Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 31 JANVIER 2023
(n° 45 , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08136 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6AM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Juin 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Paris - RG n° 18/03308
APPELANTE
S.C.I. MENDARON
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Jonathan BELLAICHE de la SELEURL GOLDWIN SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K103
INTIMES
Maître Edouard GALINIER
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Thierry KUHN de la SCP KUHN, avocat au barreau de PARIS, toque P0090
Ayant pour avocat plaidant Me Gérard SALLABURRY, de la SCP KUHN, avocat au barreau de Paris
S.A.R.L. PARTENAIRES
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Roland PIROLLI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0161
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport .
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre,
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre,
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Justine FOURNIER, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Aux termes d'une promesse synallagmatique de vente reçue le 9 février 2017 par M. Edouard Galinier, notaire, la Sci Mendaron s'est engagée à vendre à la Sarl Partenaires le futur volume numéro deux d'un ensemble immobilier situé dans la commune des Pavillons-sous-Bois à diviser en deux volumes, moyennant le prix de 642 000 euros, le volume vendu étant ainsi décrit :
'Le bâtiment sis au numéro 186 élevé sur terrain plein (composé) :
- d'un rez-de-chaussée divisé en boutique et un appartement de type F3,
- d'un premier étage divisé en quatre chambres,
- d'un second étage divisé en quatre chambres avec mezzanine sous combles'.
Il a été stipulé que la Sci Mendaron devrait obtenir la levée de l'arrêté municipal du 27 juin 2012 portant interdiction d'exploiter l'hôtel Les Routiers situé dans les locaux vendus, dans les termes suivants :
'Le vendeur déclare que les travaux permettant de remédier aux anomalies constatées dans l'avis de la Commission Communale de Sécurité et d'Accessibilité ont été réalisés, ainsi qu'il résulte du Rapport de Vérifications Réglementaires Après Travaux ci-annexé réalisé par Qualiconsult le 22 mai 2015, et en avoir avisé la Mairie il y a plus d'un an.
Le vendeur s'engage à solliciter auprès de la CCSA son avis favorable et à obtenir l'arrêté autorisant la réouverture. Etant précisé que cette condition est une condition essentielle et déterminante dans le consentement de l'acquéreur'.
De son côté, l'acquéreur s'est engagé à verser entre les mains du notaire, avant le 23 février 2017 et à peine de caducité, un dépôt de garantie de 32 100 euros qu'il n'a jamais réglé.
Une clause pénale a également été stipulée, prévoyant le versement d'une indemnité de
60 000 euros en cas de refus de réitération de la vente, devant intervenir avant le 31 mai 2017, malgré la réalisation des conditions suspensives.
Le terme fixé pour la régularisation de la vente a été prorogé au 31 août 2017 selon avenant des 13 et 14 juillet 2017.
Aux termes d'un protocole d'accord signé les 8 et 12 septembre 2017, la Sci Mendaron a déclaré qu'un nouvel arrêté municipal d'interdiction d'exploitation avait été édicté le 9 mai 2017 sur le fondement d'un nouvel avis défavorable de la CCSA du 26 avril 2017 et s'est engagée à obtenir la levée de cette interdiction avant le 31 décembre 2017.
L'acte précisait, à titre de garantie donnée par la société venderesse que si cet arrêté n'était pas fourni le 31 décembre 2017, une somme de 20 000 euros serait prélevée sur le prix de vente et restituée à l'acquéreur, celui-ci faisant son affaire personnelle de l'obtention des autorisations administratives sans recours contre le vendeur.
Le 1er décembre 2017, la société Partenaires, sommée de comparaître, ne s'est pas présentée pour la réitération de la vente devant M. Galinier, qui a dressé un procès-verbal de difficultés.
La réitération n'étant pas intervenue, malgré mise en demeure émise par la société venderesse le 10 janvier 2018, celle-ci a cédé le lot litigieux, en même temps que l'autre lot, suivant promesse du 24 octobre 2018, réitérée le 18 avril 2019, et moyennant le prix de 1 900 000 euros, dont 780 000 euros pour la partie commerciale, objet du litige.
C'est dans ce contexte que, par actes des 1er et 2 mars 2018, la Sci Mendaron a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris la société Partenaires en paiement de la clause pénale et M. Galinier en paiement de dommages et intérêts au titre de sa responsabilité professionnelle.
Par jugement du 3 juin 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :
- prononcé l'annulation du protocole d'accord des 8 et 12 septembre 2017 signé entre la Sci Mendaron et la Sarl Partenaires à titre d'avenant à la promesse synallagmatique de vente,
- débouté la Sci Mendaron de l'ensemble de ses prétentions,
- débouté la Sarl Partenaires et M. Galinier de leur demande pour abus du droit d'agir,
- condamné la Sci Mendaron aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 29 juin 2020, la Sci Mendaron a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 22 février 2021, la Sci Mendaron demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il :
a prononcé l'annulation du protocole d'accord des 8 et 12 septembre 2017,
l'a déboutée de l'ensemble de ses prétentions,
l'a condamnée aux dépens,
et statuant à nouveau,
- dire et juger que le protocole d'accord des 8 et 12 septembre 2017 est valable en ce que le dol ne peut être caractérisé,
- prononcer l'application de la clause pénale (sic),
- condamner la Sarl Partenaires à lui verser la somme de 60 000 euros,
- dire et juger que M. Galinier a manqué à ses obligations professionnelles ainsi qu'à son devoir d'information et de conseil,
- condamner M. Galinier à lui verser la somme de 79 180 euros au titre du préjudice de perte de chance d'avoir pu trouver un acquéreur plus tôt,
- condamner M. Galinier à lui verser la somme de 32 100 euros au titre du préjudice de perte de chance d'avoir pu percevoir le dépôt de garantie,
- condamner M. Galinier à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral,
en tout état de cause,
- débouter la Sarl Partenaires de l'ensemble de ses demandes et conclusions,
- débouter M. Galinier de l'ensemble de ses demandes et conclusions,
- déclarer le montant des indemnités allouées co-produisant (sic) intérêt de plein droit au taux d'intérêt légal à compter de la décision à intervenir,
- faire application de l'anatocisme,
- condamner les intimés chacun au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
- débouter les intimés de toutes leurs prétentions à son encontre.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 15 décembre 2020, la Sarl Partenaires demande à la cour de :
- dire et juger la Sci Mendaron mal fondée en son appel,
- l'en débouter entièrement,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a prononcé l'annulation du protocole d'accord, débouté la Sci Mendaron de l'ensemble de ses prétentions et l'a condamnée aux dépens,
- prononcer l'annulation de la promesse de vente du 9 février 2017 et du protocole d'accord des 8 et 12 septembre 2017 pour défaut ou impossibilité de délivrance de la chose vendue,
- condamner la Sci Mendaron aux entiers dépens, de première instance comme d'appel, ceux-ci incluant le coût du timbre fiscal dématérialisé,
- la recevoir en son appel incident et y faisant droit,
- condamner la Sci Mendaron à lui payer à titre de dommages-intérêts pour procédure manifestement abusive et injustifiée une somme de 4 000 euros,
- condamner la Sci Mendaron à lui payer la somme de 5 500 euros conformément à l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 23 novembre 2020, M. Galinier, intimé et appelant incident, demande à la cour de :
- dire irrecevable et mal fondée la demande de la Sci Mendaron à son encontre,
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a débouté de ses demandes à son encontre,
- débouter la Sci Mendaron de toutes ses demandes, fins et conclusions à son encontre,
- dire recevable et bien fondé son appel incident,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la Sci Mendaron,
- y faisant droit, condamner la Sci Mendaron à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice à lui causé par cette procédure abusive,
- la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner en tous les dépens qui seront recouvrés par la Scp Kuhn.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 18 octobre 2022.
SUR CE,
Sur la demande à l'encontre de la société Partenaires
- sur la nullité de la promesse et du protocole d'accord
Le tribunal a jugé que :
- l'existence de la construction illicite, réalisée sans permis de construire, au rez-de-chaussée du lot objet de la promesse litigieuse n'a pas été portée à la connaissance de la société Partenaires au jour de la signature de ladite promesse, ni cet acte ni l'arrêté du 27 juin 2012 portant interdiction d'exploiter l'hôtel reproduit à l'acte n'y faisant référence,
- la société Partenaires a eu connaissance du nouvel arrêté du 9 mai 2017 mentionnant 'l'incohérence entre le permis de construire et les travaux réalisés', lequel a justifié la signature du protocole d'accord (en réalité de l'avenant) des 8 et 12 septembre 2017,
- pour autant, aucun élément ne permet d'établir que la société Partenaires a eu connaissance, au jour de la signature de cet avenant, de la nature exacte de l'anomalie précitée ni surtout de sa persistance puisque la Sci Mendaron a au contraire déclaré dans l'avenant que 'l'ensemble des travaux permettant de remédier aux anomalies ci-dessus visées ont été réalisés', information erronée, comme la Sci Mendaron l'a reconnu dans un courriel ultérieur adressé au notaire,
- la Sci Mendaron, qui ne pouvait pas ignorer que la construction illicite n'avait pas été détruite au jour de la signature de l'avenant des 8 et 12 septembre 2017, a donc menti à la Sarl Partenaires,
- ce mensonge, par nature intentionnel, a eu pour objet de déterminer la société Partenaires à accepter l'avenant, étant rappelé que la levée de l'interdiction constituait aux termes de la promesse initiale, une condition essentielle et déterminante de son consentement,
- l'avenant des 8 et 12 septembre 2017 est donc vicié par dol et doit être annulé,
- en revanche, rien ne permet de démontrer que la Sci Mendaron savait, au jour de la signature de la promesse, que l'existence de la construction illicite faisait obstacle à la levée de l'interdiction d'exploiter puisque l'arrêté du 27 juin 2012 n'y faisait pas référence, en sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir de dol pour ladite promesse.
La société Mendaron fait valoir que :
- l'arrêté du 9 mai 2017 ne fait pas référence à une construction illicite devant être détruite mais uniquement à des travaux devant être réalisés et qui ont bien été effectués,
- M. [F], qui bénéficiait d'une délégation de pouvoir de la gérante de la Sarl Partenaires à l'effet de procéder à l'acquisition de l'immeuble, est géomètre et a réalisé par le biais de sa société un état descriptif de division volumétrique, pour lequel il a dû avoir en sa possession l'ensemble des éléments relatifs à la construction, de sorte qu'il ne peut invoquer une dissimulation,
- le dol qui n'est pas caractérisé n'a été soulevé par l'intimée que pour refuser d'exécuter ses engagements contractuels.
La société Partenaires répond que :
- la Sci Mendaron n'a révélé que quelques jours avant la signature de la promesse de vente l'interdiction d'utiliser les locaux à usage d'hôtel, ayant provoqué l'adjonction en dernière minute de la condition suspensive, ce qui constitue une première et majeure dissimulation,
- les effets de la promesse ont dû être plusieurs fois prorogés du fait de l'interdiction municipale dont la Sci Mendaron savait qu'il était radicalement impossible d'y remédier,
- surtout, la Sci Mendaron a dissimulé lors de la signature du protocole d'accord une information déterminante, à savoir que, par un nouvel arrêté du 9 mai 2017, le maire interdisait l'exploitation des huit chambres meublées tant qu'il ne serait pas remédié aux anomalies constatées dans l'avis de la CCSA du 26 avril 2017 dont celle liée à l'incohérence entre le permis de construire accordé et les travaux réalisés, laquelle se rapporte à l'adjonction à l'immeuble vendu, au rez-de-chaussée, d'une construction illicite (deux chambres d'une surface d'environ 20 m² ajoutées à un studio préexistant), édifiée sans permis de construire ou à l'encontre des dispositions d'un permis de construire, élément délibérément dissimulé par le vendeur jusqu'au 29 novembre 2017, date d'un courriel adressé au notaire, de sorte que la preuve du dol est rapportée,
- outre le dol, la Sci Mendaron a commis un second manquement pour défaut de délivrance de la chose vendue car frappée d'illicéité et d'une obligation de démolir,
- M. [F] s'est borné à établir des métrés et des plans, ce qui n'a pu lui révéler une interdiction de nature juridique, étant ajouté que les documents d'urbanisme ne lui permettaient pas de déceler l'existence de cette construction illicite et l'obligation de la retirer.
Aux termes des articles 1130 et 1131 du code civil, le dol, cause de nullité relative du contrat, vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
L'article 1137 du même code définit le dol comme suit :
'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.'
La promesse de vente du 9 février 2017 relate en page 31 qu'il résulte du certificat d'urbanisme du 21 décembre 2016 que l'immeuble a fait l'objet d'un arrêté du 27 juin 2012 maintenant la fermeture de l'hôtel ' Les Routiers' dont l'article 1er est reproduit ainsi :
' La poursuite de l'exploitation des neuf chambres meublées de l'établissement à usage d'hôtel sis [Adresse 2] est interdite tant qu'il n'aura pas été remédié aux anomalies constatées par la Commission Communale de Sécurité et d'Accessibilité du 25 avril 2012 ci-après :
- l'établissement ne dispose plus de SSI,
- l'escalier n'est pas cloisonné,
- l'établissement a été modifié au niveau du rez de chaussée et cette modification ne présente aucune garantie d'isolement par rapport aux tiers,
- la chaufferie est déplacée dans un local non isolé donnant directement dans les circulations et celle-ci ne dispose pas d'organe de coupure identifié,
- l'établissement ne dispose pas de plan de niveau et de consignes de sécurité,
- l'établissement n'est pas identifié comme hôtel depuis la voie publique'.
La première dissimulation invoquée par la société Partenaires n'est pas démontrée, puisque l'existence de l'arrêté du 27 juin 2012 a été porté à la connaissance du notaire par le certificat d'urbanisme qu'il a sollicité et obtenu dès le 21 décembre 2016.
Alors que la Sci Mendaron avait déclaré dans la promesse de vente du 9 février 2017 que ' les travaux permettant de remédier aux anomalies constatées dans l'avis de la Commission Communale de Sécurité et d'Accessibilité ont été réalisés, ainsi qu'il résulte du Rapport de Vérifications Réglementaires Après Travaux ci-annexé réalisé par Qualiconsult le 22 mai 2015, et en avoir avisé la Mairie il y a plus d'un an' et qu'elle s'était engagée à obtenir un arrêté autorisant la réouverture de l'hôtel, le maire a pris le 9 mai 2017 un nouvel arrêté maintenant la fermeture de l'établissement tant qu'il n'aura pas été remédié aux 16 anomalies constatées par la Commission Communale de Sécurité et d'Accessibilité du 26 avril 2017 dont ' l'incohérence entre le permis de construire n° 093 057 11B0067 et les travaux réalisés (logement au rez-de-chaussée)' .
Or, le protocole d'accord signé en septembre 2017 mentionne que le vendeur a déclaré que l'ensemble des travaux permettant de remédier aux anomalies visées dans ce nouvel arrêté ont été réalisés, ainsi qu'il résulte de diverses factures dont l'acquéreur a reconnu avoir eu connaissance et que, la commission de sécurité n'ayant pas encore contrôlé de nouveau les lieux, le vendeur s'est engagé à fournir au plus tard le 31 décembre 2017, l'arrêté autorisant la réouverture de l'hôtel et à nantir une somme de 20 000 euros le jour de la signature de l'acte authentique, en garantie de son engagement.
Comme l'ont retenu de manière pertinente les premiers juges, la société Partenaires n'a pas eu à cette date connaissance par le vendeur de la nature exacte de l'incohérence avec le permis de construire relevée par la commission et a été mensongèrement rassurée par la Sci Mendaron sur le règlement des anomalies constatées par la production de factures et par son engagement sur l'obtention de l'avis favorable de la commission et de l'arrêté favorable de l'autorité administrative doublé d'une garantie, alors qu'elle savait que l'incohérence relevée correspondait en réalité à l'existence d'une construction illégale à laquelle elle n'avait pas remédiée.
En effet, par courriel du 29 novembre 2017 à 18H44, le notaire a écrit au gérant de la Sci Mendaron : ' Je viens d'apprendre que la partie devant faire l'objet de la vente contient une extension d'une pièce sur cour dont la construction n'aurait pas été autorisée et que la mairie en demanderait la démolition. Pourriez-vous me confirmer cela et m'apporter des précisions à ce sujet ''
Par retour de courriel du même jour à 19h19, la Sci Mendaron a répondu :
' Le locataire de l'appartement du RDC a ajouté une chambre d'environ 9 m². Je dois remettre à l'état d'origine comme c'est écrit sur le dernier arrêté. Ce sera fait au plus vite car je dois les reloger courant décembre'.
Ainsi, la Sci Mendaron qui savait que la construction illicite n'avait pas été détruite par ses soins a dissimulé intentionnellement à la société Partenaires une information qu'elle savait déterminante de son consentement, étant rappelé que l'obtention d'un arrêté municipal de réouverture de l'hôtel était une condition essentielle et déterminante dans le consentement de l'acquéreur, ainsi que mentionné expressément dans la promesse de vente du 9 février 2017.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a annulé le protocole d'accord des 8 et 12 septembre 2017 vicié par un dol.
Il est aussi confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité de la promesse de vente du 9 février 2017 pour dol, les premiers juges ayant relevé, à juste titre, que l'arrêté du 27 juin 2012 ne faisait aucunement référence à une incohérence entre les travaux réalisés au rez de chaussée et le permis de construire n° 093 057 11B0067délivré le 27 mars 2006, étant ajouté que la promesse de vente mentionnait à ce titre que l'infraction au code de l'urbanisme relevée le 19 octobre 2010 pour travaux non conformes à ce permis de construire avait été régularisée par l'obtention d'un nouveau permis de construire du 5 janvier 2012, confirmée par la visite de recollement des travaux du 5 février 2013.
Le défaut de délivrance conforme de la chose vendue n'est pas sanctionné par la nullité et la demande de nullité de la promesse de vente est également rejetée sur ce fondement.
- sur la clause pénale
Le tribunal a jugé que du fait de la nullité de l'avenant des 8 et 12 septembre 2017, la condition suspensive relative à la levée de l'arrêté d'interdiction d'exploiter telle que stipulée dans la promesse, n'a jamais été réalisée de sorte que la société Partenaires a refusé à bon droit la réitération de la vente et qu'elle n'est pas tenue de payer l'indemnité prévue par la clause pénale insérée dans la promesse de vente.
La Sci Mendaron fait valoir que :
- la promesse de vente subordonnait la réitération de l'acte à deux conditions suspensives, l'obtention d'un prêt par la Sarl Partenaires, réalisée le 6 mai 2017, et son obtention de l'avis favorable de la CCSA et de l'arrêté autorisant la réouverture de l'hôtel, obligation dont elle a été libérée par le protocole d'accord qui ne saurait être annulé,
- les deux conditions suspensives étant réalisées depuis le 31 décembre 2017, la Sarl Partenaires est redevable de l'indemnité fixée à titre de clause pénale.
La société Partenaires répond que la Sci Mendaron, étant exclusivement responsable de la non-réalisation de la vente par l'effet de ses dissimulations dolosives et par son incapacité à délivrer la chose vendue, ne saurait exiger le paiement de la pénalité contractuelle.
La promesse de vente prévoit en page 24 sous le titre ' clause pénale' que :
'Si l'une des parties ne veut ou ne peut réitérer le présent acte par acte authentique, bien que les conditions suspensives soient réalisées, elle sera redevable envers l'autre, d'une indemnité d'ores et déjà fixée à titre de clause pénale à la somme de soixante mille euros (60 000 euros) conformément aux dispositions de l'article 1231-5 du code civil'.
Les premiers juges ont, à bon droit, estimé que la condition suspensive relative à la levée de l'arrêté d'interdiction d'exploiter telle que stipulée dans la promesse n'ayant jamais été réalisée et le protocole d'accord des 8 et 12 septembre 2017 étant annulé, la société Partenaires était fondée à refuser de réitérer l'acte authentique de vente et la Sci Mendaron devait être déboutée de sa demande de paiement de l'indemnité de 60 000 euros fixée à titre de clause pénale.
Le jugement est donc confirmé de ce chef.
Sur la responsabilité du notaire
Le tribunal a jugé que :
- M. Galinier a commis une faute à l'égard de la Sci Mendaron pour ne pas l'avoir informée de l'absence de versement par la société Partenaires du dépôt de garantie dans le délai imparti prévu par la promesse à peine de caducité,
- toutefois, la Sci Mendaron ne justifie pas qu'autrement informée elle se serait prévalue de la caducité de la promesse, les circonstances de la cause démontrant, au contraire, qu'elle a tout fait pour que la promesse aille à son terme, acceptant divers reports de la date de signature de l'acte authentique de vente, sommant la société Partenaires de se présenter devant le notaire et la mettant en demeure de réitérer.
La Sci Mendaron fait valoir que :
- le notaire, rédacteur de la promesse synallagmatique de vente, avait l'obligation de s'assurer de l'efficacité de l'acte et de l'équilibre entre les parties et, à tout le moins, d'informer le vendeur du défaut de versement du dépôt de garantie,
- celui-ci n'a jamais été versé par la société Partenaires à M. Galinier, lequel n'a pas enjoint à l'acquéreur de s'en acquitter et ne l'a pas informée de l'absence de règlement dudit dépôt de garantie avant le 1er décembre 2017 lors du procès-verbal de difficultés dressé,
- de ce fait, le notaire a créé un déséquilibre significatif entre les parties et lui a fait courir un risque puisque la société Partenaires pouvait réclamer la caducité alors qu'elle même ignorait cette situation,
- M. Galinier lui a fait croire que la promesse qu'il avait rédigée était efficace puisqu'il a poursuivi ses diligences en faisant signer aux parties deux avenants et un protocole d'accord,
- il a non seulement manqué à son devoir de conseil mais aussi manqué à son devoir d'impartialité en prenant partie au profit de l'acquéreur afin d'éviter de voir sa responsabilité professionnelle engagée,
- elle a subi une perte de chance de remettre son bien en vente puisque si le notaire l'avait prévenue immédiatement que la société Partenaires n'avait pas effectué le versement du dépôt de garantie, elle aurait pu se prévaloir de la caducité de l'acte dès le 24 février 2017 et remettre son bien en vente et n'aurait jamais signé le protocole d'accord,
- la preuve de la certitude de son préjudice est qu'elle n'a pu négocier une promesse unilatérale de vente avec un nouvel acquéreur qu'au mois d'octobre 2018,
- elle a nécessairement perdu la chance de trouver un acquéreur plus tôt, la faute de M. Galinier ayant eu pour conséquence que son bien a été immobilisé pour une durée totale de 296 jours, soit près de 10 mois,
- le calcul du montant de son préjudice représentant la contrepartie de l'immobilisation de l'immeuble est de 32 100 euros (montant initial de l'immobilisation) x 296 jours (durée réelle d'immobilisation) / 120 jours (durée d'immobilisation initialement prévue) soit 79 180 euros,
- a minima, elle a perdu la chance de percevoir le dépôt de garantie de 32 100 euros qui n'a pas été versé et qu'elle aurait pu percevoir s'il avait été séquestré,
- son préjudice moral causé par la particulière déloyauté du notaire doit être réparé à hauteur de 10 000 euros.
M. Galinier répond que :
- il n'est pas stipulé dans l'acte que seul le notaire doit informer le vendeur du versement effectué ou non le 23 février 2017 du dépôt de garantie et il appartenait à la Sci Mendaron de l'interroger sur ce versement,
- l'indemnité d'immobilisation ne peut constituer un préjudice indemnisable par une autre partie que celle qui en a bénéficié,
- le seul préjudice qu'aurait pu faire valoir la Sci Mendaron serait la perte de chance de n'avoir pu rechercher un acquéreur plus tôt, dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée,
- en l'espèce, cette perte de chance est réduite à néant puisqu'elle pouvait se renseigner sur la réalité du dépôt de garantie dès le 24 février 2017 et c'est de son propre fait qu'elle a accepté les reports successifs,
- elle ne démontre pas non plus que si elle avait connu la cause de caducité, elle aurait abandonné son projet en s'en prévalant,
- à supposer qu'elle l'ait invoquée, elle n'aurait pu espérer vendre un bien impropre à son usage, frappé d'une interdiction d'exploiter dans un secteur d'activité extrêmement sensible (hôtels meublés),
- mais si le versement de l'indemnité d'immobilisation avait eu lieu, la vente n'aurait pu être signée en l'état, compte tenu des informations et éléments survenus postérieurement à la promesse et dus à un défaut d'information et de loyauté du promettant.
Sur le fondement de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, le notaire est tenu d'assurer l'efficacité de l'acte qu'il instrumente et d'un devoir d'information et de conseil à l'égard de toutes les parties à l'acte pour lequel il prête son concours.
Il a été prévu dans l'acte du 9 février 2017 en page 24, la clause suivante:
' VERSEMENT PAR L'ACQUÉREUR ' DEPOT DE GARANTIE
Conformément aux dispositions de l'article L 271-2 du code de la construction et de l'habitation, l'acquéreur s'engage à verser à Maître Edouard Galinier, notaire à Izy sur Ourcq, rédacteur du présent acte, au plus tard le jeudi 23 février 2017, au moyen d'un virement, la somme non productive d'intérêts de trente deux mille cent euros (32.100'€) à titre de dépôt de garantie.
Le notaire susnommé en charge de la régularisation de la présente vente, conservera cette somme pour le compte de l'acquéreur, sans qu'elle puisse être considérée comme une clause pénale ou comme un moyen de dédit stipulé en faveur de l'une ou de l'autre partie, au sens de l'article 1590 du code civil.
Observation étant ici faite qu'en cas de non versement de ladite somme, les présentes seront caduques, sans indemnité de part et d'autre'.
Le notaire avait l'obligation d'informer le vendeur du versement ou pas du dépôt de garantie dans le délai prévu à la promesse de vente qu'il avait rédigée et le fait que le vendeur ne l'ait pas interrogé sur ce point ne peut l'exonérer de son propre manquement. Les premiers juges ont à bon droit retenu la faute de M. Galinier à ce titre.
La Sci Mendaron invoque vainement un manquement par le notaire à son obligation de s'assurer de l'efficacité de l'acte et de l'équilibre entre les parties puisque M. Galinier n'avait aucune obligation de sommer l'acquéreur de verser le dépôt de garantie, ce dernier, dûment averti de la sanction s'attachant à l'absence de versement de sa part, restant libre de s'exécuter ou pas, l'équilibre entre les parties étant respecté puisqu'à défaut du versement du dépôt de garantie dans le délai très bref de 14 jours après la signature de la promesse de vente, le vendeur qui pouvait interroger le notaire à ce sujet, se trouvait délié de sa promesse et libre de contracter avec un autre acquéreur.
De même, le fait que M. Galinier n'ait pas informé la Sci Mendaron de l'absence de versement du dépôt de garantie dans le délai ne constitue pas la preuve d'un comportement partial au profit de la société Partenaires.
Les conséquences d'un manquement à un devoir d'information ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance dès lors qu'il n'est pas certain que mieux informé, le créancier de l'obligation d'information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse. La mise en oeuvre de la responsabilité du notaire en sa qualité de rédacteur d'un acte, pour manquement à son devoir de conseil quant aux conséquences dudit acte, nécessite la démonstration d'une telle perte de chance, dont le caractère réel et sérieux doit être caractérisé et dont la réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
La Sci Mendaron soutient que l'absence d'information par le notaire sur le défaut de versement du dépôt de garantie dans le délai imparti l'a privée de la chance d'invoquer la caducité de la promesse de vente et de pourvoir remettre en vente son bien au plus tôt.
Il lui appartient d'établir qu'avertie par le notaire de la possibilité de se prévaloir de cette caducité, elle aurait renoncé à la vente.
La condition suspensive relative à l'octroi d'un prêt à l'acquéreur était levée le 6 mai 2017 mais un avenant a été signé le 14 juillet suivant pour proroger le terme fixé pour la réitération de la vente par acte authentique au 31 août suivant sachant que la condition suspensive tenant à l'obtention d'un arrêté de réouverture de l'établissement à la charge de la Sci venderesse n'était pas levée, un arrêté du 9 mai 2017 ayant maintenu la fermeture de l'hôtel.
La Sci Mendaron expose en pages 4 et 5 de ses conclusions qu''elle a tout fait, à compter de la signature du compromis pour obtenir l'autorisation aux fins de réouverture de l'hôtel' mais qu''en dépit de ses efforts, un nouvel arrêté du 9 mai 2017 a maintenu la fermeture de l'hôtel' et qu''en raison de la volonté de l'acquéreur comme du vendeur de réaliser la vente, un protocole d'accord a été signé le 12 septembre 2017" dont la cour a jugé qu'il avait été vicié par dol de sa part. Il ressort de ce protocole qu'elle a obtenu d'être libérée au plus tard le 31 décembre 2017 de son obligation d'obtenir l'arrêté autorisant la réouverture et que l'acte l'authentique de vente devait impérativement avoir été signé entre le 12 septembre et le 31 décembre 2017 puisque la somme de 20 000 euros promise par elle en garantie devait être séquestrée le jour de la signature dudit acte et libérée au profit de la société Partenaires le 31 décembre 2017.
De plus, elle a sommé la société Partenaires de comparaître au rendez-vous de signature de l'acte authentique du 1er décembre 2017.
Il s'en déduit qu'elle a tenté par tous les moyens, y compris mensongers, d'obtenir la régularisation de l'acte et elle ne justifie pas qu'elle se serait prévalue de la caducité de la promesse de vente si elle avait été avertie en temps utile par le notaire de l'absence de versement par l'acquéreur du dépôt de garanti dans le délai imparti.
La Sci Mendaron ne justifie donc d'aucune perte de chance et le jugement est confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre du notaire.
Sur le caractère abusif de la procédure
Le tribunal a jugé, pour débouter la société Partenaires et M. Galinier de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive que n'était pas caractérisée une faute de la Sci Mendaron faisant dégénérer son droit d'agir en abus.
M. Galinier fait valoir que la Sci Mendaron, au lieu de se renseigner sur la réalité du dépôt de l'indemnité d'immobilisation, a de son propre fait accepté les reports successifs de la date de réalisation des conditions suspensives et qu'elle a sciemment dissimulé l'existence d'un arrêté d'interdiction d'exploiter l'hôtel ainsi que l'adjonction d'une construction illégale.
La Sarl Partenaires ajoute que c'est par une obstination coupable que la Sci Mendaron a entrepris de poursuivre en appel une action manifestement hasardeuse.
La Sci Mendaron ne conclut pas sur ce point.
M. Galinier ne peut alléguer du caractère abusif de la procédure intentée à son égard alors qu'une faute de sa part a été retenue tant par le tribunal que par la cour d'appel.
La Sci Mendaron a pu se méprendre sur son droit d'agir à l'encontre de la société Partenaires et le caractère abusif de son action n'est pas démontré.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté les intimés de leurs demandes de dommages et intérêts à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.
Les dépens d'appel doivent incomber à la Sci Mendaron, partie perdante, laquelle est également condamnée à payer à la société Partenaires la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas fait droit à la demande à ce titre de M. Galinier dont la faute a été retenue.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Condamne la Sci Mendaron aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la Scp Kuhn,
Condamne la Sci Mendaron à payer à la Sarl Partenaires la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. Edouard Galinier de sa demande sur le même fondement.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,