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01/02/2023 | FRANCE | N°19/10414

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 01 février 2023, 19/10414


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 01 FEVRIER 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10414 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZJV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/09693



APPELANTE



Madame [R] [X] épouse [H]

[Adresse 10]

[Localité 3]
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INTIMEES



SA WILL-BRIDGE

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Pierre-françois OZANNE, ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 01 FEVRIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10414 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZJV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Avril 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/09693

APPELANTE

Madame [R] [X] épouse [H]

[Adresse 10]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric ALLERIT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241

INTIMEES

SA WILL-BRIDGE

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentée par Me Pierre-françois OZANNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0506

SELARL AJRS prise en la personne de Me [W] [A] ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société SA WILL-BRIDGE

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Pierre-françois OZANNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0506

SELAFA MJA prise en la personne de Me [U] [K] ès qualité de mandataire judiciaire de la société SA WILL-BRIDGE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Pierre-françois OZANNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0506

Association AGS CGEA IDF OUEST UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF OUEST Association déclarée, représentée par sa Directrice [C] [S], dûment habilitée

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représentée par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat de travail d'abord à durée déterminée puis à durée indéterminée, Mme [R] [X] épouse [H] a été engagée par la SA Will Bridge en qualité d'employée commerciale. Elle travaillait exclusivement depuis son domicile.

La société Will bridge, qui occupe à titre habituel moins de onze salariés, a pour activité la commercialisation de logiciels liés au bridge.

Cette société a été placée en redressement judiciaire le 15 novembre 2018. Un plan de continuation a été adopté le 23 janvier 2020. La SELAFA MJA a alors été désignée en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL AJS en tant que commissaire à l'exécution du plan.

Le 20 décembre 2018, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes de rappels de salaire et de frais ainsi que de dommages et intérêts au titre de l'article 1240 du code civil

Le 16 janvier 2019, la salariée a été licenciée pour motif économique.

Par jugement du 1er avril 2019, le conseil a rejeté l'ensemble des demandes de Mme [X] et laissé les dépens à sa charge.

Le 18 octobre 2019, Mme [X] a fait appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe le 19 septembre précédent.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 août 2020, Mme [X] demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- fixer sa créance salariale au passif de la société Will bridge à 23.888,04 euros, si la prescription quinquennale est retenue, à 15.234,68 euros, si la prescription triennale est retenue, et à 10.679,77 euros, si la prescription biennale est retenue, et condamner l'AGS CGEA IDF Ouest et, en tant que de besoin, la société Will bridge à lui payer cette somme ;

- fixer sa créance au titre du remboursement de frais de télétravail au passif de la société Will bridge à 5.968,12 euros, si la prescription quinquennale est retenue, à 3.657,88 euros, si la prescription triennale est retenue, et à 2.502,76 1 euros si la prescription biennale est retenue et condamner l'AGS CGEA IDF Ouest et en tant que de besoin la société Will bridge à lui payer cette somme ;

- rejeter l'ensemble des prétentions des AGS CGEA IDF Ouest ;

- condamner la SELARS AJRS, la SELAFA MJA les AGS CGEA IDF Ouest et en tant que de besoin la société Will Bridge aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le recouvrement sera poursuivi par Me Laurence Taze-Bernard conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 septembre 2022, la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [W] [A], commissaire à l'exécution du plan, la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [U] [K], mandataire judiciaire, et la société Will bridge demandent à la cour de :

- confirmer le jugement ;

- débouter Mme [X] de ses demandes ;

- subsidiairement, juger que l'AGS CGEA IDF Ouest devra la garantir de toute condamnation de rappel de salaires et/ou d'indemnité de travail à domicile ;

- condamner Mme [X] à lui payer 2.000 euros au titre de l'article 700, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 décembre 2019, l'AGS CGEA IDF Ouest demande à la cour de :

- à titre principal, confirmer le jugement et débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes en la condamnant aux dépens ;

- subsidiairement, fixer les créances retenues au passif, lui rendre opposable le jugement dans la limite du plafond 6 toutes créances confondues, exclure de l'opposabilité la créance au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'astreinte, rejeter la demande d'intérêts légaux et dire ce que de droit quant aux dépens sans qu'ils puissent être mis à sa charge.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 novembre 2022.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : Sur l'étendue de la saisine de la cour

En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est pas saisie de la fin de non-recevoir tirée de la prescription qui, bien qu'évoquée dans le corps des écritures, n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions des intimés.

2 : Sur la demande de reclassification et les rappels de salaire afférents

Au regard de l'activité de la société, la convention collective applicable est celle, nationale, des bureaux d'étude technique, des cabinets d'ingénieur-conseil et des sociétés de conseil du 15 décembre 1987.

L'annexe I à cette convention, relative à la classification des ETAM, prévoit trois types de fonctions, elles-mêmes subdivisées en un certain nombre de positions auxquelles sont affectés des coefficients. Ainsi, les fonctions d'exécution relèvent du niveau I, les fonctions d'étude et de préparation du niveau II et les fonctions de conception ou de gestion élargie du niveau III.

Or, sous réserve d'une attribution volontaire par l'employeur, la qualification, mais également la catégorie à laquelle appartient un salarié, se détermine, en principe, au regard des fonctions réellement exercées par celui-ci, les juges n'étant pas liés par celle figurant dans le contrat de travail. La charge de la preuve de la qualification revendiquée pèse sur le salarié. L'appréciation des fonctions exercées par le salarié relève du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond.

Au cas présent, alors que Mme [X] était rémunérée pour des fonctions de niveau I, elle revendique de se voir appliquer le niveau II échelon 3 de l'annexe susmentionnée.

A cet égard, elle soutient qu'il ressort de son contrat et de l'avenant à celui-ci qu'elle exerçait des fonctions d'étude et de préparation puisque sa mission consistait à développer le réseau de vente à domicile des produits et le service après-vente hotline de son employeur. Elle fait valoir que ses tâches étaient définies contractuellement et qu'elle était chargée :

- de définir et sélectionner la gamme commercialisée,

- de sélectionner et négocier avec les fournisseurs,

- de calculer les prix de vente aux clients,

- de prendre en charge l'organisation logistique et administrative, d'assurer le suivi des livraisons,

- du recrutement des hôtesses,

- de la préparation et de l'extension des ventes à d'autres réseaux,

- de la mise au point du système de rémunération des hôtesses et des délégués régionaux,

- de l'ensemble des éléments permettant la mise en 'uvre de la commercialisation des produits de la société Will bridge.

Elle affirme que ces différentes activités relèveraient nécessairement du niveau II de la classification. Elle souligne également son autonomie d'action alors qu'elle travaillait de chez elle sans supervision hiérarchique.

Au soutien de ses allégations, elle produit, outre le contrat et son avenant, une carte de visite mentionnant des fonctions de 'directrice des ventes directes', des documents intitulés 'proposition de relance magazines et CD', 'saisie des commentaires en word', 'plan du CD', une attestation du gérant mentionnant sa qualité de 'responsable d'établissement secondaire', des factures ainsi qu'un listing d'abonnés.

Cependant, il ressort des débats comme des pièces produites que, si la salariée s'est vu confier, très ponctuellement, à compter de mai 2011 et pour une durée de deux mois, une mission visant à préparer le développement d'une activité de vente à domicile, cette mission, qui ne relevait pas de ses attributions contractuelles, ne s'est pas poursuivie dans le temps, à supposer même qu'elle ait reçu un commencement d'exécution. La salariée ne saurait dès lors, après le terme de cette mission et sur ce seul fondement, revendiquer avoir exercé des fonctions de niveau II.

Par ailleurs, les autres documents produits, qui ne sont pas datés et sont dépourvus de tout élément de contexte, ne permettent pas davantage de caractériser l'exercice de fonctions d'étude et de préparation d'autant qu'il ressort du rapport d'activité 2018 (courriel du 15 mai 2018) que l'appelante gérait les commandes, leur envoi et leur facturation ce qui relève clairement de fonctions d'exécution de niveau I.

Ainsi, la salariée n'apportant pas la preuve qui lui incombe et celle-ci ayant toujours perçu un salaire supérieur au salaire minimum garanti conventionnellement pour son niveau et sa position, aucun rappel de salaire n'est dû et le jugement sera confirmé en ce qu'il rejette la demande à ce titre.

3 : Sur les frais liés au télétravail

En application de l'article L.1222-10 du code du travail dans sa version applicable à la relation de travail jusqu'au 24 septembre 2017, l'employeur est tenu à l'égard du salarié en télétravail, de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail. En outre, bien que cette obligation ait été supprimée par l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l'employeur reste toujours soumis à l'obligation générale de prendre en charge les coûts liés à l'exercice des fonctions du salarié. Ceux-ci comprennent notamment, en cas de télétravail, les frais fixes et variables liés à la mise à disposition d'un local privé pour usage professionnel.

.

Par ailleurs, si la charge de la preuve des frais professionnels, qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article L.7423-1 du code du travail, incombe au salarié, l'employeur doit prouver leur paiement effectif.

Au cas présent, la salariée travaillait à son domicile. Or, s'il apparaît au regard des pièces produites aux débats que l'employeur remboursait certains frais et qu'il indemnisait l'appelante pour l'entreposage à son domicile de son stock, il ressort clairement des échanges de mails communiqués que cette indemnisation n'avait aucunement pour objet de compenser le fait que la salariée dispose chez elle d'un bureau au moins partiellement dédié à son activité professionnelle.

Au regard des éléments produits sur la taille de la pièce affectée à cette activité et sur la surface et la valeur locative du bien immobilier dans son ensemble, l'indemnisation à ce titre sera fixée à 2.000 euros pour l'ensemble de période non couverte par la prescription

Le jugement sera infirmé en ce qu'il rejette la demande à ce titre.

Le jugement de redressement judiciaire arrête le cours des intérêts au taux légal en sorte que celui-ci étant antérieur à la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation, les intérêts n'ont pas couru.

4 : Sur la garantie des AGS

Les créances dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises même après l'adoption du plan de continuation au régime de la procédure collective, de sorte que par application des articles L.3253-6 et L.3253-8 du code du travail le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS CGEA Ile de France Ouest dans les limites du plafond et de la garantie.

5 : Sur les demandes accessoires

Au regard du sens de la présente décision, le jugement sera infirmé sur la charge des dépens.

Les dépens de première instance et d'appel, nés postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, seront à la charge de la société Will Bridge qui est désormais in bonis.

Le recouvrement des éventuels dépens d'appel sera poursuivi par Me Laurence Taze-Bernard conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, la représentation étant obligatoire devant la cour.

L'équité commande de ne pas faire droit à la demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Paris du 1er avril 2019, sauf en ce qu'il rejette la demande au titre des rappels de salaire ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

- Fixe au passif de la SA Will Bridge la somme de 2.000 euros au titre des frais de télétravail de Mme [R] [X] épouse [H] ;

- Rappelle que le jugement de redressement a arrêté le cours des intérêts au taux légal qui n'ont pas couru sur cette somme ;

- Dit que le présent arrêt est opposable à l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest dans les limites de sa garantie ;

- Rejette la demande au titre des frais irrépétibles ;

- Condamne la SA Will Bridge aux dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Laurence Taze-Bernard pour ceux de l'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/10414
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;19.10414 ?
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