RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 03 Février 2023
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/12987 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZZMJ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juillet 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 14/02297
APPELANTE
Madame [J] [H] épouse [R]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparante en personne, assistée de Me Olivier DE BOISSIEU, avocat au barreau de PARIS, toque : E0099 substitué par Me Nathalie MARCHET, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS (BOBIGNY)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles BUFFET, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Pascal PEDRON, Président de chambre
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre pour M. Pascal PEDRON, Président de chambre empêché et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue à la suite de l'arrêt avant dire droit du 29 novembre 2019, dans le litige opposant Mme [J] [H] épouse [R] à la CPAM de la Seine-Saint-Denis (la caisse).
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [J] [R], salariée au secrétariat de la [3], a été victime, le 12 décembre 2012, d'un accident du travail pris en charge par la caisse, le 2 avril 2013, au titre de la législation sur les risques professionnels (pièce caisse n°1), le certificat médical initial établi par le docteur [P], psychiatre libéral, le 17 décembre 2012, mentionnant "ingestion médicamenteuse volontaire, sur son lieu de travail, dans un contexte de stress professionnel, avec réaction anxio-dépressive" (pièce caisse n°4). L'état de santé de [J] [R] a été déclaré consolidé sans séquelles indemnisables le 22 mars 2013 (pièce caisse n°4).
Par certificat médical de rechute du 10 janvier 2014, le docteur [P] a prescrit un arrêt de travail jusqu'au 15 janvier 2022 après avoir constaté un "malaise, crise de migraine, crise d'angoisse"(pièce caisse n°2), dont Mme [J] [R] a sollicité la prise en charge à titre de rechute. Par courrier du 29 janvier 2014 (pièce caisse n°3), la caisse a notifié à Mme [J] [R] un refus de prise en charge de la rechute, le médecin conseil de la caisse ayant considéré qu'il n'y avait pas de relation de cause à effet entre ces lésions et l'accident du 12 décembre 2012. Contestant la décision de refus de prise en charge de la caisse, Mme [J] [R] a sollicité la mise en oeuvre d'une expertise sur le fondement de l'article L.141-1 du code de la sécurité sociale (pièce Mme [R] n°11). Le docteur [E], désigné en qualité d'expert technique, selon rapport du 16 mai 2014, conclut "qu'il n'y a pas de notion de rechute d'accident. Mme [R] est consolidée le 22 mars 2013 avec soins pendant deux ans. L'état de Mme [R] ne relève pas d'un état dépressif. Il semble s'agir d'une réaction paranoïaque, de dépit, provoquant une réaction régressive. Nous ne constatons donc pas de rechute d'accident de travail, mais la manifestation d'un état pathologique indépendant de l'accident évoluant pour son propre compte et ne justifiant pas d'arrêt de travail, mais d'un suivi psychothérapique durable et sérieux." (pièce caisse n°4). Sur la base de ce rapport, la caisse a, le 9 juillet 2014, confirmé sa décision de refus de prise en charge de la rechute déclarée du 10 janvier 2014. Par courrier du 11 août 2014, Mme [J] [R] a saisi la commission de recours amiable de la caisse (pièce caisse n°6), laquelle a, dans sa séance du 23 septembre 2014, confirmé l'avis technique émis par le docteur [E] (pièce caisse n°7).
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 novembre 2014, Mme [J] [R] a formé un recours contre la décision de la commission de recours amiable devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny.
Par jugement du 28 juillet 2016, le tribunal a débouté Mme [J] [R] de ses demandes et déclarée fondée la décision de la commission de recours amiable de la caisse, retenant que le rapport technique du docteur [E] était clair, motivé, dénué d'ambiguïté, s'imposant aux parties, tandis que Mme [J] [R] ne produisait aucun document médical pertinent pour contester les conclusions de l'expert ou justifier une aggravation de son état à la date du 10 janvier 2014 en lien avec l'accident du 12 décembre 2012.
Il est rappelé que, parallèlement à la demande de prise en charge de la rechute selon le certificat médical du 10 janvier 2014, le docteur [Z] avait établi, le 9 janvier 2014, un certificat médical initial prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 10 janvier 2014, le praticien ayant constaté des "malaise, crise de migraine", lésions dont Mme [J] [R] a sollicité la prise en charge à titre d'accident du travail (pièce caisse n°9). Par courrier du 18 avril 2014, reçu par Mme [J] [R] le 24 avril 2014, la caisse a refusé la prise en charge de l'accident du 9 janvier 2014, informant Mme [J] [R] qu'elle pouvait contester cette décision en demandant dans le délai d'un mois la mise en 'uvre de la procédure d'expertise médicale de l'article L 141-1 du code de la sécurité sociale (pièce caisse n°10).
Mme [J] [R] a interjeté appel, le 10 octobre 2016, du jugement du 28 juillet 2016, qui lui avait été notifié le 15 septembre 2016.
Selon ses conclusions déposées à l'audience du 25 septembre 2019 et soutenues oralement par son conseil, Mme [J] [R] a demandé à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :
- la déclarer recevable en son appel.
-« Juger la caractérisation de l'accident du travail en date du 9 janvier 2014.
Subsidiairement,
Juger le lien de causalité entre l'accident du travail de 2012 et celui de janvier 2014.
Encore plus subsidiairement,
- Nommer tel contre-expert qu'il plaira à la Cour, afin que soit établi le lien de causalité entre l'accident du travail du 9 janvier 2012 avec l'accident du travail de décembre 2012 mais aussi celui de novembre 2015. »,
Par ses conclusions écrites déposées à l'audience du 25septembre 2019 par son conseil qui s'y est oralement référé, la caisse a demandé à la cour de :
-confirmer le jugement déféré, débouter Mme [R] de ses demandes et condamner cette dernière aux dépens;
Y ajoutant,
-déclarer Mme [R] irrecevable en sa demande de prise en charge de l'accident du 9 janvier 2014.
-prendre acte de ce que la contestation du refus de prise en charge de la rechute du 10 janvier 2014 est devenue sans objet.
En conséquence,
-débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes et condamner cette dernière aux dépens.
Par arrêt du 29 novembre 2019, la cour a :
-infirmé le jugement déféré, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à nouvelle expertise,
statuant à nouveau,
- ordonné une nouvelle expertise médicale technique et désigné le docteur [C],
- dit que l'expert devra répondre aux questions suivantes :
1°) -dire s'il existe un lien de causalité direct entre l'accident dont l'assurée a été victime le 12 décembre 2012 et les lésions et troubles invoqués à la date du 10 janvier 2014 '
2°) -dans l'affirmative :
- dire si à la date du 10 janvier 2014, existaient des symptômes traduisant une modification de l'état dû à l'accident du travail en cause et survenue depuis la consolidation fixée au 22 mars 2013 et si cette modification justifiait le 10 janvier 2014:
-une incapacité temporaire totale du travail '
-un traitement médical '.
3°) -dans la négative :
-dire si l'état de l'assurée est en rapport avec un état pathologique indépendant de l'accident évoluant pour son propre compte, justifiant un arrêt de travail et/ou des soins ( en précisant à titre indicatif la durée).
- dit que la caisse fera l'avance des frais d'expertise, en application des dispositions des articles L.142-11, R.142-18-1 et R.141-7 du code de la sécurité sociale,
- renvoyé l'affaire à l'audience du 17 juin 2020.
Pour prononcer cette décision, la cour a retenu, pour l'essentiel, qu'il est constant que la caisse a notifié à Mme [J] [R] deux rejets de prise en charge, le premier de la rechute du 10 janvier 2014 par courrier du 9 juillet 2014, le second de l'accident du travail du 9 janvier 2014 par courrier du 18 avril 2014 ; que, concernant l'accident du travail du 9 janvier 2014, Mme [J] [R] n'a pas contesté dans le délai qui lui était imparti la décision de rejet du 18 avril 2014 notifiée le 24 avril 2014, Mme [J] [R] n'ayant saisi, par son unique courrier de saisine du 11 août 2014, la commission de recours amiable que de la décision de rejet de la prise en charge de la rechute; que, n'ayant pas saisi la commission d'une contestation du rejet du 18 avril 2014, la juridiction de sécurité sociale ne pouvait et ne peut être saisie et statuer sur une telle contestation par l'effet des dispositions des articles R 142-1, L142-1 et R 142-18 du code de la sécurité sociale dans leur version alors applicable ; que Mme [J] [R] a, cependant, bien contesté la décision de refus de prise en charge de la rechute du 10 janvier 2014 en saisissant la commission de recours amiable puis le tribunal ; que Mme [J] [R] a contesté, dans ses conclusions d'appel, ce refus en sollicitant une contre-expertise technique ; qu'au regard des éléments médicaux dont se prévalait Mme [J] [R] venant contredire l'avis de l'expert n'ayant pas retenu d'état dépressif mais un état pathologique indépendant de l'accident évoluant pour son propre compte, il convenait d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise technique.
L'expert a établi son rapport le 18 août 2021.
Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience et développées oralement par son conseil, Mme [J] [R] demande à la cour de :
- la déclarer recevable en son appel,
- juger la "caractérisation de l'accident du travail en date du 10 janvier 2014 pour rechute", tel que confirmé par le rapport de l'expert judiciaire nommé, le docteur [C],
- condamner la caisse à lui payer 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées à l'audience par son conseil et développées oralement, la caisse demande à la cour de :
- déclarer Mme [R] irrecevable en sa demande de prise en charge de l'accident du 9 janvier 2014,
- déclarer Mme [R] irrecevable en sa demande de prise en charge d'un accident du travail en date du 10 janvier 2014,
- prendre acte de ce que la caisse s'en rapporte à la sagesse de la juridiction sur la prise en charge des lésions du 10 janvier 2014 à titre de rechute de l'accident du travail du 12 décembre 2012,
- débouter Mme [R] du surplus de ses demandes.
En application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 2 décembre 2022 pour l'exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.
SUR CE,
Il est rappelé qu'aux termes de son arrêt avant dire droit du 29 novembre 2019, la cour a considéré que Mme [J] [R] ne l'avait pas saisie d'une contestation de la décision de la caisse du 18 avril 2014 refusant de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'accident correspondant aux lésions constatées le 9 janvier 2014.
Si, aux termes de ses écritures, Mme [J] [R] fait référence à l'accident du travail du 9 janvier 2014, elle ne forme plus aucune demande au titre de sa prise en charge qui lui a été refusée par la caisse, de sorte que la fin de non-recevoir opposée par la caisse est sans objet.
Par ailleurs, si la caisse oppose qu'aucun accident du travail en date du 10 janvier 2014 ne peut être pris en charge dans le cadre des présents débats, la demande formée par Mme [J] [R], en des termes certes maladroits, concerne sans ambiguïté la prise en charge d'une rechute, et non d'un accident du travail, constatée selon certificat médical du 10 janvier 2014, qu'elle impute à l'accident du travail du 12 décembre 2012. La fin de non-recevoir soulevée par la caisse concernant l'irrecevabilité de la demande de prise en charge d'un accident du travail du 10 janvier 2014 ne peut donc prospérer.
Il résulte du rapport du docteur [C], qui ne fait l'objet d'aucune contestation de la caisse, qu'il existe un lien de causalité entre l'accident dont Mme [R] a été victime le 12 décembre 2012 et les lésions invoquées à la date du 10 janvier 2014; qu'à la date du 10 janvier 2014, il existait des symptômes traduisant une modification de l'état dû à l'accident du travail en cause et survenu depuis la date de consolidation du 22 mars 2013, modification qui justifiait le certificat du 10 janvier 2014; que l'assurée s'est trouvée en situation d'incapacité temporaire de travail pendant les périodes de prescription d'arrêts de travail et que pendant ces périodes, des soins spécialisés ont été nécessaires avec un médecin-psychiatre.
Par conséquent, au regard des conclusions circonstanciées du rapport du docteur [C], infirmant les constatations du docteur [E], qui ne relèvent pas l'existence d'un état antérieur évoluant pour son propre compte à l'origine des lésions constatées le 10 janvier 2014, mais un lien de causalité avec l'accident du travail du 12 décembre 2012, il convient de dire que ces lésions constituent une rechute de cet accident de travail qui doivent être prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels.
Partie succombante, la caisse sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à Mme [J] [R] 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Vu l'arrêt du 29 novembre 2019,
REJETTE les fins de non-recevoir opposées par la CPAM de la Seine-Saint-Denis,
DIT que les lésions constatées par certificat médical du 10 janvier 2014 constituent une rechute de l'accident du travail du 12 décembre 2012 dont a été victime Mme [J] [R] qui seront prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels,
CONDAMNE la CPAM de la Seine-Saint-Denis aux dépens,
CONDAMNE la CPAM de la Seine-Saint-Denis à payer à Mme [J] [R] 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière Pour le président empêché