RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 03 Février 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/08201 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3QV3
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Mars 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 13/02466
APPELANTE
CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS (BOBIGNY)
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
INTIME
Monsieur [O] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Carole YTURBIDE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 131 substituée par Me Thomas HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles BUFFET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Pascal PEDRON, Président de chambre
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre pour M. Pascal PEDRON, Président de chambre empêché et par Mme Claire BECCAVIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue à la suite d'un arrêt rendu le 29 octobre 2021 dans un litige opposant la CPAM de la Seine Saint Denis (la caisse) à M. [O] [N], dans le cadre des appels qui avaient été interjetés par la caisse à l'encontre de deux jugements rendus, l'un, le 31 mars 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, l'autre, le 8 janvier 2020 par le tribunal judiciaire de Bobigny.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [N], coffreur-boiseur, a établi le 10 juin 2013 une déclaration de maladie professionnelle au titre d'une surdité bilatérale, constatée par certificat médical initial du 9 avril 2013.
Après instruction, et suite à avis défavorable de son médecin conseil, la caisse a notifié le 29 juillet 2013 à M. [N] un refus de prise en charge au motif que la condition médicale réglementaire du tableau n°42 n'était pas remplie.
Après vaine saisine de la commission de recours amiable, M. [N] a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny qui, par jugement du 13 juin 2016, a ordonné une expertise médicale technique ; l'expert désigné a conclu que la condition médicale règlementaire était bien remplie par l'assuré.
Par jugement du 31 mars 2017, le tribunal a dit l'action de M. [N] bien fondée, dit que celui-ci remplissait les critères médicaux réglementaires mentionnés au tableau n°42A au titre de l'affection déclarée le 10 juin 2013 et l'a renvoyé devant la caisse afin qu'il soit procédé à la liquidation de ses droits, le tout avec exécution provisoire.
La caisse a le 12 juin 2017 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 16 mai 2017 ; ce dossier a été enregistré sous le numéro RG 17/08201.
La caisse a interprété ce jugement en considérant que M. [N] avait été renvoyé devant elle pour que la procédure d'instruction se poursuive s'agissant des autres conditions du tableau; l'instruction a été reprise, dont il est résulté que la condition tenant au délai de prise en charge n'était pas respectée ; le dossier a été soumis au CRRMP de Paris Ile de France, lequel a rendu un avis défavorable à la prise en charge. Le 11 février 2019, la caisse a notifié à M. [N] un nouveau refus de prise en charge suite à avis du CRRMP.
Après vaine saisine de la commission de recours amiable, M. [N] a porté le litige devant le tribunal judiciaire de Bobigny qui, par jugement du 08 janvier 2020 a débouté la caisse de sa demande de sursis à statuer, déclaré l'action de M. [N] bien fondée, constaté que le jugement du 31 mars 2017 s'était déjà prononcé en faveur de la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée, a annulé la décision de rejet du 11 février 2019, a condamné la caisse à payer à M. [N] une somme de 2 500 euros de dommages-intérêts, outre une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, et ce avec exécution provisoire.
La caisse a, le 13 février 2020, interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 20 janvier 2020 ; ce dossier a été enregistré sous le numéro RG 20/01303.
Par ses conclusions écrites déposées à l'audience du 10 septembre 2021 par son conseil qui les a oralement développées, la caisse a demandé à la cour, de :
-au regard du premier jugement et au visa de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale et du tableau n°42 des maladies professionnelles, infirmer ledit jugement, juger que le tribunal ne pouvait considérer que la maladie déclarée devait être prise en charge au titre de la législation professionnelle sans au préalable examiner toutes les conditions du tableau n°42 et de renvoyer M. [N] devant elle pour reprise de l'instruction sur les conditions du tableau n°42.
-au regard du second jugement et au visa des articles L 461-1 et R 142-24-2 du code de la sécurité sociale, ordonner la jonction des deux dossiers, débouter par voie d'infirmation M. [N] de sa demande de dommages et intérêts, désigner un second CRRMP et condamner M. [N] aux dépens.
Par ses conclusions écrites déposées à l'audience du 10 septembre 2021 par son conseil qui les a oralement développées, M. [N] a demandé à la cour, au visa des articles L 441-1 et suivants du code de la sécurité sociale, 546 et 32 du code de procédure civile, de :
-ne pas procéder à la jonction des deux dossiers,
-au regard du premier jugement, juger que la caisse est irrecevable et mal fondée en son appel, et condamner cette dernière à lui régler la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles.
-au regard du second jugement, juger que la caisse est irrecevable et mal fondée en son appel, confirmer le jugement, subsidiairement ordonner la mise oeuvre d'un deuxième CRRMP et, en tout état de cause, condamner la caisse à lui régler la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Par arrêt du 29 octobre 2021, auquel il est renvoyé pour un examen plus complet des motifs, la cour a :
- ordonné la jonction des instances enrôlées sous les n° 20/01303 et RG17/08201, l'instance se poursuivant sous ce dernier numéro,
- déclaré la CPAM de la Seine Saint Denis recevable en ses appels,
- infirmé le jugement du 31 mars 2017, sauf en ce qu'il a dit que M. [N] remplissait les critères médicaux réglementaires mentionnés au tableau n°42A au titre de l'affection déclarée le 10 juin 2013 et l'a renvoyé devant la caisse,
- infirmé le jugement du 08 janvier 2020,
et statuant à nouveau des chefs infirmés :
-débouté M. [N] de sa demande de prise en charge, au titre de l'article L 461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale applicable, de l'affection qu'il a déclarée le 10 juin 2013.
-débouté M. [N] de sa demande en dommages-intérêts présentée à l'encontre de la CPAM de la Seine Saint Denis.
Avant dire droit pour le surplus,
- désigné le CRRMP du Nord-Pas de Calais-Picardie, pour donner un avis motivé sur le point de savoir si la maladie déclarée le 10 juin 2013 par M. [N] a été ou non directement causée par le travail habituel de M. [N],
- dit que la CPAM de la Seine Saint Denis le saisira dans les meilleurs délais,
- invité M. [N] à communiquer les documents médicaux en sa possession en vue de la constitution du dossier prévu à l'article D 461-29 du code de la sécurité sociale,
- dit que le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles devra transmettre son avis dans les quatre mois de sa saisine par la CPAM de la Seine Saint Denis,
- renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience du 25 mai 2022,
- réservé les frais irrépétibles et les dépens.
Pour prononcer cette décision, la cour a rappelé que, par application des dispositions de l'article L.461-1 alinéa 2 du code de la sécurité sociale applicable, il appartenait aux premiers juges, pour pouvoir retenir le caractère professionnel de la maladie déclarée, d'établir que ladite maladie avait été « contractée dans les conditions mentionnées au tableau » n°42 A des maladies professionnelles ; que les premiers juges se devaient donc d'examiner, outre la condition médicale, les conditions administratives du tableau pour vérifier si elles étaient toutes réunies; qu'il ne résulte pas des mentions du jugement ni d'aucune pièce que le tribunal ait examiné les conditions administratives du tableau, ni que la caisse ait reconnu la réunion de celles-ci ; que la condition médicale étant remplie, la caisse était légitime à poursuivre l'instruction du dossier au regard des autres conditions du tableau ; qu'il est constant que la condition administrative tenant au délai de prise en charge du tableau n°42 A des maladies professionnelles n'était pas remplie et que la caisse a en conséquence saisi le 16 août 2018 le CRRMP de Paris Ile de France; que ce CRRMP a rendu un avis défavorable à la prise en charge en retenant qu'il n'existait pas de «lien direct entre le travail habituel et la maladie déclarée par certificat médical du 09/04/2013» ; que la caisse était donc légitime à notifier à M. [N] le 11 février 2019 un nouveau refus de prise en charge suite à cet avis ; que la caisse n'a donc commis aucune faute;
que le différend opposant M. [N] à la caisse portant sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième alinéa de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale applicable, il convenait d'ordonner en application des dispositions de l'article R. 142-24-2 dudit code, reprises en substance depuis le 1er janvier 2019 à l'article R 142-17-2, la saisine d'un second CRRMP.
Par courrier du 30 août 2022, la direction régionale du service médical Haut de France a transmis à la cour un exemplaire de l'avis motivé rendu par le CRRMP de la région Haut de France lors de sa séance tenue à cette date.
A l'audience du 2 décembre 2022, la caisse, représentée par son avocat, demande oralement à la cour, au regard de cet avis, de rejeter la demande de prise en charge de la maladie déclarée par M. [N] au titre de la législation sur les risques professionnels sur le fondement de l'article L.461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale. Elle s'oppose à toute désignation d'un nouveau CRRMP, faisant valoir que M. [N] ne produit aucune pièce pertinente de nature à remettre en cause l'avis du CRRMP de la région Haut de France.
M. [N], représenté par son avocat, sollicite oralement la désignation d'un nouveau CRRMP, se prévalant d'un certificat médical du docteur [K] du 22 novembre 2022 qui doit être examiné par ce comité.
SUR CE,
Aux termes de l'article L.461-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.
Il est rappelé que le tableau n°42 A prévoit une condition administrative tenant au délai de prise en charge et qu'en l'espèce, cette condition n'est pas remplie.
Le CRRMP de la région Haut de France, comme le CRRMP de Paris Ile de France,a rendu un avis défavorable à la prise en charge de la maladie déclarée par M. [N], retenant qu'à la lecture attentive des pièces médicales et administratives du dossier, et en l'absence de toute pièce supplémentaire contributive fournie à l'appui du recours, aucun élément ne permet d'émettre un avis contraire à celui très bien argumenté du CCRMP précédent et que c'est pourquoi il ne peut être retenu de lien direct entre l'affection présentée et l'exposition professionnelle.
M. [N] produit un certificat médical du professeur [K] du 22 novembre 2022 aux termes duquel il certifie suivre M. [N] pour une otite atélectasique bilatérale, celui-ci présentant des otorrhées à répétition, étant porteur d'une audioprothèse bilatérale, en raison d'une surdité mixte profonde ; ce médecin mentionne que la courbe osseuse de M. [N] est altérée avec un seuil à 40 dB sur les 2000 et 4000 Hz à gauche, 40 dB sur les 2000 et 50 dB sur les 4000 à droite, ce qui peut être lié à un traumatisme acoustique aigu ou chronique, son Rinne audiométrique se situant selon les fréquences entre 20 et 40 dB.
Mais il est observé que ce certificat, qui ne décrit que le déficit auditif présenté par M. [N] qui est reconnu, n'est pas de nature à remettre en cause l'appréciation faite par le CCRMP de la Région Haut de France qui exclut, comme le CRRMP Paris Ile de France, tout lien direct entre ce déficit et le travail habituel de M. [N].
Aussi, la demande de désignation d'un troisième CRRMP n'est pas justifiée.
Il convient d'accueillir la demande de la caisse et de rejeter la demande de prise en charge de l'affection déclarée par M. [N], le 10 juin 2013, au titre de l'article L.461-1, alinéa 3, du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Vu l'arrêt du 29 octobre 2021,
DEBOUTE M. [N] de sa demande de désignation d'un nouveau CRRMP,
DEBOUTE M. [N] de sa demande de prise en charge, au titre de l'article L.461-1 alinéa 3 du code de la sécurité sociale applicable, de l'affection qu'il a déclarée le 10 juin 2013,
CONDAMNE M. [N] aux dépens de première instance et d'appel,
DEBOUTE M. [N] de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles.
La greffière Pour le président empêché