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08/02/2023 | FRANCE | N°17/14442

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 08 février 2023, 17/14442


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 2



ARRET DU 08 FEVRIER 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14442 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZB4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 15/07745





APPELANT



SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES [Adresse 1] représenté par son syndic, la société DEFI CONSEIL IM

MOBILIER, SAS immatriculée au RCS PARIS sous le numéro 810 310 748

C/O Société DEFI CONSEIL IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Me Leopold LEMIALE, avocat au barreau...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRET DU 08 FEVRIER 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/14442 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3ZB4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Mai 2017 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 15/07745

APPELANT

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES [Adresse 1] représenté par son syndic, la société DEFI CONSEIL IMMOBILIER, SAS immatriculée au RCS PARIS sous le numéro 810 310 748

C/O Société DEFI CONSEIL IMMOBILIER

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Leopold LEMIALE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0655

INTIMEE

SCI GRAND GARAGE DE TOCQUEVILLE

immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 572 216 257

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Isabelle GABRIEL de la SELARL G 2 & H, avocat au barreau de PARIS, toque : U0004

Ayant pour avocat plaidant : Me Stéphanie PERACCA, SELARL G 2 & H, avocat au barreau de PARIS, toque : U0004

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant la Cour composée de : Mme Muriel PAGE, Conseillère, et de Mme Nathalie BRET, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel PAGE, Conseillère

Mme Nathalie BRET, Conseillère

Mme Sophie MACE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Muriel PAGE, Conseillère, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.

* * * * * * * * * *

FAITS & PROCÉDURE

Par acte authentique reçu par Maître [G] et Maître [V], notaires à [Localité 4], les 21 et 22 juillet 1926, MM [E] et [Y] ont acquis un immeuble situé [Adresse 1] d'une superficie de 820 m² d'après les titres et de 756 m² d'après mesurage, et ce, à concurrence de moitié chacun.

Ils ont fait édifier dans le fond de la propriété, une construction à usage de garage, terrasse avec constructions à usage d'habitation et partie de cour couverte. Ils ont également entrepris la construction d'une maison à usage de location en façade sur la [Adresse 1] cour couverte entre le garage et la maison d'habitation comportant plusieurs étages.

Souhaitant vendre cet immeuble par parties, MM [E] et [Y] ont requis Maître [B], notaire, afin de dresser un cahier des charges à 1'effet de régir les ventes et de servir de règlement de copropriété à titre de loi commune pour tous les futurs copropriétaires de la partie de l'immeuble en façade sur rue alors en cours d'édification, ce qui a été fait par acte du 28 juin 1928.

Le 25 juillet 1928, MM [E] et [Y] ont consenti un bail avec promesse de vente à la société Ancien Etablissement Belser et compagnie dénommé 'Grand Garage Tocqueville' portant sur les biens suivants et dépendant de la propriété leur appartenant :

- un garage pour voiture, composé d'un rez-de-chaussée et de deux étages auxquels on accède par une rampe couverte,

- terrasse avec construction à usage d'habitation au dessus et à laquelle on accède par un escalier partant du sol du 2ème étage,

- partie de cour couverte,

- partie sous immeuble avec entrée de voitures pour le rez-de-chaussée, départ de la rampe d'accès aux étages, boutique, bureau débarras et deux wc.

Suite au décès de M. [Y], au partage des biens indivis et à l'attribution en toute propriété à M. [E] desdits biens, celui-ci a réalisé la promesse de vente au profit de la société Ancien Etablissement Belser et compagnie dénommée 'Grand Garage Tocqueville', et ce, par acte du 16 novembre 1943 retranscrit le 10 décembre 1943.

Aux termes de cet acte, il est mentionné que la société Ancien Etablissement Belser et compagnie dénommé 'Grand Garage Tocqueville acquiert :

- dans le fond de la propriété

1°- immeuble à usage de garage élevé sur sous-sol composé d'un rez-de-chaussée et de deux étages,

- terrasse avec constructions avec usage d'habitation,

2° partie de cour couverte,

le tout d'une superficie de 527,80 m² environ et non soumis au règlement de copropriété.

3° autre partie dépendant de l'immeuble sur la rue sise à gauche de la porte d'entrée soumise au règlement de copropriété et comprenant : entrée du garage et de la rampe d'accès, boutique donnant sur l'entrée et sur la rue, bureau, débarras,

4° et les 67/1.000èmes des parties communes de l'immeub1e afférents à la partie du garage soumise au règlement de copropriété (lot n°2 dans l'état descriptif de division du 1er décembre 1959).

Un plan établi par un géomètre le 26 octobre 1943 a été annexé à l'acte de vente.

En application de l'article 50-1 du décret du 4 janvier 1955, l'acquéreur et copropriétaire d'un appartement situé dans l'immeuble sur façade a requis Maître [B], notaire, afin que soit établi l'état descriptif de division et le numérotage des lots de l'immeuble, document qui a été retranscrit à la conservation des hypothèques le 15 janvier 1960.

Par acte du 5 décembre 1972, la société civile immobilière (SCI) Grand Garage de Tocqueville a acquis le lot de copropriété n°1 situé au rez-de-chaussée et constitué d'une boutique et d'une cave.

Le 9 février 2011, une promesse de vente a été établie entre la SCI Grand Garage de Tocqueville et la société Concorde Immobilier Investissement portant sur :

- les lots 1 et 2 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] (17°) cadastré section [Cadastre 5], situés dans le bâtiment A et constituant respectivement une boutique et une grande cave (lot 1) et une entrée de garage, boutique, bureau et débarras (lot 2),

- une construction à destination de garage pour voiture composée d'un sous-sol pour 2 caves, d'un rez-de-chaussée, de 3 étages et d'un 4° étage à usage d'habitation avec terrasse, cour couverte.

L'acte précise : 'le bâtiment ci-dessus fait partie d'un ensemble de deux immeubles séparés par une cour, et le tout est cadastré en une seule référence comme il est dit ci-dessus : [Cadastre 5] «[Adresse 1]'' pour 759 m². Néanmoins, aux termes de l'acte du 28 juin 1928, il est précisé que le bâtiment sur cour portait la lettre A et le bâtiment sur rue, la lettre B'.

Il est encore précisé que 'la parcelle sur laquelle est édifié cet immeuble ne comporte pas à ce jour de références cadastrales distinctes'.

La SCI Grand Garage Tocqueville s'est engagée à faire établir une division parcellaire et a fait appel à un expert géomètre, M. [K].

Le projet de division de la parcelle [Cadastre 5] a été soumis au vote de l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] qui s'y est opposé le 23 mai 2012.

Par acte du 6 février 2012, la société civile immobilière Grand Garage Tocqueville a assigné le syndicat des copropriétaires devant le juge des référés, pour voir autoriser la division de la parcelle ou obtenir la désignation d'un expert chargé de définir les conditions de la division parcellaire.

Par ordonnance du 6 avril 2012, le juge des référés a dit n'avoir lieu à référé, en relevant 1'existence d une contestation sérieuse.

Par acte d'huissier du 15 mai 2015, la société civile immobilière Grand Garage de Tocqueville a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] aux fins d'obtenir, à titre principal, la division de la parcelle cadastre [Cadastre 5] en deux parcelles cadastrales distinctes, conformément à l'acte du 28 juin 1928 et au plan de géomètre proposé par M. [K].

Le syndicat des copropriétaires s'est opposé à cette demande en faisant valoir, à titre principal, qu'il était propriétaire de la totalité du sol de la parcelle, de sorte que le statut de la copropriété s'appliquait de plein droit au groupe d'immeuble.

Par jugement du 30 mai 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

- ordonné la division de la parcelle cadastrale [Cadastre 5] en deux parcelles cadastrales distinctes conformément à l'acte du 28 juin 1928 et au plan de géomètre proposé par M. [K] en annexe de son rapport en date du 16 novembre 201 1(pièce SCI n°7),

- dit que la publication du jugement au service de la publicité foncière de [Localité 4] vaudra division parcellaire,

- débouté la SCI Grand Garage de Tocqueville de sa demande tendant à voir dire que le jugement vaut vente,

- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeub1e sis [Adresse 1] représenté par son syndic de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- condamné le syndicat des copropriétaires du bâtiment sur [Adresse 1] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer la SCI Grand Garage de Tocqueville la somme de 2.500 € par application de l'article 700 du même code,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1] a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 18 juillet 2017.

Par ordonnance d'incident du 7 avril 2021 le conseiller de la mise en état a débouté le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de sa demande d'expertise.

La procédure devant la cour a été clôturée le 19 octobre 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 18 octobre 2022 par lesquelles le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], appelant, invite la cour à :

- infirmer le jugement,

- débouter la SCI Grand Garage de Tocqueville de l'ensemble de ses demandes fin et conclusions,

- constater que le terrain sis [Adresse 1] cadastré Section [Cadastre 5], [Adresse 1] pour 759 m² constitue une seule et même unité foncière et que les deux immeubles qui y sont bâtis, sont de ce fait de plein droit soumis aux dispositions de la loi du 10 juillet 1965,

- subsidiairement, dire que l'immeuble sis [Adresse 1] constitue à tout le moins un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété à défaut de convention contraire créant une organisation différente,

- dire n'y avoir lieu à division parcellaire en dehors du mécanisme de la scission visée à l'article 28 de la loi du 10 juillet 1965,

- débouter la SCI Grand Garage de Tocqueville de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- condamner la SCI Grand Garage de Tocqueville à lui payer la somme de 8.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 14 octobre 2022 par lesquelles la société civile immobilière Grand Garage de Tocqueville, intimée, demande à la cour de :

à titre principal,

-débouter le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de son appel,

- confirmer le jugement,

y ajoutant,

- condamner le syndicat des copropriétaires du bâtiment sur [Adresse 1], représenté par son syndic la société Defi Conseil Immobilier, à lui payer la somme de 12.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire et si par extraordinaire la cour ne confirmait pas le jugement,

- juger qu'elle est propriétaire indépendante depuis 1943 et, à tout le moins depuis 1959, soit depuis plus de 30 ans, du grand garage proprement dit, à l'exclusion des lots 1 et 2 de la copropriété du bâtiment sur [Adresse 1],

- juger que par prescription acquisitive (article 2272 du code civil,) elle est propriétaire en pleine propriété du bâtiment arrière Grand Garage de Tocqueville, de la partie couverte de la cour et de l'accès ainsi que du sol,

- ordonner la division de la parcelle cadastrale [Cadastre 5] en deux parcelles cadastrales distinctes conformément à l'acte du 28 juin 1928 et au plan de géomètre proposé par M. [K] en annexe de son rapport (pièce n°7),

- dire que la publication du présent arrêt à la Conservation des Hypothèques vaudra division parcellaire et acte de vente,

à titre infiniment subsidiaire, si par impossible le tribunal considérait que l'acte du 28 juin

1928 ne valait pas division de la propriété pour constitution de deux propriétés indépendantes et que le sol était resté en propriété indivise entre d'une part le syndicat des copropriétaires du bâtiment sur rue et d'autre part la SCI Grand garage de Tocqueville,

- juger que les droits du syndicat des copropriétaires du bâtiment sur [Adresse 1] sont exclusivement limités à la propriété du sol situé sous son bâtiment,

- juger que le principe de la scission du sol est acquis par suite de l'acte du 28 juin 1928.

- juger que ses droits, en ce qui concerne le grand garage arrière, porte sur la totalité de l'emprise foncière située sous son bâtiment arrière et la cour,

- ordonner la scission du sol par application des articles 815 et suivants du code civil et, à titre très subsidiaire, 28 de la loi du 10 juillet 1965,

- par application des articles 815 et suivants du code civil, procéder à la licitation partage du terrain sur la base du plan du géomètre, M. [K], annexé à son rapport (pièce n°7),

- attribuer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] le sol de la parcelle cadastrale en sa partie qui est située sous son bâtiment et ses accessoires conformément au plan établi par M. [K], géomètre-expert,

- lui attribuer le sol situé sous le grand garage de Tocqueville partie arrière, la cour couverte et la rampe d'accès conformément à la proposition de M. [K], géomètre-expert,

- dire que la publication du jugement vaudra acte de licitation partage et ordonner qu'il soit établi à la suite une division parcellaire et régularisé l'acte de vente du Grand Garage de Tocqueville,

en tout état de cause,

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 1] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 12.000 € par application de l'article 700 du même code ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Les moyens soutenus par l'appelant ne font que réitérer sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;

Il convient seulement de souligner et d'ajouter les points suivants :

Sur la demande principale de la SCI Grand garage de Tocqueville de division de la parcelle cadastrale section [Cadastre 5]

La SCI Grand garage de Tocqueville sollicite que soit ordonnée la division de la parcelle cadastrale section [Cadastre 5] en deux parcelles cadastrales distinctes, conformément à l'acte du 28 juin 1928 et au plan de géomètre proposé par M.de [F] en annexe de son rapport ;

Elle invoque l'existence de deux propriétés distinctes entre le Grand Garage de Tocqueville d'une part et le syndicat des copropriétaires du bâtiment sur [Adresse 1] d'autre part ;

Elle fonde son argumentation sur les différents actes qu'elle produit, en particulier, sur l'acte du 28 juin 1928 aux termes duquel MM [E] et [Y] ont décidé de séparer leur propriété en deux propriétés distinctes au profit respectivement du Grand Garage de Tocqueville et du syndicat des copropriétaires, mais également sur le plan d'un géomètre expert établi le 26 octobre 1943 ;

Elle relève que l'emprise foncière de l'immeuble sur rue est limitée au terrain situé en dessous de celui-ci et qu'elle même est propriétaire à titre exclusif du terrain d'assiette du garage et de la cour couverte ;

Elle souligne également qu'elle ne s'est jamais acquittée de charges de copropriété concernant l'immeuble sur rue, sauf pour les lots 1 et 2 dont elle a fait l'acquisition ;

Elle en conclut qu'il n'existe pas de syndicat de copropriétaires entre l'immeuble du [Adresse 1] et la propriété en fonds de parcelle [Cadastre 5] lui appartenant ;

Elle soutient enfin que le syndicat des copropriétaires du bâtiment sur [Adresse 1] ne démontre pas qu'il existe des terrains, aménagements ou services communs entre les propriétés ;

Le syndicat des copropriétaires soutient au contraire que la parcelle [Cadastre 5] est une unité foncière unique qui constitue une partie commune, soumise de ce fait au statut de la copropriété ; il verse aux débats en cause d'appel une attestation de M. [U], copropriétaire, qui indique que 'depuis l'origine, tous les actes de chaque copropriétaire ont toujours mentionné la propriété du foncier CD 004 appartenant à l'immeuble sur rue... Il s'agissait d'un critère déterminant pour la protection totale des acquéreurs' ;

Il ajoute que le groupe d'immeuble formé par le bâtiment sur rue et le bâtiment en fond de cour construits sur une unité foncière unique fait l'objet d'une indivision forcée et est soumis au statut impératif de la copropriété en application de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965, même si aucun règlement de copropriété n'a été établi ;

Sur l'existence d'une propriété distincte

Par acte notarié des 21 et 26 juillet 1926, MM [E] et [Y] ont acquis indivisément un terrain d'une superficie de 820 m² d'après les titres et de 756 m² selon mesurage sur lequel se trouvait une maison qu'ils ont fait démolir, avant d'y édifier diverses constructions ;

Désireux de vendre cet immeuble par parties, MM [E] et [Y] ont requis Maître [B], notaire, afin de 'dresser acte authentique du cahier des charges, clauses et conditions générales et particulières établi par eux qui régira les ventes et qui servira de règlement de copropriété pour tous futurs copropriétaires de la partie de l'immeuble en façade sur [Adresse 1] qui va être compris ci après dans la désignation sous la lettre B' ;

Il est ainsi précisé que sur le terrain qu'ils ont acquis, MM [E] et [Y] ont édifié plusieurs constructions comprenant :

A) dans le fond de la propriété :

- une construction actuellement à usage de garage pour voitures composée :

- d'un rez-de-chaussée et de deux étages auxquels on accède par une rampe couverte,

- terrasse avec constructions à usage d'habitation au dessus,

- partie de cour couverte.

B) en façade sur la [Adresse 1] :

- une maison à usage de locations actuellement en cours d'édification et non encore terminée élevée sur caves d'un rez-de-chaussée, de six étages et d'un septième étage formant combles, dont la composition est la suivante : au rez-de-chaussée...

- cour couverte entre le garage et la maison d'habitation ;

Aux termes du règlement de copropriété compris dans l'acte du 28 juin 1928, le chapitre Ier relatif à la division de l'immeuble sur rue en parties communes et en parties devant appartenir à chacun des acquéreurs comporte un paragraphe 1 qui définit les parties communes comme suit 'la totalité du sol des bâtiments de la maison en façade sur rue, les fondations, les gros murs de façade et de refend...' ;

Les premiers juges ont exactement relevé que ces parties communes ne comprennent pas le terrain d'assiette de la construction à usage de garage, de la terrasse et de la partie de cour couverte.

Le syndicat des copropriétaires soutient que la partie de l'immeuble exclue de la copropriété du [Adresse 1] est la construction à usage de garage et la terrasse avec constructions à usage d'habitation, mais pas le terrain sur lequel ces constructions sont édifiées.

Toutefois, comme l'a dit le tribunal, cette affirmation n'est nullement étayée et est contraire à l'article 1er du règlement de copropriété qui ne vise nullement la totalité du terrain de la parcelle [Cadastre 5] en tant que partie commune ;

Le syndicat des copropriétaires soutient encore que contrairement à ce que prétend la demanderesse, celle-ci n'est pas propriétaire de la cour couverte qu'elle a purement et simplement annexée et qui, dès l'origine, ainsi qu'ilressort du règlement de copropriété, a été affectée aussi bien à la maison sur rue qu'à l'usage du garage, preuve s'il en est de son caractère de partie commune au bâtiment sur rue et au garage ;

Les premiers juges ont exactement relevé que cette cour n'est pas comprise dans les parties communes ;

En outre, comme énoncé par les premiers juges, à titre de condition particulière figurant dans l'acte du 28 juin 1928, MM [E] et [Y], après avoir rappelé que 'la partie A de la désignation qui précède ne rentre pas dans le règlement de copropriété' stipulent ensuite 'toutefois, la cour couverte affectée aussi bien à la maison sur rue qu'à l'usage du garage devra obligatoirement être conservée dans ses dimensions actuelles et les constructions qui existent dans cette cour à hauteur du rez-de-chaussée ne pourront être surélevées dans l'avenir.

De même, la partie couverte de la rampe d'accès qui est actuellement élevée à 4,85 mètres au dessus du sol du rez-de-chaussée ne pourra pas non plus être surélevée dans l'avenir';

Les premiers juges ont justement retenu que cette clause n'intègre nullement cette cour dans les parties communes, mais édicte une interdiction de surélévation qui s'apparente à une servitude, ce que confirme l'acte de vente du 16 novembre 1943 à la société Grand Garage de Tocqueville par M. [E] qui mentionne dans un paragraphe relatif aux servitudes que partie des biens et droits immobiliers vendus sont soumis aux charges et conditions résultant du règlement de copropriété du 26 juin 1928 et à cette clause particulière qui y est reprise ;

Aux termes de l'acte de vente du 16 novembre 1943 transcrit à la conservation des hypothèques le 10 décembre 1943, M. [E] a vendu à la société Grand Garage de Tocqueville :

Dans le fond de la propriété sise à [Adresse 1] :

1°- Immeuble à usage de garage pour voitures élevé sur sous-sol composé :

- d'un rez-de-chaussée et de deux étages auxquels on accède par une rampe couverte,

- terrasse avec constructions à usage d'habitation au dessus..

2° - partie de cour couverte,

le tout d'une superficie de 527,80 m² environ et non soumis au règlement de copropriété.

3° - Autre partie dépendant de l'immeuble sur la rue sise à gauche de la porte d'entrée soumise au règlement de copropriété ...et comprenant : entrée du garage, et de la rampe d'accès, boutique donnant sur l'entrée et sur la rue, bureau débarras,

4° - et les 67 millièmes des parties communes de l'immeuble afférents à la partie du garage soumise au règlement de copropriété tels que ces biens se poursuivent... tels qu'ils figurent sur un plan qui est demeuré annexé.

Le syndicat des copropriétaires soutient qu'en 1943, le terrain sis [Adresse 1] ne constituait qu'une seule et unique unité foncière et que la vente ne portait que sur les constructions et non sur le sol, seules les restrictions afférentes aux constructions étant visées ;

Les premiers juges ont justement retenu que la vente porte sur les biens figurant sous les références 1° et 2°, le tout d'une superficie de 527,80 m² et non soumis au règlement de copropriété, ce qui confirme la vente du terrain par M. [E] et non pas seulement des constructions.

Dans le plan annexé et enregistré également le 23 novembre 1943 (pièce SCI 3 bis) cette superficie vise le terrain du garage (390,80 m²), la partie couverte par verrière et rampe d'accès (100 m²) et la partie cour couverte (37m²) ;

Il n'est nullement précisé dans l'acte du 16 novembre 1943 que la superficie de 527,80 m² ne concerne que les constructions ;

Le syndicat des copropriétaires oppose à la SCI Grand Garage de Tocqueville le modificatif à l'état descriptif de division du 1er décembre 1959 qui vise une superficie de 756 m² soit la totalité du terrain, confirmant ainsi selon lui l'existence d'une seule unité foncière ;

Comme l'a dit le tribunal, le caractère non contractuel de l'état descriptif de division ne permet pas pour autant de considérer cette mention comme suffisante pour établir l'existence d'une seule unité foncière, alors au surplus que selon le règlement de copropriété du 28 juin 1928, il est précisé que les parties communes ne comprennent que la totalité du sol des bâtiments de la maison en façade sur rue ;

Sur l'existence d'un groupe d'immeubles et l'application du statut impératif de la copropriété

La loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose dans son article 1er qu'elle régit tout immeuble bâti ou groupe d'immeubles bâtis dont la propriété est répartie, entre plusieurs personnes, par lots comprenant chacun une partie privative et une quote part des parties communes' ;

Un groupe d'immeuble suppose l'existence de deux ou plusieurs immeubles séparés les uns des autres, mais dont le terrain d'assiette appartient dans son intégralité et indivisément à la communauté des copropriétaires et constitue une partie commune qui est soumise à un régime homogène ;

Or, il ne résulte d'aucune pièce que le terrain du Grand Garage de Tocqueville constitue une partie commune, de sorte qu'à défaut de justifier de l'existence d'un groupe d'immeubles, au sens de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965, il ne saurait y avoir application du statut de la copropriété ;

Dans ces conditions et dès lors que MM [E] et [Y] ont décidé, par acte du 28 juin 1928, de séparer leur propriété en deux propriétés distinctes, à savoir celle du syndicat des copropriétaires du bâtiment sur [Adresse 1] d'une part et celle du Grand Garage de Tocqueville d'autre part, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a ordonné la division de la parcelle [Cadastre 5] d'une contenance de 759 m² en deux parcelles cadastrales distinctes, conformément au plan de géomètre établi par M. [K], géomètre expert, dans son rapport du 16 novembre 2011 (pièce SCI n° 7) ;

Sur l'existence d'un ensemble immobilier

L'article 1er alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose 'qu'à défaut de convention contraire créant une organisation différente, la présente loi est également applicable aux ensembles immobiliers qui, outre des terrains, des aménagements et des services communs, comportent des parcelles, bâties ou non, faisant l'objet de droits de propriété privatifs' ;

A titre subsidiaire et si l'existence de deux parcelles distinctes devaient être admises, le syndicat des copropriétaires conclut à l'existence d'un ensemble immobilier caractérisé par l'existence de la cour située entre le bâtiment sur rue et le garage, affectée aussi bien à la maison sur rue qu'à l'usage du garage qui constitue l'élément fédérateur et qui, à défaut de convention contraire créant une organisation différente, rend applicable les dispositions de la loi du 10 juillet 1965.

La SCI Grand garage de Tocqueville réplique qu'il n'y a pas de services communs entre les deux propriétés privatives, dès lors que ni le règlement de copropriété de 1928, ni l'état modificatif de description de l'immeuble en copropriété de 1959 ne font état d'une cour couverte ; elle ajoute que les habitants de l'immeuble en copropriété n'y ont d'ailleurs pas

accès ;

L'ensemble immobilier se caractérise par le fait que la totalité des terrains d'assiette des constructions ne sont pas placés sous un régime unique d'indivision forcée entre les bâtiments ;

Ils font au contraire l'objet d'appropriations différentes, de droits privatifs distincts en vertu duquel un copropriétaire ou un groupe de copropriétaire se voit attribuer le droit d'utiliser une parcelle, une surface pour y édifer des bâtiments à leur usage exclusif, l'ensemble des immeubles construits dans ces conditions bénéficiant d'un certain nombre d'éléments d'équipement d'intérêt collectif ;

C'est à juste titre que la SCI Grand Garage de Tocqueville réplique que le règlement de copropriété ne prévoit qu'une servitude 'non aedificandi' qui ne saurait être qualifiée de service commun ;

Les premiers juges ont justement retenu que l'immeuble sis [Adresse 1] ne constitue pas un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété ;

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a :

- ordonné la division de la parcelle cadastrale [Cadastre 5] en deux parcelles cadastrales distinctes conformément à l'acte du 28 juin 1928 et au plan de géomètre proposé par M. [K] en annexe de son rapport du 16 novembre 201 1(pièce SCI n°7),

- dit que la publication du jugement au service de la publicité foncière de [Localité 4] vaudra division parcellaire ;

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

Le syndicat des copropriétaires, partie perdante, doit être condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SCI Grand Garage de Tocqueville la somme supplémentaire de 7.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par le syndicat des copropriétaires ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 1], représenté par son syndic la société par actions simplifiée Defi Conseil Immobilier, aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société civile immobilière Grand Garage de Tocqueville la somme supplémentaire de 7.500 € par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 17/14442
Date de la décision : 08/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-08;17.14442 ?
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