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02/02/2023 | FRANCE | N°18/03943

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 02 février 2023, 18/03943


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRET DU 02 FEVRIER 2023



(n° , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03943 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5JC5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/03837





APPELANT



Monsieur [R] [W]

[Adresse 1]

[Lo

calité 6]

Représenté par Me Cécilia GROSJEAN, avocat au barreau de PARIS



INTIMES



Société MSP 92

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Hélène ELISIAN, avocat au barreau de PAR...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRET DU 02 FEVRIER 2023

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03943 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5JC5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/03837

APPELANT

Monsieur [R] [W]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Cécilia GROSJEAN, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Société MSP 92

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée par Me Hélène ELISIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0277

Me [H] [S] (SELAS ALLIANCE) en qualité de mandataire judiciaire de la Société MSP 92

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représenté par Me Hélène ELISIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0277

Me [M] [X] en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Société MSP 92

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représenté par Me Hélène ELISIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0277

PARTIE INTERVENANTE

AGS CGEA IFD OUEST

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Florence ROBERT DU GARDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0061

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Victoria RENARD

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC''DURE ET PR''TENTIONS DES PARTIES

M. [R] [W] a été engagé par la société MSP 92 par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 17 mars 2008 en qualité de commercial, groupe 3 au sens de la convention collective des transports routiers et activité auxiliaire de transport applicable à la relation contractuelle.

La société employait à titre habituel moins de onze salariés.

Par avenant prenant effet le 1er décembre 2009, M. [W] a été nommé coursier, groupe 3 au sens de la convention collective applicable.

Par courrier du 5 février 2015, la société MSP 92 a notifié à M. [W] un avertissement.

Soutenant faire l'objet d'un harcèlement moral, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 31 mars 2015 aux fins d'obtenir la condamnation de la société MSP 92 au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par courrier du 20 avril 2015, M. [W] a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable fixé le 7 mai 2015 en vue d'un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 19 mai 2015 pour faute grave.

Par jugement du 29 février 2018, le conseil de prud'hommes a, d'une part, débouté M. [W] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens et, d'autre part, a débouté la société MSP 92 de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 9 mars 2018, M. [W] a interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 10 octobre 2019, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société MSP 92 et a désigné la société Cid et associés en qualité d'administrateur judiciaire et la société Alliance en qualité de mandataire judiciaire.

Par ordonnance du 10 janvier 2020, le président du tribunal de commerce de Nanterre a nommé la société V et V en qualité d'administrateur judiciaire en remplacement de la société Cid et associés.

Par jugement du 18 mars 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- arrêté le plan de redressement de la société MSP 92 d'une durée de 8 ans,

- mis fin à la mission d'administrateur de la société V et V,

- désigné la société V et V en qualité de commissaire à l'exécution du plan,

- maintenu la mission de la société Alliance en qualité de mandataire judiciaire.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 4 mai 2020, M. [W] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau de :

Annuler l'avertissement du 5 février 2015,

A titre principal, prononcer la nullité du licenciement pour faute grave notifié dans un contexte de harcèlement moral et en conséquence, condamner la société MSP 92 au versement des indemnités de rupture et dommages et intérêts suivants :

- indemnité compensatrice de préavis : 4.320 euros bruts,

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 432 euros bruts,

- indemnité conventionnelle de licenciement : 3.167,73 euros bruts,

- rappel de salaire de la mise à pied à titre conservatoire du 21 avril au 19 mai 2015 (soit un mois de salaire) : 1.487,46 euros bruts de salaire de base et 672,54 euros de moyenne de

commissions pour un mois donné),

- dommages et intérêts pour licenciement illicite : 20.000 euros,

- dommages et intérêts pour harcèlement moral : 20.000 euros,

- dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention : 20.000 euros,

A titre subsidiaire, prononcer le licenciement sans cause réelle ni sérieuse et en conséquence, condamner la société MSP 92 au versement des indemnités de rupture et dommages et intérêts suivants :

- indemnité compensatrice de préavis : 4.320 euros bruts,

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 432 euros bruts,

- indemnité conventionnelle de licenciement : 3.167,73 euros bruts,

- rappel de salaire de la mise à pied à titre conservatoire du 21 avril au 19 mai 2015 (soit un mois de salaire) : 1.487,46 euros bruts de salaire de base et 672,54 euros de moyenne de commissions pour un mois donné),

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 40.000 euros.

En tout état de cause :

Allouer des dommages et intérêts pour travail dissimulé (6 mois) : 13.000 euros,

Prononcer des rappels de salaire pour majoration conventionnelle liée à l'ancienneté : 2.141,93 euros et 214,19 euros d'indemnité de congés payés afférente,

Prononcer un rappel de salaire au titre d'un reliquat d'indemnité de congés payés : 523,08 euros bruts,

Ordonner la remise de bulletins de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation destinée Pôle emploi modifiés de mai 2012 à juillet 2015, sous astreinte de 30 euros par jour de retard,

Condamner la société MSP 92 à lui verser 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Condamner la société MSP 92 aux intérêts au taux légal et à leur capitalisation,

Juger que les sommes ci-avant seront inscrites au passif de la société MSP 92.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 9 avril 2021, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA D'Île-de-France Ouest (ci-après désignée l'AGS) demande à la cour de :

Prononcer sa mise hors de cause en raison de l'arrêté d'un plan de redressement à l'égard de la société MSP 92 et en l'absence de demandes formulées à son encontre,

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

En conséquence :

- débouter M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [W] aux entiers dépens.

Dire et juger que la décision à intervenir ne lui sera opposable qu'à défaut de fonds disponibles permettant le règlement des créances par la société MSP 92,

En tout état de cause :

Dire et juger que s'il y a lieu à fixation, sa garantie ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,

Dire et juger que la garantie prévue suivant les dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l'article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou l'article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,

Dire et juger que sa garantie ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage conformément aux dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance ' dont les dépens ' sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

Selon leurs conclusions transmises par la voie électronique le 12 juillet 2021, la société MSP 92, la société V et V agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan et la société Alliance agissant en qualité de mandataire judiciaire demandent à la cour de :

Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamner M. [W] au versement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [W] aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 7 septembre 2022.

MOTIFS

Sur l'annulation de l'avertissement notifié le 5 février 2015 :

M. [W] demande à la cour d'annuler l'avertissement qui lui a été notifié le 5 février 2015.

La société MSP 92 s'oppose à cette demande.

En application de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Par courrier daté du 5 février 2015, l'employeur a notifié au salarié un avertissement pour les faits suivants :

'Deux de nos clients se sont plaints de votre attitude irrespectueuse et inadmissible envers eux:

- M. [G] [J] de CDI Finances France, nous a fait part de son mécontentement et de son étonnement relatif à votre comportement vis-à-vis de son assistante à qui vous avez indiqué, sur le fait de le solliciter le soir : 'qu'il y a tout le reste de la journée pour demander un coursier!!!' et ce dernier, par votre attitude, remet en doute le sérieux de notre société et le maintien de notre collaboration,

- Mme [A] [P] du groupe Brunswick nous a indiqué que vous étiez arrivé avec 1 heure 30 de retard pour récupérer le pli de la cliente, mais qu'en plus, au lieu de vous excuser, vous avez contesté ses dires, arguant qu'elle venait juste de téléphoner! Elle nous a indiqué que ce n'est d'ailleurs pas la première fois que vous avez cette attitude déplorable envers elle ou le destinataire du pli.

Votre manque manifeste de professionnalisme et votre attitude irrespectueuse méritent d'être sanctionnés, en conséquence j'ai décidé de vous adresser un avertissement et je vous indique que cette sanction présente un caractère disciplinaire'.

En l'espèce, l'employeur et l'AGS ne se référent dans leurs écritures à aucun élément pour justifier de la matérialité des faits sanctionnés dans l'avertissement litigieux, se bornant à indiquer que le salarié ne l'avait pas contesté avant la saisine du conseil de prud'hommes et que son comportement était 'loin d'être exemplaire'.

Il s'en déduit que les faits reprochés au salarié ne sont pas matériellement établis par les pièces versées aux débats.

Dès lors, il sera fait droit à la demande d'annulation de M. [W].

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le harcèlement moral :

M. [W] soutient avoir fait l'objet de harcèlement moral de la part de l'employeur et sollicite à ce titre la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice subi. Il sollicite également l'annulation du licenciement qui lui a été notifié le 19 mai 2015, celui-ci ayant été prononcé dans un contexte de harcèlement moral.

En défense, l'employeur et l'AGS contestent tout harcèlement moral et concluent au débouté de la demande indemnitaire et de la demande d'annulation du licenciement.

***

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 de ce même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

***

En premier lieu, M. [W] soutient que l'avertissement qui lui a été notifié par l'employeur le 5 février 2015 n'est pas fondé.

Il ressort des développements précédents que ces faits sont matériellements établis.

En deuxième lieu, M. [W] expose qu'il travaillait 50 heures par semaine au lieu des 35 heures contractuellement prévues et qu'il avait ainsi réalisé des heures supplémentaires non rémunérées.

Toutefois, le salarié se borne ici à procéder par voie d'affirmation sans se référer au moindre élément produit et ne précise dans ses écritures ni le nombre d'heures supplémentaires effectué ni la période au cours de laquelle ces heures auraient été accomplies.

Dès lors ces faits ne sont pas établis.

En troisième lieu, M. [W] soutient qu'il a subi le comportement inadapté (injures, dénigrements) de ses différents 'dispatchs' et notamment de M. [Y] et de M. [O] qui ne lui confiaient en outre que des courses lointaines et peu rémunératrices. A l'appui se ses allégations, il produit, d'une part, des courriers et courriels qu'il a adressé entre décembre 2014 et mai 2015 à l'employeur pour lui dénoncer ces faits et, d'autre part, trois mains courantes qu'il a déposé les 5 septembre et 2 décembre 2013 et le 2 mai 2014 auprès d'un commissariat de police.

Toutefois, il ne résulte pas des éléments produits, qui ne font que reprendre les allégations du salarié, que les faits dénoncés par ce dernier sont établis.

Néanmoins, la société MSP 92 reconnait dans ses écritures avoir notifié :

- un avertissement le 5 décembre 2013 à M. [Y], coursier de l'entreprise, pour avoir insulté M. [W] le 2 décembre 2013,

- un avertissement le 9 mars 2015 à M. [O], coursier de l'entreprise, pour avoir eu le 6 mars 2015 'une attitude irrespectueuse et inadmissible' sans autre précision à l'égard de M. [W].

Il s'en déduit que ces deux faits sont établis.

Il résulte de ce qui précède que sont matériellement établis les faits suivants :

- la notification le 5 février 2015 d'un avertissement non fondé à l'encontre de M. [W],

- M. [Y] a insulté le salarié les 2 décembre 2013 et 30 avril 2014,

- M. [O] a eu une 'une attitude irrespectueuse et inadmissible' à l'égard du salarié le 6 mars 2015.

Les éléments de faits matériellement établis précités permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur justifie avoir usé de son pouvoir disciplinaire pour sanctionner d'un avertissement les faits commis par M. [Y] et M. [O] à l'encontre du salarié.

Dès lors, seul l'avertissement du 5 février 2015 n'est pas justifié par une cause objective.

Toutefois, ce fait isolé ne peut à lui seul laisser établir une situation de harcèlement moral qui suppose des agissements répétés.

Par suite, le harcèlement moral dénoncé par le salarié n'est pas établi.

M. [W] sera ainsi débouté de sa demande indemnitaire et de sa demande en annulation du licenciement.

Sur la manquement à l'obligation de sécurité :

M. [W] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne prenant aucune mesure suite à ses courriers et courriels dénonçant le comportement inadapté de ses différents 'dispatchs' à son égard. Il sollicite ainsi la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

En défense, l'employeur conteste tout manquement à cette obligation en soutenant n'avoir été destinataire ni des mains courantes précitées ni d'une partie des courriers que le salarié prétend lui avoir adressé.

***

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

***

En l'espèce et en premier lieu, il ne ressort d'aucune pièce versée aux débats que le salarié a effectivement adressé à l'employeur :

- les main-courantes susmentionnées (pièces 5 à 7),

- les courriers des 12 décembre 2014 et 7 février 2015 (pièces 9,11).

Dès lors, il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas y avoir donné suite.

En deuxième lieu, l'employeur reconnaît avoir reçu le courrier du 6 mars 2015 par lequel le salarié dénonçait des insultes commises à son encontre par M. [O]. Toutefois, l'employeur justifie avoir usé de son pouvoir disciplinaire à l'égard de ce dernier en lui notifiant un avertissement le 9 mars 2015. Par suite, il ne peut être reproché à la société de ne pas avoir pris de mesure suite à la réception de ce courrier.

En troisième et dernier lieu, il n'est pas contesté que l'employeur a reçu des courriers et courriels du salarié entre le 10 mars 2015 et le 6 mai 2015 dans lesquels le salarié se plaignait à l'égard de l'employeur :

- de ne plus recevoir de courses de la part des dispatch,

- de son décompte de congés payés,

- de l'attitude insultante de M. [O].

Néanmoins, il ne ressort d'aucun élément versé aux débats que l'employeur a pris des mesures pour répondre à ces demandes.

L'employeur a ainsi manqué à son obligation de sécurité.

Il sera ainsi alloué au salarié la somme de 1.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ce manquement.

Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave :

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve. L'employeur n'est pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager une procédure de licenciement pour faute grave.

La lettre de licenciement du 19 mai 2015, qui fixe les limites du litige, est ainsi motivée:

'Depuis maintenant de nombreux mois, nous avons assisté à la dégradation de votre comportement tant à l'égard des clients que de vos collègues et de la direction.

Une main-courante a été déposée à votre encontre par le gérant le 2 mai 2014 faisant état de vos nombreuses dérives.

Un avertissement vous a été notifié le 5 février 2015 à la suite de plaintes de plusieurs clients concernant votre attitude et vos propos.

Cet avertissement, que vous n'avez pas contesté, rappelait expressément qu'au cas où vous persisteriez dans cette attitude, des sanctions plus graves, pouvant aller jusqu'au licenciement seraient prises.

Malheureusement, non seulement nous n'avons pas relevé d'amélioration, mais au contraire vos relations avec votre dispatch se sont dégradées à tel point que celui-ci refuse désormais d'avoir le moindre contact avec vous.

Le 31 mars 2015, ce dernier nous a adressé un mail faisant état de votre insubordination et de propos calomnieux tenus à son égard.

Vous aviez déjà rencontré les mêmes problèmes avec les deux précédents dispatchs.

Le 13 avril dernier, vous avez eu une vive altercation avec le gérant au cours de laquelle vous avez proféré à son égard des propos insultants et calomnieux : 'tu es un voleur. Tu veux ma mort. Tu as embauché [E] pour qu'il me fasse partir' et ce, devant plusieurs témoins.

Une telle attitude est intolérable; elle nuit à l'image de la société auprès de ses clients et à l'ambiance de travail au sein de l'équipe.

La persistance de votre comportement en dépit des multiples mises en garde orales et écrites qui vous ont été adressées, est constitutive d'une faute grave qui rend impossible votre maintin dans l'entreprise'.

La société MSP92 expose qu'elle comporte un effectif de moins de 10 salariés et que sept salariés ont déploré le comportement de M. [W] à leur égard.

A l'appui de ses allégations, l'employeur produit :

- une main courante déposée le 2 mai 2014 par M. [L], gérant de la société MSP92, au commissariat de police de [Localité 9] et mentionnant : 'M. [W] [R] travaille chez nous depuis bientôt cinq ans. Il était commercial et est passé coursier depuis environ 3 ans. Depuis son changement de poste, il n'a pas un comportement adequat avec sa fonction. Chaque coursier utilise son véhicule personnel pour effectuer ses missions et M. [W] exige que je lui fournisse un véhicule aux frais de l'entreprise. Il ne respecte pas les horaires ni les temps de pause. Il se permet de décider selon ses envies. Il dit également à ses collègues que je suis un mauvais patron, il ne respecte pas sa hiérarchie. Son manager, M. [Y] [I] qui lui affecte ses missions et qui le gère se plaint de lui et M. [W] en fait de même. Il ne croit pas que c'est lui le manager et a même exigé de voir le contrat pour en être sûr. M. [Y] est quelqu'un qui a le sang chaud et M. [W] essaie de le pousser à bout. Il l'a dit devant plusieurs salariés. Il m'a également dit plusieurs fois 'si tu veux que je parte, donne moi 12.000 euros' et il m'a dit que si je ne pouvais pas il se contenterait de 8.000 euros sinon c'est les prud'hommes. La quasi-totalité de ses collègues se plaignent de son comportement',

- une attestation par laquelle M. [N], dispatch de la société MSP92 en contrat à durée déterminée entre le 21 février et le 15 octobre 2014 a indiqué : 'l'entreprise avait 10 personnes à dispatcher et j'avais du mal avec M. [W] [R] car il me demandait où étaient les autres coursiers et ce qu'ils avaient comme courses sur eux. J'ai expliqué à M. [W] que donnant 40 courses par jour je ne pouvais lui expliquer mon travail. Cela devenait pesant de lui attribuer des courses car il se plaignait tout le temps. J'ai été dispacheur pour top chrono coursier ayant une équipe de 50 coursiers et je n'ai jamais eu de problème. J'ai décidé de ne pas donner suite à la proposition de MSP92 pour m'embaucher en CDI à cause de M. [W] [R]',

- un courriel du 31 mars 2015 par lequel M. [E] [O], coursier de la société MSP92 s'est plaint à l'employeur de 'l'attitude déplorable' de M. [W] qui faisait 'des réflexions déplacées aux clients quant une course ne lui plaisait pas', qui refusait d'effectuer les livraisons dans l'ordre qu'il fixait et qui l'avait accusé faussement de le harceler et de le menacer de mort,

- une attestation par laquelle M. [E] [O] a écrit : 'Lors de mon arrivée chez MSP 92 j'ai eu l'occasion d'aider M. [L] pour le dispatch des courses ayant 25 ans d'expérience dans le métier et je n'ai jamais pu travailler convenablement avec M. [W] qui ne voulait jamais suivre les instructions que je lui donnais et préférait faire comme bon lui semblait, il se victimisait toujours, se croyait mal traité par rapport aux autres sans aucune raison valable, à force je ne pouvais même plus communiquer avec lui au téléphone et je lui donnais les instructions par téléphone. Dans ma carrière, j'ai eu l'occasion de dispatcher de nombreux couriers mais jamais comme M. [W] qui se plaignait tout le temps, les faits se sont produits en avril 2015",

- une attestation par laquelle M. [K], coursier de la société MSP 92, a indiqué : 'ayant assisté M. [L] sur le dispatching des coursiers de MSP 92 j'ai rencontre quelques soucis avec M. [W] qui ne voulait pas faire les courses qui lui ont été attribuées et se plaignait directement aux clients (...). M. [W] était garé devant une vitrine d'un magasin, le gérant de la boutique est sorti pour lui demander de décaler sa moto car elle n'avait pas à se trouver là. M. [W] mécontent s'est énervé en lui disant qu'il était en train de travailler 'ne m'emmerdez pas'. Le gérant a appelé les personnes de la sécurité pour le faire partir de force. Il a fallu que je m'interpose et que je lui dise de bouger sa moto. Aussi, un peu avant son départ, il a commencé à me dire par téléphone les salaires de tous les coursiers et à se plaindre de ses conditions de travail déplorables et voulait absolument avoir les corrdonnées du comptable de MSP92 et de là a commencé les appels incesssants. De là, je lui ai envoyé un SMS pour lui demander de ne plus me contacter',

- une attestation par laquelle M. [Y], coursier de la société MSP92 a indiqué : 'j'ai été amené à plusieurs reprises à être remplaçant au poste de dispatch. Il m'était toujours difficile d'organiser ces missions avec [R]. Il imposait ses horaires et refusait constamment les missions quand il l'avait décidé. Par ailleurs, dans ce contexte difficile, [R] [W] a à plusieurs reprises tenu à mon encontre des propos insultants parfois à caractère raciste. Je n'ai jamais voulu en tenir compte à ce moment là parce que je sentais qu'il faisait ça pour me provoquer et me pousser à bout',

- une attestation par laquelle M. [D], coursier de la société MSP 92 a indiqué : 'J'ai été le collègue de M. [W] [R] de 2009 à 2015 environ. Durant cette période au début à son arrivée dans notre équipe l'ambiance fût plutôt bonne, il s'agissait d'une personne cordiale et nous avions une bonne entente jusqu'à ce que M. [W] change de comportement. Il m'appelait plusieurs fois par jour pour connaître les courses que je devais faire dans la journée. Je ne comprenais pas sa demande puisque mon travail dépendait des courses que le dispatch me donnait et ne correspondait donc pas à mon bon vouloir. A force d'instance à me questionner sur tout, cela m'empêchait de me concentrer dans mon travail et dans mes missions. J'ai donc dû de ce fait bloquer son numéro dans mon répertoire et lui demander d'arrêter de m'appeler'.,

- une attestation par laquelle M. [V], associé de M. [L], a déclaré que courant janvier 2015 des clients s'étaient plaints auprès de lui de l'attitude déplacée de M. [W]. Il a également indiqué avoir été témoin de faits survenus le 13 avril 2015 au cours desquels M. [W] a dit à M. [L] : 'tu es un voleur, tu veux ma mort, tu as embauché [E] pour qu'il me fasse partir'.

En défense, M. [W] soutient que les attestations produites sont de pure complaisance, que M. [L] lui a proposé un départ pour 12.000 euros et non l'inverse, qu'il n'a commis aucun acte d'insubordination et que les clients étaient satisfaits de son travail.

A l'appui de ses allégations, il produit des courriers de 7 entreprises clientes attestant de son bon comportement.

En l'espèce, il ressort des attestations produites que MM. [L], [O], [N], [Y] et [K] ont été en position de supérieur hiérarchique de M. [W] entre 2014 et 2015, soit en qualité de gérant pour le premier soit de dispatch pour les quatre autres, et qu'ils ont eu à déplorer à plusieurs reprises, d'une part, des faits d'insubordination de M. [W] à leur égard, celui-ci refusant notamment d'effectuer les courses qui lui étaient attribuées et, d'autre part, un comportement inadapté du salarié à l'égard des clients ou à leur encontre.

Il ressort également des attestations produites par MM [K] et [V] qu'ils ont été témoin à deux reprises d'un comportement inadapté de M. [W] à l'égard du gérant de la société, le dernier en date du 13 avril 2015 se traduisant par des propos diffamatoires proférés par le salarié à l'encontre de M. [L], ce dernier étant ainsi traité de voleur.

S'il est vrai que les avertissements précités produits par l'employeur attestent de relations difficiles entre M. [W] et MM. [Y] et [O], il n'en demeure pas moins que le gérant de l'entreprise, trois autres salariés (MM [N], [K] et [D]) et M. [V] attestent également du comportement inadapté du salarié invoqué par la société à l'appui du licenciement litigieux. Or, il ne ressort d'aucun élément versé aux débats que ces attestations seraient de pure complaisance comme l'affirme le salarié.

Ce comportement inadapté, portant atteinte à l'honneur et à l'autorité hiérarchique de l'employeur, sont d'une gravité telle qu'il rendait impossible le maintien de M. [W] dans la société MSP92 et justifie son licenciement sans préavis, ni indemnité.

M. [W] sera ainsi débouté de ses demandes pécuniaires au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, du rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, des congés payés afférents et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

Selon l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 (dissimulation d'activité) ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il est constant que la dissimulation d'emploi salarié est constituée dès lors que l'employeur se soustrait intentionnellement à la déclaration préalable d'embauche ou à la remise de bulletins de salaire ou encore lorsqu'il omet sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

***

M. [W] soutient qu'il a bénéficié d'une rémunération variable au 'bon' en fonction de la distance de la course, non prévue au contrat de travail et déclarée de manière erronée dans les bulletins de paye en tant que remboursement d'indemnités kilométriques. Il expose que cette pratique illicite a eu pour effet de le priver des cotisations sociales dont l'employeur aurait dû s'acquitter à son égard s'il avait correctement qualifié l'indemnité kilométrique en rémunération variable. Il sollicite ainsi la somme de 13.000 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

En défense, l'employeur et l'AGS soutiennent que, d'une part, le poste 'indemnité kilométrique' indiqué sur les bulletins de paye correspond bien au remboursement de frais kilométriques et non à une rémunération variable et, d'autre part, le salarié ne démontre pas que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

En l'espèce et en premier lieu, il ne ressort ni des bulletins de paye produits ni du contrat de travail que M. [W] bénéficiait d'une rémunération variable au 'bon' calculée selon la distance de la course effectuée.

En outre, les décomptes manuscrits produits au dos des bulletins de paye et mentionnant les bons que la société aurait rémunéré au salarié ne peuvent établir la fraude alléguée dans la mesure où ces décomptes ont été unilatéralement établis par l'appelant et ne font que reprendre ses propres déclarations.

En deuxième lieu, afin de démontrer la fraude de l'employeur, le salarié entend se fonder, tout d'abord, sur une plaquette 'tarifs de l'année 2009/2010" laissant apparaître une tarification des services de l'entreprise reposant sur un nombre de bons par course. Toutefois, il ne se déduit nullement de ce document, destiné aux clients de l'entreprise, que les coursiers de la société MSP 92 bénéficiaient entre 2009 et 2010 d'une rémunération variable au 'bon' comme l'allègue M. [W]. En effet, comme l'affirment l'employeur et l'AGS, cette plaquette avait seulement pour objet d'informer les clients de l'entreprise du montant des prestations de la société MSP 92.

En troisième lieu, le salarié entend également se fonder sur son relevé de courses de février 2015 mentionnant les bons et le 'total HT' devant être facturé au titre d'une course donnée. Néanmoins, comme le relève justement l'employeur, la mention 'total HT' démontre que les montants mentionnés dans le relevé correspondent au prix de la course à facturer au client et non à la rémunération variable du salarié.

En quatrième et dernier lieu, M. [W] se réfère à une attestation par laquelle M. [B], ancien salarié de la société MSP92 a affirmé qu'il était payé en tant que coursier à hauteur de 1,83 euros du bon.

Néanmoins, il ressort de cette attestation que M. [B] a quitté la société MSP 92 en 2009 sans autre précision, alors que M. [W] n'a pris ses fonctions de coursier qu'en décembre 2009 comme le stipule l'avenant au contrat de travail produit. Par suite, à supposer que M. [B] ait bénéficié de la rémunération variable alléguée, rien ne permet d'affirmer que celle-ci a perduré après son départ de l'entreprise. De même, le témoignage de M. [B] n'est pas suffisamment précis pour établir que l'indemnité kilométrique mentionné dans le bulletin de paye de M. [W] était en réalité une rémunération variable au 'bon'.

***

Par suite, il ne ressort d'aucun élément versé aux débats que l'employeur a dissimulé une rémunération variable au 'bon' sous couvert d'un remboursement de frais kilométriques.

Dès lors, M. [W] sera débouté de sa demande indemnitaire et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur le rappel de salaire au titre de la majoration pour ancienneté :

L'article 13 de l'annexe I de la convention collective applicable stipule :

'La rémunération globale garantie visée au premier paragraphe de l'article 12 ci-dessus est égale aux sommes fixées en francs par les tableaux joints à la présente convention collective nationale annexe et augmentée, le cas échéant :

(...)

- des majorations conventionnelles fixées en application du présent article (§ 2, Ancienneté, et § 4, Conducteurs mécaniciens, livreurs ou conducteurs encaisseurs) et de l'article 21 (2°, Langues étrangères).

(...)

L'ancienneté est comptée à partir de la date de formation du contrat de travail. Elle donne lieu aux majorations suivantes :

(...)

- 4 % après 5 années de présence dans l'entreprise ;

(...)'

***

M. [W] reproche à l'employeur de ne pas lui avoir versé la majoration de 4% pour ancienneté prévue à l'article 13 de l'annexe I de la convention collective applicable.

Il sollicite ainsi, pour la période de 2012 à 2015, la somme de 2.141,93 euros à titre de rappel de majoration, outre la somme de 214,19 euros, décomposées comme suit :

- au titre de l'année 2012 : 438,50 euros de rappel de majoration, outre 43,85 euros de congés payés afférents,

- au titre de l'année 2013 : 713,98 euros de rappel de majoration, outre 71,39 euros de congés payés afférents,

- au titre de l'année 2014 : 713,98 euros de rappel de majoration, outre 71,39 euros de congés payés afférents,

- au titre de l'année 2015 : 275,47 euros de rappel de majoration, outre 27,54 euros de congés payés afférents.

En défense, l'employeur demande la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes, sans toutefois produire un argumentaire à cette fin.

L'AGS soutient que :

- le rappel de majoration pour l'année 2012 est prescrite,

- le salarié ne pouvait bénéficier d'une majoration de 4% au titre des années 2012 et 2013 dans la mesure où l'article 13 de l'annexe I de la convention collective applicable conditionne cette majoration à une ancienneté de cinq ans,

- le salarié ne démontre pas que les majorations sollicitées n'ont pas déjà été payées à ce dernier.

* Sur la prescription partielle :

En premier lieu, aux termes de l'article L.3245-1 du code du travail tel que modifié par la loi du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

L'article 21 V de la loi du 14 juin 2013 prévoit que ces dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, soit le 17 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il résulte de ce qui précède que, lorsque la prescription quinquennale d'une somme de nature salariale était en cours le 17 juin 2013, la prescription est acquise cinq ans après le point de départ de cette prescription et, en tout état de cause, au plus tard, le 17 juin 2016.

En l'espèce et en premier lieu, la prescription quinquennale des créances salariales antérieures au 17 juin 2013 n'est pas acquise dans la mesure où le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 31 mars 2015, soit antérieurement au 17 juin 2016.

En second lieu, la prescription triennale des créances salariales postérieures au 17 juin 2013 n'est pas acquise puisque le salarié a saisi le conseil de prud'hommes le 31 mars 2015.

Il se déduit de ce qui précède que, contrairement à ce qu'affirme l'AGS, la demande de rappel de majoration n'est pas partiellement prescrite.

* Sur le bien-fondé de la demande :

En premier lieu, il résulte des stipulations de l'article 13 de l'annexe I de la convention collective applicable que la majoration de 4% pour ancienneté sollicitée n'est due qu'après 5 années de présence effective dans l'entreprise.

M. [W] ayant été engagée à compter du 17 mars 2008, il pouvait ainsi bénéficier de la majoration à compter du 17 mars 2013.

Dès lors, il sera débouté de ses demandes salariales pour la période de janvier 2013 au 16 mars 2013 inclus.

En deuxième lieu, lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

En l'espèce, il ne découle ni des conclusions des parties ni des éléments produits et notamment des bulletins de paye que la société MSP 92 a inclus dans la rémunération du salarié la majoration prévue à l'article 13 précité pour la période du 17 mars 2013 au 19 mai 2015.

Par suite, l'employeur n'apportant pas la preuve qui lui incombe que la majoration litigieuse a été incluse dans la rémunération du salarié, il reste ainsi redevable de cette majoration pour la période susmentionnée.

En troisième et dernier lieu, ni l'employeur ni l'AGS ne contestent le détail du calcul du salarié des majorations sollicitées, tel que mentionné dans les écritures de ce dernier. Par suite, compte tenu de ce calcul, il sera alloué à M. [W] la somme de 1.469 euros bruts à titre de rappel de majoration, outre 146,90 euros bruts de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé en conséquence.

Sur le reliquat d'indemnité compensatrice de congés payés :

M. [W] soutient qu'à la date de rupture du contrat de travail il bénéficiait d'un solde de congés payés non pris de 13,08 jours. Il soutient également que sa rémunération moyenne mensuelle brute est de 2.142,49 euros, soit un salaire journalier brut de 102,02 euros. Il en déduit que l'employeur aurait dû lui verser la somme de 1.334,42 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés. Il expose qu'au titre du solde de tout compte la société ne lui a versé que la somme de 811,34 euros à ce titre. Il sollicite ainsi un reliquat d'indemnité de congé payé de 523,08 euros bruts correspondant à la différence entre ce qu'il a perçu (811,34 euros) et ce qui aurait dû lui être versé (1.334,42 euros).

En défense, l'employeur et l'AGS soutiennent qu'à la date de la rupture du contrat de travail, le salarié bénéficiait d'un solde de congés payés non pris de 12 jours, M. [W] ayant posé deux jours de congés les 9 et 10 mai 2015. Ils soutiennent également que le salaire de référence était de 1.487,46 euros. Ils en déduisent qu'aucune somme ne restait due au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

En premier lieu, le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés doit être déterminé sur la base de la rémunération perçue par le salarié dont peuvent seulement être déduites les sommes représentant le remboursement de frais exposés pour l'exécution du travail.

En l'espèce, la différence entre les salaires de référence invoqués par le salarié et l'employeur réside dans la prise en compte ou non de l'indemnité kilométrique et de l'indemnité de repas. Ces indemnités correspondant à des remboursements de frais professionnels, le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés sera ainsi déterminé sur la base d'un salaire de référence de 1.487,46 euros comme l'affirment la société MSP 92 et l'AGS.

En second lieu, il ressort de l'attestation de l'expert-comptable de la société MSP 92, non sérieusement contredite par le salarié, que le solde de congés payés non pris de ce dernier était au jour de la rupture de 12 jours et non de 13,08 jours.

Il se déduit de ce qui précède que, contrairement aux allégations de M. [W], aucune somme ne lui restait due par l'employeur au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés.

Il sera ainsi débouté de sa demande salariale et le jugement sera confirmé en conséquence.

Sur les demandes accessoires :

Il est rappelé que la société MSP 92 fait l'objet d'un plan de redressement d'une durée de 8 ans. Les sommes mises à la charge de l'entreprise au titre du présent arrêt étant antérieures à l'ouverture de la procédure collective, elles seront dès lors inscrites au passif de la société MSP 92.

La société MSP 92 qui succombe partiellement dans la présente instance, doit supporter les dépens de première instance et d'appel et être condamnée à payer à M. [W] la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel. En revanche, la société MSP92 sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [R] [W] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 5 février 2015 et de ses demandes pécuniaires au titre du manquement à l'obligation de sécurité et de la majoration pour ancienneté pour la période du 17 mars 2013 au 19 mai 2015,

- condamné M. [R] [W] aux dépens de première instance,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

ANNULE l'avertissement notifié le 5 février 2015 à M. [R] [W],

FIXE la créance de M. [R] [W] au passif de la société MSP 92 aux sommes suivantes:

- 1.000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité,

- 1.469 euros bruts à titre de rappel de majoration,

- 146,90 euros bruts de congés payés afférents,

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure collective emporte arrêt du cours des intérêts,

DECLARE le présent arrêt opposable à l'Unedic Délégation AGS - Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) d'Ile-de-France Ouest dans les limites de sa garantie légale,

ORDONNE la remise par la société MSP92 au profit de M. [R] [W] de bulletins de salaire, d'une attestation destinée à Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt,

DIT n'y avoir lieu à astreinte,

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,

MET les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société en redressement judiciaire.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/03943
Date de la décision : 02/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-02;18.03943 ?
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