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01/02/2023 | FRANCE | N°21/21217

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 01 février 2023, 21/21217


Notification par RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

LRAR aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 1ER FEVRIER 2023



(n° 017/2023, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 21/21217 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYYZ



Décision déférée à la Cour : Décision du 04 Novembre 2021 - Institut National de la Propriété Industrielle - Référence et numéro national





REQUERANT



FONDS DE DOTATIO

N EMERAUDE SOLIDAIRE

Organisme immatriculé sous le numéro SIREN 529 304 057

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]...

Notification par RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

LRAR aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 1ER FEVRIER 2023

(n° 017/2023, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 21/21217 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYYZ

Décision déférée à la Cour : Décision du 04 Novembre 2021 - Institut National de la Propriété Industrielle - Référence et numéro national

REQUERANT

FONDS DE DOTATION EMERAUDE SOLIDAIRE

Organisme immatriculé sous le numéro SIREN 529 304 057

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C 2477

EN PRESENCE DE

MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE (INPI)

[Adresse 1]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté par Mme Caroline LE PELTIER, Chargée de Mission

APPELEE EN CAUSE

S.A.R.L. LES BISCUITS [Y],

Société au capital de 50 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de SAINT MALO sous le numéro 822 560 397

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P 209

Assistée de Me Dorothée BARTHELEMY DELAHAYE, avocate au barreau de PARIS, toque E 126

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente, en présence de Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, Présidente

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

Mme Déborah BOHEE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

EN PRÉSENCE DU MINISTÈRE PUBLIC, auquel l'affaire a été communiquée, représenté lors des débats par Monica d'ONOFRIO, avocat général, qui a fait connaître son avis,

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Isabelle DOUILLET, Présidente, et par Mme Karine ABELKALON, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire .

***

Vu la décision du 4 novembre 2021 par laquelle le directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) a reconnu partiellement justifiée l'opposition n°20-4813 formée le 22 décembre 2020par la société Les Biscuits [Y] à la demande d'enregistrement en date du 1er octobre 2020 de la marque portant sur le signe verbal CAFE [Y] n° 4 687 303 [Y] déposée par le Fonds de dotation Emeraude Solidaire ;

Vu le recours formé le 2 décembre 2021par le Fonds de dotation Emeraude Solidaire ;

Vu les dernières conclusions du Fonds de dotation Emeraude Solidaire notifiées par RPVA en date du 28 février 2022 ;

Vu les dernières conclusions de la société Les Biscuits [Y] notifiées par RPVA en date du 24 mai 2022 ;

Vu les observations écrites du directeur de l'INPI déposées au greffe le 11 juillet 2022 ;

Les conseils du Fonds de dotation Emeraude Solidaire et de la société Les Biscuits [Y], la représentante de l'INPI entendus en leurs observations orales reprenant leurs écritures ;

Le ministère public entendu en ses observations orales ;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé pour le détail des argumentations à la décision précitée ainsi qu'aux écritures et observations susvisées.

La demande d'enregistrement déposée le 1er octobre 2020 par le Fonds de dotation Emeraude Solidaire concerne la marque verbale CAFE [Y] n° 4 687 303 déposée notamment pour les produits suivants : 'Café; Thé; Préparations faites de céréales; Pâtisseries; Glaces alimentaires; Glace à rafraîchir; Sandwiches; Pizzas; Crêpes (alimentation); Gâteaux; Biscottes; Sucreries; Grains de café entiers et moulus; Boissons à base de café; Cacao; Cacao soluble; Thé et tisanes autres qu'à usage médical ; Boissons à base de thés et de tisanes autres qu'à usage médical ; Mélange de boisson à base de café; Mélange de boisson à base d'expresso; Boissons chocolatées; Mélange de boisson à base de thé; Mélange de boisson à base de tisanes autres qu'à usage médical ; Boissons non alcooliques à base de café, thé, cacao et expresso; Boissons non alcooliques à base de café; Boissons non alcooliques à base d'expresso; Boissons non alcooliques à base de thé; Chocolat en poudre et vanille; Confiseries glacées, à savoir crème glacée, lait glacé, yaourt glacé ; confiseries glacées ; Chocolat, bonbons et confiseries; Produits de boulangerie, à savoir gâteaux, biscuits, muffins, scones, pain; Cheese-cakes; Cookies; Brownies; Muffins; Beignets [pâtisserie] ; Viennoiserie; Donuts; Plats préparés essentiellement à base de pâtes alimentaires; Plats préparés essentiellement à base de riz; Plats préparés composés principalement de graines [céréales]; Pâtes à tartiner à base de chocolat; Produits alimentaires dérivés de céréales transformées et utilisés comme céréales de petit-déjeuner; Gruau d'avoine; En-cas à base de céréales; Crackers; Maïs grillé et éclaté [pop corn]; Sucre; Miel; Sirop d'agave, sirop d'érable'.

La décision contestée de l'INPI a relevé que les produits en présence sont identiques ou similaires, que le signe contesté CAFE [Y] est similaire à la marque verbale antérieure BISCUITS [Y], et qu'en raison de l'identité ou de la similarité des produits en cause il existe un risque de confusion dans l'esprit du public sur l'origine desdits produits, de sorte que la demande d'enregistrement est partiellement rejetée pour les produits susvisés.

Sur la régularité de la procédure d'opposition

Le Fonds de dotation Emeraude Solidaire prétend au visa de l'article R. 712-16 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 5 de la décision n°2019-158 relative aux modalités de la procédure d'opposition à l'enregistrement d'une marque que les conditions de précision et de clarté quant à la présentation des pièces et au bordereau associé ne sont pas remplies de sorte que l'opposition formée par la société opposante n'est pas conforme et doit être déclarée irrecevable.

L'article R. 712-16 du code de la propriété intellectuelle prévoit que : « (') Les parties à l'opposition sont tenues de formuler expressément leurs demandes et les moyens de fait et de droit fondant chacune de leurs prétentions. Toutes les communications adressées à l'Institut s'effectuent, à peine d'irrecevabilité, selon les conditions et modalités fixées par décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle ».

L'article 5 de la décision n° 2019-158 relative aux modalités de la procédure d'opposition à l'enregistrement d'une marque précise que : « Les prescriptions résultant de l'article R. 712-16 du code précité sont assorties des tempéraments ou modalités suivants.

1° Les pièces fournies par les parties à l'opposition sont numérotées. Elles sont assorties d'un bordereau des pièces indiquant précisément et clairement à quel motif, argument ou produits ou services, chaque pièce se rapporte, notamment par les indications suivantes :

a) Le numéro de la pièce ;

b) Une brève description de la pièce et, le cas échéant, le nombre de pages ;

c) Le cas échéant, l'indication des parties spécifiques d'une pièce qu'elle invoque à l'appui de son argumentation ».

Ainsi que le fait observer le directeur de l'INPI, la société opposante a bien fourni un bordereau récapitulatif mentionnant pour chacune des pièces numérotées la partie de l'argumentaire concernée, et au sein même de sa démonstration, elle a cité et s'est référée à chacune des pièces en l'associant directement à l'argument auquel elle se rapporte, en ce compris la pièce 7 comprenant 57 pages, de sorte que l'opposition est bien recevable. Ce moyen sera rejeté.

Sur la comparaison des produits

Le Fonds de dotation Emeraude Solidaire conteste en premier lieu la similarité entre les 'Plats préparés essentiellement à base de pâtes alimentaires ; Plats préparés essentiellement à base de riz ; Plats préparés composés principalement de graines [céréales] ; Produits alimentaires dérivés de céréales transformées et utilisés comme céréales de petit-déjeuner ; Gruau d'avoine ; En-cas à base de céréales ; Crackers ; Maïs grillé et éclaté [pop corn]' de la demande d'enregistrement contestée et les 'farine ; préparations faites de céréales ; pain' de la marque antérieure.

Elle soutient que le simple fait que les produits précités constituent des denrées alimentaires composées en partie de céréales pour la consommation humaine (au demeurant très variées puisqu'elles recouvrent notamment le blé, le seigle, l'orge, le riz, le maïs, l'avoine, le millet, le sorgho, le triticale, l'épeautre, le kamut et donnent lieu à une multitude de produits transformés, très différents les uns des autres) ne saurait suffire à rendre ces produits similaires ; qu'en décider autrement sur la base d'un critère aussi général reviendrait à déclarer similaires un grand nombre de produits alors qu'ils présentent des caractéristiques propres distinctes, de nature à les différencier nettement ; qu'il ne s'agit donc pas de produits similaires, le public n'étant pas fondé à leur attribuer une origine commune.

Afin de déterminer si les produits sont similaires, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services. Ces facteurs incluent en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

Des produits ou des services peuvent être similaires notamment quand ils répondent aux mêmes besoins, qu'ils ont la même destination ou finalité, lorsqu'ils sont vendus dans les mêmes lieux ou sont utilisés en complément l'un de l'autre dans le cadre d'habitudes de consommation.

En l'espèce, ainsi que l'a pertinemment relevé le directeur de l'INPI, les produits 'Plats préparés essentiellement à base de pâtes alimentaires ; Plats préparés essentiellement à base de riz ; Plats préparés composés principalement de graines [céréales] ; Produits alimentaires dérivés de céréales transformées et utilisés comme céréales de petit-déjeuner ; Gruau d'avoine ; En-cas à base de céréales ; Maïs grillé et éclaté [pop corn]' de la marque contestée sont, comme les 'préparations faites de céréales' de la marque antérieure, essentiellement constitués de céréales, le fait qu'il y a une variété de céréales ne distinguant pas les produits en cause puisque dans les deux cas ces céréales peuvent être de toutes sortes ; qu'en outre les produits revendiqués de part et d'autre sont définis sur la base de ce composant, qui apparaît donc comme leur caractéristique essentielle à prendre en compte dans leur comparaison. Les produits en cause, produits alimentaires pour la consommation humaine principalement composés de céréales, qui ont donc les mêmes nature, fonction et destination, sont dès lors similaires.

Les 'crackers' de la demande d'enregistrement sont en outre similaires au 'pain' de la marque antérieure en ce qu'ils ont une composition et des fonction nutritives proches, ainsi que des usages alimentaires (tartinade) communs.

Le Fonds de dotation Emeraude Solidaire conteste en outre la similarité entre les 'Pâtes à tartiner à base de chocolat' de la demande d'enregistrement contestée et le 'chocolat' de la marque antérieure. Il prétend que ces produits n'ont pas la même destination , les premiers ayant vocation à être tartinés sur un aliment tel que le pain ou les crêpes, alors que le chocolat est consommé seul et pour lui-même ; qu'ils ne sont pas vendus dans les mêmes rayons, le chocolat étant au rayon confiserie et les pâtes à tartiner au rayon petit-déjeuner ; qu'ils ne présentent pas davantage de lien étroit et obligatoire en ce que le chocolat peut être incorporé dans de nombreuses préparations culinaires et que si les pâtes à tartiner incorporent du chocolat, ce dernier a subi un degré de transformation substantiel.

La cour rappelle que des produits ou services sont complémentaires quand il existe entre eux un lien étroit et obligatoire, en ce sens que l'un est indispensable ou important pour l'usage de l'autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fourniture de ces services (ou la fabrication de ces produits) incombe à la même entreprise. Des rapprochements occasionnels et aléatoires sont insuffisants à caractériser un lien étroit et obligatoire.

En l'espèce, ainsi que l'a jugé le directeur de l'INPI les 'Pâtes à tartiner à base de chocolat' et le 'chocolat' présentent un lien étroit et obligatoire dans la mesure où les premières sont composées essentiellement du second, dont il constitue l'ingrédient principal, transformé seulement pour lui donner une texture 'tartinable', outre au surplus que ces produits ont la même nature de confiseries, répondent aux mêmes besoins nutritionnels sucrés et se consomment la plupart du temps de manière interchangeable au goûter ou au petit déjeuner, en association avec les mêmes produits (pain, biscottes, brioches, crêpes). Ces produits sont donc complémentaires ou même similaires, le public étant fondé à leur attribuer une origine commune.

Sur la comparaison des signes

Le Fonds de dotation Emeraude Solidaire prétend que les différences entre les signes écartent tout risque de confusion ; que les signes sont visuellement distincts par le premier terme et le nombre de lettres ; que d'un point de vue phonétique les prononciations sont très distinctes du fait des fortes différences entre les deux premiers termes conférant une impression d'ensemble distincte ; que les signes sont globalement différents au plan conceptuel, 'BISCUITS [Y]' étant perçu comme une pluralité de biscuits qualifiés de joyeux, alors que 'CAFE [Y]' sera perçu comme un lieu de consommation dénommé '[Y]' ; qu'en tout état de cause le terme commun '[Y]' est moins important en ce qu'il est subordonné aux noms qu'il qualifie.

Le directeur de l'INPI fait valoir que les marques en cause ont une architecture identique, associant l'adjectif [Y] à un terme désignant un produit alimentaire ; qu'il en résulte des ressemblances visuelles (structure en deux termes dont le second est identique) et phonétiques (même rythme en quatre temps, sonorités finales identiques) ; que sur le plan intellectuel, les deux signes jouent sur l'association insolite d'un produit alimentaire à l'adjectif [Y] et ce, même si ce terme peut également être perçu dans un second temps comme un patronyme dans les deux marques ; que les signes présentent des ressemblances sur tous les plans créant une impression d'ensemble proche qui est renforcée par la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; que l'adjectif commun [Y] est l'élément distinctif et dominant des deux signes, dans la mesure où il apparaît parfaitement arbitraire pour les désigner ; qu'au contraire, les termes BISCUITS et CAFE qui le précèdent, désignent directement certains des produits proposés sous chacune des marques, de sorte qu'ils sont dépourvus de tout caractère distinctif à leur égard ; qu'ils sont également faiblement distinctifs pour désigner les autres produits alimentaires susceptibles d'être leurs accessoires ; que le terme CAFE qui désigne tant une infusion qu'un établissement servant des boissons et de la restauration légère est particulièrement peu distinctif pour désigner les produits alimentaires de la demande contestée; que le caractère éventuellement laudatif du terme [Y] en tant que tel, ne l'empêche pas d'être le plus distinctif des deux termes qui composent les marques ; qu'en tout état de cause, sa présence pareillement incongrue à la suite des termes BISCUITS et CAFE compense cette éventuelle faiblesse ; que le terme [Y] est également dominant dans les deux signes, notamment par sa longueur, dans la demande d'enregistrement contestée ; que la place d'un terme en attaque ne lui confère pas de manière systématique un caractère dominant, a fortiori si le signe n'est composé que de deux termes, chacun ayant alors une position saillante ; que l'on ne peut considérer que ces deux signes constituent des ensembles indivisibles dans la mesure où ils ne forment pas des expressions possédant une signification autre que la simple juxtaposition des termes les constituant ; que les deux signes présentent donc le même élément distinctif et dominant [Y], situé en même position et jouant sur le même effet inhabituel ; que la présence insolite du terme distinctif [Y] ne manquera pas de retenir l'attention du consommateur contrairement aux termes qui le précèdent et qui présentent un lien avec les produits visés ; que l'articulation identique des deux marques autour du terme [Y] crée un effet de déclinaison laissant croire à des gammes de produits différentes ayant une même origine commerciale ou tout au moins provenant de sociétés liées ; que le risque de confusion est en outre renforcé par l'identité de certains des produits en cause.

La société Biscuits [Y] fait valoir que les signes en présence ont une construction identique et en commun le terme arbitraire [Y] qui leur confèrent des ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles ; que le vocable « [Y] », parfaitement distinctif pour désigner des produits alimentaires, revêt un caractère dominant tant dans le signe contesté que dans la marque antérieure ; que les termes « CAFE » et « BISCUITS », faiblement distinctifs, apparaissent accessoires en ce qu'ils ne font qu'indiquer une catégorie de produits de la classe 30 ; que les signes litigieux présentent une même composition de deux mots dont le dernier est commun : « [Y] » ; que l'attention du consommateur sera exclusivement attirée par le terme « [Y] », seul élément susceptible de lui indiquer l'origine des produits et au surplus composé de trois consonnes rares « J », « Y » et « X » ; que sur le plan phonétique, il résulte de la décomposition des expressions « BISCUITS [Y] » et « CAFE [Y] », une lecture en quatre temps, caractérisée par l'assemblage final de deux syllabes rares ; que cela renforce la présence à l'ouïe ' et partant la mémoire auditive ' du vocable « [Y] » ; que ce caractère dominant est encore renforcé par l'analyse conceptuelle des signes ; que le terme « CAFE » fait référence à la boisson éponyme, obtenue à partir de fèves de caféier torréfiées et moulues tandis que le terme « BISCUITS » désigne un gâteau sec ; que le vocable « [Y] » sera perçu, au sein de signes litigieux, soit, en tant qu'adjectif dérivé du nom commun « joie », soit comme nom patronymique indiquant l'identité du fabricant (M. [P] [Y], fondateur de l'entreprise éponyme en 1934 à St Lunaire) des cafés ou biscuits dont s'agit, et plus largement de l'atelier et/ou du lieu de commercialisation des produits, l'opposante étant également titulaire de la marque « MAISON [Y] » n°4404183 ; qu'il s'en suit que conceptuellement les signes litigieux ont exactement la même construction : le nom d'un produit (biscuit ou café) précédant le terme distinctif « [Y] », les biscuits et le café présentant de surcroît une forte analogie puisqu'étant fréquemment servis et consommés ensemble et aux mêmes occasions (goûters, cafés, en-cas, fins de repas) ; que les signes BISCUITS [Y] et CAFE [Y] peuvent donc être perçus comme provenant de la même entreprise «[Y] », commercialisant des biscuits et des cafés ; que l'impression d'ensemble entre les signes est la même, le signe contesté apparaissant comme la déclinaison de la marque antérieure de sorte que le risque de confusion est avéré et que le recours contre la décision de l'INPI doit être rejeté.

Le signe critiqué ne constituant pas la reproduction à l'identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il n'existe pas entre les deux signes un risque de confusion, lequel comprend le risque d'association, qui doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants.

La cour rappelle en outre que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails. Dans le cadre de l'examen de l'existence d'un risque de confusion, l'appréciation de la similitude entre deux marques ne revient ainsi pas à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n'exclut pas que l'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants.

Il convient donc de comparer les signes en litige avant de procéder à l'appréciation du risque de confusion pouvant exister entre eux pour le consommateur.

Visuellement, les signes en cause ont en commun, la même architecture en deux mots, et le même terme final [Y] mais diffèrent par le nombre de lettres, 10 dans la marque contestée, 14 dans la marque antérieure, et par le terme d'attaque CAFE dans la marque contestée et BISCUITS dans la marque antérieure. Leur similitude visuelle est donc plutôt faible.

Phonétiquement, les signes en présence ont en commun, le même nombre de syllabes et le même terme final [Y] mais diffèrent par la prononciation très différente des deux termes d'attaque CAFE dans la marque contestée et BISCUITS dans la marque antérieure. Leur similitude phonétique est donc plutôt faible.

Conceptuellement, le signe antérieur BISCUITS [Y], pris comme un tout, sera perçu par le consommateur comme signifiant des biscuits, aliments sucrés, exprimant ou donnant de la joie, tandis que la marque contestée CAFE [Y], sera comprise comme un lieu de consommation ou comme une boisson, caractérisés respectivement par une joyeuse ambiance ou comme étant une boisson donnant de la joie. Leur similitude conceptuelle est donc plutôt faible.

Globalement, les signes en présence produisent ainsi une impression d'ensemble plutôt faible.

Cette impression d'ensemble est encore renforcée par la prise en compte des éléments distinctifs et dominants.

La cour observe que le terme commun [Y] n'est pas à lui seul distinctif ni dominant dans les signes en cause dès lors qu'il s'agit d'un adjectif qualificatif employé après un nom commun qu'il qualifie comme exprimant de la joie ou apte à donner de la joie, terme à connotation laudative vantant le résultat en termes d'impact émotionnel procuré par la consommation des biscuits ou du café auquel il se rapporte, qui ne retiendra pas, à lui seul, l'attention du consommateur des produits visés, lequel percevra chacune des marques en cause comme un tout, ayant une signification globale bien distincte, sans risque de confusion, de sorte que le signe CAFE [Y] sera perçu dans son ensemble, le consommateur des produits visés n'étant pas amené à voir une origine commerciale commune ni même une association avec les produits de la marque BISCUITS [Y] opposée.

Il résulte en conséquence de la comparaison globale des signes en présence, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, que les différences entre les signes excluent tout risque de confusion.

Il s'en suit que, malgré l'identité ou la similarité des produits en cause, le consommateur concerné par ces produits ne pourra se méprendre sur leurs origines respectives, et ne sera pas conduit, au vu des différences relevées, à penser que ces signes proviennent d'une même entreprise ou d'entreprises liées économiquement.

La décision du directeur de l'INPI doit dès lors être annulée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Annule la décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle du 4 novembre 2021 ;

Condamne la société Les Biscuits [Y] à payer au Fonds de dotation Emeraude Solidaire la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes de la société Les Biscuits [Y] fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, par lettre recommandée avec accusé de réception.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 21/21217
Date de la décision : 01/02/2023
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;21.21217 ?
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