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01/02/2023 | FRANCE | N°20/03626

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 01 février 2023, 20/03626


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 01 FEVRIER 2023



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03626 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5BD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F17/00780



APPELANTE



S.A.S. CARREFOUR SUPPLY CHAIN prise en son établissement situé [Adr

esse 4]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477



INTIME



Monsieur [H] [I]

[Adresse 2...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 01 FEVRIER 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03626 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5BD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mai 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F17/00780

APPELANTE

S.A.S. CARREFOUR SUPPLY CHAIN prise en son établissement situé [Adresse 4]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

INTIME

Monsieur [H] [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Jocelyne AZINCOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1389

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [H] [I], né le 22 septembre 1972, a été engagé par la société Logidis, devenue la SAS Carrefour supply chain, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2003 en qualité de préparateur de commandes, statut employé, niveau 2.

Les relations contractuelles étaient soumises à la Convention collective nationale du commerce de gros à prédominance alimentaire.

Par lettre datée du 21 avril 2017, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 28 avril 2017 avec mise à pied conservatoire en vue d'un éventuel licenciement.

En arrêt maladie du 24 avril au 9 mai 2017, M. [I] ne s'est pas présenté à cet entretien préalable.

La rupture pour faute grave lui a été notifiée par lettre datée du 4 mai 2017 ainsi libellée : « Le 21 avril 2017, aux alentours de 9h05, heure de démarrage de la pause, vous avez emprunté le tourniquet de sortie du site, vous dirigeant vers votre véhicule stationné sur le parking. Le Directeur d'entrepôt, alors accompagné de Monsieur [O], Monsieur [C], et Monsieur [E], vous a demandé de les attendre car ils souhaitaient s'entretenir avec vous et effectuer un contrôle (vérification des sacs et effets emportés par les salariés à la sortie de l'établissement, comme le prévoit l'article 17 du règlement en vigueur). Vous vous êtes alors mis à courir, en longeant les buissons accolés aux grillages donnant sur l'entrepôt voisin, et vous avez jeté des objets par-dessus les buissons.

Vous avez violé l'article 31 du règlement intérieur du site qui stipule : « Le personnel est tenu de se conformer aux instructions qui lui sont données par ses supérieurs hiérarchiques. »

Alors que les membres de la direction tout en vous demandant de vous arrêter, tentaient de vous rattraper, vous avez rejoint votre véhicule et avez démarré brusquement.

Vous avez alors roulé à grande vitesse en direction de Monsieur [E] et de Monsieur [T] (présent sur le parking), qui ont dû s'écarter pour ne pas être percutés par votre

véhicule.

Vous avez violé l'article 10 du règlement intérieur du site qui stipule : « Le personnel est tenu de circuler avec prudence sur les voies autorisées dans l'enceinte de l'entreprise. Toute personne est tenue de respecter les panneaux de circulation existants, ou à défaut, les prescriptions du code de la route. La vitesse de circulation sur les parkings et voies intérieurs de l'établissement est limitée à 30 km/heure. »

À la hauteur du portail du site, qui venait d'être fermé par le poste de garde, vous êtes sorti de votre véhicule et vous êtes à nouveau enfui en courant, empruntant la sortie pour les poids lourds, vous dirigeant vers les buissons longeant la voie ferrée.

Quelques minutes plus tard, vous avez escaladé le portail du site pour revenir à l'intérieur et rejoindre votre véhicule.

Vous avez de nouveau violé l'article 10 du règlement intérieur du site qui stipule également : «Il est formellement interdit à tout salarié d'accéder au lieu de travail par un passage interdit. »

Quatre policiers arrivés sur place, à la demande de l'entreprise, ainsi que les membres de la direction, vous ont demandé les raisons de votre fuite. Vous n'avez pas apporté de réponse. De tels faits sont inadmissibles.

Votre comportement est d'autant plus grave qu'il s'est accompagné d'une mise en danger délibérée de plusieurs personnes de l'entreprise.

Outre le caractère répréhensible des faits exposés ci-dessus et le non-respect du règlement intérieur qui vous est applicable, votre attitude est contraire aux règles de sécurité, dangereuse et inacceptable et constitue donc une violation de vos obligations contractuelles et ce d'autant que plusieurs salariés en ont été témoins.

Compte tenu de leurs gravités et de leurs caractères volontaires, de tels faits sont incompatibles avec la poursuite de nos relations contractuelles, même pendant une période de préavis.

Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave. (') ».

A la date du licenciement, M. [I] avait une ancienneté de treize ans et cinq mois et la SAS Carrefour supply chain employait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement, M. [I] a saisi, le 16 novembre 2017, le conseil de prud'hommes de Longjumeau aux fins de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et la SAS Carrefour Supply chain condamnée à lui payer les sommes suivantes :

- 4 928,50 euros à titre d'indemnité de préavis ;

- 492,85 euros à titre de congés payés sur préavis ;

- 7 871,90 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 36 963,75 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil ;

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [I] sollicitait également du conseil qu'il ordonnât la rectification de l'attestation pôle emploi et l'exécution provisoire.

La SAS Carrefour supply chain formulait une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 27 mai 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Longjumeau a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS Carrefour supply chain à lui verser les sommes suivantes :

- 4 928,50 euros au titre de l'indemnité de préavis,

- 492,85 euros d'indemnité des congés payés sur préavis,

- 7 871,90 euros d'indemnité légale de licenciement,

- 15 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive,

- 1 200 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure,

- les intérêts légaux courant à compter du 17 novembre 2017, date de réception de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation, pour les créances salariales et du prononcé de la décision pour les autres créances.

La juridiction a ordonné à la SAS Carrefour supply chain de remettre à M. [H] [I] une attestation Pôle Emploi conforme au jugement, sous astreinte de 30 euros par jour, dans un délai de 15 jours à partir de la notification du présent jugement, et ceci pendant soixante jours, en se réservant le droit de liquider l'astreinte.

La SAS Carrefour supply chain a été déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Les dépens ont été mis à sa charge, y compris l'intégralité des éventuels frais d'huissier d'exécution par voie d'huissier de justice.

Par déclaration du 18 juin 2020, la SAS Carrefour Supply chain a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 29 mai 2020.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 juillet 2020, la SAS Carrefour supply chain demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner au paiement de la somme de 2 500 euros de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement, elle sollicite la limitation du montant de l'indemnité de préavis à la somme de 4 201,80 euros brut et 420,18 euros d'indemnité de congés afférents, du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 7 718,34 euros et le rejet des autres demandes du salarié.

En tout état de cause, elle s'oppose à la demande adverse au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et formule une demande à ce titre à hauteur de 2 500 euros, ainsi que la condamnation de M. [I] aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris-Versailles, prise en la personne de Me Matthieu Boccon-Gibod.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 octobre 2020, M. [I] demande à la cour de débouter la partie adverse de l'ensemble de ses demandes et réitère ses demandes de première instance, en ajoutant une demande de condamnation au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Jocelyne Azincourt. Il demande également à la cour d'ordonner la rectification de l'attestation pôle emploi et du certificat de travail.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 septembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 novembre 2022 à 13h30.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la faute

Il résulte des articles L. 1234 - 1 et L. 1234 -9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à préavis ni à indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié d'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La SAS Carrefour supply chain fait grief au salarié de s'être soustrait, malgré les demandes réitérées du directeur de l'entrepôt où il travaillait et en prenant la fuite, à une vérification des effets qu'il emportait, d'avoir utilisé pour ce faire son véhicule avec lequel il aurait roulé à vive allure sur le parking de l'établissement malgré la limitation de la vitesse à 30 kilomètres heures, manquant de heurter deux salariés de la société, et, d'avoir poursuivi sa course, alors que son véhicule était arrêté par une barrière, en sortant à pied des locaux de l'employeur par la porte des poids lourds avant des réintégrer les lieux par la grille du portail des poids lourds, empruntant ainsi une voie d'accès interdite.

M. [H] [I] répond qu'alors qu'il conduisait son véhicule il a été pris à parti par quatre cadres de l'entrepôt qui voulaient l'empêcher d'accéder à son véhicule. Il se plaint d'avoir subi une fouille de son véhicule en violation du règlement intérieur, à laquelle il s'est opposé, ce qui a conduit les quatre personnes précitées à le molester. Il conteste avoir couru et avoir jeté un sac par-dessus des buissons au cours de sa fuite, ni être sorti de l'établissement pour rentrer ensuite en escaladant un grillage comme le prétend l'employeur. Il allègue avoir appelé la police.

Sur ce

Les dépositions des parties dans le cadre de l'enquête de police diligentée contre M. [H] [I] pour vol ne peuvent être utilisées comme n'étant que les retranscriptions des versions contraires des uns et des autres.

Les attestations produites par l'employeur émanant de quatre cadres de l'entreprise, dont le directeur, rapportent, qu'alors que des informations leur laissaient penser que M. [H] [I] avait soustrait des objets, ils l'ont attendu au tourniquet de sortie de l'établissement, lui ont demandé de s'arrêter, qu'il a pris la fuite en marchant vite, puis en courant, qu'il a jeté un sac par-dessus le grillage, qu'il a emprunté son véhicule, qu'ils ont voulu l'empêcher de partir, mais qu'ils ont dû lâcher prise pour ne pas s'exposer, qu'il s'est dirigé à vive allure vers la sortie, qu'un agent de sécurité a fermé, qu'il a alors quitté son véhicule pour quitter l'établissement pas la sorties des poids lourds, avant de réintégrer l'établissement quelques minutes plus tard en escaladant le portail des poids lourds, que la police appelée entre-temps par eux est arrivée et a ouvert son coffre où elle a trouvé des canettes de bière. Ils rapportent que l'intéressé s'est blessé en heurtant des branches d'arbres sans sa course.

Le salarié produit différentes attestations de personnes dont on ne sait si elles ont assisté aux faits et qui évoquent surtout l'origine non frauduleuse des cannettes de bières trouvées dans le coffre de son véhicule lors de sa fouille. En revanche, M. [F] atteste avoir vu le salarié partir 'tranquillement' après le passage du tourniquet, rejoindre son véhicule, être poursuivi par quatre hommes, qui l'ont agressé au point de 'l'ensanglanter', tandis que la police est arrivée plus tard et a procédé à la fouille du véhicule.

Un certificat médical atteste que M. [H] [I] présentait le 24 avril 2017 une plaie sous orbitaire gauche, des ecchymoses au tibia gauche et un choc psychologique, ce qui ne peut être imputable à des banchages.

Devant les contradictions entre les versions des personnes qui sont à l'origine du licenciement d'un côté et le certificat médical ainsi que l'attestation de M. [F], un doute existe sur les circonstances de l'intepellation du salarié suspecté de vol, de sorte que la faute ne peut être retenue et le licenciement sera déclaré dénué de cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture

Sur l'indemnité de licenciement

Selon l'article 3.13 de la convention collective applicable, qui reprend les mêmes règles que l'article R 1234-2 du code du travail, le salarié ayant au moins un an de présence ininterrompue dans l'entreprise, droit à une indemnité égale à 1/5ème de mois par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent 2/15éme de mois par année d'ancienneté au-delà de dix ans d'ancienneté.

Les parties conviennent qu'il y a lieu de retenir la moyenne des douze derniers mois de travail, comme salaire de référence, soit la somme de 2 458,08 euros.

L'ancienneté à prendre en compte pour le calcul de l'indemnité de licenciement intègre le préavis, ce qui donne 13 ans et 7 mois.

Il s'en déduit que l'indemnité de licenciement s'évalue à la somme de 7 852,20 euros.

Sur l'indemnité de préavis

Alors que le salarié calcule l'indemnité de préavis à partir du salaire de référence pour le calcul de l'indemnité de licenciement, l'employeur objecte que c'est le salaire que l'intéressé aurait perçu s'il avait travaillé qu'il convient de retenir. La SAS Carrefour supply chain retient donc comme base de calcul un salaire mensuel de 2 100,90 euros, intégrant un salaire de base de 1 801,90 euros et une prime fixe de productivité de 299 euros.

Aux termes du second alinéa de l'article L. 1234-5 du Code du travail, l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

Reprenant donc le calcul exact de l'employeur, la cour fixe l'indemnité de préavis qui correspond à une durée de deux mois à la somme de 4 201,80 euros, à quoi s'ajoute la somme de 420,18 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

Sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire

La mise à pied conservatoire a duré du 22 avril 2017 au 3 mai 2017, soit 11 jours, de sorte qu'il y a lieu d'allouer au salarié la somme de 788,04 euros qu'il demande, outre 78,80 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

Sur les dommages-intérêts

M. [H] [I] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui verser la somme de 36 963,75 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en arguant du caractère injuste de la rupture. Il demande, en outre, la somme de 10 000 euros pour rupture abusive en soulignant qu'il a été accusé de vol et poursuivi par quatre membres de la direction, le mettant en danger au point qu'il a dû s'enfermer dans sa voiture, qu'il n'a pu travailler que deux semaines en août 2017, puis trois semaines en septembre 2017 et qu'il n'a ensuite travaillé qu'en interim depuis le 15 janvier 2018, alors qu'il venait d'avoir son troisième enfant et que sa femme ne travaille pas.

La société objecte que le salarié ne peut à la fois prétendre à des dommages-intérêts pour rupture abusive en application de l'article L. 1235-5 du Code du travail qui concerne les salariés de moins de deux ans d'ancienneté travaillant dans une entreprise employant moins de onze salariés et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui concerne le cas inverse. Pour le cas où la cour retiendrait l'absence de cause réelle et sérieuse, la SAS Carrefour Supply chain offre une somme de 2 000 euros.

Sur ce

La société comptait au moment de la rupture au moins onze salariés et M. [H] [I] avait plus de deux ans d'ancienneté.

Le salarié sollicite dans le cadre de chacune de ces demandes, la réparation des conséquences de la rupture et la réparation des circonstances de son interpellation par quatre cadres de l'entreprise, qui lui a valu son licenciement par la suite.

Sur ce second point, il a été relevé que la cause réelle et sérieuse du licenciement n'était pas retenue en raison des circonstances obscures de l'interpellation, ce qui signifie par la même occasion que la faute prétendue des quatre cadres n'est pas plus démontrée que l'absence de cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du Code du travail, dans sa version en vigueur à la date de la rupture, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9.

L'article L. 1235-5 du Code du travail, également dans sa version applicable aux faits de la cause, indique que les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l'article L. 1235-3, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés. Le second alinéa de ce texte ajoute que le salarié peut prétendre en cas de licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Ce texte n'a pas lieu de s'appliquer en l'espèce, puisque le salarié a plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise compte au moins onze salariés.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [H] [I], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, M. [H] [I] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Au vu des motifs qui précèdent, il sera ordonné la délivrance d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte. En revanche, il n'est pas justifié de délivrer un nouveau certificat de travail.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner la SAS Carrefour supply chain qui succombe à verser la somme de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

L'employeur qui succombe sera débouté de ces chefs et condamné aux dépens.

Il convient de rejeter les demandes au titre des frais d'exécution et du droit de recouvrement de l'huissier qui ne relèvent pas des dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Infirme le jugement déféré, sauf sur les demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la SAS Carrefour supply chain à payer à M. [H] [I] les sommes suivantes :

- 4 201,80 euros d'indemnité de préavis ;

- 420,18 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 7 852,20 d'indemnité de licenciement ;

Rejette la demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;

Ordonne la délivrance par la SAS Carrefour supply chain à M. [H] [I] d'une attestation Pôle Emploi dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Y ajoutant ;

Condamne la SAS Carrefour supply chain à payer à M. [H] [I] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette la demande de la SAS Carrefour supply chain au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Ordonne la délivrance d'un nouveau certificat de travail dans le mois de la signification du présent arrêt ;

Condamne la SAS Carrefour supply chain aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jocelyne Azincourt.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03626
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;20.03626 ?
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