local à isoler.

Cet avis concerne un système de doublage d'une cloison par l'intérieur dans lequel le matériau isolant et la membrane sont fixés entre des fourrures dans lesquelles les entretoises sont clipsées et des rosaces sont vissées sur la partie émergente de l'entretoise, lesquelles disposent de moyens d'assemblage avec la cloison de doublage :

Le dispositif décrit dans ce document comporte une fourrure horizontale.

Comme l'a justement relevé le tribunal, cet avis technique décrit un dispositif comportant une fourrure horizontale ou lisse (en vert sur le dessin ci-dessus) qui ne peut être assimilé à l'une des mâchoires décrite par la revendication 1 du brevet EP 303, en ce qu'elle ne fait clairement pas partie de l'accessoire d'entretoisement mais de la structure de la paroi à doubler. La cour constate qu'en outre, la membrane pare vapeur ne se trouve pas pincée entre deux mâchoires mais maintenue entre la matière isolante (laine de verre) et une rosace ( en rouge) et ne peut en tout état de cause pas être considérée comme pincée entre la fourrure et la rosace.

Ce document ne constitue donc pas une antériorité de toute pièce destructrice de nouveauté du brevet EP 303.

4- Le brevet européen Firestone n° 0 276 708 ou M04:

La société KNAUF plaide que le brevet Firestone divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet [Localité 5] ISOVER, rappelant que la revendication 1 n'est pas limitée à un doublage par l'intérieur et qu'il n'est pas requis qu'une cloison de doublage soit présente du moment que le dispositif est apte à recevoir une telle cloison. Elle explique que le système Firestone comprend deux mâchoires et une vis qui forment bien un accessoire d'entretoisement permettant de maintenir un écartement entre la membrane et le toit, rien, selon elle dans le brevet EP 303 n'exigeant que la tige 12 du dispositif de doublage soit nécessairement formée d'une seule pièce et qu'ainsi rien ne s'oppose à qualifier de tige la bride 52 assemblée au 'dispositif d'encrage'. Enfin, même si l'antériorité Firestone ne précise pas la composition de la feuille d'isolation, la société KNAUF INSULATION soutient que l'homme du métier sait qu'il convient d'utiliser des matériaux isolants fibreux qui sont les plus courants.

Elle estime donc que le tribunal n'aurait pas dû écarter cette antériorité.

La société SAINT GOBAIN ISOVER estime que ce document ne divulgue pas:

- un dispositif de doublage de paroi par l'intérieur, mais se rapporte à un élément de fixation d'une membrane sur et au contact de la surface supérieure d'un toit,

- un accessoire comportant une tige avec ses extrémités, mais une vis (29) et un élément de fixation fileté (48) constituant deux éléments distincts ;

- une membrane pare-vapeur ou freine-vapeur à embrocher, mais la simple compression d'une membrane dont la nature pare-vapeur n'est pas même divulguée ;

- d'élément isolant fibreux.

Le brevet Firestone a été déposé le 16 janvier 1988 et publié le 10 octobre 1990 et s'intitule «élément de fixation mécanique pour toit».

Il porte sur un dispositif de fixation mécanique pour un toit. L'objet de l'invention est de prévoir un élément de fixation mécanique amélioré pour une membrane de toit et un procédé de mise en 'uvre, selon lequel plusieurs éléments de fixation sont placés en divers endroits au-dessus de la surface du toit pour assurer la force de maintien nécessaire, et les dits éléments peuvent être installés d'une manière rapide et efficace en réduisant le risque d'erreur et sans nécessité d'utiliser des éléments de liaison supplémentaires avec la membrane. Sont prévus un élément et une méthode de fixation améliorés selon lesquels un élément de retenue inférieur de l'élément de fixation est attaché rigidement au toit, la membrane est étendue sur ces éléments attachés, et sont ensuite montés sur chacun des points d'ancrage inférieurs des éléments ou plaques de retenue supérieurs qui emprisonnent et fixent la membrane entre eux, lesquels sont fixés dans la position de verrouillage par un élément de fixation fileté ayant une partie supérieure brisable pour garantir une force de compression suffisante sur la membrane. L'élément de fixation et le procédé améliorés visent à obtenir des plaques qui saisissent la membrane au moyen de zones de compression alternées puissantes et stables de façon à optimiser l'étanchéité du dispositif et la résistance au soulèvement par le vent.

La figure 5 du brevet montre une vue de coupe du dispositif de fixation de la membrane (2) sur la surface de la toiture (4) :

La cour fait sienne l'analyse des premiers juges qui ont retenu que ce dispositif portait sur la pose d'une membrane sur la surface extérieur du toit d'un bâtiment et non dans une perspective de doublage intérieur d'une paroi, ce qui procède d'un système et d'une logique différents de ceux envisagés par le brevet et ne décrit au demeurant pas un dispositif d'entretoisement destiné à laisser une certaine distance entre les éléments qu'il joint, mais un système de fixation par vis de la membrane recouvrant la toiture. Aucun isolant fibreux n'est par ailleurs mentionné, ni l'embrochement de la membrane sur la tige.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu que le brevet EP 303 était nouveau au regard du document Firestone.

5- L'avis technique 20/04-50 ou M06 :

La société KNAUF soutient que l'avis technique 20/04-50 divulgue toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet [Localité 5] ISOVER. Si elle ne conteste pas que le point de fixation de la membrane peut ne pas être situé dans l'axe d'une suspente, elle soutient que l'homme du métier sait que pour clouer ou visser une membrane, il est préférable de placer les points de fixation dans l'axe d'une suspente qui offre un meilleur appui. De plus, selon elle, la membrane pare-vapeur est pincée entre, d'une part, l'ensemble rosace-fourrure et, d'autre part, la tête de la vis, cette dernière se verrouillant par serrage axial lors du vissage de la vis, de sorte que la rosace et la tête de vis constituent bien des mâchoires au sens du brevet [Localité 5] ISOVER. Enfin, la société KNAUF INSULATION soutient que rien n'interdit qu'une vis puisse être une tige d'un accessoire d'entretoisement. Elle en déduit que le tribunal n'aurait pas dû écarter ce document.

La société SAINT GOBAIN ISOVER plaide que l'avis technique 20/04-50 ne divulgue pas une tige d'un accessoire d'entretoisement pourvue de moyens de fixation mais une simple vis fixée uniquement à la fourrure. Il ne divulgue pas non plus un embrochement de la membrane par une tige de suspente mais un montage de membrane pare-vapeur à base de scotch double face.

L'avis technique 20/04-05 concerne un produit d'isolation thermique pour toitures à base de fibres de chanvre et de coton destiné aux rampants et planchers des combles ou planchers intermédiaires. Il a été enregistré le 21 avril 2005. Il est destiné à être utilisé avec une membrane pare-vapeur, ce qui est mentionné notamment au point 4.33. Le document envisage le cas d'une isolation par l'intérieur d'une charpente traditionnelle dans lequel les suspentes sont vissées dans les chevrons et la seconde couche d'isolant est embrochée sur les suspentes. Suivant le type de suspentes utilisées, les fourrures métalliques sont clipsées directement sur celles-ci ou sur des accessoires de type rosaces. Le pare-vapeur est fixé du côté de l'ambiance chauffée du bâtiment en l'agrafant, en le vissant ou en le scotchant sur les fourrures métalliques avant la pose du parement intérieur.

À cet égard, comme l'a justement relevé le tribunal, l'illustration du système proposé par la société KNAUF n'est pas extraite de l'avis technique qui présente pourtant de nombreux dessins mais d'une vue en coupe qu'elle a elle-même envisagée. Or, le point de fixation de la membrane, tel qu'il ressort des explications de cet avis technique n'est pas nécessairement situé dans l'axe d'une suspente. En outre, dans aucun des cas présentés, les accessoires de pose et leur agencement ne permettent d'obtenir un pincement de la membrane entre deux éléments susceptibles de constituer des mâchoires au sens du brevet.

C'est en conséquence à juste titre que les premiers juges ont retenu que faute de constituer des antériorités de toutes pièces, ces cinq documents ne sont pas susceptibles de détruire la nouveauté de la revendication 1 principale ainsi que des revendications dépendantes opposées du brevet, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur le moyen tiré du défaut d'activité inventive

La société KNAUF INSULATION soutient que le brevet EP 303 est nul pour absence d'activité inventive dans la mesure où l'invention brevetée résulterait de manière évidente pour l'homme du métier de la combinaison des documents suivants :

- le brevet européen Dorta n° 0517667 - dénommé M01 dans la procédure d'opposition et considéré par la société KNAUF ainsi que par la Chambre de recours de l'OEB comme l'art antérieur le plus proche de l'invention - seul ou éventuellement en combinaison avec l'avis technique 9/05-806;

- le même avis technique 9/05-806, pris comme l'art antérieur le plus proche, combiné avec les antériorités DORTA et FIRESTONE traitant d'isolation de parois et faisant partie du même domaine technique que le brevet [Localité 5] ;

- la demande de brevet [Localité 5] n° FR 03 03687, dans lequel la membrane pare-vapeur est pincée entre, d'une part, l'ensemble rosace-fourrure et, d'autre part, la tête de la vis; la tête de la vis se verrouille par serrage axial lors du vissage de la vis, soit un dispositif proche sur le plan structurel du dispositif du brevet [Localité 5] et appartenant au même domaine technique de doublage d'une paroi, combinée avec l'antériorité DORTA ou l'antériorité FIRESTONE.

Ces différentes combinaisons doivent être examinées par référence au dispositif décrit par la revendication 1 du brevet contesté.

1°- le brevet DORTA et l'avis technique 9/05-806 :

La société KNAUF INSULATION rappelle que l'antériorité Dorta constitue le meilleur point de départ pour parvenir à l'objet du brevet de l'appelante. Elle souligne qu'il enseigne d'utiliser une membrane 5 pare-vent qui est pincée entre les mâchoires 10 et 16, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal. Elle ajoute que le brevet [Localité 5] ISOVER EP 303 ne se limite pas au doublage par l'intérieur et qu'il s'agit du même domaine technique ou, à tout le moins, de domaines techniques voisins. Par ailleurs, la société KNAUF soutient que la feuille isolante 5 constitue une membrane pare-vapeur ou freine-vapeur. Enfin, elle considère que l'homme du métier peut envisager l'inversion de l'emplacement de la vis 15 et du pas de vis 14.

Pour la société SAINT GOBAIN ISOVER, le brevet Dorta ne constitue pas l'état de la technique le plus proche, puisque ne décrivant pas un dispositif de doublage mais porte sur la construction d'un toit. Selon elle, rien n'incite l'homme du métier à consulter en parallèle les documents M03 et M06, ces derniers n'invitant d'ailleurs pas à modifier des positions de vis pour prolonger d'autres vis. Elle conclut que l'objet de la revendication 1 telle que modifiée implique donc une activité inventive en partant de Dorta.

L'article 56 de la CBE dispose qu'« une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique ».

L'appréciation du caractère inventif implique de déterminer si eu égard à l'état de la technique, l'homme du métier, au vu du problème que l'invention prétend résoudre, aurait obtenu la solution technique revendiquée par le brevet en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations. L'activité inventive se définit au regard du problème spécifique auquel est confronté l'homme du métier.

La cour rappelle en outre que l'état de la technique le plus proche est généralement celui qui correspond à une utilisation semblable à celle de l'invention revendiquée et qui appelle le moins de modifications structurelles et fonctionnelles pour parvenir à l'invention revendiquée.

Le document DORTA, comme déjà mentionné, se rapporte à un élément d'appui pour la fixation mutuelle d'éléments portants entre lesquels est placée une couche de matériau isolant. Il peut être mis en 'uvre sans perçage préalable de la couche isolante et à l'état monté, l'espace creux de l'élément creux cylindrique du corps d'appui est rempli avec la matière isolante une fois celle-ci percée. Le moyen de fixation est constitué d'une vis et la paroi du cylindre est munie d'un bord coupant.

Ce document a été considéré comme l'état de la technique le plus proche par la chambre de recours de l'OEB. Ainsi, dans la mesure où il concerne un dispositif pouvant être utilisé pour le doublage d'une paroi, de la même manière que le brevet en cause, où la tige (12) embroche la couche d'isolant, avec la présence de deux accessoires pouvant être décrits comme des «mâchoires» s'agissant du couvercle (10) et de l'élément d'écartement (16) qui serrent une membrane de sous-toiture, le brevet DORTA peut être considéré comme un point de départ pertinent.

Cependant, la cour constate que la société KNAUF ne démontre pas davantage en cause d'appel, en quoi l'homme du métier, en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations, aurait été incité en partant de DORTA, qui porte sur la construction d'un toit avec des éléments portants et se compose d'une tige ou moyen de fixation (12) solidaire d'une mâchoire ou couvercle (10) puis, séparément
4: Mise en gras ajoutée par la cour.

, d'une vis (15) fixée sur un élément d'écartement (16) qui ne vient pas pincer une membrane vapeur, mais une couche de sous-toiture, comme décrit clairement, aurait obtenu la solution revendiquée dans le brevet, soit un accessoire d'entretoisement composé d'une tige, de deux mâchoires l'entourant avec des moyens de verrouillage, embrochant une membrane pare-vapeur, pincée elle-même entre ces deux mâchoires.

Outre cette différence structurelle fondamentale entre la tige évoquée dans le brevet EP 303 qui constitue un tout et le système composé de deux éléments distincts, soit une tige et une vis, supportant chacun distinctement un moyen de serrage et de maintien qualifié de mâchoire, le brevet DORTA décrit une membrane percée, sans que soit évoqués les risques de déchirure, qui est pourtant l'un des deux problèmes que cherche à résoudre le brevet EP 303.

Par ailleurs, la société KNAUF n'explique nullement comment l'homme du métier aurait été incité à placer la membrane pare-vente entre les points de fixation 14 et 15 et à modifier le moyen de fixation (12) et la vis (15) pour qu'ils ne constituent plus qu'une seule tige, sauf à procéder par un raisonnement a posteriori, en connaissant déjà le résultat de l'invention revendiquée.

C'est en conséquence pertinemment que le tribunal, qui a justement constaté que seule la couche de sous-toiture est retenue entre les deux «mâchoires», et non la membrane pare-vapeur, percée et juste maintenue entre le lattage et la garniture d'isolation, a retenu que l'homme du métier, poursuivant les objectifs du brevet, à savoir prévenir les ouvertures ou déchirures résultant de la perforation de la membrane pare-vapeur pour les besoins de sa pose et assurer son étanchéité ainsi que le ménagement d'un espace entre celle-ci et la cloison de doublage, ne tire pas d'enseignement du brevet DORTA lui permettant d'atteindre ces objectifs.

La cour partage également l'analyse des premiers juges qui ont retenu que l'homme du métier n'était pas davantage incité à aboutir à la solution décrite par EP 303 en combinant le brevet DORTA avec l'avis technique 9/05-806 (M03) en ce que, dans la mise en oeuvre détaillée et illustrée dans ce second document, comme déjà vu, le pare-vapeur est solidaire de la couche isolante dont l'épaisseur éloigne cette membrane de la partie opposée de l'entretoise qui serait, selon la société KNAUF, susceptible de constituer la première mâchoire décrite dans la revendication 1 du brevet EP 303.

2°- l'avis technique 9/05-806, combiné avec les antériorités DORTA et FIRESTONE :

S'agissant de l'avis technique 9/05-806, pouvant également être considéré comme étant l'art antérieur pertinent, et considéré comme tel par la division d'opposition de l'OEB, la société KNAUF soutient que l'homme du métier pouvait le combiner aux antériorités Dorta et Firestone puisqu'elles font partie du même domaine technique que le brevet [Localité 5] ISOVER. De plus, elle souligne que l'intégrité de la membrane ou son étanchéité ainsi que le volume technique sont bien envisagés.

La société [Localité 5] ISOVER considère ce document comme étant l'état de la technique le plus proche, puisqu'il partage, entre autres, l'objectif de la préservation d'un volume technique. Cependant, elle souligne que la membrane pare-vapeur est toujours altérée par l'embrochement sur la tige d'entretoise et que rien n'est précisé dans ce document sur la manière de préserver l'intégrité de la membrane, de sorte qu'il apparaît que l'homme du métier ne serait pas parvenu de manière évidente à la solution du brevet EP 303. En tout état de cause, elle estime que l'homme du métier n'irait pas consulter les documents Dorta et Firestone, ceux-ci relevant d'un autre domaine technique. Elle en conclut que la revendication 1 du brevet EP 303 telle que modifiée implique donc une activité inventive en partant de M03, même combinée avec les antériorités Dorta et Firestone.

La cour retient que cet avis technique peut également être considéré comme un point de départ pertinent en ce qu'il se rapproche structurellement du dispositif breveté, et répond à l'un de ses objectifs qui est de ménager un espace entre la membrane et la cloison de doublage pour permettre le passage de câbles.

Par ailleurs, la cour fait sienne l'analyse des premiers juges qui ont noté que, dans l'avis technique 9/05-806, le pare-vapeur est accolé au matériau isolant et embroché sur l'accessoire d'entretoisement en même temps que celui-ci, sans que le problème de l'intégrité de la membrane soit évoqué comme remettant potentiellement en cause le dispositif d'isolation, ce qui est pourtant au coeur de l'invention, objet du brevet EP 303. En outre, l'homme du métier, cherchant à résoudre ce problème aurait été dissuadé d'envisager la consultation du brevet DORTA qui est silencieux quant à la pérennité de la membrane pare-vapeur et à son intégrité, mais aussi quant à la préservation d'un espace aisément accessible pour le passage des câblages.

Il n'aurait pas été davantage incité à consulter le brevet FIRESTONE qui envisage la pose uniquement d'une membrane comprimée entre des plaques pour assurer l'étanchéité d'une toiture et la résistance au vent, soit dans un cadre technique et à des fins différentes de celles décrites dans le brevet EP 303, sans être, au surplus, lié à la pose d'un isolant.

3°- la demande de brevet [Localité 5] n° FR 0303687 combinée avec l'antériorité DORTA ou l'antériorité FIRESTONE :

S'agissant du brevet [Localité 5] ISOVER n° FR 03 03687 publié sous le n° 2 852 989, pris comme étant l'art antérieur le plus proche, la société KNAUF retient qu'il enseigne un dispositif très similaire à celui du brevet EP 303, la différence principale étant que le dispositif enseigné ne comporte pas de membrane pare-vapeur. Or, la société KNAUF INSULATION soutient que l'homme du métier mettant en oeuvre le dispositif enseigné par cette demande de brevet aurait nécessairement utilisé une membrane pare-vapeur pour se conformer aux normes, de sorte qu'il n'y a pas d'activité inventive à ajouter une membrane pare-vapeur aux dispositifs de l'art antérieur. L'effet technique lié au positionnement de la membrane entre deux mâchoires selon le brevet EP303 étant de préserver l'intégrité de la membrane, la société KNAUF INSULATION considère que l'homme du métier partant du dispositif objet de la demande de brevet français serait facilement parvenu à l'invention revendiquée de la société du brevet [Localité 5] ISOVER.

La société SAINT GOBAIN ISOVER soutient que, partant de ce document, il n'était nullement évident pour l'homme du métier d'arriver à l'objet revendiqué dès lors qu'il manque au moins une membrane pare-vapeur, qu'il faut d'abord la rajouter puis encore faire une étape supplémentaire pour arriver à l'invention en résolvant le problème d'intégrité de la membrane et de réservation d'un volume technique.

Le document FR 0303687 concerne «un système de maintien et de réglage rapide de la distance à une paroi d'un profilé destiné à l'appui d'un parement» et a fait l'objet d'une publication le 1er octobre 2004. Il envisage l'interposition entre la paroi et le parement d'un isolant thermique et/ou acoustique, précisant que les systèmes de fixation connus n'autorisent pas un réglage de la distance de l'ossature destinée à recevoir le parement. Il y est remédié par un système comprenant une tige fixée sur la paroi et présentant une extrémité filetée, une platine et un cavalier apte à maintenir le profilé, caractérisé en ce que l'ensemble formé par la platine et le cavalier peut être adapté sur l'extrémité filetée par translation de manière à recouvrir la laine minérale et éventuellement jusqu'à atteindre approximativement la distance à la paroi désirée, et comprend un moyen de solidarisation du cavalier à la platine susceptible de produire un trou adapté au diamètre de l'extrémité filetée.

Le matériau isolant 20 est enserré entre le parement 20 et la paroi 19.

Cependant, dans la mesure où ce dispositif n'inclut nullement la présence d'une membrane pare-vapeur, au coeur de l'invention EP 303, et a pour objectif d'obtenir une ossature de fixation de parement permettant de régler aisément la distance séparant les deux parois enserrant l'isolant, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu qu'il ne fournit aucun enseignement susceptible, même en combinaison avec les documents DORTA et FIRESTONE déjà examinés, d'inciter l'homme du métier à concevoir le dispositif objet du brevet EP 303. Il y a seulement lieu d'ajouter que si, comme le soulève la société KNAUF, la pose d'une membrane pare-vapeur était recommandée par les normes françaises, il n'en demeure pas moins que rien n'incite l'homme du métier à venir embrocher cette membrane sur la tige puis à la placer précisément entre la platine et le cavalier afin qu'elle soit pincée à la périphérie de son ouverture d'embrochement, même en combinaison avec les documents DORTA et FIRESTONE.

En conséquence, la cour approuve les premiers juges qui ont retenu qu'aucune de ces antériorités, envisagée seule ou selon les combinaisons proposées par la société KNAUF, n'est susceptible de remettre en cause l'activité inventive de la revendication 1 et ont rejeté la demande d'annulation formulée en conséquence, le jugement entrepris étant confirmé de ce chef.

+ S'agissant des revendications dépendantes :

Les revendications 2 à 6 et 10 à 14 invoquées par la société SAINT GOBAIN ISOVER étant placées sous la dépendance de la revendication 1 nouvelle et impliquant une activité inventive doivent en conséquence être déclarées valides et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les faits de contrefaçon

La société [Localité 5] ISOVER soutient que la société KNAUF INSULATION a commis des actes de contrefaçon de son brevet s'agissant de la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'exportation et la détention à ces fins des suspentes (qui constituent l'un des éléments du dispositif de la revendication 1), des membranes correspondantes et de l'isolant fibreux à embrocher.

La société KNAUF INSULATION soutient que les produits RT MAX et RT PLUS argués de contrefaçon ne reproduisent aucune des revendications n° 1 à 6 et 10 à 14 du brevet [Localité 5] EP'303 et qu'aucune contrefaçon directe par fourniture de moyens n'a été commise.

Elle précise qu'elle a totalement cessé la vente des suspentes RT MAX et RT PLUS en décembre 2020 et qu'elle vend désormais des suspentes de nouvelle génération, reposant sur un nouveau système.

Recevabilité du rapport d'expertise non contradictoire produit par la société [Localité 5] ISOVER

La société KNAUF INSULATION soutient que l'analyse tomographique
5: Procédé d'imagerie permettant d'obtenir des vues selon des plans de coupes déterminés.

réalisée à la demande de la société [Localité 5] ISOVER par le laboratoire Mateis de l'INSA sur les suspentes RT MAX et RT PLUS est irrecevable au motif qu'il s'agit d'un rapport non-contradictoire, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.

La société [Localité 5] ISOVER répond que les décisions citées ne permettent pas de déclarer l'appelante irrecevable à produire cette analyse tomographique. Elle expose que, tant que le juge est en mesure de prendre sa décision en se fondant non exclusivement sur un rapport d'expertise non contradictoire mais sur d'autres éléments de preuve, ce qui est le cas en l'espèce, cette expertise peut être prise en compte à titre de preuve.

Sur ce, la cour constate d'abord que si, dans le corps de ses écritures, la société KNAUF soulève l'irrecevabilité du rapport d'expertise non contradictoire produit par la société SAINT GOBAIN ISOVER, elle ne formule pas une telle prétention dans son dispositif, qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.

En outre, contrairement à ce que soutient la société KNAUF, un rapport non contradictoire ne peut, par principe, être déclaré irrecevable ou écarté des débats, sauf s'il constitue le seul élément de preuve produit pour asseoir une demande. Or, en l'espèce, ce rapport a été régulièrement versé au débat, soumis à une discussion contradictoire, et est invoqué par la société SAINT GOBAIN ISOVER en combinaison avec d'autres éléments de preuve, et notamment les nombreux constats versés aux débats. Cet élément ne peut donc être déclaré inopposable sur ce seul principe, sauf à examiner sa force probante dans le cadre de l'examen des faits argués de contrefaçon.

Sur les faits de contrefaçon par le produit RT MAX

Contrefaçon par reproduction

La société [Localité 5] ISOVER soutient que le système RT MAX reproduit la revendication 1 du brevet EP 303. En complément des procès-verbaux de constat des opérations de saisie-contrefaçon, l'appelante se fonde sur des rapports tomographiques qui démontrent, selon elle, l'existence d'un pincement (axial) entre la butée (première mâchoire) et la tête de verrouillage (deuxième mâchoire). Elle ajoute que la revendication 1 n'est pas limitée à un nombre de pièces particulier pour la réalisation des mâchoires autour de la tige, de sorte que le fait que le produit contrefaisant soit constitué de deux pièces ne permet pas d'écarter la contrefaçon, les deux mâchoires étant reproduites et ne constituant pas, au demeurant, une caractéristique essentielle du brevet EP 303.

La société KNAUF INSULATION conteste les faits de contrefaçon expliquant que la suspente RT MAX ne met pas en oeuvre la partie caractérisante de la revendication n° 1 en particulier les caractéristiques g, h, j et k. Plus précisément, elle constate que la suspente RT MAX ne comporte pas deux mâchoires pour pincer la membrane mais une seule tête de verrouillage qui pourrait être qualifiée de mâchoire et que la butée ou collerette est faite d'une seule pièce avec la tige. De plus, selon elle, dans le dispositif argué de contrefaçon, la membrane n'est pas pincée axialement entre deux mâchoires en périphérie de l'ouverture d'embrochement mais radialement entre la tête de verrouillage et la tige. Enfin, l'intimée fait valoir que la zone de pincement est située entre l'intérieur de la tête de verrouillage et la tige, c'est-à-dire au niveau de l'ouverture d'embrochement et non à sa périphérie.

Sur ce, la cour rappelle qu'en vertu de l'article 69 de la CBE, l'étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée par les revendications, étant toutefois précisé que la description et les dessins servent à interpréter les revendications. En outre, en vertu du protocole interprétatif, ce texte ne doit pas être interprété comme signifiant que l'étendue de la protection ainsi conférée est déterminée au sens étroit et littéral du texte des revendications et que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambiguïtés que pourraient recéler les revendications, ni comme réservant à celles-ci le rôle de lignes directrices mais doit être interprété comme définissant une position qui assure à la fois une protection équitable au titulaire du brevet et un degré de certitude raisonnable aux tiers. Enfin, en vertu de l'article 2 de ce protocole, pour la détermination de l'étendue de la protection conférée par le brevet, il est dûment tenu compte de tout élément équivalent à un élément indiqué dans les revendications.

De plus, la contrefaçon s'apprécie par rapport aux ressemblances et est constituée lorsque les moyens essentiels, constitutifs de l'invention revendiquée, se retrouvent dans le produit incriminé.

Sur ce, la cour approuve les premiers juges qui ont rappelé que l'appréciation de la contrefaçon du brevet EP 303 ne doit s'opérer ni par référence au produit INTEGRA effectivement commercialisé par la société SAINT GOBAIN ISOVER, ni sur la base des brevets déposés par la société KNAUF aux motifs qu'ils seraient mis en oeuvre par les dispositifs RT MAX et RT PLUS et dont la validité n'est pas en débat dans le cadre de la présente instance.

Pour rappel, les caractéristiques de la revendication 1 peuvent être découpées comme suit :

«a. Dispositif de doublage d'une paroi (1, 2), comportant

b. au moins un accessoire d'entretoisement (10, 11)

c. comportant une tige (12),

d. dont une extrémité est pourvue de moyens (13-15, 18) de sa fixation à un élément de structure de la paroi à doubler (1, 2)

e. et dont l'autre extrémité est pourvue de moyens de son assemblage avec une cloison de doublage (30),

f. une membrane (32), pare-vapeur ou freine-vapeur à embrocher sur les tiges (12) des accessoires d'entretoisement (10, 11),

f'. au moins une couche de matériau isolant fibreux embrochée sur la tige

caractérisé en ce que

g. l'un au moins des accessoires d'entretoisement (10, 11) comporte deux mâchoires (19, 34)

h. entourant la tige (12)

i. et des moyens de verrouillage avec serrage axial (21, 25, 35) de ces deux mâchoires l'une contre l'autre,

j. ces deux mâchoires (19, 34) pinçant entre elles, après verrouillage, la membrane (32)

k. à la périphérie de son ouverture d'embrochement.»

Figure 3 du brevet EP 303 illustrant l'accessoire non assemblé, extraite des conclusions de la société KNAUF et non critiquée par l'appelante:

Le dispositif «RT MAX», commercialisé en France entre 2015 et 2020 par la société KNAUF INSULATION, est une suspente permettant de maintenir la garniture d'isolation contre un mur ou un toit devant être isolé. Ce produit comporte deux pièces :

- une tige pouvant être fixée sur la paroi à doubler ;

- une tête de verrouillage.

Photo du dispositif extraites des conclusions de la société KNAUF :

La reproduction des caractéristiques du préambule de la revendication 1 par le produit RT MAX n'est pas contestée par la société KNAUF.

S'agissant de la première caractéristique g) de la partie caractérisante « l'un au moins des accessoires d'entretoisement (10, 11) comporte deux mâchoires (19, 34) », la cour retient, comme les premiers juges, que tant la lettre des revendications que les dessins du brevet - et notamment la figure 3 - qui comme il est dit plus haut servent à les interpréter, font apparaître la présence de deux accessoires outre la tige (12), lesquels forment ensemble deux mâchoires. Les figures 2 et 3 représentent respectivement le dispositif à l'état monté et non assemblé, mais dans les deux cas la configuration de l'extrémité de la tige recevant les deux mâchoires est la même et montre que le premier élément (34) est amovible.

Ainsi, comme le tribunal l'a justement souligné, après le juge des référés, le fait que le produit «RT MAX» de la société KNAUF soit constitué seulement de deux éléments, à savoir une tige et une seule tête de verrouillage, et non de trois, exclut la contrefaçon littérale de la revendication 1 du brevet, dont il a été vu qu'il devait être interprété comme protégeant un accessoire d'entretoisement composé de trois pièces, soit une tige et deux mâchoires.

La cour considère, au contraire de la thèse soutenue en appel par la société SAINT GOBAIN ISOVER, que le nombre de pièces de son invention et, en particulier la présence de deux mâchoires amovibles, est une caractéristique essentielle de la solution revendiquée puisque relevant de la partie caractérisante de la revendication 1 du brevet EP 303 le distinguant de l'art antérieur et que le pincement de la membrane par ces deux mâchoires est un moyen essentiel enseigné pour atteindre un des objectifs revendiqués, à savoir assurer l'intégrité et l'étanchéité de cette membrane à la périphérie de son ouverture d'embrochement.

Contrefaçon par équivalence

Subsidiairement, la société [Localité 5] ISOVER soutient qu'il y aurait reproduction par équivalence de la revendication 1 par le système RT MAX. Ainsi, selon elle, dans l'hypothèse où la mâchoire serait interprétée de manière limitative comme étant structurellement distincte de la tige, la butée présente sur la tige du produit RT MAX, soit un moyen de forme différente ayant pour fonction nouvelle de «Pincer, à l'extrémité de la tige sur laquelle elle est embrochée, la membrane pare-vapeur, freine-vapeur», en vue d'obtenir le résultat de «préservation de l'intégrité de la membrane pare vapeur, freine-vapeur pour limiter ou supprimer la circulation d'air ou de vapeur au travers de l'ouverture d'embrochement» obtenu avec le système RT MAX, reproduit la caractéristique g) du brevet EP 303 selon la doctrine des équivalents.

La société KNAUF INSULATION conteste la contrefaçon par équivalence car, selon elle, le pincement de la membrane entre la tête de verrouillage et la tige n'est pas équivalent au pincement de la membrane entre deux mâchoires indépendantes de la tige. Elle ajoute que la fonction ainsi revendiquée par le brevet de la société SAINT GOBAIN ISOVER n'est pas nouvelle.

En droit, même si les caractéristiques revendiquées ne sont pas strictement reproduites, la contrefaçon par équivalence est caractérisée, à partir du moment où, bien que les moyens du produit contrefaisant soient de forme différente par rapport à ceux décrits par l'invention, ils exercent la même fonction, c'est-à-dire le même effet technique, et procurent ainsi un résultat semblable à celui décrit par l'invention. La contrefaçon par équivalence de moyens suppose cependant que le moyen breveté n'exerce pas une fonction connue.

Ainsi la contrefaçon par équivalence n'est pas constituée si les moyens du produit argué de contrefaçon sont de forme différente par rapport à ceux revendiqués et que la fonction exercée par ces moyens, identique à celle exercée par les moyens de l'invention revendiquée, est connue dans l'art antérieur.

En l'espèce, il convient de rappeler que les caractéristiques du brevet EP 303 décrivent i) «des moyens de verrouillage avec serrage axial (21, 25, 35) de ces deux mâchoires l'une contre l'autre,», j) «ces deux mâchoires (19, 34) pinçant entre elles, après verrouillage, la membrane (32)» et k) «à la périphérie de son ouverture d'embrochement.» Les dessins décrivant le brevet sur ce point, illustrent clairement deux mâchoires amovibles, de même largeur, placées face contre face venant pincer la membrane pare-vapeur entre elles après que cette membrane ait été percée et embrochée sur la tige, à la périphérie de cette ouverture, ce pincement sur toute la largeur des deux mâchoires constituant, comme déjà vu, un oeillet de protection et de limitation de cette ouverture, les deux mâchoires assurant dans le même temps un maintien mécanique de la membrane. ([17] de la partie descriptive).

Or, comme souligné par les premiers juges, dans le dispositif «RT MAX», le faible diamètre de la butée, dont on peut considérer qu'elle entoure la tige ( comme l'enseigne la caractéristique h)) même si elle fait corps en réalité avec celle-ci, comparé à celui de la tête de verrouillage ne permet pas de constater et d'établir que la membrane se trouve pincée entre ces deux éléments à la périphérie de son ouverture d'embrochement, comme le revendique le brevet. En effet, dans «RT MAX», le pincement s'effectue à l'intérieur même de la tête de verrouillage, entre la paroi intérieure revêtue d'un matériau plus souple faisant office de joint, et la tige, au niveau même de l'ouverture d'embrochement.

Pour contester ce point, la société SAINT GOBAIN ISOVER avait déjà produit devant le tribunal des analyses tomographiques réalisées par ses salariés, dont le tribunal avait estimé qu'elle n'étaient pas suffisamment probantes. En cause, d'appel, elle produit un nouveau rapport tomographique réalisé par un laboratoire extérieur.

Cependant, la cour constate que les photographies issues des tomographies ainsi réalisées non contradictoirement sur les produits de la société KNAUF ont été cadrées de façon à n'illustrer qu'une petite partie du pincement de la membrane entre le sommet du joint de la tête de verrouillage et la butée de la tige (sur une hauteur de 2 mm) et ne permettent donc pas à la cour d'apprécier, de manière globale, le placement et la compression de cette membrane entre la butée et la tête de verrouillage, tel qu'il est pourtant illustré clairement par la société KNAUF dans les figures 88 et 89 de ses écritures. Ainsi, si le résultat illustré sur ces figures peut être amené à varier en fonction du type de membrane utilisé et de son élasticité, il n'en demeure pas moins que la membrane après son percement est collée à la paroi de la tige avant même le montage de la tête de verrouillage, qui est revêtue, comme déjà vu, dans sa partie intérieure d'un composant plus souple qui contribue, avec le joint venant contre la butée, à assurer l'étanchéité autour de la tige.

Puis, comme il a été vu dans l'examen de la portée du brevet, la périphérie décrite à la caractéristique k) s'entend comme la zone de contact circonscrivant le percement de la membrane à une distance suffisante pour constituer un pincement stable de la membrane (soit un oeillet de protection, comme vu au paragraphe 17 de la description). Or, comme l'ont analysé pertinemment les premiers juges, la butée ou collerette du produit KNAUF ne produit absolument pas le même effet technique que la seconde mâchoire décrite dans le brevet de la société SAINT GOBAIN ISOVER, à savoir celui de comprimer la membrane entre les deux mâchoires pour limiter la zone possible d'altération ou de déchirure et de garantir ainsi son étanchéité, ce dernier résultat étant obtenu, dans la suspente RT MAX, par l'emprisonnement de la membrane lors de son percement le long de la tige et par la présence de deux joints placés sur la surface de la tête de verrouillage au contact de la membrane, le plus petit joint périphérique étant d'un diamètre légèrement inférieur à celui de la butée.

Ainsi, si la butée contribue au maintien et à la stabilité de la membrane et en partie à son étanchéité, il n'est pas établi qu'elle assure la fonction décrite dans le brevet qui est, non seulement, de comprimer la zone périphérique du percement pour empêcher tout passage d'air mais également de limiter la surface de propagation des déchirures.

C'est en conséquence à juste titre que le tribunal en a déduit que la contrefaçon par équivalence de la revendication 1 du brevet EP 303 n'était pas établie.

Les autres revendications invoquées étant dépendantes de la revendication 1, elles ne sont pas non plus reproduites.

Sur le produit RT PLUS

La société [Localité 5] ISOVER soutient que le système RT PLUS reproduit la revendication 1 du brevet EP 303 puisque selon l'interprétation de la caractéristique de membrane, le manchon du système RT PLUS fait partie de la membrane, de sorte que le pincement du manchon RT PLUS reproduit la caractéristique revendiquée. Elle fait valoir que la caractéristique de l'unicité de la membrane n'est pas essentielle, qu'elle ne constitue en tout état de cause qu'une différence secondaire vis-à-vis du système RT PLUS et que l'usage du manchon n'est pas de nature à écarter la reproduction de la caractéristique g) de la revendication 1.

Subsidiairement, l'appelante soutient l'existence de faits de contrefaçon par équivalence. Ainsi, selon elle, même dans l'hypothèse où la membrane serait interprétée de manière limitative comme étant une unique pièce, ce moyen de forme différente, consistant en une membrane pincée, a pour fonction nouvelle la formation d'un 'illet de protection et de limitation de l'ouverture d'embrochement de la membrane pare-vapeur, freine-vapeur sur la tige, en vue d'obtenir le même résultat de la limitation, voire la suppression, de la circulation d'air ou de vapeur au travers de l'ouverture d'embrochement de la membrane.

La société KNAUF INSULATION soutient que le produit RT PLUS ne met pas en oeuvre les revendications n° 1 à 6 et 10 à 14 du brevet EP 303 et conteste tant les faits de contrefaçon littérale en l'absence de reproductions des revendications caractérisantes, que par équivalence, comme pour la suspente RT MAX, outre que le produit RT PLUS comprend des caractéristiques qui la singularisent encore plus du brevet revendiqué, et notamment le pare-vapeur intégré à l'isolant, placé derrière la collerette, seul le manchon, qui ne peut être assimilé à la membrane pare-vapeur du brevet, se trouvant entre la tige et la tête de verrouillage et relève d'une autre technique que celle enseignée par le brevet. Elle ajoute que la fonction revendiquée dans le brevet n'est pas nouvelle.

Contrefaçon par reproduction

Sur ce, la cour constate que le système RT PLUS met en 'uvre une garniture isolante avec pare- vapeur intégré à la garniture d'isolation, qui lorsqu'elle est embrochée, est positionnée derrière la butée de la tige, en ce donc compris la membrane pare-vapeur intégrée, qui n'est donc pas placée entre la butée et la tête de verrouillage, ce résultat étant obtenu par l'ajout d'un embout de perforation amovible fixé sur l'extrémité de la tige pour procéder à cette opération.

Puis, une pièce adhésive pré-percée ou manchon est ensuite appliquée autour de la tige et ensuite collée sur la surface du pare-vapeur autour de l'ouverture pratiquée mais placée devant la collerette ou butée, le diamètre de l'ouverture au centre du manchon étant inférieur à celui de la tige qu'il enserre ainsi élastiquement pour assurer l'étanchéité de l'ensemble, la tête de verrouillage étant ensuite fixée sur la tige.

Ainsi, cette suspente RT PLUS, commercialisée par KNAUF INSULATION entre 2016 et 2020, est de conception, à la base, similaire à celle de la suspente RT Max avec les deux pièces structurelles composées de la tige avec une butée et de la tête de verrouillage mais se distingue par l'absence de harpon sur la tige, par un mode d'utilisation différent puisque mettant en oeuvre une garniture isolante avec pare-vapeur intégré et comprenant un manchon autocollant à poser autour de la tige, de sorte que lorsque la couche de matériau isolant est embrochée, elle est positionnée derrière la butée de la tige et le manchon devant celle-ci.

La société KNAUF ne conteste pas que le produit RT PLUS reproduit les caractéristiques du préambule de la revendication.

Cependant, comme il a été vu pour le système RT MAX, la suspente RT PLUS ne comporte que deux éléments structurels soit une tige comportant une butée ou collerette et une tête de verrouillage: il n'y a donc pas de contrefaçon littérale, la caractéristique g) du brevet, dont il a déjà été jugée qu'elle était essentielle, n'étant pas reproduite.

Contrefaçon par équivalence

La cour constate que dans la mesure où, dans le produit RT MAX, la membrane pare-vapeur est accolée et intégrée à l'isolant et qu'elle fait corps avec lui, elle ne se trouve donc pas pincée entre la butée de la tige et la tête de verrouillage mais bien placée derrière la butée. C'est en conséquence une autre pièce, le manchon, qui ne peut être assimilé à la membrane pare-vapeur du brevet EP 303, qui est placée devant la butée, au contact de celle-ci et de la surface de la tête de verrouillage. Ainsi comme l'a justement retenu le tribunal, la question de l'étanchéité de la membrane pare-vapeur est résolue différemment dans ce système par l'ajout de cette pièce adhésive ou manchon qui évite à la fois le passage de l'air au niveau de l'orifice de perçage ou d'embrochement et qui renforce la membrane autour de cette zone de percement, la cour considérant que l'ajout de ce manchon ne constitue pas une différence secondaire par rapport aux enseignements du brevet, qui ne font tous état que de l'emploi d'une membrane pare-vapeur, indépendante de la couche d'isolant pour remplir les fonctions visées, illustrés clairement par les dessins 2 et 3.

En outre, à supposer, pour suivre le raisonnement de la société SAINT GOBAIN ISOVER, que le manchon soit assimilable à la membrane pare-vapeur de son brevet, le même constat doit être formulé que pour l'examen de la contrefaçon par équivalence du produit RT MAX, s'agissant de la fonction singulière de la butée dans ce dispositif.

Les autres revendications invoquées étant dépendantes de la revendication 1 ne sont pas non plus reproduites.

Sur la contrefaçon par fourniture de moyens par la société KNAUF

La société [Localité 5] ISOVER soutient que la livraison et l'offre de livraison en France des suspentes (qui constituent l'un des éléments du dispositif de la revendication 1), des membranes et des isolants, même seules, sont des actes de contrefaçon par fourniture de moyens au sens de l'article L.613-4 du code pour les revendications 1 à 6, 10 à 14.

La société KNAUF INSULATION conteste la contrefaçon par fourniture de moyens, ces suspentes RT MAX et RT PLUS arguées de contrefaçon ne constituant notamment pas, selon elle, l'ensemble du dispositif revendiqué mais une partie seulement et n'étant pas vendues avec des membranes et des matelas d'isolant mais isolément.

Selon l'article L. 613-4 du code de la propriété intellectuelle, « 1. Est également interdite, à défaut de consentement du propriétaire du brevet, la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire français, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en 'uvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en 'uvre.

2. Les dispositions du 1 ne sont pas applicables lorsque les moyens de mise en 'uvre sont des produits qui se trouvent couramment dans le commerce, sauf si le tiers incite la personne à qui il livre à commettre des actes interdits par l'article L. 613-3.

3. Ne sont pas considérées comme personnes habilitées à exploiter l'invention, au sens du 1, celles qui accomplissent les actes visés aux a, b et c de l'article L. 613-5. »

Et aux termes de l'article L.613-3 du code de la propriété intellectuelle, 'Sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet :

a) la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet;

b)l'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ;

c) l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet'.

La cour rappelle que le caractère spécial et dérogatoire de cette disposition, qui étend la protection conférée par le brevet au-delà des revendications, impose une interprétation stricte de chacune des conditions d'application de cet article. À cet égard, le moyen doit se rapporter à un élément essentiel du brevet, soit un élément constitutif de l'invention et qui participe à son résultat, dès lors qu'il est apte et destiné à la mise en 'uvre de l'invention brevetée.

Sur ce, dans la mesure où il a été jugé que les systèmes RT PLUS et RT MAX ne constituaient pas une contrefaçon du brevet EP 303, ils ne peuvent être considérés comme des moyens de mise en oeuvre en France d'un élément essentiel de celui-ci, ni davantage les pare-vapeur et couches isolantes également proposés à la vente qui constituent des produits qui se trouvent couramment dans le commerce, la société KNAUF n'incitant pas ses clients à commettre des actes interdits au sens des articles L.613-3 et L.613-4 du code de la propriété intellectuelle.

En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a débouté la société SAINT GOBAIN ISOVER de ses demandes fondées au titre de la contrefaçon littérale, par équivalence et par fourniture de moyens des revendications invoquées, sauf pour la cour à rectifier les numéros des revendications en cause, soit 1 à 6 et 10 à 14, suite à la procédure intervenue devant l'OEB.

Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive:

La société KNAUF INSULATION soutient que l'action engagée par la société [Localité 5] ISOVER à son encontre est abusive, dénonçant les procès faits à son encontre, outre que la présente action a été engagée en connaissance de la faiblesse de son brevet. Enfin, elle fait valoir que la société [Localité 5] ISOVER a déposé deux demandes de brevet divisionnaires portant sur la même invention que celle objet de son brevet européen n°2 238 303 afin de l'empêcher de vendre des produits concurrents, dénonçant une pratique abusive et constitutive de concurrence déloyale.

Cependant, la cour rappelle que l'accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n'est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d'agir en justice ou d'exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Or, la société KNAUF ne démontre pas la faute commise par la société SAINT GOBAIN ISOVER qui aurait fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, l'intéressée ayant pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits. À cet égard, il doit être relevé, comme les premiers juges, que la validité de son titre a été confirmée et que le fait de solliciter dans le cadre d'une procédure contradictoire la communication de documents pouvant même constituer des secrets d'affaires ne constitue que l'usage d'une voie de droit, et ce alors qu'il n'a pas été fait droit à cette demande en l'espèce.

Au surplus, la stratégie de l'appelante quant à sa prétendue politique de multiplication de dépôt de brevets est étrangère à la présente instance et il doit être fait le constat que la société SAINT GOBAIN ISOVER a expressément renoncé en cause d'appel à ses demandes formulées au titre de la concurrence déloyale. La société KNAUF ne justifie pas en outre de l'existence d'un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l'allocation d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

C'est en conséquence à juste titre que le tribunal a débouté la société KNAUF de ses demandes au titre de la procédure abusive, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

La société SAINT GOBAIN ISOVER, succombant, sera condamnée aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Maître BOUVET conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner la société SAINT GOBAIN ISOVER à verser à la société KNAUF, une somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 21 mars 2019,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf pour la cour à corriger, suite à la procédure devant l'OEB, les numéros des revendications en cause, soit les revendications 1 à 6 et 10 à 14;

Y ajoutant,

Condamne la société SAINT GOBAIN ISOVER aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés par Maître Thomas BOUVET conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société SAINT GOBAIN ISOVER à verser à la société KNAUF une somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 20/10389
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;20.10389 ?
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