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01/02/2023 | FRANCE | N°18/12769

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 01 février 2023, 18/12769


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 01 FEVRIER 2023

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12769 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6W5L



Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY CEDEX - RG n° F 17/01533



APPELANTE



SELARL [G] [X] prise en la personne de Me [X] [G] - Mandataire judici

aire de SARL BIO C BON IDF

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Benoît HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148



SELAFA MJA prise en la...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 01 FEVRIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12769 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6W5L

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY CEDEX - RG n° F 17/01533

APPELANTE

SELARL [G] [X] prise en la personne de Me [X] [G] - Mandataire judiciaire de SARL BIO C BON IDF

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représenté par Me Benoît HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

SELAFA MJA prise en la personne de Me [T] [I] - Mandataire judiciaire de SARL BIO C BON IDF

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Benoît HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

SARL BIO C BON IDF prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Benoît HENRY, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

INTIME

Monsieur [R] [B]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représenté par Me Amandine BOULEBSOL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2293

PARTIE INTERVENANTE :

Association AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 1]

[Localité 9]

Déclaration d'appel signifiée à étude le 29 janvier 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière présente lors de la mise à disposition.

RAPPELS DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par contrat de travail à durée indéterminée à effets au 15 septembre 2014, M. [R] [B] a été engagé par la société d'animation et de formation des activités biologiques (SAFAB), en qualité de responsable de magasin junior, qualification agent de maîtrise de niveau 5. Il a ensuite été promu responsable de magasin senior, qualification agent de maîtrise niveau 6.

Par avenant du 1er novembre 2015, son contrat de travail a été transféré à la SARL Bio C bon Ile-de-France.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail des fruits et légumes.

Dans le dernier état de la relation de travail, le salaire moyen de M. [B] était de 2.860,41 euros brut.

Le 9 mars 2016, il a été victime d'un accident du travail.

Le 26 septembre suivant, il a été déclaré définitivement inapte à son poste, le médecin du travail précisant qu'il serait apte à un poste sans manutention de charges, ni station debout permanente et mouvements répétés du tronc et des bras.

Par lettre du 29 novembre 2016, M. [B] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 décembre suivant. Le 13, il a été licencié pour inaptitude d'origine professionnelle avec impossibilité de reclassement.

Le 22 mai 2017, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de voir juger que son licenciement a été prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte et condamner la société Bio C bon IDF aux sommes subséquentes, outre des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et des prescriptions légales en matière de durée du travail, pour défaut d'information des motifs s'opposant au reclassement et en raison du retard dans le versement du solde de tout compte ainsi qu'à une indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement du 23 octobre 2018, le conseil a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Bio C bon IDF à payer à M. [B] les sommes de 420,01 euros à titre de solde de l'indemnité spéciale de licenciement, 30.544,92 euros de dommages et intérêts en vertu de l'article L 1226-15 du code du travail, 500 euros de dommages et intérêts en raison du retard dans le versement du solde de tout compte, 15.275,46 euros d'indemnité pour travail dissimulé, 2.000 euros de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de prévention, de sécurité, 500 euros de dommages et intérêts pour défaut d'information des motifs s'opposant au reclassement et 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Le conseil ordonnait également le remboursement des indemnités chômage à Pôle emploi à hauteur d'un mois.

Le 8 novembre 2018, la société Bio C bon IDF a fait appel de cette décision, notifiée par le greffe le 25 octobre précédent.

Par jugements des 2 septembre et 2 novembre 2020, la société Bio C bon IDF a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire, Me [G] [X] et Me [I] [T] étant désignés en qualité de mandataires liquidateurs.

Dans leurs dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 janvier 2021, Me [G] [X] et Me [I] [T] ès qualité demandent à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant, de juger le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, de débouter M. [B] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 16 septembre 2022, M. [B] demande à la cour de confirmer la décision du conseil en ce qu'il juge le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, sur les intérêts, le remboursement des indemnités chômage à Pôle emploi, la remise de documents et les frais irrépétibles et de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- fixer le montant des condamnations confirmées au passif de la société et mettre les obligations de remise et de remboursement à la charge des mandataires liquidateurs ;

- fixer au passif de la liquidation de la société Bio C bon la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention, de sécurité et des prescriptions légales en matière de durée du travail ;

- fixer au passif de la liquidation de la société Bio C bon la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts pour défaut d'information des motifs s'opposant au reclassement ;

- fixer au passif de la liquidation de la société Bio C bon la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts en raison du retard dans le versement du solde de tout compte ;

- fixer au passif de la liquidation de la société Bio C bon la somme de 34.324,90 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- fixer au passif de la liquidation de la société Bio C bon la somme de 17.162,46 euros d'indemnité pour travail dissimulé ;

- fixer au passif de la liquidation de la société Bio C bon la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel, outre le montant des entiers dépens ;

- ordonner à la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [T], et à la SELARL [G] [X], prise en la personne de Maître [X], ès qualité de mandataires liquidateurs de la société Bio C bon IDF, la remise les bulletins de paie des mois d'octobre et novembre 2016, de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et reçu pour solde de tout compte conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, passé le délai d'un mois suivant la signification de la décision ;

- juger que les mandataires liquidateurs de la société Bio C bon IDF devront établir le relevé de créance correspondant aux sommes allouées afin de permettre l'inscription des sommes susvisées au passif de la société ;

- juger que l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest doit garantir les sommes allouées et procédera à l'avance de ces créances dans les limites du plafond de garantie applicable ;

- déclarer l'arrêt opposable à l'AGS CGEA IDF Ouest.

Assignée en intervention forcée le 29 janvier 2021, l'acte étant remis à l'étude de l'huissier, l'AGS CGEA IDF Ouest n'a pas constitué avocat et n'a dès lors pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 21 novembre 2022.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application de l'article 954 du code de procédure civile, l'association AGS CGEA IDF Ouest qui n'a pas conclu est réputée adopter les motifs de la décision de première instance, la cour devant uniquement examiner, le cas échéant, les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance.

1 : Sur les dommages et intérêts pour violation de l'obligation de prévention, de sécurité et des prescriptions légales en matière de durée du travail au cours de l'exécution du contrat

En vertu de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé physique et mentale de ses préposés. Il doit mettre en oeuvre des mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, à savoir tant des actions de prévention que l'organisation de moyens adaptés et l'amélioration des situations existantes. Il doit assurer l'effectivité des mesures tendant à identifier, prévenir et gérer les situations pouvant avoir un impact négatif sur la santé du salarié.

En outre les articles R4541-4 et -5 du code du travail prévoient que, lorsque la nécessité d'une manutention manuelle de charges ne peut être évitée, notamment en raison de la configuration des lieux où cette manutention est réalisée, l'employeur prend les mesures d'organisation appropriées ou met à la disposition des travailleurs les moyens adaptés, si nécessaire en combinant leurs effets, de façon à limiter l'effort physique et à réduire le risque encouru lors de cette opération et qu'il évalue les risques que font encourir les opérations de manutention pour la santé et la sécurité des travailleurs et organise les postes de travail de façon à éviter ou à réduire les risques, notamment dorso-lombaires, en mettant en particulier à la disposition des travailleurs des aides mécaniques ou, à défaut de pouvoir les mettre en 'uvre, les accessoires de préhension propres à rendre leur tâche plus sûre et moins pénible. L'article R4541-8 dispose également que l'employeur fait bénéficier les travailleurs dont l'activité comporte des manutentions manuelles d'une information sur les risques qu'ils encourent lorsque les activités ne sont pas exécutées d'une manière techniquement correcte, en tenant compte des facteurs individuels de risque et d'une formation adéquate à la sécurité relative à l'exécution de ces opérations. Au cours de cette formation, essentiellement à caractère pratique, les travailleurs sont informés sur les gestes et postures à adopter pour accomplir en sécurité les manutentions manuelles.

Par ailleurs, l'article L.3132-1 du code du travail dispose qu'il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine. L'article L.3121-20 prévoit que, au cours d'une même semaine, la durée maximale hebdomadaire de travail est de quarante-huit heures. En outre, il est constant qu'il appartient à l'employeur de démontrer que les durées maximales du travail sont respectées. Enfin, le seul constat du dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à la réparation.

Au cas présent, le poste du salarié imposait nécessairement des tâches de manutention que la situation avérée de sous-effectif de l'entreprise rendait nécessairement plus fréquentes ce que l'employeur ne pouvait ignorer. Or, s'il démontre par la production du document unique de prévention des risques professionnels mis à jour en décembre 2015 que les postes de travail étaient équipés d'aide à la manutention (transpalettes, charriots à roulette, monte-charges), il n'établit pas, alors qu'il en la charge, que le salarié, en poste depuis plus d'un an au jour de son accident, a bénéficié d'action de formation ou d'information sur les risques liés à la manutention ce qui caractérise un manquement à son obligation de prévention.

Par ailleurs, alors qu'il est soutenu que M. [B] a travaillé 16 jours d'affilé sans journée de repos du 23 février au 9 mars 2016 et 51 heures 50 au cours d'une même semaine (du 29 février au 6 mars 2016), la société Bio C bon est défaillante à établir le contraire en sorte qu'il convient de considérer que la législation sur la durée maximale du travail n'a pas été respectée par l'employeur.

Au regard du préjudice subi par le salarié en termes de santé et de vie personnelle et familiale du fait des manquements de son employeur, le jugement du conseil sera confirmé sur le principe et le montant des dommages et intérêts alloués pour violation de l'obligation de prévention, de sécurité et des prescriptions légales en matière de durée du travail au cours de l'exécution du contrat.

Cette somme sera fixée au passif de la liquidation. Le jugement sera complété en ce sens.

2 : Sur la rupture du contrat de travail

2.1 : Sur l'indemnité au titre de l'article L.1226-15 du code du travail

L'article L.1226-10 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

En outre, aux termes de l'article L.1226-15 du même code dans sa version applicable au litige, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L.1226-10 à L.1226-12, le tribunal octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire et se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14.

Il est constant qu'il résulte de l'article L.1226-10 du code du travail que l'employeur est tenu de consulter les délégués du personnel avant d'engager la procédure de licenciement d'un salarié inapte à son emploi en conséquence d'un accident du travail même s'il n'identifie pas de poste de reclassement. Cette obligation n'est en effet levée que lorsque le médecin du travail a, en vertu des nouvelles dispositions des articles L.1226-2-1 et L.1226-10 du code du travail, mentionné dans son avis d'inaptitude que tout maintien dans l'emploi du salarié serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi.

Par ailleurs, l'employeur doit établir qu'il a consulté l'ensemble des délégués ou, à tout le moins qu'il les a convoqués. Lorsqu'il consulte les délégués du personnel, il doit leur fournir toutes les informations nécessaires quant au reclassement du salarié. A défaut, le licenciement est intervenu en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L.1226-10 à L.1226-12.

Au cas présent, dans son avis d'inaptitude, le médecin du travail n'a pas mentionné que tout maintien dans l'emploi du salarié serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé faisait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. Dès lors, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la consultation des délégués du personnel était obligatoire et devait intervenir conformément aux règles susmentionnées.

Or, alors que cela est contesté, l'employeur n'établit pas qu'il a consulté ou convoqué l'ensemble des délégués du personnel de la structure dont la liste n'est pas produite.

Au surplus, il ne démontre pas leur avoir fourni toutes les informations nécessaires lors de cette consultation puisque, alors que les délégués ont été consultés le 19 octobre 2016, il ne peut leur avoir communiqué ni les courriers du 3 novembre suivant adressés au salarié et au médecin du travail aux termes duquel il proposait un aménagement du temps de travail ni les réponses de ceux-ci, ni le mail circulaire de recherche de reclassement du 25 novembre suivant ni les retours faits à celui-ci.

Dès lors, l'employeur a méconnu les dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12. Il doit donc être condamné au paiement d'une indemnité qui ne saurait être inférieure à douze mois de salaire. La somme de 34.324,92 euros sera ainsi fixée au passif de la société à ce titre.

Le jugement sera confirmé sur le principe de cette indemnité mais infirmé sur son montant.

2.2 : Sur le complément au titre de l'indemnité spéciale de licenciement

En application de l'article 1226-15 susmentionné, l'indemnité pour méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 se cumule, le cas échéant, avec l'indemnité spéciale de licenciement.

Selon l'article L.1226-14 du code du travail, la rupture du contrat de travail dans les cas prévus an deuxième alinéa de l'article L.1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.

En l'espèce, l'indemnité spéciale de licenciement due par l'employeur était de 2.860,41 euros. Si la société a d'ores et déjà versé un montant total de 2.440,04 euros en deux versements de l.826,92 euros et de 613,48 euros le solde dû reste de 420,01 euros.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Cette somme sera fixée au passif de la liquidation.

2.3 : Sur les dommages et intérêts pour défaut d'information des motifs s'opposant au reclassement

Il est constant que l'indemnité pour méconnaissance de la consultation des délégués du personnel n'est pas cumulable avec les dommages et intérêts pour absence de notification écrite des motifs s'opposant au reclassement.

Dès lors, la demande à ce titre sera nécessairement rejetée.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

3 : Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au cas présent, le salarié, qui ne forme pas de demande en paiement des heures supplémentaires qu'il aurait accomplies, sollicite cependant la reconnaissance de leur principe au soutien de sa demande au titre du travail dissimulé.

Il produit en ce sens les échanges de mails versés par le salarié aux termes desquels l'employeur reconnaît clairement l'existence d'heures supplémentaires en expliquant au salarié qu'elles lui 'seront valorisées et payées sous formes de primes exceptionnelles' . Ces échanges constituent des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Or, ce dernier qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, ne produit aucun élément en réponse.

Il convient donc de considérer que des heures supplémentaires ont été accomplies sans être rémunérées comme telles.

Par ailleurs, il est de principe qu'un versement de primes exceptionnelles ne peut tenir lieu de règlement des heures supplémentaires. Il est également constant que le délit de travail dissimulé est constitué quand l'employeur paye, sous forme de primes, les heures supplémentaires qui ne figurent dès lors pas comme telles sur les bulletins de paie.

Au cas présent, alors qu'il est établi que l'employeur a réglé certaines des heures supplémentaires effectuées au salarié sous forme de primes, le travail dissimulé est caractérisé tant dans sa matérialité que dans son intentionnalité.

Dès lors, la demande de condamnation au titre du travail dissimulé sera accueillie à hauteur de 17.162,46 euros.

Le jugement sera confirmé sur le principe de la condamnation à ce titre mais infirmé sur le montant alloué.

4 : Sur les dommages et intérêts en raison du retard dans le versement du solde tout compte

En l'absence de preuve de la mauvaise foi de l'employeur, qui revendique une simple erreur, la demande de dommages et intérêts en raison du retard dans le versement du solde tout compte sera rejetée.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

5 : Sur le remboursement à Pôle emploi

L'article L.1235-4 du code du travail prévoit que dans les cas prévus aux articles L.1132-4, L.1134-4, L.1144-3, L.1152-3, L.1153-4, L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé et que ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il est cependant de principe que les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail ne sont pas applicables au licenciement intervenu, comme en l'espèce, en violation des règles particulières applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle prévues par les articles L.1226-10 et L.1226-15 du code du travail.

La décision de première instance sera donc infirmée en ce qu'elle ordonne le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi à hauteur de un mois.

6 : Sur la garantie des AGS

Le présent arrêt est opposable à l'association AGS CGEA IDF Ouest dans les limites de sa garantie.

Le jugement sera complété en ce sens.

7 : Sur la remise des documents de fin de contrat

La SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [T], et la SELARL [G] [X], prise en la personne de Maître [X], ès qualité de mandataires liquidateurs de la société Bio C bon IDF seront condamnés à remettre au salarié dans les quinze jours suivants la signification de la présente décision les bulletins de paie des mois d'octobre et novembre 2016, l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte conformes au présent arrêt.

Il n'y a pas lieu d'assortir cette décision d'une astreinte.

La demande à ce titre sera rejetée.

Le jugement sera complété en ce sens.

8 : Sur les demandes accessoires

Compte tenu du sens de la présente décision, le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

Les dépens d'appel seront à la charge des mandataires liquidateurs ès qualité.

Compte tenu de la procédure collective en cours, l'équité commande en revanche de ne pas faire droit à la demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 23 octobre 2018, sauf sur le montant des indemnités au titre de l'article L.1226-15 du code du travail et pour travail dissimulé ainsi qu'en ce qu'il alloue des dommages et intérêts pour défaut d'information du salarié sur les motifs s'opposant au reclassement et pour le retard dans le versement du solde tout compte et ordonne le remboursement des indemnités chômage à Pôle emploi et l'infirme sur ces différents points ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Bio c bon IDF les sommes confirmées par le présent arrêt auxquelles la société Bio c bon IDF a été condamnée par le jugement du conseil ;

- Fixe au passif de la liquidation de la société Bio c bon IDF la somme de 34.324,92 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L.1226-15 du code du travail ;

- Fixe au passif de la liquidation de la société Bio c bon IDF la somme de 17.162,46 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé ;

- Rejette la demande de dommages et intérêts pour défaut d'information du salarié des motifs s'opposant au reclassement ;

- Rejette la demande de dommages et intérêts en raison du retard dans le versement du solde de tout compte ;

- Dit n'y avoir lieu à ordonner le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M. [R] [B] dans la limite d'un mois ;

- Rappelle que les intérêts au taux légal ont couru sur les créances salariales à compter du 24 mai 2017 et sur les créances indemnitaires confirmées à compter du 23 octobre 2018 et ce jusqu'au jugement de redressement du 2 septembre 2020 qui en a arrêté le cours ;

- Dit que le présent arrêt est opposable à l'AGS CGEA Ile-de-France Ouest dans les limites de sa garantie ;

- Condamne la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [T], et la SELARL [G] [X], prise en la personne de Maître [X], ès qualité de mandataires liquidateurs de la société Bio C bon IDF à remettre à M. [R] [B] les bulletins de paie des mois d'octobre et novembre 2016, l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte conformes au présent arrêt dans les quinze jours de la signification de la décision ;

- Rejette la demande d'astreinte ;

- Rejette la demande au titre des frais irrépétibles ;

- Condamne la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [T], et la SELARL [G] [X], prise en la personne de Maître [X], ès qualité de mandataires liquidateurs de la société Bio C bon IDF aux dépens de l'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 18/12769
Date de la décision : 01/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-01;18.12769 ?
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