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27/01/2023 | FRANCE | N°21/07529

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 27 janvier 2023, 21/07529


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 27 Janvier 2023



(n° , 5 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/07529 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEIEA



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2021 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 20/02700



APPELANT

Monsieur [B] [D] [Z] [G]

Chez Madame [R] [Z] [G]

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représenté par Me Michel BAUCOMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : M2088



INTIMEE

LA VILLE DE [Localité 5] - DIRECTION DE L'ACTION SOCIALE, DE L'ENFANCE ET DE LA SANTE

[Adresse 3]

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 27 Janvier 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/07529 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEIEA

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2021 par le Pole social du TJ de PARIS RG n° 20/02700

APPELANT

Monsieur [B] [D] [Z] [G]

Chez Madame [R] [Z] [G]

[Adresse 4],

[Localité 1] - ESPAGNE

représenté par Me Michel BAUCOMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : M2088

INTIMEE

LA VILLE DE [Localité 5] - DIRECTION DE L'ACTION SOCIALE, DE L'ENFANCE ET DE LA SANTE

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Mme [P] [W] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre

M Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 16 décembre 2022, prorogé au 27 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par M. [B] [D] [Z] [G] d'un jugement rendu le 14 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, dans un litige l'opposant à la Ville de [Localité 5].

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que le 10 décembre 2019, la collectivité territoriale de la Ville de [Localité 5] a décidé de récupérer contre la succession de M. [O] [D] [D] [C] les sommes qu'elle avait avancées dans le cadre de la prise en charge par l'aide sociale de ses frais d'hébergement en unité de soins de longue durée et de reste à charge de la aide personnalisée d'autonomie ; M. [B] [D] [Z] [G], fils et unique héritier de M. [O] [D] [D] [C], a sollicité en vain l'annulation de cette décision auprès de la direction de l'action sociale de l'enfance et de la santé puis il a porté le litige devant le tribunal judiciaire de Paris, lequel par jugement du 14 mai 2021 a :

- déclaré M. [D] [Z] [G] mal fondé en son action et l'en a débouté,

- débouté M. [D] [Z] [G] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [D] [Z] [G] aux dépens.

Le jugement lui ayant été notifié à une date qui n'apparaît pas dans le dossier de la cour, M. [D] [Z] [G] en a interjeté appel le 29 juillet 2021.

Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, M. [D] [Z] [G] demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en sa demande,

- annuler en tous points le jugement entrepris en tant qu'il a rejeté l'ensemble de ses demandes,

- annuler le refus de dégrèvement sollicité et le dispenser de tout paiement,

Subsidiairement,

- cantonner la créance alimentaire alléguée au tiers de sa valeur,

- enjoindre à la Maire de [Localité 5] d'établir un compte régulier pour la détermination des frais d'hébergement qui seraient véritablement dus,

- condamner la Maire de [Localité 5] au paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans des écritures reprises oralement à l'audience par sa représentante, la Ville de [Localité 5] demande à la cour de :

- rejeter la requête présentée par M. [D] [Z] [G],

- maintenir son recours à concurrence de la somme de 43 500 euros,

- rejeter la demande de paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] [Z] [G] aux dépens.

En application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 25 octobre 2022 pour l'exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.

SUR CE, LA COUR

L'article L.132-8 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version applicable au litige, dispose que :

« Des recours sont exercés, selon le cas, par l'Etat ou le département :

1° Contre le bénéficiaire revenu à meilleure fortune ou contre la succession du bénéficiaire ;

2° Contre le donataire, lorsque la donation est intervenue postérieurement à la demande d'aide sociale ou dans les dix ans qui ont précédé cette demande ;

3° Contre le légataire. (...) »

Pour contester la demande en paiement qui lui est faite, l'appelant sollicite les dispositions de l'article L.132-6 du code de l'action sociale et des familles qui disposent : « Les personnes tenues à l'obligation alimentaire instituée par les articles 205 et suivants du code civil, sont tenues à l'occasion de toute demande d'aide sociale, invitées à indiquer l'aide qu'elles peuvent apporter aux postulants et à apporter, le cas échéant, la preuve de leur impossibilité de couvrir la totalité des frais....La proportion de l'aide consentie par les collectivités publiques est fixée en tenant compte du montant de la participation éventuelle des personnes restant tenues à l'obligation alimentaire. » en soutenant que le fait que la collectivité territoriale ne l'a pas sollicité en qualité d'obligé alimentaire au moment de l'octroi de l'aide sociale rend irrégulière cette décision, et partant l'action en recouvrement dirigée à l'encontre de la succession. Mais si les dispositions de l'article précitée prévoient que les obligés alimentaires sont tenus d'indiquer l'aide qu'ils peuvent apporter au bénéficiaire, elles indiquent que les obligés alimentaires sont « invités » par la collectivité territoriale à indiquer leur possibilité de participation à ce financement. Il ne ressort de cette rédaction aucune obligation de la part de cette collectivité de solliciter les obligés alimentaires et à fortiori d'effectuer des recherches pour les retrouver, contrairement à ce que soutient l'appelant. L'intimée rappelle à cet égard que la commission centrale d'aide sociale a jugé que : « la circonstance, que l'administration n'aurait pas recherché lors de l'admission à l'aide sociale, si les obligés alimentaires (...) étaient en mesure de contribuer à la prise en charge de ses frais de séjour n'est pas de nature à faire obstacle au droit qu'elle tire des dispositions précitées de récupérer sa créance sur la succession de l'intéressé. ». Si l'appelant dénie toute portée à cette décision de jurisprudence en soulignant qu'il s'agit d'une décision rendue « que » par la Commission centrale d'aide sociale, la cour rappelle que ladite commission était l'instance administrative en charge de l'examen des recours contre les décisions des collectivités territoriales en matière d'aide sociale jusqu'à ce que ce contentieux soit transféré aux juridictions judiciaires et qu'il est donc parfaitement justifié de se prévaloir de ses décisions, en les qualifiant jurisprudence, pour éclairer l'interprétation des textes en cause.

Dès lors, le fait que l'appelant n'a pas été invité par la collectivité territoriale à indiquer l'aide qu'il était susceptible d'apporter à son père au moment de l'examen de la demande d'aide sociale est sans emport sur la validité de l'action en récupération sur la succession.

L'appelant soutient que la créance dont le montant est réclamé à la succession est une créance alimentaire, qui aurait été du être fixée en présence des obligés alimentaires. Mais cette allégation se heurte au constat selon lequel la dette réclamée n'est pas une créance alimentaire mais une dette sociale. Le fait que le successeur éventuel du bénéficiaire n'a pas été informé de la possibilité d'une action à son encontre est sans emport sur la régularité de l'action de la collectivité territoriale (CE 25 avr. 2001, Garofalo, n°214252).

Dès lors, l'ensemble des arguments de l'appelant qui affirment que la collectivité territoriale aurait commis un abus de procédure, voir une faute intentionnelle en ne se rapprochant pas de lui au moment de l'attribution de l'aide sociale dans le but de pourvoir récupérer la créance de ce chef sur le patrimoine immobilier du bénéficiaire n'a pas lieu d'être examinée de façon plus approfondie par la cour. Ce constat conduit également à écarter en raison de son inopérance le moyen soutenant que les fautes ou les manquements de la collectivité territoriale auraient pour conséquence un cantonnement de la créance réclamée à la succession.

L'appelant se prévaut d'un droit à exonération en invoquant les dispositions de l'article L.334-5 du code de l'action sociale et des familles qui dispose :

« Les frais d'hébergement et d'entretien des personnes handicapées accueillies, quel que soit leur âge, dans les établissements mentionnés au b du 5o et au 7o du I de l'article L. 312-1, à l'exception de celles accueillies dans les établissements relevant de l'article L. 344-1, sont à la charge:

1°A titre principal, de l'intéressé lui-même sans toutefois que la contribution qui lui est réclamée puisse faire descendre ses ressources au-dessous d'un minimum fixé par décret et par référence à l'allocation aux handicapés adultes, différent selon qu'il travaille ou non. Ce minimum ne tient pas compte des primes liées aux performances versées par l'État aux sportifs de l'équipe de France médaillés aux jeux paralympiques. Ce minimum est majoré, le cas échéant, du montant des rentes viagères mentionnées à l'article 199 septies du code général des impôts ainsi que des intérêts capitalisés produits par les fonds placés sur les contrats visés au 2o du I de l'article 199 septies du même code ainsi que du montant de la prime mentionnée à l'article L. 841-1 du code de la sécurité sociale

2°Et, pour le surplus éventuel, de l'aide sociale sans qu'il soit tenu compte de la participation pouvant être demandée aux personnes tenues à l'obligation alimentaire à l'égard de l'intéressé, et sans qu'il y ait lieu à l'application des dispositions relatives au recours en récupération des prestations d'aide sociale lorsque les héritiers du bénéficiaire décédé sont son conjoint, ses enfants , ses parents» ou la personne qui a assumé, de façon effective et constante, la charge du handicapé, ni sur le légataire, ni sur le donataire ou le bénéficiaire d'un contrat d'assurance vie. Les sommes versées, au titre de l'aide sociale dans ce cadre, ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. »

Il ressort de ce texte que la première de ses conditions d'application est que la personne bénéficiaire de l'aide sociale soit reconnue comme une personne handicapée au sens des dispositions dudit code. Or, l'appelant ne produit aucune pièce susceptible d'établir qu'un tel statut avait été reconnu à M. [O] [D] [C] au moment de son admission à l'aide sociale ou avant l'âge de 65 ans, condition réglementaire pour bénéficier de l'exonération qu'il réclame. Ce moyen de droit est donc inopérant.

S'agissant du montant de la créance, l'intimé soutient que la collectivité territoriale a mis à sa charge une partie du montant de l'aide personnalisé d'autonomie (APA), alors que le remboursement de cette aide ne peut être réclamé aux ayants-droits dans le cadre d'un recours sur succession.

L'intimée indique que l'octroi de l'APA s'accompagne d'un reste à charge, devant être en principe versé par le bénéficiaire, qui, au cas présent, ne pouvait le payer puisque l'octroi de l'aide sociale pour la prise en charge des frais d'hébergement avait pour conséquence que 90% de ses revenus étaient reversés à la collectivité territoriale, que cette dernière a donc payé ce reste à charge pour le compte du bénéficiaire et qu'aux termes de l'article L.232-11 du code de l'action sociale et des familles, elle est fondée à en obtenir le remboursement dans le cadre du recours à l'encontre de la succession. S'agissant du montant de ce reste à charge, la cour constate que le montant du GIR5/6 réclamé par l'intimée est de 6,57 euros alors que GIR 2 dont se prévaut l'appelant, dans un passage de ses écritures difficilement compréhensible est de 26,40 euros, soit un montant restant à sa charge plus important. Suivre l'appelant dans son argumentation aurait donc pour effet de statuer au-delà de ce qui est demandé par la collectivité territoriale.

Sur le montant des frais de séjour proprement dit, l'intimée produit l'arrêté du 29 décembre 2014 donc il ressort que le prix de journées a été effectivement porté à la somme de 83,50 euros à compter du 1er janvier 2005.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les arguments de l'appelant pour contester le montant des sommes qui sont réclamées à la succession sont infondés.

Enfin, l'appelant fait valoir qu'il est handicapé, qu'il vit à la charge de sa mère et qu'il ne perçoit qu'une allocation mensuelle d'un montant de 395, 60 euros, ce qui le conduit à demander que la créance réclamée soit cantonnée au tiers de sa valeur.

L'intimée fait justement valoir qu'elle a déjà cantonné sa créance à 43 500 euros au lieu de la somme de 48 975, 24 euros, qui correspond au montant réel de sa créance. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de cantonnement de la créance formée par l'appelant.

La décision du premier juge doit être confirmée.

2. Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. [B] [D] [Z] [G], succombant en cette instance, devra en supporter les dépens et sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Paris du 14 mai 2021,

Y ajoutant,

MAINTIENT à hauteur de 43 500 euros le recours de la Ville de [Localité 5] exercé contre la succession de M. [O] [D] [C], né le 11 décembre 1930 à [Localité 6] (Espagne) et décédé le 26 octobre 2015 à [Localité 5] (France),

CONDAMNE M. [B] [D] [Z] [G] aux dépens et le déboute de sa demande au titre des frais irrépétibles.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 21/07529
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;21.07529 ?
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