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02/02/2023 | FRANCE | N°20/07970

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 02 février 2023, 20/07970


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 02 FEVRIER 2023



(n° 2023/ , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07970 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWWB



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/11447





APPELANTE



Madame [G] [E]

[Adresse 1]


[Localité 3]



Représentée par Me Antonio ALONSO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074



INTIMEE



S.A.R.L. CLINALLIANCE PARIS BUTTES CHAUMONT

[Adresse 2]

[Localité 4]



Repr...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 02 FEVRIER 2023

(n° 2023/ , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07970 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWWB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/11447

APPELANTE

Madame [G] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Antonio ALONSO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0074

INTIMEE

S.A.R.L. CLINALLIANCE PARIS BUTTES CHAUMONT

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Claire SELLERIN-CLABASSI, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 16 juin 2018, intitulé contrat de vacation, Mme [G] [E] a été engagée en qualité d'infirmière par la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont, exploitant la clinique des Buttes Chaumont, pour effectuer des vacations de 10 heures par jour rémunérées 170 euros brut. Mme [E] a travaillé les 16 et 18 juin 2018 et n'a plus été sollicitée par la suite.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 (IDCC 2264). La société Clinalliance Paris Buttes Chaumont occupe à titre habituel au moins onze salariés.

Par courrier recommandé du 5 novembre 2018, adressé à la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont, Mme [E] a indiqué qu'elle dénonçait son contrat et sollicitait le paiement des sommes qui lui restaient dues au titre du contrat de travail à durée déterminée. Par courrier recommandé du 12 novembre 2018, la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont lui indiquait qu'elle avait été payée de ses deux journées de vacation et remplie de ses droits. Par courrier recommandé du 19 novembre 2018, Mme [E] réclamait alors le paiement de l'indemnité de fin de contrat de travail à durée déterminée et les documents sociaux de fin de contrat. Par courrier recommandé du 23 novembre 2018, la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont lui adressait seulement les documents de fin de contrat et par courrier du 31 décembre 2018, Mme [E] a dénoncé son solde de tout compte.

Sollicitant la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée et sa résiliation judiciaire, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 23 décembre 2019 afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture du contrat de travail. Par jugement du 22 septembre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section activités diverses, a :

- déclaré les demandes de Mme [E] irrecevables ;

- condamné Mme [E] aux dépens.

Mme [E] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 24 novembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 janvier 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du Code de procédure civile, Mme [E] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

- juger son action recevable ;

- requalifier le contrat du 16 juin 2018 en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet ;

- prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat de travail au 31 octobre 2018 ;

- condamner la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont à lui verser les sommes suivantes :

* 7 663,39 euros à titre de rappels de salaire pour la période courant du 19 juin 2018 au 30 octobre 2018,

* 766,34 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1 741,68 euros net d'indemnité de requalification,

* 1 741,68 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 435,32 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1 741,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 174,17 euros au titre des congés payés y afférents,

* 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont à lui remettre les documents de fin contrat, conformes à l'arrêt à intervenir soit, une attestation Pôle emploi, un certificat de travail, un solde de tout compte, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;

- condamner la société Clinalliance Buttes Chaumont aux entiers dépens ;

- débouter la société Clinalliance Buttes Chaumont de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 octobre 2021, portant appel incident, auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont prie la cour de :

- confirmer la décision en ce qu'elle a jugé que l'action et les demandes étaient irrecevables,

A titre subsidiaire :

- débouter Mme [E] de l'intégralité de ses demandes.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 octobre 2022.

MOTIVATION :

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur la demande de requalification du contrat de travail :

Mme [E] soutient que son contrat dit de vacation doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, dès lors que le contrat de vacation n'existe pas dans le secteur privé de la santé mais seulement dans le secteur public et que le contrat n'a pas de terme et ne répond pas aux exigences de fond et de forme du contrat de travail à durée déterminée.

La société Clinalliance Paris Butte Chaumont s'oppose à la demande en faisant valoir que Mme [E] a signé le contrat de vacation qui est d'usage généralisé dans la profession ainsi que cela ressort de l'extrait du site d'offres d'emploi et de celles qu'elle communique et qu'elle ne peut sans manquer à l'obligation de loyauté lui donner une signification contradictoire avec l'intention des parties au moment de leur engagement.

La cour rappelle que le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail conformément à l'article L 1221-2 du code du travail. Toutefois, il peut comporter un terme fixé avec précision dès sa conclusion ou résultant de la réalisation de l'objet pour lequel il est conclu dans les cas et dans les conditions mentionnées au titre IV relatif au contrat de travail à durée déterminée.

Le contrat conclu avec Mme [E] ne comprend pas de terme déterminé, il n'a pas non plus été conclu pour l'exécution d'une tâche précise. Le secteur d'activité de la santé auquel appartient l'employeur ne figure pas dans la liste limitative des secteurs d'activité dans lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois énoncée par l'article D. 1242-1 du code du travail. Le contrat de vacation infirmier s'il est réglementé dans le secteur public de la santé ne l'est pas dans le secteur privé et aucune disposition conventionnelle ne le prévoit.

Dès lors, le contrat de travail conclu entre la société Clinalliance et Mme [E] est un contrat de travail à durée indéterminée et l'employeur ne peut valablement pour prétendre le contraire se prévaloir de l'obligation de loyauté de la salariée laquelle ne peut imposer à celle-ci de renoncer aux droits qu'elle tient des dispositions d'ordre public définies par le code du travail.

Sur la demande de rappel de salaire :

Le contrat a été conclu pour des vacations de 10 heures par jour. Mme [E] soutient qu'elle se tenait à la disposition de l'employeur depuis le 18 juin et réclame un rappel de salaire sur la base d'un temps complet pour la période courant jusqu'au 30 octobre 2018, ayant trouvé un nouvel emploi à partir du 31 octobre. Elle soutient que son contrat de travail étant présumé être à temps complet à défaut de mention sur la durée de travail, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'elle n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était pas tenue de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

La société Clinalliance Paris Buttes Chaumont s'oppose à la demande en faisant valoir que Mme [E] ne rapporte pas la preuve qu'elle se tenait à sa disposition depuis le 19 juin 2018, qu'elle n'avait pas de planning dès lors qu'elle n'a pas été amenée à travailler, la clinique n'ayant pas eu besoin de recourir à du personnel vacataire et que le contrat a cessé le 18 juin au soir.

La cour observe que le contrat de Mme [E] fait état de vacations dont il est indiqué 'vous effectuerez des vacations en fonction du travail de la clinique sans minimum ni maximum. Nous vous préviendrons chaque mois pour le mois suivant des vacation à effectuer' et qu'aucune autre mention sur le temps de travail n'y figure.

Selon l'article L. 3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui mentionne notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'absence d'écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

En l'espèce, l'employeur n'est pas en mesure de justifier de la durée exacte mensuelle ou hebdomadaire convenue. Dés lors, le contrat de travail est un contrat à temps complet.

Il est fait droit, en conséquence, à la demande de rappel de salaire présentée par Mme [E] sur la base d'un travail à temps complet et la cour condamne la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont à payer à Mme [E] la somme réclamée de 7 663,39 euros à titre de rappels de salaire pour la période allant du 19 juin 2018 au 30 octobre 2018, conformément à sa demande outre 766,34 euros au titre des congés payés y afférents, l'employeur ne critiquant pas utilement l'évaluation faite par Mme [E] de son salaire, conforme aux dispositions conventionnelles.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Mme [E] sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail en reprochant à l'employeur d'avoir cessé de lui fournir du travail du jour au lendemain et de lui verser ses salaires.

La société Clinalliance Paris Buttes Chaumont s'oppose à la demande en faisant valoir que la demande est prescrite et sans objet.

Mme [E] conteste toute prescription en soutenant que la prescription biennale était applicable et non acquise et est restée taisante sur le moyen tiré de la rupture antérieure à la saisine du contrat de travail.

Or, la cour relève que la société Clinalliance a remis à Mme [E] les documents de fin de contrat le 23 novembre 2018. Dés lors, le contrat de travail était rompu à cette date et Mme [E] ne pouvait valablement saisir la juridiction prud'homale en résiliation judiciaire d'un contrat déjà rompu, étant observé qu'elle-même a dénoncé son contrat le 5 novembre 2018 et présenté une demande de rappel de salaire jusqu'au 30 octobre 2018, reconnaissant par là, la rupture du contrat de travail. Sa demande est sans objet sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle est prescrite. Mme [E] est déboutée de toutes les demandes qu'elle formait au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Sur l'indemnité de requalification :

Mme [E] sollicite une indemnité de requalification en application de l'article L. 1245-2 du code du travail

La société Clinalliance Paris Butte Chaumont s'oppose à la demande en faisant valoir que Mme [E] était liée par un contrat de vacation en usage dans le secteur de la santé et que sa demande chiffrée repose sur salaire correspondant à un temps de travail à temps complet alors qu'elle a travaillé à temps partiel.

L'article L. 1245-2 du code du travail prévoit que 'Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine.

Lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.'

La cour ayant jugé que le contrat de travail de Mme [E] était dès l'origine un contrat de travail à durée indéterminée et n'avait jamais été qualifié de contrat de travail à durée déterminée par les parties, déboute Mme [E] de sa demande d'indemnité de requalification.

Sur les autres demandes :

La société Clinalliance Paris Buttes Chaumont doit remettre à Mme [E] une attestation pour Pôle emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte conformes à la présente décision sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte. La demande en ce sens est rejetée.

La société Clinalliance Paris Buttes Chaumont, partie perdante est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et doit indemniser Mme [E] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions,

DIT que le contrat de travail de Mme [G] [E] est un contrat de travail à durée indéterminée à effet au 16 juin 2018 rompu à l'initiative de l'employeur le 23 novembre 2018,

DÉCLARE sans objet la demande de résiliation judiciaire de ce contrat de travail,

CONDAMNE la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont à payer à Mme [G] [E] la somme de 7 663,39 euros à titre de rappels de salaire pour la période allant du 19 juin 2018 au 30 octobre 2018 outre 766,34 euros au titre des congés payés y afférents,

ORDONNE à la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont de remettre à Mme [G] [E] une attestation pour Pôle emploi, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision,

DÉBOUTE Mme [G] [E] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE la société Clinalliance Paris Buttes Chaumont aux dépens et à verser à Mme [G] [E] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/07970
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;20.07970 ?
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