Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 01 FEVRIER 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05786 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B755N
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Mars 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/03540
APPELANTE
SASU AAF LA PROVIDENCE II
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe SUARD, avocat au barreau de PARIS, toque : B0536
INTIMEES
Madame [J] [G]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615
Société ISS PROPRETE devenue ISS FACILITY SERVICES
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Philippe PACOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Décembre 2022, , en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK, stagiaire en préaffectation
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière stagiaire en préaffectation, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [G] a été engagée en qualité d'agent d'entretien par la société AAF La Providence II le 1er février 2016, avec reprise d'ancienneté au 25 octobre 2007. Elle travaillait 143 heures par mois réparties sur plusieurs sites.
Le 1er octobre 2017, un des sites où elle travaillait pour un volume mensuel de 65 heures, le site GRDF Pantin, a été transféré à la société ISS Propreté.
La société AAF La Providence II l'a informée de ce que son contrat de travail était transféré, par application de l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté, à hauteur de 65 heures par mois.
Toutefois, lorsqu'elle s'est présentée sur ce site, la société ISS Propreté a refusé de la reprendre, et ses salaires n'ont plus été payés.
Madame [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny le 8 novembre 2017, de demandes formées contre l'une et l'autre société.
Par jugement en date du 27 mars 2019, ce conseil a :
- dit que la société AAF La Providence II est l'employeur de madame [G]
- mis hors de cause la société ISS Propreté
- condamné la société AAF La Providence II à payer à madame [G] les sommes suivantes :
9.913,12 euros à titre de rappel de salaire du 1er octobre 2017 au 31 novembre 2018
1.500 euros à titre de dommages et intérêts pour privation de revenus
200 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
La société AAF La Providence II a interjeté appel de cette décision le 30 avril 2019.
Par conclusions récapitulatives du 8 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, elle demande à la cour :
- d'infirmer le jugement
- de dire que le contrat de travail de madame [G] remplit les conditions de transfert conventionnel prévues à l'article 7 de la convention collective, et qu'il a été transféré à la société ISS Propreté le 1er octobre 2017
- de la mettre hors de cause, de débouter madame [G] de ses demandes à son encontre, et de la condamner au remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire
- de condamner la société ISS Propreté à lui payer une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- subsidiairement, de dire que le salaire moyen afférent au travail transféré est de 652,60 euros, et ramener le quantum du rappel de salaire à la somme de 9.136,40 euros.
Par conclusions récapitulatives du 27 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société ISS Propreté demande à la cour :
- à titre principal de confirmer le jugement
- subsidiairement, de fixer le salaire mensuel de madame [G] à la somme de 652,60 euros et condamner la société AAF La Providence à la garantir d'éventuelles condamnations prononcées à son encontre
- plus subsidiairement, de prononcer une condamnation solidaire
- de limiter le montant des condamnations à titre de rappel de salaire pour la période du 1er octobre 2017 au 31 octobre 2022 à la somme de 39.808,60 euros
- en tout état de cause, de débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts
- de condamner la société AAF La Providence à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives du 7 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [G] demande à la cour :
- à titre principal de juger que le contrat de travail sur le site RDF Pantin a été transféré au sein des effectifs de la société ISS FACILITY SERVICES en application de l'article 7 de la CNN à compter du 1er octobre 2017.
- de condamner la société ISS FACILITY SERVICES à lui payer les sommes suivantes :
44.096,49 euros au titre des salaires échus du 1er octobre 2017 au 30 novembre 2022
4.409,64 euros au titre des congés payés afférents
3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non paiement des salaires
2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- à titre subsidiaire si le contrat de travail n'a pas été transféré au sein des effectifs de condamner la société AAF la providence au paiement des mêmes sommes.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
- Détermination de l'employeur
La société ISS expose qu'elle a refusé le transfert du contrat de travail car il ne lui a été fourni que le récépissé de demande de renouvellement du titre de séjour de la salariée, insuffisant pour s'assurer de sa situation régulière, condition exigée par l'article 7 de la CNN.
La société AAF expose qu'elle a transmis le récépissé de demande de carte de séjour de la salariée, comportant la mention qu'elle était autorisée à travailler, et qui était valable jusqu'au 13 décembre 2017. Il y était également mentionné qu'elle avait demandé un duplicata de son titre de séjour, étant précisé que le sien lui avait été volé ; qu'il n'existait donc aucun doute sur la régularité de sa situation.
Madame [G] estime que l'entreprise entrante n'était nullement dans l'impossibilité d'organiser la reprise effective du marché, compte tenu des informations et pièces qui lui avaient été fournis par la société AAF.
L'article 7.2.1 de la convention collective des entreprises de la propreté prévoit que le personnel repris par l'entreprise entrante doit remplir différentes conditions, et notamment qu'il doit être en situation régulière au regard de la législation du travail relative aux travailleurs étrangers.
L'annexe 1 à l'article 7 de cette convention prévoit dans la liste des informations à fournir par l'entreprise sortante la date de contrôle de l'autorisation de travail du travailleur étranger auprès de la préfecture ainsi que l'autorisation de travail en cours de validité.
Il ressort des éléments du dossier que la société La Providence a transmis à la société ISS les dossiers du personnel le 18 septembre 2017.
Le 27 septembre 2017, la société ISS lui a indiqué qu'elle n'avait reçu ni le titre de séjour initial (uniquement une demande de renouvellement), ni la preuve de la vérification de son authenticité validant le récépissé fourni.
En réponse, le 2 octobre 2017, la société La providence a indiqué qu'elle adressait en pièce jointe la preuve de la vérification auprès de la préfecture validant le récépissé fourni par madame [G], et le titre de séjour.
Toutefois, il apparaît qu'en réalité, elle s'est contentée de joindre le courriel adressé à la préfecture pour demander la confirmation du titre, datée du 29 septembre 2017.
Cette demande a donc été faite à réception de la demande de la société ISS, et ne l'avait pas été auparavant. La réponse apportée par la Préfecture n'a pas été transmise à l'entreprise entrante.
L'employeur doit vérifier lors de l'embauche que le futur salarié a un titre de séjour en cours de validité valant autorisation de travail. Il doit contrôler son authenticité auprès du préfet de département du lieu d'embauche ou du préfet de police à [Localité 6].
Au regard des risques encourus par l'employeur en cas de manquement à ses obligations en matière d'embauche de salariés étrangers, l'absence de contrôle de la validité du titre de séjour de madame [G] rendait impossible pour la société entrante la poursuite du contrat.
Il en résulte que madame [G] est restée salariée de la société AAF la Providence, comme l'a retenu le premier juge.
- Rappel de salaire
La société AAF Providence conteste le montant du salaire moyen retenu par le conseil de prud'hommes.
Madame [G] présente un décompte actualisé très précis, prenant en compte son salaire de base, le nombre d'heures travaillées sur le site transféré, et sa prime d'expérience de 5%, jusqu'à la fin du mois de novembre 2022.
Compte tenu de ces éléments, justifiés par les bulletins de paie produits, la société AAF La Providence sera condamnée à lui payer un rappel de salaire de 44.096,49 euros, outre 4.409,64 euros au titre des congés payés afférents.
- Demande de dommages et intérêts
Madame [G] s'est retrouvée du jour au lendemain privée d'une large partie de ses revenus, alors même qu'il est établi dans le cadre de la présente procédure qu'elle était effectivement en situation régulière, seule la négligence de son employeur l'ayant placée dans cette situation. Elle a subi un préjudice que le conseil de prud'hommes a justement apprécié en lui allouant une somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement, sauf sur le quantum du rappel de salaire.
Statuant à nouveau de ce chef, condamne la société AAF la Providence II à payer à madame [G] une somme de 44.096,49 euros à titre de rappel de salaire arrêté au 30 novembre 2022, outre 4.409,64 euros au titre des congés payés afférents.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société AAF la Providence II à payer à madame [G] en cause d'appel la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
CONDAMNE la société AAF la Providence II aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE