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02/02/2023 | FRANCE | N°21/13502

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 02 février 2023, 21/13502


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 02 FEVRIER 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/13502

N° Portalis 35L7-V-B7F-CECUX



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2021 -TJ de PARIS - RG n° 19/12875



APPELANTS



Monsieur [W] [P]

[Adresse 4]

[Localité 8]

représenté par Me Patrice GAUD

de la SCP GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

assisté par Me Kevin CHIMENTI, avocat au barreau de PARIS



Madame [O] [H] épouse [P]

[Adresse 4]

[Localité 8]

représe...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 02 FEVRIER 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/13502

N° Portalis 35L7-V-B7F-CECUX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2021 -TJ de PARIS - RG n° 19/12875

APPELANTS

Monsieur [W] [P]

[Adresse 4]

[Localité 8]

représenté par Me Patrice GAUD de la SCP GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

assisté par Me Kevin CHIMENTI, avocat au barreau de PARIS

Madame [O] [H] épouse [P]

[Adresse 4]

[Localité 8]

représentée par Me Patrice GAUD de la SCP GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

assistée par Me Kevin CHIMENTI, avocat au barreau de PARIS

Madame [F] [P] épouse [K]

[Adresse 5]

[Localité 9]

représentée par Me Patrice GAUD de la SCP GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

assistée par Me Kevin CHIMENTI, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [E] [P]

[Adresse 4]

[Localité 8]

représenté par Me Patrice GAUD de la SCP GAUD MONTAGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0430

assisté par Me Kevin CHIMENTI, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

BUREAU CENTRAL FRANCAIS

[Adresse 1]

[Localité 6]

représenté par Me Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120

assisté par Me Cynthia PERRET, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE L'ESSONNE

[Adresse 10]

[Localité 7]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le [Date décès 2] 2015, [U] [P], né le [Date naissance 3] 1994, piéton, a été victime d'un accident mortel de la circulation, impliquant un véhicule conduit par M. [V] [C] et assuré auprès de la société Greenval Insurance, représentée en France par le Bureau central français (le BCF).

Par exploits du 31 octobre 2019 et du 28 mai 2020, les parents de la victime, M. [W] [P] et Mme [O] [H] épouse [P], ainsi que la soeur et le frère de la victime, Mme [F] [P] épouse [K] et M. [E] [P] (les consorts [P]), ont fait assigner le BCF ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la CPAM) pour obtenir l'indemnisation de leurs préjudices consécutifs à l'accident.

Par jugement du 21 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- dit que la demande de jonction est sans objet,

- dit que [U] [P] a commis une faute inexcusable qui est la cause exclusive de l'accident de la circulation du [Date décès 2] 2015,

- débouté les consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes,

- déclaré le jugement commun à la CPAM,

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 30 juillet 2021, les consorts [P] ont interjeté appel de cette décision, en critiquant expressément chacune de ses dispositions.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions des consorts [P], notifiées le 4 octobre 2021, aux termes desquelles ils demandent à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

- infirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- juger que le droit à indemnisation de M. [W] [P], Mme [O] [H] épouse [P], Mme [F] [P] épouse [K] et M. [E] [P] est intégral,

- condamner le BCF à payer les sommes suivantes :

- 30 000 euros à M. [W] [P] (père du défunt) au titre de son préjudice moral,

- 30 000 euros à Mme [O] [H] épouse [P] (mère du défunt) au titre de son préjudice moral,

- 15 000 euros à M. [E] [P] (frère du défunt) au titre de son préjudice moral,

- 15 000 euros à Mme [F] [P] épouse [K] (soeur du défunt) au titre de son préjudice moral

- 981,16 euros au titre des frais de rapatriement

- 211,45 euros au titre du billet d'avion de M. [P] (père du défunt)

- 211,45 euros au titre du billet d'avion de Mme [O] [H] épouse [P] (mère du défunt)

- 335,55 euros au titre du billet d'avion de M. [E] [P] (frère du défunt)

- 335,55 euros au titre du billet d'avion de Mme [F] [P] épouse [K] (soeur du défunt),

- condamner le BCF à payer aux consorts [P] la somme globale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le BCF aux entiers dépens dont distraction sera ordonnée au profit de Maître Patrice Gaud, conformément aux dispositions de l'article 609 du même code,

- déclarer le jugement à intervenir commun et opposable à la CPAM.

Vu les conclusions du BCF, notifiées le 29 novembre 2021, aux termes desquelles il demande à la cour, de :

Vu l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985,

- recevoir le BCF en ses conclusions d'intimé et les dire bien fondées,

- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions en ce qu'il a considéré que M. [P] a commis une faute inexcusable qui est la cause exclusive de l'accident de la circulation du [Date décès 2] 2015,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté les consorts [P] de l'ensemble de leurs demandes,

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté les consorts [P] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

- débouter les consorts [P] de leur demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

- condamner les consorts [P] à payer au BCF la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les consorts [P] aux entiers dépens.

La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 6 septembre 2021, par acte d'huissier délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

Le tribunal a retenu que l'accident s'est produit la nuit, sur une autoroute à 6 voies séparées au milieu par un muret en béton, sans aucun éclairage, que la victime était vêtue en noir et que son refus de respecter les règles élémentaires de prudence a été délibéré puisqu'elle a dû franchir un talus herbeux pour se retrouver sur l'autoroute et qu'aucun élément ne permet de remettre en cause son état de conscience au moment des faits.

Il a relevé en outre que le comportement du conducteur dont il n'était pas contesté qu'il roulait à une vitesse réglementaire, qu'il n'avait pu voir la victime qu'au dernier moment alors qu'il effectuait un dépassement et n'avait pas pu anticiper la présence d'un piéton sur la voie centrale, n'avait joué aucun rôle causal dans l'accident.

Les consorts [P] soutiennent que [U] [P] n'a pas commis de faute inexcusable dans la mesure où il ne s'est pas jeté de façon délibérée sur les voies d'autoroute, mais a voulu emprunter le chemin le plus court pour se rendre sur le lieu de son travail afin de ne pas risquer de perdre son emploi qu'il venait d'obtenir, que la faute n'est pas d'une exceptionnelle gravité dans la mesure où [U] [P] n'a pas surgi sur les voies de circulation ni franchi de barrière de sécurité, que [U] [P] n'a pas eu conscience du danger s'estimant visible des conducteurs qui utilisaient leurs feux de croisement et que son comportement était justifié par le fait qu'il se rendait à son travail.

Ils ajoutent que la faute de [U] [P] n'est pas la cause exclusive de l'accident puisqu'il était visible du conducteur du véhicule impliqué dans l'accident et que ce dernier, qui devait, en application de l'article 'R. 416-6" du code de la route, se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres lui incombant, aurait pu éviter l'accident.

Le BCF conclut à la confirmation du jugement en précisant que [U] [P] a refusé délibérément de respecter les règles élémentaires de sécurité et a eu conscience du danger qu'il encourait en traversant les voies de l'autoroute, après avoir franchi un talus herbeux, alors qu'il faisait nuit, qu'il n'y avait pas d'éclairage public et qu'il était vêtu en noir et que de nombreuses voitures circulaient à vive allure à l'endroit de sa traversée.

Il avance que cette faute est d'une exceptionnelle gravité dans la mesure où [U] [P] s'est placé dans une situation de péril vital et que la circonstance qu'il se rendait à son travail ne peut légitimer ce comportement.

Le BCF ajoute que la faute commise par [U] [P] est la cause exclusive de l'accident puisqu'il n'était pas visible du conducteur du véhicule impliqué qui doublait un autre véhicule et dont les feux de croisement n'éclairaient pas la bande d'arrêt d'urgence et la voie de droite que franchissait [U] [P] et que ce conducteur ne pouvait anticiper sa présence.

***

Sur ce, selon l'article 3 de la loi du 5 juillet1985, 'Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident'.

Seule est inexcusable au sens de ce texte la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de police que l'accident s'est produit le [Date décès 2] 2015, à 22 h 57, sur l'autoroute A6, composée de trois voies dans chaque sens, dans le sens province [Localité 11], alors qu'il faisait nuit, que les voies n'étaient pas éclairées et que la vitesse maximale autorisée était de 110 km/h.

M. [X] [B], conducteur d'un véhicule de marque Renault a déclaré que vers 23 heures il avait constaté au loin la présence d'un piéton 'vêtu de sombre', sans gilet réfléchissant, qui traversait lentement les voies de circulation, venant de la bande d'arrêt d'urgence et se dirigeant vers la voie du milieu, que ce piéton était sur la voie du milieu au moment où un véhicule, qui achevait de le doubler, s'y trouvait également, et que ce conducteur 'n'avait pas eu d'autre choix' que de le percuter, le projetant sur la bande d'arrêt d'urgence. Il a ajouté que le conducteur du véhicule qui le doublait roulait à environ 110 km/h.

M. [V] [C] a déclaré qu'il circulait sur l'autoroute A6 en direction de [Localité 11] sur la voie centrale lorsqu'il avait ressenti un choc sur le côté droit de sa voiture, qu'il avait été surpris car il n'avait rien vu sur la route, 'pas d'individu', ce qu'il a confirmé à plusieurs reprises au cours de son audition ; il a précisé qu'il avait enclenché le régulateur de vitesse et roulait à environ 110 km/h.

Les policiers ont constaté qu'au niveau de l'accident, la bande d'arrêt d'urgence située à droite de la chaussée était suivie d'un talus herbeux, que la victime était vêtue d'un 'sweat' noir et d'un pantalon noir et que le véhicule de M. [C] présentait un impact sur tout le côté droit. Les prélèvements sanguins effectués sur la victime et sur M. [C] se sont révélés négatifs à l'alcool et aux produits stupéfiants.

Mme [F] [P] a confirmé que son frère [U] [P] avait quitté le domicile familial pour se rendre à pied à son travail et qu'il devait normalement rentrer vers 6 heures du matin.

Il ressort de l'ensemble des données qui précèdent que, [U] [P] a délibérément franchi, la nuit, alors qu'il n'y avait pas d'éclairage public et qu'il était vêtu en noir, un talus herbeux pour accéder sur l'autoroute A6, puis a traversé la bande d'arrêt d'urgence et la voie la plus à droite de l'autoroute dans le sens province [Localité 11], alors que des voitures y circulaient à une vitesse pouvant atteindre 110 km/h et qu'il s'est ainsi exposé à un risque d'accident mortel, dont il a eu conscience, et ce sans motif légitime, tel ne pouvant être le cas, à le supposer établi, du désir de ne pas arriver en retard à son travail.

Par ailleurs, aucune faute n'est établie à l'encontre de M. [C] en lien avec l'accident, alors d'une part, qu'il ne pouvait anticiper la présence d'un piéton sur la chaussée, d'autre part, que circulant sur la voie du milieu de l'autoroute et étant en train de doubler un véhicule, il ne pouvait voir [U] [P] qui, traversant les voies depuis son extrême droite, n'était pas dans son champ de vision, et d'autre part, qu'il est démontré qu'il roulait à la vitesse autorisée sur l'autoroute.

En outre, aucun manquement de M. [C] aux dispositions de l'article R. 412-6 du code de la route selon lesquelles 'Tout conducteur doit se tenir constamment en état et en position d'exécuter commodément et sans délai toutes les manoeuvres qui lui incombent ' n'est établi.

Il résulte des motifs qui précèdent que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a retenu que [U] [P] a commis une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l'accident et a ainsi exclu tout droit à indemnisation au profit des consorts [P] en application des dispositions légales précitées.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Les consorts [P] qui succombent en leur recours supporteront la charge des dépens d'appel.

L'équité ne commande pas d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement,

Y ajoutant,

- Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne M. [W] [P], Mme [O] [H] épouse [P], Mme [F] [P] épouse [K] et M. [E] [P] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/13502
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.13502 ?
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