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02/02/2023 | FRANCE | N°21/09712

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 02 février 2023, 21/09712


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 02 FEVRIER 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09712

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXBQ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2021 -TJ de CRETEIL - RG n° 20/04463



APPELANT



Monsieur [X] [R]

[Adresse 1]

Appt E 24

[Localité 9]

le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 11] (COTE D'IVOIRE)

représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assisté par Me Benoît GUILLON, avocat...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 02 FEVRIER 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09712

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDXBQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Avril 2021 -TJ de CRETEIL - RG n° 20/04463

APPELANT

Monsieur [X] [R]

[Adresse 1]

Appt E 24

[Localité 9]

né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 11] (COTE D'IVOIRE)

représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assisté par Me Benoît GUILLON, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

GROUPAMA PARIS VAL DE LOIRE

[Adresse 2]

[Localité 10]

représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L004

assisté par Me Nicolas STOEBER, avocat au barreau de PARIS

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 12]

[Adresse 6]

Affaires Juridiques - Teledoc 353

[Localité 7]

représentée par Me Anne-Laure ARCHAMBAULT de la SELAS MATHIEU ET ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : R079

Assisté par Me Bruno MATHIEU, avocat au barreau de PARIS

CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SECURITE SOCIALE

[Adresse 3]

[Localité 8]

n'a pas constitué avocat

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU LOIRET

[Adresse 13]

[Localité 5]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 septembre 2013, M. [X] [R], né le [Date naissance 4]5,qui circulait sur une motocyclette, a été victime d'un accident corporel de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule automobile conduit par M. [F] [U] et assuré auprès de la société Groupama Paris Val-de -Loire (la société Groupama).

Le Professeur [N], désigné en référé en qualité d'expert pour examiner M. [R], a indiqué que son état de santé n'était pas consolidé dans un rapport daté du 3 novembre 2015.

Par jugement rendu le 24 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Créteil a, entre autres dispositions, dit que M. [R] a commis une faute dans la survenance de l'accident de nature à réduire son droit à indemnisation de 50 %, dit en conséquence que la société Groupama est tenue d'indemniser M. [R] à hauteur de 50 % des préjudices subis, et, avant dire droit sur son indemnisation, ordonné une expertise après consolidation confiée au Docteur [N].

L'évolution des lésions du membre inférieur droit de M. [R] a été défavorable et il a dû subir une amputation transtibiale de la jambe droite le 30 novembre 2016.

Par arrêt du 15 octobre 2018, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement du tribunal de grande instance de Créteil sur l'étendue du droit à indemnisation de M. [R], dit que celui-ci a droit à l'indemnisation intégrale de son préjudice et a condamné la société Groupama à payer à M. [R] la somme de 20 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, le surplus du jugement étant confirmé.

Par décision de 20 mai 2020, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Groupama à l'encontre de cet arrêt.

Par jugement du 14 avril 2021, le tribunal judiciaire de Créteil, a :

- condamné la société Groupama à payer à M. [R] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement :

- 2 000 euros au titre des frais divers

- 17 630 euros au titre du besoin en tierce personne avant consolidation

- 18 943,96 euros au titre de la perte de gains professionnels avant consolidation

- 112 459,25 euros au titre du besoin permanent en assistance par tierce personne

- 24 650 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 40 000 euros au titre des souffrances endurées

- 5 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire

- 8 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent

- 25 000 euros au titre du préjudice d'agrément

- 10 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- réservé les postes de préjudices des dépenses de santé futures, et des frais d'aménagement du véhicule et du logement,

- rejeté le surplus des demandes d'indemnisation de M. [R] au titre de son préjudice corporel,

- rejeté la demande de condamnation de la société Groupama au paiement des intérêts au double du taux de l'intérêt légal,

- condamné la société Groupama à payer à l'agent judiciaire de l'Etat (l'AJE), subrogé dans les droits de la victime, les sommes suivantes, avec intérêts à compter de la demande :

- 383 315,61 euros au titre du poste des dépenses de santé actuelles

- 81 003,29 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels

- 62 522,86 euros au titre de la perte de gains futurs

- 125 000 euros au titre de l'incidence professionnelle

- 113 925 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- rejeté le surplus des demandes l'AJE subrogé dans les droits de la victime, hors les postes réservés,

- condamné la société Groupama à payer à l'AJE la somme de 48 946,36 euros au titre des charges patronales, avec intérêts à compter de la demande,

- déclaré le jugement commun à la CPAM et à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (la CNMSS),

- condamné la société Groupama aux dépens avec possibilité de recouvrement en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la société Groupama à payer à M. [R] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Groupama à payer à l'AJE une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- rejeté toutes prétentions plus amples ou contraires des parties.

Par déclaration du 28 mai 2021, M. [R] a interjeté appel de cette décision en critiquant ses dispositions relatives d'une part, à l'indemnisation des préjudices des dépenses de santé actuelles et futures, des frais divers, des pertes de gains professionnels actuels et futurs, des frais de logement et de véhicule adaptés, de l'assistance par tierce personne, de l'incidence professionnelle, des déficits fonctionnels temporaire et permanent, des souffrances endurées, des préjudices esthétiques temporaire et permanent, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement, et d'autre part en ce que sa demande de doublement du taux de l'intérêt légal a été rejetée.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [R], notifiées le 20 août 2021, aux termes desquelles il demande à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

- infirmer partiellement le jugement entrepris,

Ce faisant,

- condamner la société Groupama à verser à M. [R] à titre d'indemnisation des conséquences de l'accident dont il a été victime le 16 septembre 2013, les sommes suivantes, après imputation des créances des organismes sociaux, conformément aux dispositions de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006,

- préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

- dépenses de santé actuelles : 388 607,61 euros et après imputation de la créance de l'AJE : néant

- frais divers : 25 400 euros

- perte de gains professionnels actuels: 105 607,11 euros et après imputation de la créance de l'AJE : 63 416,66 euros

- préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :

- dépenses de santé futures: 785 000 euros et après imputation de la créance de l'AJE : 573 056 euros

- frais de logement adapté: réservés

- frais de véhicule adapté: 46 910,47 euros

- assistance par tierce personne : 193 876,80 euros

- pertes gains professionnels futurs : 571 768,40 euros

- incidence professionnelle: 371 812,69 euros avant imputation du solde de la créance de l'AJE,

- préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

- déficit fonctionnel temporaire: 33 740 euros

- souffrances endurées: 50 000 euros

-préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros,

- préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :

- déficit fonctionnel permanent : 140 000 euros

- préjudice d'agrément : 40 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 20 000 euros

- préjudice sexuel : 20 000 euros

- préjudice d'établissement : 10 000 euros,

- condamner la société Groupama à verser à M. [R] les intérêts au double du taux légal sur le montant total de son offre signifiée par voie de conclusions le 26 octobre 2020, avant imputation des créances des organismes sociaux et des provisions versées depuis le 16 mai 2014 jusqu'au 26 octobre 2020, conformément aux dispositions de l'article L.211-13 du code des assurances,

- condamner la société Groupama à verser à M. [R] une indemnité de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- condamner la société Groupama aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Baechlin, Avocats aux offres de droit dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société Groupama, notifiées le 15 février 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

A titre principal

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire :

- statuer sur les demandes de M. [R] dans les termes et les limites des présentes conclusions

- dépenses de santé actuelles à charge : néant

- frais divers : 17 630 euros

- perte de gains professionnels actuels : 31 099,81 euros

- dépenses de santé futures :

- prothèse principale et de secours + fauteuil : 195 922,40 euros

- prothèse de sport : 239 894,93 euros

- frais de logement adapté : débouté

- frais de véhicules adaptés : 15 716,55 euros

- aide humaine avant consolidation : 112 459,25 euros

- perte de gains professionnels futurs : néant

- incidence professionnelle : néant

- déficit fonctionnel temporaire : 24 650 euros

- souffrances endurées : 40 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 113 925 euros sous réserve de la déduction du solde de la créance de l'agent judiciaire de l'Etat

- préjudice d'agrément : 25 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 8 000 euros

- préjudice sexuel : 10 000 euros

- préjudice d'établissement : débouté

- fixer la créance de l'agent judiciaire de l'Etat dans les conditions suivantes :

- dépenses de santé actuelles : 383 315,61 euros

- perte de gains professionnels actuels : 81 003,29 euros

- charges patronales : 48 946,36 euros

- perte de gains professionnels futurs : 111 258,02 euros

- déficit fonctionnel permanent :112 258,02 euros

- dépenses de santé futures : 131 260,09 euros,

- débouter M. [R] de sa demande de doublement du taux des intérêts,

- le débouter de toute demande plus ample ou contraire,

- débouter l'agent judiciaire de l'Etat de toute demande plus ample ou contraire,

- débouter M. [R] de sa demande de frais non répétibles d'appel,

- débouter l'AJE de sa demande de frais non répétibles d'appel en ce que celle-ci est dirigée contre la société Groupama,

- juger que les dépens d'appel seront à la charge de M. [R].

Vu les conclusions de l'AJE, notifiées le 17 novembre 2021, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu l'ordonnance n°59-76 du 7 janvier 1959 relative à l'action en réparation civile de l'Etat,

Vu l'article 11 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1985,

Vu les articles 29 et 32 de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer partiellement le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté partiellement les demandes de l'agent judiciaire de l'Etat,

Et statuant à nouveau,

A titre principal :

- condamner la société Groupama à payer à l'AJE la somme totale de 1 383 551,54 euros au titre des prestations définitives versées par lui pour M. [R] avec intérêts au taux légal à compter des présentes conclusions,

A titre subsidiaire,

- condamner la société Groupama à payer à l'AJE la somme totale de 1 123 607,54 euros au titre des prestations versées par lui pour M. [R], avec intérêts au taux légal à compter des présentes conclusions,

- dire que la société Groupama remboursera à l'Etat sur présentation d'un état de frais annuel présenté par l'administration des armées, les dépenses de santé exposées pour M. [R] résultant de l'accident du 16 septembre 2013,

En tout état de cause,

- condamner la société Groupama à payer à l'AJE la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel,

- condamner la société Groupama aux entiers dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par Maître Anne-Laure Archambault, ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.

La CPAM ainsi que la CNMSS, auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée par actes d'huissier de justice respectivement en date du 7 juillet 2021 et du 8 juillet 2021et délivrés à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le préjudice corporel

L'expert le Professeur [N] a indiqué dans son rapport en date du 4 mars 2019, après avis de M. [M], spécialisé en appareillage de haute technologie et en ingénierie orthopédique, que M. [R] a présenté à la suite de l'accident du 16 septembre 2013, de multiples plaies et lésions des parties molles au niveau des deux membres inférieurs, essentiellement au niveau du membre inférieur droit, avec des plaies articulaires au niveau de genou et de la cheville, et des lésions des parties molles, musculaires, artérielles et nerveuses, très importantes, suivies d'un syndrome des loges et d'une nécrose ayant conduit à une amputation le 30 novembre 2016 et qu'il conserve comme séquelles celles de l'amputation, d'importantes douleurs de type membre fantôme et des répercussions psychologiques (trouble anxieux généralisé fluctuant).

Il a conclu son rapport ainsi qu'il suit, en répondant aux dires des parties :

- arrêt des activités professionnelles : le patient a été placé en arrêt maladie jusqu'au 17 mars 2014, puis en congé de longue maladie. Il a été réformé le 1er mai 2018. Il a effectué une reconversion en tant que moniteur de parachutisme 'indoor' (en soufflerie) fin 2017 dont il a financé une partie. L'activité professionnelle a été reprise le 6 novembre 2017 par emploi en contrat de travail à durée indéterminée par High Flight Paris en qualité de moniteur de parachutisme 'indoor'

- déficit fonctionnel temporaire total : du 16 septembre 2013 au 2 mai 2014, du 5 mai 2014 au 13 mai 2014, du 7 juillet 2015 au 11 juillet 2015, le 15 juillet 2015, du 29 novembre 2016 au 1er avril 2017, du 17 avril 2017 au 29 avril 2017, du 2 mai 2017 au 6 mai 2017, du 9 mai 2017 au 18 mai 2017, du 22 2017 mai au 25 mai 2017 et du 25 septembre 2017 au 14 octobre 2017

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % pour les périodes intercurrentes entre les hospitalisations : périodes de béquillage avec le plus souvent 2 cannes et soins locaux de cicatrices et d'escarres

- assistance temporaire par tierce personne : aide pour les tâches ménagères et aide pour les déplacements de 1 heure par jour pour les périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % jusqu'au 29 novembre 2016, avant amputation, et de 4 heures par semaine à partir du 29 novembre 2016 (amputation et appareillage) jusqu'à la date de la consolidation

- consolidation au 11 décembre 2017

- souffrances endurées de 6/7 (8 interventions chirurgicales et nombreux mois d'hospitalisation)

- préjudice esthétique temporaire de 4/7

- déficit fonctionnel permanent de 35 %

- dépenses de santé futures : un fauteuil roulant est nécessaire en cas d'impossibilité de porter temporairement la prothèse. Actuellement l'intéressé n'a pas de fauteuil. Actuellement le patient possède une prothèse avec pied à retour de force de classe 3 (de marque Reflex stock Ossur). Il ne possède pas de prothèse de secours en cas de défaillance de la prothèse principale. Compte tenu du niveau sportif élevé (sportif de haut niveau avant l'accident) plusieurs prothèses spécifiques pour la reprise du sport semblent licites. Une prothèse de course avec lame pour la reprise de la course à pied. Une prothèse pour la reprise du ski. Une prothèse de bain à visée esthétique. CF le rapport (validé par l'expert principal) de M. [M] sapiteur spécialisé en appareillage,

- logement adapté : le patient n'a actuellement effectué aucun aménagement de son logement. Néanmoins on estime nécessaire une douche type 'à l'italienne' avec un fauteuil douche et barres d'aide au relèvement dans la douche et les toilettes. Actuellement l'intéressé est locataire et vit en appartement en rez-de-chaussée. Il existe cependant l'équivalent d'un étage à descendre avec des marches pour se rendre à son parking souterrain (pas d'ascenseur)

- véhicule adapté : l'intéressé a besoin d'un véhicule de type boîte automatique avec pédalier inversé. Il a déjà acheté ce type de véhicule (été 2016 financé sur ses fonds)

- assistance permanente par tierce personne : 3 heures par semaine d'aide non spécialisée, nécessaire pour les travaux ménagers debout de façon prolongée et les travaux de port de charges, soit 1 heure par semaine pour le port de charges lourdes à l'extérieur et les commissions importantes, 1 heure par semaine pour les tâches ménagères importantes et 1 heure par semaine pour les tâches ménagères courantes lorsque la prothèse doit être retirée en raison des soins locaux

- perte de gains professionnels futurs : L'intéressé a dû changer d'orientation professionnelle et se reconvertir. Il existe donc une perte de gains potentielle. Ceci est à chiffrer par le conseil de l'intéressé

- préjudice scolaire universitaire ou de formation : processus de reconversion limité par le handicap ; le handicap définitif actuellement présent interdit un certain nombre d'emplois et occasionne des restrictions professionnelles. Il existe une limitation importante dans les possibilités de reconversion. L'intéressé occupait initialement un emploi très 'actif' (commando parachutiste). Les obligations imposées pour sa reconversion sont donc vécues comme très contraignantes

- incidence professionnelle : il existe une incidence professionnelle certaine et importante, avec station debout prolongée pénible, port de charge lourde à éviter et travaux en hauteur impossibles ; nécessité d'un emploi compatible avec les séquelles

- préjudice esthétique permanent de 3,5/7 (port de la prothèse et cicatrices)

- préjudice d'agrément : le patient effectuait auparavant du parachutisme en club, de la course à pied et de la musculation, à raison de 10 heures par semaine. A noter que le patient occupait un poste chez les commandos parachutistes, unité d'élite avec des personnels pratiquant du sport à des niveaux de compétition. L'intéressé était un sportif de haut niveau. Le parachutisme a été repris le 6 novembre 2016. La musculation (uniquement du haut du corps) a été reprise en juillet 2017. La course à pied n'a pas été réellement reprise en raison des plaies occasionnées par la prothèse de course, en raison de la variation importante du volume du moignon à l'effort. La natation n'a pas été reprise . L'intéressé a essayé d'utiliser une prothèse de bain, mais trouve cela compliqué et craint encore le regard d'autrui

- préjudice sexuel : il existe une gêne positionnelle ; la gêne positionnelle et l'amputation d'une jambe peuvent avoir des répercussions sur la libido.

Ce rapport et l'avis de M. [M], plus détaillé pour l'appareillage, entériné par l'expert, constituent sous les précisions qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par M. [R] à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 4] 1985, de son activité professionnelle de militaire commando parachutiste, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais du 15 septembre 2020 taux d'intérêts 0 % dont l'application est sollicitée par la victime et qui est le plus approprié en l'espèce pour assurer la réparation intégrale de son préjudice corporel.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Le tribunal a alloué à l'AJE, subrogé dans les droits de M. [R], la somme de 383 315,61 euros au titre de ce poste de préjudice.

La société Groupama conclut à titre principal à la confirmation du jugement.

L'AJE fait valoir une créance de 388 067,61 euros qui est admise par M. [R], qui n'invoque pas de dépenses de santé restées à sa charge avant consolidation. L'AJE estime que son recours porte sur l'ensemble des prestations qu'il a versées à la victime et que la liste de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 n'est pas limitative.

Sur ce, il ressort des décomptes de créances communiqués, établis par la CNMSS et par l'AJE, que ce dernier sollicite le remboursement, au titre de son recours subrogatoire, de la somme de 388 067,61 euros intégrant le forfait journalier à hauteur de la somme totale de 5 292 euros.

Selon l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ' Seules les prestations énumérées ci-après versées à la victime d'un dommage résultant des atteintes à sa personne ouvrent droit à un recours contre la personne tenue à réparation ou son assureur : (...)

2. Les prestations énumérées au II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques...'

Il est mentionné à l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, applicable à la date des faits que 'I . - Lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat est imputable à un tiers, l'Etat dispose de plein droit contre ce tiers, par subrogation aux droits de la victime ou de ses ayants droit, d'une action en remboursement de toutes les prestations versées ou maintenues à la victime ou à ses ayants droit à la suite du décès, de l'infirmité ou de la maladie.

II. - Cette action concerne notamment :

Le traitement ou la solde et les indemnités accessoires pendant la période d'interruption du service ;

Les frais médicaux et pharmaceutiques...'.

Il ressort de ces textes que toutes les prestations, quelle que soit leur nature, dès lors qu'elles ont un lien direct avec le fait dommageable, versées par l'Etat au profit de l'un de ses agents, ouvrent droit à un recours subrogatoire ; le forfait hospitalier qui constitue une prestation qui a été versée par l'Etat à M. [R], militaire, en conséquence directe de l'accident du 16 septembre 2013, ouvre droit à un recours subrogatoire au profit de l'Etat.

La somme de 388 067,61 euros doit donc être allouée à l'AJE.

Le jugement est infirmé.

- Frais divers

Ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

Le tribunal a alloué à M. [R] une somme de 2 000 euros au titre des frais d'assistance à expertise par médecin conseil et l'a débouté de ses demandes d'indemnisation au titre de la destruction de ses vêtements, des frais de téléphone et de télévision durant l'hospitalisation, des frais postaux et de copie de son dossier médical, les estimant non étayées de justificatifs.

M. [R] fait valoir que l'existence des ces préjudices résulte des circonstances de l'accident et de la nature des lésions qu'il a subies, et rappelle que le juge doit évaluer les préjudices dont il constate l'existence.

La société Groupama conclut à la confirmation du jugement, au motif que l'existence et le montant des frais divers doivent être établis par justificatifs, sauf à indemniser un préjudice hypothétique.

Sur ce, M. [R] est fondé à solliciter l'indemnisation des honoraires d'assistance à expertise par le Docteur [L] représentant la somme non contestée de 2 000 euros.

Il ressort du procès-verbal d'accident dressé par les gendarmes que M. [R], qui circulait au guidon de sa moto, a percuté le véhicule assuré auprès de la société Groupama puis a été éjecté de son engin et est retombé au sol ; il résulte de ces circonstances que les vêtements que portait M. [R] lors de l'accident ont été endommagés et la cour est en mesure d'évaluer le préjudice en résultant à la somme de 200 euros qui sera allouée à M. [R].

En revanche M. [R] n'a communiqué aucun document pour établir qu'il a exposé des frais de téléphone et de télévision durant ses hospitalisations ainsi que des frais postaux et de copie de son dossier médical ; ses demandes d'indemnisation ne peuvent prospérer sur ces points.

Le poste de frais divers s'élève ainsi à la somme de 2 200 euros.

Le jugement est infirmé.

- Assistance temporaire par tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Le tribunal a indemnisé M. [R] sur la base du volume horaire retenu par l'expert et d'un taux horaire de 15 euros.

M. [R] soutient que l'expert n'a pas tenu compte du fait que durant ses hospitalisations tous ses besoins n'ont pas été pris en charge par le personnel hospitalier, tels que l'entretien du linge, la collecte du courrier, le règlement de factures ... Il évalue ce besoin à un volume de 100 heures et sollicite par ailleurs, compte tenu des tarifs prestataires en cours, de l'ordre de 23 euros à 27 euros, l'application d'un taux horaire de 20 euros.

La société Groupama conclut à titre principal à la confirmation du jugement ; à titre subsidiaire offre une indemnité de 15 630 euros (1 042 heures au tarif horaire de 15 euros).

Sur ce, la nécessité de la présence auprès de M. [R] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son étendue et dans son coût.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Il s'avère que M. [R] a été hospitalisé à plusieurs reprises et ce, notamment, durant des périodes de plus de trois mois ; si le personnel hospitalier a pris en charge ses besoins quotidiens élémentaires, ainsi de nourriture et d'hygiène, il n'a pas assumé certaines tâches annexes, telle que la gestion du linge et les tâches administratives ; M. [R] est donc fondé à solliciter l'indemnisation du besoin supplémentaire en tierce personne pour l'accomplissement de ces tâches, besoin qui doit être évalué à 100 heures au total pour l'ensemble des hospitalisations.

Le volume horaire retenu par l'expert s'établit à 1 040 heures, hors hospitalisations, ce que les parties s'accordent à reconnaître ; il convient d'y ajouter 100 heures d'aide durant les hospitalisations, pour les motifs ci-dessus énoncés, ce qui porte le volume horaire total à 1 140 heures.

Eu égard à la nature de l'aide requise, non spécialisée, et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base du taux horaire sollicité par M. [R] de 20 euros.

L'indemnité de tierce personne s'établit ainsi à 22 800 euros (1 140 heures x 20 euros)

Le jugement est infirmé.

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Le tribunal a évalué ce poste de préjudice sur la base d'un revenu mensuel de 1 959,75 euros, dont il a déduit les soldes maintenues par l'Etat et les arrérages échus jusqu'à la date de la consolidation de la pension militaire d'invalidité ; il a estimé que M. [R] ne rapportait pas la preuve d'une perte de chance de percevoir des indemnités de mission à l'étranger.

M. [R] soutient qu'il percevait au moment de l'accident des revenus imposables nets de 23 537 euros, qu'il verse aux débats des attestations du ministère des armées qui établissent le montant de sa perte de solde pour la période échue à la consolidation et que de ces documents se déduit le montant de sa perte au titre des primes de services aériens (variables de 682 euros à 724,50 euros ) ; il ajoute que chaque année il effectuait des missions spéciales à l'étranger durant 4 mois, rémunérées à hauteur de 2 022,30 euros et que l'accident lui a fait perdre une chance de percevoir la rétribution de ces missions, perte de chance qu'il évalue à 95 %. M. [R] fixe sa perte totale de gains à la somme de 144 319,14 euros sur laquelle il impute la créance de l'AJE.

La société Groupama répond que selon les bulletins de salaire versés aux débats, de septembre 2012 à août 2013, M. [R] percevait une solde mensuelle de 2 198,10 euros en moyenne, ce qui représente une perte totale de 112 103,10 euros, sur laquelle doit s'imputer la créance de l'AJE de 81 003,29 euros ; elle relève qu'il ressort de ces bulletins de salaire que M. [R] n'effectuait pas des opérations extérieures selon une moyenne de 4 missions par an, de sorte que sa demande d'indemnisation formée à ce titre n'est pas fondée.

L'AJE demande à la cour de lui allouer la somme de 81 003,29 euros, dont 42 190,45 euros au titre des rémunérations versées à M. [R], et 38 812,84 euros au titre arrérages de la pension militaire d'invalidité à titre temporaire, versés du 11 février 2014 au 10 février 2017, des arrérages de la pension militaire d'invalidité accordée à titre définitif, échus du 11 février 2017 jusqu'à la consolidation, et des allocations de grande invalidité et de grand mutilé.

Sur ce, il ressort des bulletins de solde qui ont été produits aux débats, que jusqu'au jour de l'accident M. [R] percevait mensuellement, en sus de sa solde, des indemnités pour charges militaires, des indemnités pour services aériens, des indemnités pour temps d'activité et obligations professionnelles complémentaires et ponctuellement des indemnités de sujétion pour services à l'étranger (en mars et avril 2011, juillet 2011, mars, avril et mai 2012, janvier 2013 et avril 2013).

Il ressort de ces documents que M. [R] n'a plus perçu d'indemnités mensuelles pour services aériens et d'indemnités pour temps d'activité et obligations professionnelles complémentaires, à compter du mois de mai 2014, et qu'il n'a plus perçu, à compter de l'accident, d'indemnités de sujétion pour services à l'étranger.

Les parties s'accordent pour fixer à la somme de 42 190,45 euros la perte de solde durant la période échue de l'accident à la consolidation.

Eu égard à l'attestation du responsable des ressources humaines de l'armée de l'air qui a été produite aux débats, la perte sur les indemnités pour temps d'activité et obligations professionnelles complémentaires, doit être fixée, pour la période échue avant la consolidation, à la somme totale de 2 790,87 euros [(52,22 euros x 21,5 mois) + (65, 26 euros x 12 mois) + (78,32 euros x 11,3 mois)] et celle sur les indemnités pour services aériens doit être évaluée, pour la période échue avant la consolidation, à la somme totale de 26 267,66 euros [(671,70 euros x 15 mois) + (686,63 euros x 12 mois) + (703,77 euros x 11,3 mois)].

Les bulletins de solde pour les années entièrement travaillées avant l'accident, font état des indemnités de sujétion pour services à l'étranger suivantes :

- mars 2011 : 2 153,08 euros et 2 440, 15 euros (régularisation)

- avril 2011 : 1 866 euros

- juillet 2011 : 3 660,24 euros (régularisations)

- mars 2012 : 2 153,08 euros et 1 507,16 euros (régularisation)

- avril 2012 : 2 153,08 euros

- mai 2012 : 645,92 euros.

La moyenne annuelle des indemnités de sujétion pour services à l'étranger, s'élevait ainsi, avant l'accident, à la somme de 8 289,36 euros ramenée à 8 089,20 euros, compte tenu des limites de la demande ; l'accident a exclu que M. [R] puisse poursuivre des missions à l'étranger ; il sera retenu, ainsi qu'il le demande, une perte de chance de 95 % d'accomplir ces missions, ce qui représente pour la période échue entre l'accident et la consolidation, une indemnité de 32 59172 euros (8 089,20 euros x 1548 jours/ 365 jours x 95 %), ramenée à 30 738,96 euros pour rester dans les limites de la demande.

La perte de gains professionnels actuels totale est ainsi de 101 987,94 euros (42 190,45 euros + 2 790,87 euros + 26 267,66 euros + 30 738,96 euros).

De cette perte doivent être déduites les rémunérations maintenues par l'Etat à hauteur de la somme de 42 190,45 euros ; le solde est de 59 797,49 euros.

Il ressort du décompte de créance de l'Etat, que M. [R] a en outre perçu, ce qu'il ne conteste pas, d'une part, des arrérages de la pension militaire d'invalidité à titre temporaire, du 11 février 2014 au 10 février 2017, à hauteur de la somme totale de 26 386,24 euros, et d'autre part, des arrérages de la pension militaire d'invalidité accordée à titre définitif et des allocations de grande invalidité et de grand mutilé, du 11 février 2017 jusqu'à la consolidation du 11 décembre 2017, à concurrence de la somme totale de 12 320,09 euros (22 989,29 euros x 10 mois/ 18,66 mois).

En application de l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article 1er susvisé de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 l'Etat dispose de plein droit contre le tiers responsable du dommage causé à M. [R], par subrogation aux droits de ce dernier, d'une action en remboursement de toutes les prestations qu'il lui a versées notamment des arrérages des pensions et rentes viagères d'invalidité ainsi que les allocations et majorations accessoires.

Par ailleurs il est prévu par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre dans sa version applicable à la date de l'attribution de la pension à M. [R] :

- article L. 2 'Ouvrent droit à pension : 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service'

- article L. 7 'Il y a droit à pension définitive quand l'infirmité causée par la blessure ou la maladie est reconnue incurable. Il y a droit à pension temporaire si elle n'est pas reconnue incurable.'

- article L. 8 'La pension temporaire est concédée pour trois années. Elle est renouvelable par périodes triennales après examens médicaux. Au cas où la ou les infirmités résultent uniquement de blessures, la situation du pensionné doit, dans un délai de trois ans, à compter du point de départ légal défini à l'article L. 6, être définitivement fixée soit par la conversion à un taux supérieur, égal ou inférieur au taux primitif, de la pension temporaire en pension définitive, sous réserve toutefois de l'application de l'article L. 29, soit, si l'invalidité a disparu ou est devenue inférieure au degré indemnisable par la suppression de toute pension.'

Cette pension est établie, selon l'article L. 4 du code susvisé, d'après le degré d'invalidité, et son montant forfaitaire est fixé en fonction du taux d'invalidité reconnu, en application du guide-barème des invalidités, par des médecins experts nommés par l'administration. A chaque taux d'invalidité correspond un nombre de points d'indice de pension qui tient compte du grade des militaires. Le montant annuel de la pension correspond au produit de cet indice par la valeur du point d'indice de pension.

Il résulte des dispositions qui précèdent que la pension militaire d'invalidité est attribuée en fonction d'une infirmité et du taux d'invalidité qui en découle et que cette pension devient définitive dès que l'infirmité est reconnue incurable ; la pension militaire d'invalidité n'est donc pas corrélée à une date de consolidation.

Il convient en conséquence d'imputer les arrérages échus de la pension militaire d'invalidité temporaire et les allocations de grande invalidité et de grand mutilé qui la complètent alloués à M. [R], sur le poste temporaire de perte de gains professionnels actuels, qu'elles ont vocation à réparer, ce que toutes les parties admettent.

Les arrérages de la pension militaire d'invalidité temporaire et des allocations de grande invalidité et de grand mutilé versés entre le 11 février 2014 et le 10 février 2017 se sont élevés selon le décompte de créance de l'Etat à la somme totale de 26 386,24 euros.

Après imputation la somme de 33 411,25 euros (59 797,49 euros - 26 386,24 euros) revient à M. [R].

L'indemnité de 68 576,69 euros (42 190,45 euros + 26 386,24 euros) revient donc à l'AJE.

Le jugement est infirmé.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il résulte de l'avis de M. [M], en date du 31 décembre 2018, entériné par l'expert, le Professeur [N], que l'état de M. [R] nécessite l'appareillage suivant :

1) - une prothèse principale équipée d'un pied prothétique Re-Flex Shock au prix de 8 976,65 euros dont 3976,65 euros pris en charge par l'organisme social, et dont la somme de 5 000 euros correspondant au prix du pied non inscrit à la liste des produits et prestations remboursables par l'assurance maladie (la liste LPPR) ne sera pas pris en charge et à renouveler tous les trois ans,

- le coût des changements d'emboîture pris en charge par l'organisme social

- une coque carbone de protection de la prothèse principale au prix de 1500 euros non prise en charge par l'organisme social et renouvelable tous les trois ans

- quatre manchons par an au prix unitaire de renouvellement de 823,39 euros dont un manchon sera pris en charge par l'organisme social et trois manchons soit la somme de 2470,17 euros ne sera pas prise en charge,

2) - une prothèse de secours équipée d'un pied prothétique Rush au prix d'environ 8 976,65 euros dont la somme de 3976,65 euros pourrait être prise en charge par l'organisme social et dont la somme d'environ 5000 euros correspondant au prix du pied Rush non inscrit à la LPPR ne sera pas prise en charge, prothèse à renouveler tous les quatre ans ; le coût des changements d'emboîture nécessaires seraient pris en charge par l'organisme social s'il accepte de prendre en charge les éléments de cette prothèse à l'exception du pied Rush

- une coque carbone de protection de la prothèse de secours au prix d'environ 1500 euros non prise en charge par l'organisme social,

3) - une prothèse de bain muni d'une cheville articulée et d'un pied prothétique de classe III au prix d'environ 7500 euros non prise en charge par l'organisme social prothèse qui serait renouvelée tous les cinq ans

- 2 changements d'emboîture avec le remplacement du manchon pour un coût unitaire d'environ 2600 euros soit environ 5200 euros les deux pour chaque période de cinq années non pris en charge par l'organisme social,

4) - une prothèse de sport pour la course à pied équipé d'un pied lame carbone Flex-Run au prix d'environ 9000 euros, non prise en charge par l'organisme social, prothèse qui serait renouvelée tous les cinq ans

- 2 changements d'emboîture avec le remplacement du manchon au prix unitaire d'environ 2600 euros soit environ 5200 euros les deux pour chaque période de cinq années, non pris en charge par l'organisme social.

5) - une prothèse pour la pratique du ski équipé d'un pied Procarve au prix d'environ 8 000 euros et 8 600 euros s'il y a l'adjonction d'un cuissard, non prise en charge par l'organisme social, prothèse qui serait renouvelée tous les 7 ans

- 2 changements d'emboîture avec le renouvellement du manchon au prix unitaire d'environ 2 600 euros ou 3 200 euros s'il y a l'adjonction d'un cuissard, soit environ 5 200 euros ou environ 6 400 euros les deux pour chaque période de 7 années, non pris en charge par l'organisme social,

6) - un fauteuil roulant manuel qui pourrait être un fauteuil roulant de marque Küschall du type Ultra-Light au prix de 2 650 euros, pris en charge par l'organisme social pour la somme de 603,65 euros soit la somme restant à charge de 2 046,35 euros, renouvelable tous les 10 ans.

Les indemnisations doivent intervenir à compter de la date de la consolidation, qui est la date à partir de laquelle le besoin est établi, peu important la date d'acquisition effective des matériels. Par ailleurs il doit être relevé que la société Groupama ne s'oppose pas à une réparation au profit de M. [R] sous la forme du versement d'un capital.

Les indemnités revenant à M. [R] sont les suivantes :

fauteuil roulant manuel de marque Küschall du type Ultra-Light : le montant figurant au devis communiqué en date du 16 janvier 2020, postérieur à l'établissement par M. [M] de son avis, sera retenu, soit un coût de 2 810 euros dont 603,85 euros pris en charge par l'organisme social, avec une périodicité de renouvellement de 10 ans, tel que retenu par M. [M], dont l'avis fait ressortir que le fauteuil ne sera utilisé que très ponctuellement lors de périodes de maladie ou lorsque la victime ne pourra pas chausser sa prothèse :

- coût annuel

(2 810 euros - 603,85 euros ) / 10 ans = 220,62 euros

- arrérages échus depuis la consolidation jusqu'à la liquidation

220,62 euros x 5 ans = 1 103,08 euros

- arrérages à échoir

par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 37 ans à la liquidation selon le barème susvisé soit 42,891

220,62 euros x 42,891 = 9 462,61 euros

- total : 10 565,69 euros.

prothèse principale équipée d'un pied prothétique Re-Flex Shock avec coque en carbone et un manchon ; eu égard au devis communiqué en date du 16 janvier 2020, le coût total doit être fixé à 9 423 euros, dont 3 398,81 euros sont pris en charge par l'organisme social ; soit à la charge de M. [R] au titre de la prothèse avec pied, 5 526,94 euros avec un renouvellement tous les 4 ans, ainsi que M. [R] limite sa demande, et au titre d'un dispositif de compensation des volumes du membre résiduel, étant précisé que l'expert a relevé une différence de volume du moignon au cours de la journée, ce qui valide le recours à ce matériel, 497,25 euros avec renouvellement tous les 18 mois, ce qui représente les indemnités suivantes :

- prothèse avec pied et coque :

- coût annuel

5 526,94 euros / 4 ans = 1 381,74 euros

- arrérages échus depuis la consolidation jusqu'à la liquidation

1 381,74 euros x 5 ans = 6 908,70 euros

- arrérages à échoir

par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 37 ans à la liquidation selon le barème susvisé soit 42,891

1 381,74 euros x 42,891 = 59 264,21 euros

- total : 66 172,91 euros

- dispositif de compensation des volumes :

- coût annuel

497,25 euros / 1,5 ans = 331,50 euros

- arrérages échus depuis la consolidation jusqu'à la liquidation

331,50 euros x 5 ans = 1 657,50 euros

- arrérages à échoir

par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 37 ans à la liquidation selon le barème susvisé soit 42,891

331,50 euros x 42,891 = 14 218,37 euros

- total : 15 875,87 euros

prothèse de secours équipée d'un pied prothétique Rush avec gaine et dispositif de compensation des volumes, selon le devis en date du 16 janvier 2020, prix total de 6 541,13 euros dont 6 043,88 euros pris en charge par l'organisme social et dispositif de compensation des volumes de 497,25 euros à la charge de M. [R] renouvelable tous les 18 mois soit une somme restant à la charge de M. [R] de 15 875,87 euros.

coques de protection en carbone de la prothèse principale et de la prothèse de secours non prises en charge soit 1 500 euros par coque avec un renouvellement tous les 3 ans pour la coque de la prothèse principale et tous les 4 ans pour l'autre soit :

- coque renouvelable tous les 3 ans

- coût annuel

1 500 euros / 3 ans = 500 euros

- arrérages échus depuis la consolidation jusqu'à la liquidation

500 euros x 5 ans = 2 500 euros

- arrérages à échoir

500 euros x 42,891 = 21 445,50 euros

- total : 23 945,50 euros

- coque renouvelable tous les 4 ans

- coût annuel

1 500 euros / 4 ans = 375 euros

- arrérages échus depuis la consolidation jusqu'à la liquidation

375 euros x 5 ans = 1 875 euros

- arrérages à échoir

375 euros x 42,891 = 16 084,13 euros

- total : 17 959,13 euros,

manchons pour la prothèse principale à raison de 4 manchons par an dont 3 non pris charge par l'organisme social ; soit la somme de 2470,17 euros à la charge de M. [R]

- coût annuel

2 470 euros ramené à 1 646,78 euros pour rester dans les limites de la demande

- arrérages échus depuis la consolidation jusqu'à la liquidation

1 646,78 euros x 5 ans = 8 233,90 euros

- arrérages à échoir

1 646,78 euros x 42,891 = 70 632,04 euros

- total : 78 865,94 euros,

prothèse de course avec pied lame carbone Flex-Run au prix selon le devis en date du 16 janvier 2020 communiqué, de 9 689,16 euros, intégrant le dispositif de compensation des volumes, non pris en charge par l'organisme social avec un renouvellement tous les 5 ans ainsi que retenu par l'expert et 2 changements d'emboîture avec le remplacement du manchon au prix unitaire d'environ 2 600 euros soit environ 5 200 euros les deux pour chaque période de cinq années, non pris en charge par l'organisme social, soit un total de 14 889,16 euros (9 689,16 euros + 5 200 euros)

- coût annuel

14 889,16 euros / 5 ans = 2 977,83 euros

- arrérages échus depuis la consolidation jusqu'à la liquidation

2 977,83 euros x 5 ans = 14 889,16 euros

- arrérages à échoir

2 977,83 euros x 42,891 = 127 722,11 euros

- total : 142 611,27 euros,

prothèse de bain munie d'une cheville articulée et d'un pied prothétique de classe III selon les prévisions de l'expert, le devis communiqué ne correspondant pas à celles-ci, au prix de 7500 euros et 2 changements d'emboîture avec le remplacement du manchon pour un coût unitaire d'environ 2600 euros soit environ 5200 euros les deux pour chaque période de cinq années non pris en charge par l'organisme social, soit un total restant à la charge de M. [R] de 12 700 euros renouvelable tous les 5 ans,

- coût annuel

12 700 euros / 5 ans = 2 540 euros

- arrérages échus depuis la consolidation jusqu'à la liquidation

2 540 euros x 5 ans = 12 700 euros

- arrérages à échoir

2 540 euros x 42,891 = 108 943,14 euros

- total : 121 643,14 euros,

prothèse pour la pratique du ski équipé d'un pied Procarve au prix selon le devis communiqué en date du 16 janvier 2020 de 10 588,39 euros intégrant le dispositif de compensation des volumes, avec un renouvellement tous les 7 ans et 2 changements d'emboîture avec le renouvellement du manchon au prix unitaire de 3 200 euros avec adjonction d'un cuissard, soit 6 400 euros les deux pour chaque période de 7 années, non pris en charge par l'organisme social,

soit un coût total de 16 988,39 euros étant précisé que M. [R] pratiquait divers sports avant l'accident à un haut niveau, ce qui justifie le recours à cet appareillage

- coût annuel

16 988,39 euros / 7 ans = 2 426,91 euros

- arrérages échus depuis la consolidation jusqu'à la liquidation

2 426,91 x 5 ans = 12 134,55 euros

- arrérages à échoir

2 426,91 euros x 42,891 = 104 092,60 euros

- total : 116 227,15 euros

Le surplus demandé par M. [R] au titre des soins quotidiens, non justifié par les pièces produites, sera rejeté.

L'indemnité totale revenant à M. [R] au titre des dépenses de santé futures est ainsi de 609 742,47 euros (10 565,69 euros + 66 172,91 euros + 15 875,87 euros + 15 875,87 euros + 23 945,50 euros + 17 959,13 euros + 78 865,94 euros + 142 611,27 euros + 121 643,14 euros + 116 227,15 euros).

La cour, au vu des prévisions de l'expert, des pièces communiquées, et du décompte de créance de l'AJE, est en mesure de fixer la créance de celui-ci au titre des dépenses de santé futures d'une part, à la somme de 18 713,45 euros correspondant aux frais médicaux et para-médicaux déjà pris en charge et, d'autre part, à celle de 259 944 euros correspondant au capital représentatif au 24 janvier 2020 des arrérages à échoir des dépenses de matériels prothétiques, selon une annuité de 8 000 euros et une capitalisation par l'euro de rente viagère résultant de I de l'annexe 2 de l'arrêté du 27 décembre 2011relatif à l'application des articles R. 376-1 et R. 454-1 du code de la sécurité sociale, pour un homme âgé de 34 ans et 7 mois à la liquidation.

La société Groupama doit en conséquence être condamnée à verser à l'AJE la somme de 18 713,45 euros au titre des frais médicaux et para-médicaux déjà pris en charge et sur présentation d'un état de frais annuel présenté par l'administration des armées, les dépenses de santé exposées pour M. [R] résultant de l'accident du 16 septembre 2013 pour un capital représentatif de 259 944 euros au 24 janvier 2020.

Le jugement est infirmé.

- Assistance permanente par tierce personne

Ce poste vise à indemniser, postérieurement à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Le tribunal a liquidé ce poste de préjudice sur la base d'un volume horaire de 3 heures par semaine et d'un taux horaire de 17 euros appliqués sur une année de 52 semaines.

M. [R] sollicite que le taux horaire soit porté à 26 euros compte tenu de la nécessité de recourir à un prestataire extérieur.

La société Groupama conclut à la confirmation du jugement.

Sur ce, il est rappelé que l'expert a estimé que l'état de M. [R] requerrait 3 heures par semaine d'aide non spécialisée, pour les travaux ménagers debout de façon prolongée et les travaux de port de charges, soit 1 heure par semaine pour le port de charges lourdes à l'extérieur et les commissions importantes, 1 heure par semaine pour les tâches ménagères importantes et 1 heure par semaine pour les tâches ménagères courantes lorsque la prothèse doit être retirée en raison des soins locaux.

Eu égard à la nature de l'aide requise, non spécialisée, et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 23 euros sur 52 semaines par an.

L'indemnité est la suivante :

- de la consolidation à la liquidation

3 heures x 268,20 semaines x 23 euros = 18 505,80 euros

- à compter de la liquidation

par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 37 ans à la liquidation selon le barème susvisé soit 42,891

3 heures x 52 semaines x 23 euros x 42,891 = 153 892,91 euros

- total : 172 398,71 euros.

Le jugement est infirmé.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Le tribunal a liquidé ce poste de préjudice sur la base d'un revenu annuel de 23 517 euros, dont il a déduit les revenus perçus par M. [R] en 2018 et en 2019, a refusé de tenir compte de l'augmentation de ses charges invoquée par M. [R], qu'il a estimée non établie, a capitalisé pour l'avenir la perte de gains, puis a imputé le solde de la créance de l'AJE à due concurrence.

M. [R] demande l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs sur la base d'un revenu annuel de 23 537 euros, tel qu'il ressort de son avis d'imposition sur le revenu de l'année 2013, actualisé à la date de la liquidation, à la somme de 24 665,81 euros, et des indemnités obtenues dans le cadre des activités à l'extérieur, non imposables, d'un montant annuel de 7 942,52 euros, ce qui représente une somme annuelle de 32 608,33 euros, à laquelle il ajoute les revenus que devait lui procurer une activité de vidéo tandem pour laquelle il affirme qu'il s'était formé et qu'il a été diplômé en novembre 2013, fixant ainsi son revenu de référence à 35 000 euros par an.

Il indique avoir financé une formation pour devenir moniteur parachutiste 'indoor' et avoir trouvé un emploi générant un revenu annuel moyen de 20 000 euros, mais que doivent être déduits de ce revenu les frais de déplacements pluri-hebdomadaires et la perte du bénéfice du logement et d'une partie des repas qui étaient fournis par l'armée.

Il indique qu'au vu de ses avis d'imposition, sa perte de la date de la consolidation à avril 2019 a été de 64 910 euros et d'avril 2019 à décembre 2020 de 53 550 euros.

Il fixe sa perte de gains à partir de 2021 à la somme annuelle de 30 600 euros qu'il capitalise par un euro de rente temporaire jusqu'à l'âge de 50 ans, puis impute la pension d'invalidité anticipée jusqu'à l'âge de 50 ans.

La société Groupama estime que seul est indemnisable le différentiel entre la solde nette annuelle de 26 377,28 euros en 2013, et les revenus annuels de la nouvelle activité, soit 20 000 euros, le surplus réclamé n'étant pas selon elle justifié ; elle précise qu'après imputation de la pension d'invalidité, aucun solde ne se dégage en faveur de M. [R].

L'AJE demande à la cour de lui allouer, au titre de la pension militaire d'invalidité accordée à titre définitif, à compter du 11 février 2017, et des allocations grande invalidité et grand mutilé, une somme 62 522,86 euros.

Sur ce, M. [R] et la société Groupama s'accordent pour que l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs repose sur les revenus imposables de l'année 2013, soit 23 537 euros ; ce revenu doit être actualisé à ce jour, ainsi que le demande M. [R], afin de tenir compte de la dépréciation monétaire résultant de l'inflation ; le revenu actualisé est ainsi de 26 506,93 euros, ramené à 24 665,81 euros pour rester dans les limites de la demande.

A ce revenu doivent être ajoutées les pertes échues après la consolidation, pour la période du 12 décembre 2017 au 31 décembre 2017, et pour la période du 1er janvier 2018 au 30 avril 2018, sur les indemnités pour services aériens et les indemnités pour temps d'activité et obligations professionnelles complémentaires, dont M. [R] a sollicité l'indemnisation de façon erronée au titre de la perte de gains professionnels actuels, qui doivent être réintégrées dans la perte postérieure à la consolidation, et qui s'élèvent selon l'attestation susvisée du responsable des ressources humaines de l'armée de l'air, à 357,20 euros [49,60 euros (78,32 euros x 19 jours/ 30 jours) + 307,60 euros (76,90 euros x 4 mois)] pour l'indemnité de temps d'activité et d'obligations professionnelles complémentaires et à 727,86 euros [36,84 euros (703,77 euros x 19 jours / 365 jours) + 691,02 euros] pour l'indemnité de services aériens.

Il doit également être tenu compte de l'indemnité annuelle de sujétion pour services à l'étranger, qui, ainsi qu'il a été indiqué ci-avant pour la perte de gains professionnels actuels, était en moyenne, selon les bulletins de solde des années entières antérieures à l'accident, de 8 089,20 euros, montant ramené à la somme de 7 942,52 euros, compte tenu des limites de la demande de M. [R] au titre de ce poste de préjudice.

Si M. [R] justifie avoir financé une formation d'opérateur vidéo/photo tandem et avoir obtenu un diplôme le 8 novembre 2013, il n'a produit aucune pièce de nature à démontrer qu'il avait l'intention de développer dans ce domaine une activité complémentaire à celle qu'il exerçait de militaire commando parachutiste, ni qu'il aurait eu la possibilité de le faire, aucune pièce n'étant produite sur ce point ; sa demande d'indemnisation formée à hauteur de la somme de 3 000 euros n'est donc pas fondée.

M. [R] ne démontre pas qu'avant l'accident il habitait en caserne et bénéficiait d'avantages sur le plan du logement et de la nourriture ; aucune perte supplémentaire ne peut être prise en considération à ce titre.

M. [R] a produit aux débats des bulletins de salaire démontrant qu'il est employé depuis le 21 décembre 2017 par la société Ifly Paris en qualité de moniteur ; la société Groupama admet que cette activité procure à M. [R] un revenu annuel de 20 000 euros.

En revanche M. [R] ne rapporte ni la preuve que les frais de déplacement et de logement qu'il assume, sont générés par sa nouvelle activité professionnelle, ni que sans l'accident il n'aurait pas exposés de tels frais.

Eu égard à l'ensemble des données qui précèdent, la perte de gains subie par M. [R] doit être évaluée ainsi qu'il suit :

du 12 décembre 2017 au 31 décembre 2017 :

49,60 euros + 36,84 euros = 86,44 euros

année 2018 :

- gains attendus : 24 665,81 euros + 7 942,52 euros + 307,60 euros + 691,02 euros = 33 606,95 euros

- gains perçus selon avis d'imposition : 10 994 euros

- solde : 33 606,95 euros - 10 994 euros = 22 612,95 euros

année 2019

- gains attendus : 24 665,81 euros + 7 942,52 euros = 32 608,33 euros

- gains perçus selon avis d'imposition : 19 315 euros

- solde : 32 608,33 euros - 19 315 euros = 13 293,33 euros

année 2020

- gains attendus : 32 068,33 euros

- gains perçus : 17 281 euros

- solde : 32 068,33 euros - 17 281 euros = 14 787,33 euros

année 2021

a défaut d'autres éléments il convient de prendre en considération le dernier différentiel soit 14 787,33 euros

année 2022

14 787,33 euros

du 1er janvier 2023 à la liquidation

14 787,33 euros / 12 mois = 1 232,28 euros

à compter de la liquidation

Par capitalisation de la perte annuelle par un euro de rente temporaire pour un homme âgé de 37 ans à la liquidation jusqu'à l'âge de 50 ans, âge auquel M. [R] indique qu'il aurait pris sa retraire de militaire selon le barème susvisé soit 12,843

14 787,33 euros x 12,843 = 189 913,68 euros

La perte totale de gains est ainsi de 258 206,94 euros [86,44 euros + 22 612,95 euros + 13 293,33 euros + 44 361,99 euros (14 787,33 euros x 3 ans) + 1 232,28 euros + 189 913,68 euros].

Sur cette indemnité s'impute la pension militaire d'invalidité accordée à titre définitif quelle à vocation à réparer, soit :

- au titre des arrérages échus du 11 février 2017 au 31 août 2018 la somme de 22 989,29 euros

- au titre des arrérages échus du 1er mai 2018 au 31 octobre 2018 la somme de 68,40 euros

- au titre des arrérages échus du 1er novembre 2018 au 30 novembre 2018 celle de 1 211,40 euros

- au titre du capital représentatif des arrérages à échoir à compter du 1er décembre 2018 : 574 494,34 euros

- total : 22 989,29 euros + 68,40 euros +1 211,40 euros + 574 494,34 euros = 598 763,43 euros

Après imputation à due concurrence, la somme de 258 206,94 euros revient à l'AJE et aucun solde n'est disponible pour M. [R].

Le solde de la pension militaire d'invalidité doit être imputé successivement sur l'incidence professionnelle et en cas d'insuffisance sur le déficit fonctionnel permanent.

En effet, eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité, et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent.

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Le tribunal a liquidé ce poste de dommage, à hauteur de la somme de 125 000 euros au titre de la pénibilité accrue et de la dévalorisation sur le marché du travail ; il a estimé non prouvées la perte de retraite et la perte de chance de promotion invoquées par M. [R].

M. [R] demande à la cour de l'indemniser des frais de reconversion exposés (4 000 euros), de la perte de chance de promotion professionnelle, en se fondant sur ses fiches de notation et une attestation d'un supérieur hiérarchique précisant qu'à l'issue de 12 années de service il aurait pu intégrer le corps des sous-officiers et après 15 années de service accéder au brevet de technicien supérieur qu'il évalue à 50 000 euros, de la perte sur sa retraite, qu'il fixe à la somme de 231 812,69 euros sur la base d'une simulation, de la pénibilité accrue à concurrence de la somme de 50 00 euros, et de sa précarisation sur le marché du travail qu'il fixe à la somme de 40 000 euros.

Il critique la capitalisation viagère de la pension d'invalidité faite par l'AJE, dans la mesure où selon lui seule la partie de la pension d'invalidité versée de façon anticipée, soit avant l'âge de 50 ans, doit être imputée sur l'incidence professionnelle.

La société Groupama admet que sont justifiés la pénibilité, les frais de reconversion et la perte de chance de promotion mais relève que les montants sollicités sont exorbitants.

Sur le préjudice de retraite elle soutient que l'estimation produite n'a aucune valeur, et qu'à défaut de production d'un relevé de carrière le calcul par points ne peut être effectué.

Sur ce, M. [R] justifie avoir financé le 15 novembre 2017 à hauteur de la somme de 4 000 euros une formation de moniteur en soufflerie en vue d'assurer sa reconversion professionnelle ; sa demande d'indemnisation formée de ce chef est fondée.

Il s'avère que du fait du handicap résultant de l'accident, M. [R] est dévalorisé sur le marché du travail et va subir, quel que soit le métier qu'il exercera dans l'avenir, une pénibilité accrue ; ces incidences professionnelles de l'accident doivent être indemnisées, compte tenu de l'importance du handicap et de l'âge de M. [R] à la consolidation, à hauteur des sommes de 40 000 euros et de 50 000 euros qu'il sollicite.

M. [R] justifie, par le titre de pension du mois de mai 2015, percevoir une pension de retraite pour invalidité mensuelle de 875,97 euros bruts et par la simulation de retraite, qu'il a communiqués, que sans l'accident il aurait perçu à l'âge de 50 ans une pension de retraite mensuelle d'un montant brut de 1 570,76 euros, ce qui représente, compte tenu du taux de cotisation sur sa retraite, une perte nette mensuelle de 625,31 euros et une perte annuelle nette de 7 503,72 euros ramenée à 7 503 euros compte tenu des limites de la demande ; cette perte occasionnée par l'accident doit être indemnisée ; la réparation sera faite par capitalisation de la perte annuelle par un euro de rente viagère pour un homme âgé de 50 ans, selon le barème précité, soit 30,896 ; la perte sur le montant de la retraite est ainsi de 231 812,69 euros (7 503 euros x 30,896).

M. [R] a produit aux débats, d'une part, une attestation de M. [S] [E], lieutenant -colonel, précisant qu'à l'issue de 12 années de services M. [R] aurait pu intégrer le corps des sous-officiers et après 15 années de service accéder au brevet de technicien supérieur, et d'autre part, ses bulletins de notation, établissant qu'il était un bon élément et que sans l'accident il aurait intégré dès les conditions d'ancienneté remplies le corps des sous-officiers ou à tout le moins aurait accédé au brevet de technicien supérieur ; cette perte de chance de promotion professionnelle doit être indemnisée à hauteur de la somme de 50 000 euros, sollicitée par M. [R] et admise par la société Groupama.

L'incidence professionnelle totale est ainsi de 375 812,69 euros (4 000 euros + 40 000 euros + 50 000 euros + 231 812,69 euros + 50 000 euros)

Sur cette indemnité s'impute, en application des énonciations qui précèdent, l'intégralité du solde de la pension militaire d'invalidité accordée à titre définitif, soit 340 556,49 euros (598 763,43 euros - 258 206,94 euros) qu'elle a vocation à réparer.

Après imputation, la somme de 340 556,49 euros revient à l'AJE et celle de 35 256,20 euros (375 812,69 euros - 340 556,49 euros) revient à ce titre à M. [R].

- Frais de logement adapté

Ce poste comprend les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap après la consolidation. Il inclut non seulement l'aménagement du domicile préexistant mais éventuellement le surcoût financier engendré, soit par l'acquisition d'un domicile mieux adapté, soit par la location d'un logement plus grand. Il intègre les frais nécessaires pour que la victime handicapée puisse disposer d'un autre lieu de vie extérieur à son logement habituel de type foyer ou maison médicalisée. Il comprend aussi les frais de déménagement et d'emménagement.

Le tribunal a réservé ce poste de dommage ce que M. [R] demande de confirmer.

La société Groupama conclut à titre principal à la confirmation du jugement.

Sur ce, eu égard à l'accord des parties il convient de confirmer le jugement qui a réservé ce poste de dommage.

- Frais de véhicule adapté

Ce poste comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l'acquisition ou à l'adaptation d'un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent, incluant le ou les surcoût(s) lié(s) au renouvellement du véhicule et à son entretien ou les surcoûts en frais de transport rendus nécessaires à la victime en raison de ses difficultés d'accessibilité aux transports en commun survenues depuis le dommage.

Le tribunal a réservé ce poste de préjudice.

M. [R] demande à la cour une indemnité pour la voiture aménagée de 46 910,47 euros, calculée sur la base d'un surcoût d'acquisition de 2 300 euros pour la boîte de vitesses automatique et de 1 100,40 euros pour l'inversion des pédales, avec un rythme de renouvellement de 5 ans.

Il soutient poursuivre la pratique de la moto, bien qu'à un rythme moins soutenu qu'avant l'accident, et demande ainsi l'allocation d'une indemnité de 11 002,23 euros sur la base d'un coût d'aménagement de l'une des pédales de 190,35 euros et d'un rythme de renouvellement de 10 ans.

La société Groupama répond, pour la voiture adaptée, que M. [R] doit justifier d'un devis et non d'informations recueillies sur internet, et affirme que le coût d'un véhicule avec boîte de vitesses automatique n'est pas plus élevé que celui d'un véhicule avec boîte de vitesses manuelle. Elle estime que la périodicité du renouvellement doit être fixée à 10 ans et que M. [R] commet une erreur en sollicitant le prix de la première acquisition qui est incluse dans les arrérages échus.

Pour la moto, la société Groupama relève que la 1ère acquisition est également comptée deux fois.

Sur ce, la société Groupama ne conteste pas la nécessité pour M. [R] de disposer d'une voiture et d'une moto adaptés à son handicap.

L'expert a retenu le besoin pour M. [R], eu égard à son handicap, de bénéficier d'un véhicule automobile de type boîte de vitesses automatique avec pédalier inversé.

La cour est en mesure d'évaluer, au vu des pièces communiquées, le surcoût d'acquisition d'un véhicule automobile avec boîte automatique à 2 300 euros et le coût de l'inversion de pédales à la somme de 1 100,40 euros ; le rythme de renouvellement sera fixé à 5 ans.

L'indemnité est ainsi la suivante :

- coût annuel :

2 300 euros + 1 100,40 euros / 5 ans = 680,08 euros

- arrérages échus de la consolidation à la liquidation :

680,08 euros x 5 ans = 3 400,40 euros

- arrérages à échoir

680,08 euros x 42,891 = 29 169,31 euros

- total : 32 569,71 euros.

Pour la moto, que M. [R] utilise de façon moins régulière, la cour est en mesure de fixer, eu égard à la facture communiquée, le coût total de l'adaptation à la somme de 1 903,50 euros et le rythme de renouvellement à 10 ans.

L'indemnité est la suivante :

- coût annuel

1 903,50 euros / 10 ans = 190,35 euros

- arrérages échus de la consolidation à la liquidation :

190,35 euros x 5 ans = 951,75 euros

- arrérages à échoir

190,35 euros x 42,891 = 8 164,30 euros

- total : 9 116,05 euros.

L'indemnité totale pour les deux véhicules aménagés est ainsi de 41 685,76 euros.

Il doit être ajouté au jugement.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base de 30 euros par jour pour un déficit total, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle, soit :

- 12 630 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total de 421 jours

- 16 890 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % de 1 126 jours

- total : 29 520 euros.

Le jugement est infirmé.

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi

que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des nombreuses hospitalisations et interventions chirurgicales, des examens et soins ; évalué à 6/7 par l'expert, ce chef de préjudice justifie l'octroi de l'indemnité de 50 000 euros sollicitée par M. [R].

Le jugement est infirmé.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Les parties s'accordent sur l'indemnité de 5 000 euros allouée par le tribunal.

Le jugement est confirmé.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une amputation transtibiale de la jambe droite, d'importantes douleurs de type membre fantôme et un trouble anxieux généralisé fluctuant, conduisant à un taux de 35 % et justifiant, compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence, une indemnité de 130 000 euros, pour un homme âgé de 32 ans à la consolidation.

La totalité de la pension militaire d'invalidité ayant été imputée sur les postes de perte de gains professionnels futurs et d'incidence professionnelle, la somme de 130 000 euros revient en intégralité à M. [R].

Le jugement est infirmé.

- Préjudice esthétique permanent

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 3,5/7 au titre de l'amputation, nécessitant le recours à une prothèse et des cicatrices, il doit être indemnisé à hauteur de 15 000 euros.

Le jugement est infirmé.

- Préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

La société Groupama ne conteste pas que M. [R] qui était militaire commando parachutiste était un athlète de haut niveau et que l'accident le prive de la possibilité de pratiquer le parachutisme auquel il s'adonnait régulièrement avant l'accident.

Ce poste de dommage a été justement indemnisé par le tribunal à hauteur de la somme de 25 000 euros.

Le jugement est confirmé.

- Préjudice sexuel

Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle, soit le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.).

L'expert retient une baisse de l'envie ou de la libido et une gêne positionnelle ; ce poste de préjudice sera intégralement réparé par l'octroi de l'indemnité de 20 000 euros que M. [R] sollicite.

Le jugement est infirmé.

- Préjudice d'établissement

Ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte d'espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteinte la victime après sa consolidation. Il s'agit de la perte d'une chance de fonder une famille, d'élever des enfants et, plus généralement, des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui la contraignent à certains renoncements sur le plan familial. Ce préjudice recouvre en cas de séparation ou de dissolution d'une précédente union, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un nouveau projet de vie familiale.

L'amputation et la perte de confiance qu'elle a engendrée diminuent les chances pour M. [R], de nouer une relation affective durable et de fonder une famille, ce qui justifie l'indemnité de 10 000 euros qu'il sollicite au titre de ce poste de dommage.

Le jugement est infirmé.

***

Récapitulatif :

- dépenses de santé actuelles : 388 067,61 euros revenant à l'AJE (infirmation du jugement)

- frais divers : 2 200 euros (infirmation du jugement)

- assistance temporaire par tierce personne : 22 800 euros (infirmation du jugement)

- perte de gains professionnels actuels : 33 411,25 euros revenant à M. [R] et 68 576,69 euros revenant à l'AJE (infirmation du jugement)

- dépenses de santé futures : 609 742,47 euros revenant à M. [R] et 278 657,45 euros revenant à l'AJE (ajout au jugement)

- frais de véhicule adapté : 41 685,76 euros (ajout au jugement)

- frais de logement adapté : poste réservé (confirmation du jugement)

- assistance permanente par tierce personne : 172 398,71 euros (infirmation du jugement)

- perte de gains professionnels futurs : aucune somme au profit de M. [R] (confirmation du jugement) et 271 909,55 euros revenant à l'AJE (infirmation du jugement)

- incidence professionnelle : 35 256,20 euros revenant à M. [R] et 340 556,49 euros revenant à l'AJE (infirmation du jugement)

- déficit fonctionnel temporaire : 29 520 euros (infirmation du jugement)

- souffrances endurées : 50 000 euros (infirmation du jugement)

- préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros (confirmation du jugement)

- déficit fonctionnel permanent : 130 000 euros (infirmation du jugement)

- préjudice esthétique permanent : 15 000 euros (infirmation du jugement)

- préjudice d'agrément : 25 000 euros (confirmation du jugement)

- préjudice sexuel : 20 000 euros (infirmation du jugement)

- préjudice d'établissement :10 000 euros (infirmation du jugement)

Par ailleurs la somme totale de 598 763,43 euros revient à l'AJE au titre de la pension militaire d'invalidité définitive versée à M. [R].

Sur la demande de l'AJE au titre des charge patronales

L'article 32 de la loi du 5 juillet 1985 autorise l'employeur à poursuivre directement contre le tiers responsable le remboursement des charges sociales patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées à la victime pendant la période d'indisponibilité de celle-ci.

Au vu du décompte communiqué par l'AJE, ces charges se sont élevées pour la période du 18 septembre 2013 au 31 août 2015 à la somme de 48 946,36 euros au paiement de laquelle la société Groupama est tenue.

Le jugement est confirmé.

Sur les intérêts des sommes dues à l'AJE

Les intérêts courront à compter des conclusions de l'AJE du 17 novembre 2021, en application de l'article 1231-6 du code civil, ainsi qu'il le demande.

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Le tribunal a rejeté la demande de M. [R] aux motifs d'une part, que la responsabilité était contestée et le dommage non entièrement quantifié et d'autre part, que par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 juin 2019, la société Groupama avait fait une offre d'indemnisation à la suite du second rapport d'expertise en date du 4 mars 2019 qui déterminait pour la première fois la date de la consolidation de l'état de M. [R] consécutif à l'accident.

M. [R] fait valoir que la société Groupama ne lui a fait aucun offre provisionnelle dans le délai de 8 mois de l'accident et que l'offre faite le 9 juillet 2020 est incomplète pour mentionner divers postes de préjudice en mémoire ; il demande que la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal courre du 16 mai 2014 jusqu'à l'offre de la société Groupama contenue dans ses conclusions devant le tribunal du 26 octobre 2020 et ait pour assiette le montant de cette offre avant déduction des provisions versées et imputation des créances des tiers payeurs.

La société Groupama oppose à la demande de M. [R] qu'elle lui a versé des provisions ; elle indique avoir été informée de la consolidation le 4 mars 2019 et avoir communiqué une offre définitive le 21 juin 2019 qui portait sur tous les éléments indemnisables du préjudice alors connus, l'AJE n'ayant pas fourni son état des débours définitifs.

Sur ce, en application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité, n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L.211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Par ailleurs il résulte de l'article R. 211-31 du code des assurances, qu'à compter de la présentation de la première correspondance de l'assureur avec la victime, celle-ci dispose d'un délai de 6 semaines pour donner les renseignements demandés mentionnés à l'article R. 211-37. À défaut, le délai de 8 mois est suspendu à compter de l'expiration du délai de 6 semaines et jusqu'à la réception de la lettre contenant les renseignements demandés.

La société Groupama avait, en application des textes rappelés ci-dessus, la double obligation de présenter à M. [R] dont l'état n'était pas consolidé, une offre provisionnelle dans le délai de 8 mois de l'accident survenu le 16 septembre 2013, soit avant le 17 mai 2014, et de lui faire ensuite, une offre définitive dans le délai de 5 mois suivant la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de son état.

Le versement de provisions ne peut avoir eu pour effet de dispenser la société Groupama de faire à M. [R] une offre provisionnelle détaillée portant sur tous les postes indemnisables de son préjudice.

La société Groupama qui ne justifie pas avoir adressé à M. [R], par lettre recommandée avec avis de réception, une demande de renseignements, portant notamment sur l'organisme social dont il relevait, est donc redevable des intérêts au double du taux légal à compter du 17 mai 2014.

S'agissant de l'offre définitive la société Groupama ne dénie pas avoir eu connaissance de la consolidation de l'état de M. [R] par la communication du rapport d'expertise du Professeur [N], intervenue le 4 mars 2019 par lettre recommandée avec avis de réception.

Compte tenu des délais d'acheminement, il sera considéré que la société Groupama a eu connaissance effective de la consolidation le 7 mars 2019 et qu'il lui incombait dès lors de faire une offre définitive détaillée portant sur tous les préjudices indemnisables de M. [R] avant le 8 août 2019, étant précisé que cette offre devait être faite spontanément sans attendre que M. [R] ait formulé ses prétentions chiffrées.

L'offre faite par lettre du 21 juin 2019 est incomplète pour ne comporter aucune proposition notamment pour le poste de perte de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle.

La société Groupama ne justifie pas d'une offre détaillée complète et non manifestement insuffisante avant ses conclusions devant le premier juge du 26 octobre 2020 ; elle est donc redevable des intérêts au double du taux légal courus du 17 mai 2014 au 26 octobre 2020 sur le montant de l'offre du 26 octobre 2020, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Groupama qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [R] une indemnité de 5 000 euros et à l'AJE une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

- Confirme le jugement, sur les sommes allouées à M. [X] [R] au titre des postes de son préjudice corporel de préjudice esthétique temporaire et préjudice d'agrément, en ce que M. [R] a été débouté de sa demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs après imputation du recours de l'agent judiciaire de l'Etat et en ce que le poste de logement adapté a été réservé, sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société Groupama Paris Val -de -Loire à verser à M. [X] [R] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel consécutif à l'accident du 16 septembre 2013, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites :

- frais divers : 2 200 euros

- assistance temporaire par tierce personne : 22 800 euros

- perte de gains professionnels actuels : 33 411,25 euros

- dépenses de santé futures : 609 742,47 euros

- frais de véhicule adapté : 41 685,76 euros

- assistance permanente par tierce personne : 172 398,71 euros

- incidence professionnelle : 35 256,20 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 29 520 euros

- souffrances endurées : 50 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 130 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 15 000 euros

- préjudice sexuel : 20 000 euros

- préjudice d'établissement :10 000 euros,

- Condamne la société Groupama Paris Val-de-Loire à verser à M. [X] [R] les intérêts au double du taux légal courus du 17 mai 2014 au 26 octobre 2020 sur le montant de son offre d'indemnisation du 26 octobre 2020, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées,

- Condamne la société Groupama Paris Val -de -Loire à verser à l'agent judiciaire de l'Etat les sommes suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites, avec les intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2021 :

- 388 067,61 euros au titre des dépenses de santé actuelles

- 68 576,69 euros au titre des rémunérations et de la pension militaire d'invalidité à titre temporaire versées à M. [X] [R]

- 598 763,43 euros au titre de la pension militaire d'invalidité définitive versée à M. [X] [R]

- 48 946,36 euros au titre des charges patronales afférentes aux soldes maintenues au profit de M. [X] [R],

- Condamne la société Groupama Paris Val -de -Loire à verser à l'agent judiciaire de l'Etat, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites, la somme de 18 713,45 euros au titre des frais médicaux et para-médicaux déjà pris en charge avec les intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2021 et sur présentation d'un état de frais annuel présenté par l'administration des armées, les dépenses de santé exposées pour M. [R] résultant de l'accident du 16 septembre 2013, pour un capital représentatif de 259 944 euros au 24 janvier, avec les intérêts au taux légal à compter de chaque demande en paiement,

- Dit n'y avoir lieu de préciser que la société Groupama Paris Val-de -Loire remboursera à l'Etat sur présentation d'un état de frais annuel présenté par l'administration des armées, les dépenses de santé exposées pour M. [X] [R] résultant de l'accident du 16 septembre 2013,

- Condamne la société Groupama Paris Val-de -Loire à verser à M. [X] [R] une indemnité de 5 000 euros et à l'agent judiciaire de l'Etat une indemnité de 1 500 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel,

- Condamne la société Groupama Paris Val -de -Loire aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/09712
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;21.09712 ?
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