RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 30 Janvier 2023
(n° , pages)
N°de répertoire général : N° RG 20/08040 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5XR
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Mme Nora BENDERRADJ, Greffière, lors des débats et de Mme LEPAGE Camille, greffière lors de la mise à disposition, avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 26 mai 2020 par :
Mme [J] [G]
née le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2] ;
non comparante, représentée par Me Stéphanie SECQ, avocate au barreau du VAL DE MARNE, toque : 432
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 12 Décembre 2022 ;
Entendus :
Me Stéphanie SECQ, avocate au barreau du VAL-DE-MARNE représentant Mme [J] [G],
Me Claire FORNACCIARI, avocate au barreau de PARIS, toque : P0141 substituant Me Xavier NORMAND-BODARD - SCP NORMAND & ASSOCIES représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat,
Madame Anne BOUCHET, Substitute générale
Les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
Mme [J] [G], de nationalité française, a été mise en examen des chefs d'importation non déclarée de marchandise prohibée en bande organisée, détention de marchandise réputée importée en contrebande et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un délit puni de dix ans d'emprisonnement.
Elle a été placée en détention provisoire à la maison d'arrêt de [Localité 4] du 5 février 2016 au 16 mars 2016.
Par jugement du 26 mai 2017, elle a été relaxée. Cette décision a été confirmée par un arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d'appel de Paris devenu définitif en suite de l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 4 novembre 2019 prenant acte du désistement du pourvoi formé à son encontre.
Le 26 mai 2020, Mme [G] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisée de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.
Elle sollicite aux termes de celle-ci et de ses dernières conclusions, déposées le 19 octobre 2022, soutenues oralement, les sommes suivantes :
- 4 100 euros au titre de son préjudice moral,
- 7 560 euros en réparation du préjudice lié à ses frais de défense,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par écritures déposées le 13 juillet 2022, reprises à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de ramener les demandes à de plus justes proportions qui ne sauraient excéder les sommes de 600 euros au titre du préjudice matériel et 3 500 euros au titre du préjudice moral ainsi que celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Le procureur général, dans ses conclusions du 24 octobre 2022, développées oralement, conclut à la recevabilité de la requête pour une détention d'une durée de un mois et onze jours, à la réparation du préjudice moral proportionnée à la durée de la détention subie, aux circonstances familiales et personnelles, s'agissant d'une première incarcération et à la réparation du préjudice matériel, prenant en considération les factures d'honoraires détaillant les prestations en lien exclusif avec le contentieux.
La requérante a eu la parole en dernier.
SUR CE,
Sur la recevabilité
Les parties s'accordent sur la recevabilité de la requête.
Au regard des dispositions des articles 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.
A cette fin, il lui appartient de saisir, dans les six mois de cette décision, le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel.
Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.
Mme [G] a présenté sa requête aux fins d'indemnisation, signée par son avocat, le 26 mai 2020, soit dans un délai supérieur à six mois suivant le jour où la décision est devenue définitive. Cependant ce délai n'a pas couru, puisqu'elle n'a pas été informée de son droit à indemnisation, de sorte que la requête est recevable.
Mme [G] a été incarcérée du 5 févier 2016 au 16 mars 2016, la durée de la détention indemnisable est de un mois et onze jours.
Sur l'indemnisation
- Le préjudice moral
Pour solliciter une indemnisation de 100 euros par jour de détention, Mme [G] soutient qu'il s'agissait d'une première incarcération, qu'elle n'a pas vu sa fille âgée de 16 ans durant cette période, que le quotidien de sa fille s'en est trouvé bouleversé et qu'elle a été contrainte de fermer la société qu'elle avait créée avec son autre fille et son gendre et de licencier tout le personnel.
L'agent judiciaire de l'Etat estime que cette demande fondée en son principe est excessive en son montant soulignant qu'il ne peut être retenu le caractère bien ou mal fondé de la décision de placement en détention provisoire, qu'ils'agissait d'une première incarcération qui a empêché Mme [G] de voir sa famille et ses enfants mais qu'il ne peut pas être tenu compte de la fermeture de la société en l'absence de justificatif.
Le ministère public fait valoir qu'il convient de tenir compte uniquement de l'absence de précédente incarcération et de la séparation familiale.
Agée de 51 ans et mère de deux enfants, dont l'une âgée de 16 ans avait sa résidence fixée à son domicile, Mme [G] a subi un choc psychologique certain d'autant plus qu'en l'absence de toute condamnation antérieure, il s'agissait d'une première incarcération.
Faute de tout justificatif, il ne saurait être tenu compte de la liquidation judiciaire de la SARL [5] intervenue le 23 mars 2016 dès lors que l'extrait Kbis produit montre qu'elle était dirigée par M. [C] [X] et que la date de cessation des paiements a été fixée dans le jugement de liquidation judiciaire au 25 septembre 2014, ce qui démontre que les difficultés de celle-ci étaient bien antérieures à la détention de Mme [G], quelqu'ait été son rôle dans cette société.
Le préjudice moral de celle-ci sera indemnisé par l'allocation d'une somme de 4 000 euros.
- Le préjudice matériel
Mme [G] demande le remboursement de ses frais de défense, soit quatre factures, précisant que la note d'honoraires du 1er avril concerne une demande de mise en liberté et qu'il est communiqué un permis de visite pour une visite en détention effectuée le 18 février 2016.
L'agent judiciaire de l'Etat et le ministère public font valoir que seule la facture du 1er avril 2016 qui en lien exclusif avec la détention peut être indemnisée, les autres ne procédant à aucune ventilation entre les différentes diligences effectuées.
S'agissant des honoraires d'avocat, seule la part des frais dont il est prouvé qu'ils sont en rapport direct avec la détention peut donner lieu à réparation.
La requérante produit quatre factures d'honoraires.
Il n'est pas contesté que celle du 1er avril 2016, d'un montant de 600 euros TTC, qui concerne une demande de mise en liberté peut donner lieu à réparation.
En revanche, celles du 6 décembre 2016, relative à la procédure d'instruction, du 6 décembre 2016 qui porte mention de diligences sans lien avec la détention sans préciser le taux horaire qui aurait pu être appliqué à la demande de mise en liberté du 4 mars 2016, et celle du 20 avril 2017, relative à la procédure devant la cour d'appel de Paris du 16 avril 2019, ne peuvent donner lieu à réparation faute d'être en lien direct exclusif avec la détention provisoire.
Le préjudice matériel sera par conséquent indemnisé à hauteur de 600 euros.
PAR CES MOTIFS,
Déclarons la requête de Mme [J] [G] recevable ;
Allouons à Mme [J] [G] les sommes suivantes :
- 4 000 euros au titre du préjudice moral ;
- 600 euros HT au titre du préjudice matériel ;
- 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Laissons des dépens à la charge de l'Etat.
Décision rendue le 30 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ