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01/02/2023 | FRANCE | N°19/10026

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 01 février 2023, 19/10026


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 01 FEVRIER 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10026 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAXKS



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - RG n° F16/01784



APPELANTE



SARL AUTOSMECA 94 agissant poursuites et diligences de son gé

rant domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055



INTIME

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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 01 FEVRIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10026 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAXKS

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de CRETEIL - RG n° F16/01784

APPELANTE

SARL AUTOSMECA 94 agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié audit siège en cette qualité

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric INGOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

INTIME

Monsieur [O] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Mathieu BARONET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : 68

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Soutenant avoir été engagé par le garage Autosmeca 94 à compter du 28 janvier 2012 en qualité de mécanicien, sans déclaration d'embauche, ni rémunération, ni bulletin de paie et que le contrat a été rompu oralement le 22 janvier 2014, M. [L] a saisi le 6 octobre 2014 le conseil de prud'hommes de Créteil, qui, par jugement du 12 septembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- condamné la SARL Autosmeca 94 à payer à M. [L] les sommes suivantes :

* 8.553 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1.446 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

* 144,60 euros d'indemnité de congés payés afférents,

* 570,20 euros d'indemnité légale de licenciement,

* 8.553 euros d'indemnité pour travail dissimulé,

* 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus de ses demandes,

- condamné la défenderesse aux dépens.

Par déclaration du 7 octobre 2019, la société Autosmeca 94 a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 18 septembre 2019.

Dans ses dernières conclusions au fond remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 26 juin 2020, la société Automesca 94, appelante, s'oppose à la radiation sollicitée par la partie adverse en application de l'article 524 du Code de procédure civile comme ne relevant pas du pouvoir de la cour et demande l'infirmation du jugement entrepris sur les condamnations prononcées à son encontre, le rejet des prétentions adverses et la condamnation de l'intimé à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Dans ses uniques conclusions au fond adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 31 mars 2020, M. [O] [L], intimé, demande à la cour, in limine litis, la radiation de l'affaire du rôle de la cour, au fond de confirmer le jugement, et y ajoutant de condamner la société Autosmeca 94 au paiement des sommes suivantes :

- 34.169 euros de rappel de salaires sur la période du 28 janvier 2012 au 22 janvier 2014,

- 3.416,90 euros d'indemnité de congés payés y afférents,

- 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- avec mise des dépens à sa charge.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

1 : Sur la demande de radiation

Aux termes de l'article 524 du Code de procédure civile lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état, peut, en cas d'appel, décider, à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

La compétence pour radier dans l'hypothèse prévue par ce texte revient exclusivement au premier président et, à partir de sa désignation, au conseiller de la mise en état.

La cour se déclare donc incompétente.

2 : Sur l'existence du contrat de travail

Les décisions rendues au pénal ont au civil autorité absolue à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé.

Par arrêt du 8 mars 2016, la cour d'appel de Paris a reconnu M. [J] [E], en sa qualité de gérant de droit de la société Autosmeca 94, coupable d'avoir, entre le 1er janvier 2012 et le 22 janvier 2014, étant employeur de M. [O] [L], omis intentionnellement de remettre un bulletin de paie lors du paiement de la rémunération du salarié, et de procéder à sa déclaration nominative préalable à l'embauche auprès des organismes sociaux (URSSAF), en état de récidive légale.

Il s'ensuit que l'existence d'un contrat de travail entre M. [O] [L] et la société Autosmeca 94 s'impose erga omnes.

3 : Sur le rappel de salaire

M. [O] [L] sollicite un rappel de salaire de 34 169 euros, outre 3 416,90 euros d'indemnité de congés payés y afférents, au titre de la période écoulée entre le 28 janvier 2012 et le 22 janvier 2014, sur la base du salaire minimum conventionnel, en revendiquant un contrat à durée indéterminée à temps plein.

La société Autosmeca 94 objecte que l'intéressé a déjà obtenu réparation de son préjudice matériel, comme partie civile devant la chambre des appels correctionnels à hauteur de la somme de 5 000 euros.

Si les décisions de la juridiction pénale statuant sur l'action civile ont autorité de chose jugée sur le juge civil dans les conditions fixées par l'article 1355 du code civil, il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Devant la présente juridiction, ce n'est pas M. [E], à titre personnel, condamné au pénal, qui est partie, mais la société Autosmeca 94 qu'il représente. Il n'y a donc pas autorité de chose jugée sur les conséquences de la rupture, à supposer qu'il puisse être tiré des conclusions sur l'étendue de la réparation accordée par le juge pénal à partir de ses motifs.

L'absence d'écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle de travail, et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, fait présumer que l'emploi est à temps complet. L'employeur qui conteste cette présomption doit rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En l'absence de tout élément sur ces points au dossier, la cour reconnaît l'existence d'un contrat à durée indéterminée à temps plein.

Sur le paiement des salaires, il ressort de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels que le salarié reconnaît dans ses premières déclarations avoir perçu de temps en temps 50 euros de rémunération, sous réserve des 7 derniers mois, au cours desquels il a reçu de 400 à 600 euros par mois. Par ailleurs les services de police ont retrouvé la trace informatique d'un cahier sur lequel M. [E] avait porté des versements faits à M. [O] [L] à hauteur de 3 081,50 euros au cours de la période écoulée entre juin 2012 et février 2013.

Il doit donc être déduit du salaire dû à M. [O] [L] calculé sur la base des minimaux conventionnels, d'une part 3 081,50 euros et d'autre part pour les sept derniers mois 3 500 euros soit un total de 6 581,50 euros.

Il sera fait droit à la demande de M. [O] [L] à hauteur de la somme de 27 587,50 euros (34 169 - 6 581,50), outre 2 758,75 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

4 : Sur la rupture

4.1 : Sur la qualification de la rupture

Il est constant que les relations entre la société et le salarié ont pris fin le 22 janvier 2014, sans aucun écrit et notamment sans procédure de licenciement. Il s'ensuit que cette rupture s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

4.2 : Sur l'indemnité de travail dissimulé

L'article L8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au vu de l'arrêt de la chambre des appels correctionnels, la matérialité et l'intentionnalité du défaut de déclaration du salarié aux organismes sociaux s'imposent à la juridiction du travail. En outre, ce ne peut être qu'intentionnellement qu'il a fait travailler M. [O] [L] sans bulletin de paie, ni rémunération, en profitant de sa faiblesse psychologique attestée par un certificat médical.

Par suite l'employeur sera condamné à verser à M. [O] [L] la somme de 8 553 euros à ce titre.

4.3 : Sur l'indemnité de licenciement

L'intéressé avait un an et onze mois complets d'ancienneté au moment de la rupture.

Reprenant le salaire de référence de 1 425,50 euros, la cour fixe l'indemnité de licenciement à la somme de 544,54 euros [(1 425,50 x 1,91)/5].

4.4 : Sur l'indemnité de préavis

Selon l'article 2.12 de la convention collective applicable qui est celle du commerce et de la réparation automobile, le salarié devait effectuer un préavis d'un mois.

Retenant le dernier salaire conventionnel auquel avait droit M. [O] [L] au moment de la rupture, soit un salaire mensuel brut de 1 446 euros, la cour condamnera la société Autosmeca 94 à lui verser une indemnité de préavis de 1 446 euros outre 144,60 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

4.5 : Sur les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié avait moins de deux ans d'ancienneté tandis que l'entreprise occupait habituellement moins de 11 salariés.

Aux termes de l'article L 1235-5 du Code du travail, dans sa version en vigueur au moment de la rupture, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues par l'article L 1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et en cas de licenciement abusif le salarié ne peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [O] [L], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

5 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de rejeter les demandes de l'une et l'autre des parties au titre des frais irrépétibles.

L'employeur qui succombe sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Se déclare incompétente pour se prononcer sur la demande de radiation de M. [O] [L] ;

Infirme le jugement sauf sur les demandes d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents et d'indemnité de travail dissimulé ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la société Autosmeca 94 à payer à M. [O] [L] les sommes suivantes :

- 500 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 27 587,50 euros de rappel de salaire ;

- 2 758,75 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 544,54 d'indemnité de licenciement ;

Rejette la demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance de M. [O] [L] ;

Y ajoutant ;

Rejette les demandes d'indemnité de M. [O] [L] au titre des frais irrépétibles d'appel et la demande de la société Autosmeca 94 en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Autosmeca 94 aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 19/10026
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;19.10026 ?
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